15410 articles - 12266 brèves

La Vie en prison... vue de "dedans" - Paul Denis

(2006) Blog 10 Cellule pour 2 en Maison d’Arrêt

Mise en ligne : 5 octobre 2006

Texte de l'article :

Cellule pour 2 en Maison d’Arrêt

1019 Jours de détention... en Maison d’Arrêt
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie
...
Ce que tu me racontes m’intéresse bien, et me permet de vivre un peu avec toi, ou pour le moins, de t’imaginer, tout au long de tes journées, dans ce cadre maudit.
De dehors, on n’imagine pas toute cette organisation, mais il est vrai qu’il faut bien que cela soit organisé et réglementé si on ne veut pas que ce soit la pagaille.
J’ai cru comprendre que ton service était apprécié de tes co-détenus, ce doit être une satisfaction pour toi, de te savoir « utile ».
J’ai ouï-dire que tu avais maintenant une cellule où tu es seul. Cela te convient-il ? Il faut que tu me racontes ta nouvelle installation.

Cellule pour 2 :

En quittant le quartier « Jeunes adultes » (JA), j’ai rejoint le lieu de séjour de la majorité des détenus et j’ai pris possession d’une cellule comme celle de tout le monde... la seule différence, c’est que j’y suis « seul » et qu’en général, ils sont deux...
Pour poursuivre (compléter) ma chronique de la vie de tous les jours, je vais te décrire cet univers restreint : ma cellule.

Elle fait 2,20 x 4m : donc un petit 9 m². On y entre par une porte de 2 m x 0,60, munie d’une serrure extérieure du type « chambre forte » : deux pênes cylindriques, manœuvrés par une clef (un passe) qui fait un bruit caractéristique (dont nous reparlerons une autre fois), pas de poignée, et munie d’un œilleton qui permet, en théorie, de regarder dans la cellule, sans déranger, la lumière (plafonnier) peut être actionnée de l’extérieur.
En rentrant, si on commence la visite par la droite, on tombe sur le coin « hygiène », avec WC et un lavabo (eau froide) de 1 m x 1,50. L’eau s’actionne avec un bouton poussoir, pour des raisons qu’on imagine, et qui évitent que le robinet coule tout le temps... Le WC n’a pas de chasse d’eau, mais un bouton-poussoir (efficace). Un détail surprenant : par économie, je pense, il n’y a qu’un siphon pour deux cellules : résultat, il est très facile de communiquer avec les occupants de la cellule voisine, par le lavabo... Inconvénient : certains utilisent le lavabo comme caisse de résonance et mettent leur combi-CD-Radio sur le lavabo ==+ musique boum-boum amplifiée et donc pénible. Il est vrai que je l’ai fait remarquer, et cela cessa.

Reprenons la description : L’espace « toilettes » est carrelé, sol et murs. Depuis très peu de temps, l’espace toilettes-lavabo est fermé par une cloison en panneaux et une porte (qu’on ne peut pas ouvrir à 90° - et qui bute sur le lavabo... !).
A noter qu’on nous donne comme matériel d’entretien : pelle, balayette, serpillière, balai-brosse WC, pas de poubelle (débrouille-toi), chaque mois, on nous distribue des doses de 250 ml : produit de vaisselle + lessive liquide + produit nettoyage (type Cif) + éponge grattante + eau de Javel + 1 savon + produit de lavage sol.
Dans le prolongement de l’espace hygiène, un petit espace de 0,50 m. J’y ai mis ma réserve de produits (précédemment cités) + 1 carton pour le linge sale + en hauteur, un sèche-linge (type balcon ou radiateur - 4 barres) sur lequel je mets ma serviette de bains + torchon de vaisselle et mon linge + pantalon (spécial promenade = que je mets uniquement en promenade, car mine de rien, à marcher pendant 1 heure, je prends une suée, aussi, je me suis fait deux tenues : une de travail et une de promenade).
On arrive au lit qui doit faire 1,90 x 0,80. Il s’agit d’un lit métallique superposé avec matelas en mousse, au demeurant assez confortable + un oreiller, en mousse également. J’utilise le lit de dessus, comme lieu de stockage de la couverture qui m’est inutile en cette saison, de certains papiers, courriers, rangés par pile, etc... bref c’est un peu le bazar organisé. En fait, le lit du dessus ne me gêne pas, bien au contraire, car en plus, il me masque le globe de la lumière, ainsi je peux regarder la TV, en laissant la lumière allumée, sans être gêné par elle. Le lit s’appuie au mur extérieur.

A son côté, la fenêtre qui est grande 1 m x 1,50, divisée en 9 parties vitrées dont la moitié coulissante, donc équipée de 8 barreaux non visibles (en tant que tels), car le tout est habillé dans un châssis alu. En fait, le lit + 0,30 + la fenêtre = la largeur de la cellule.
Au pied de la fenêtre, j’ai mis ma table de 60 x 75 avec 2 casiers. Sur ma table, j’ai mis mon système de chauffage de l’eau pour le café + un présentoir « maison » qui me permet d’avoir, sous la main : 1 mini-poubelle + 1 boîte de Cicona (pour le café du matin) + 1 bocal de Maxwell (c’est ce que je bois dans la journée et le soir) + 1 bouteille de vinaigrette (légère) + 1 boîte de sel (de mer) + 1 petit espace où je mets mon courrier en attente d’une réponse + 1 mini-présentoir (que je me suis fait, avec des étuis de tubes) avec tubes de mayonnaise + concentré de tomates + moutarde. C’est sur ce présentoir que j’ai collé les photos « de Noël » que vous m’avez envoyées + au-dessus, un pot à crayons + la multiprise + petites bricoles. Sur le côté de l’armoire (côté gauche de la table), j’ai affiché, un calendrier et les cartes postales que j’ai reçues. Bref, c’est mon petit coin à moi, décoration perso, qui m’est toute personnelle et qui est à l’abri des regards indiscrets (de l’entrée, l’armoire masque ma table).
Puis, une armoire de 60 x 60, hauteur utile 1,60, puis le frigo 60 x 60 et au-dessus, fixé au mur, le support TV + TV (41 € par mois), incliné légèrement, pour permettre une bonne vision lorsqu’on est couché sur le lit (je me suis acheté une télécommande). En fait, quand je lis, je lis également couché, mi-assis, avec un coussin (bricolé) dans le dos, à contre-jour, par rapport au plafonnier... je n’ai pas le choix.

A cela, s’ajoutent deux chaises.
Une utilisée comme chaise (et la nuit, comme table de nuit), une qui est utilisée comme valet de chambre (la nuit) et de desserte (près de la porte) le reste de la journée, car même si je ne suis pas là, ma porte est ouverte un certain nombre de fois pour m’apporter quelque chose (pain - 1 baguette par jour), produits de cantine, courrier, etc...) ou pour l’échange (draps et serviette de toilette).
Le sol est en dalflex de 30 x 30. Au niveau énergie, chauffage par le sol (pas terrible, on m’a déjà prévenu) et un bloc électrique (près de la porte d’entrée - à gauche), comprenant la seule prise de courant de la pièce + l’interrupteur + 1 interphone (qui ne marche pas). La hauteur de la cellule doit être de 2,50 m. Elle est peinte en bleu très clair. Le tout est propre et sans odeur, ce qui n’est pas le cas de toutes les cellules de la maison, crois-moi...
Ceci est donc la cellule de base (le frigo est facultatif et se loue ... 9,15 €/mois).
Une précision très importante à te donner : cet espace est prévu pour deux détenus et pour des détenus qui restent au pire 24 h/24 ensemble, au mieux 18h/24, s’ils participent au maximum d’activités, soit 3 h le matin, et 3 h l’après-midi. Tout ce qui est cité, est pour 2 : 1 table, 1 armoire, coin hygiène...
Tu peux imaginer l’intimité lorsqu’il n’y avait pas de cloison...
Tu peux imaginer les sources de conflit possible, dans un tel espace « réduit ».
Mais tel n’est pas mon cas, puisque ma qualité de bibliothécaire-écrivain me donne le « privilège » d’être seul.
Ce n’est pas un luxe, certains jours, je suis content de me retrouver au calme...

A suivre sur le blog

Le bouquin de Paul Denis n’a pas encore trouvé d’éditeur.
Vous pouvez l’acquérir en envoyant un chèque de 17 € (frais d’envoi compris) à TOP SERVICES, 31 rue des Allemands à 57000 METZ. Pour 13 €, je peux vous l’envoyer par e-mail (150 pages A4).