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(2005) AFC Pierre V. Tournier : spécialiste de la récidive

Mise en ligne : 3 novembre 2006

Forum du 09/11/2005 avec Pierre V. Tournier
(directeur de recherches au CNRS et président de l’AFC (Association française de criminologie), spécialiste de la récidive)

Texte de l'article :

question de : jean-michel
> Vous êtes spécialiste de la récidive en criminologie, mon père était ancien officier pendant la guerre d’Algérie. Quand je me suis retrouvé seul avec lui à l’âge de 12 ans,
il ma forcé d’aller chez un dentiste. Je n’avais rien. Le dentiste m’a volontairement édenté de 20 dents pour me faire 16 amalgames et 4 couronnes. Donc il m’a édenté et personne, ni voisin, ni professeur d’école, etc. n’a rien fait pour m’aider.
Aujourd’hui, mon père est décédé et je continue à 38 ans à payer des soins dentaires.
 Réponse > Nous devons construire ensemble une société solidaire où aucune victime ne serait laissée seule face à la violence qui lui est faite, et ce dans le respect des règles de la République.
Bien cordialement 
 
question de : rafif
> Existerait-il encore des prisons si notre siècle réussit à abolir toutes les dictatures et les tyrannies ? 

 Réponse > Je m’inscris dans une perspective dite" "réductionniste", c’est à dire que je cherche à réduire la place de la prison dans le système pénal. Il y a nombre de façons de le faire. Encore faut-il en avoir la volonté politique. Il suffirait d’appliquer les recommandations du Conseil de l’Europe en la matière.
De 1996 à 2001, la population des détenus, en France, a diminué année après année. Nous étions dans la bonne direction. Vous connaissez la suite...
L’abolition de la prison est une "utopie". Cela veut dire que c’est une nécessité (de civilisation), mais je n’en connais pas l’agenda.
 
 question de : Internaute
> Bonjour,
Pourquoi les prétendus "droits-de-l’hommistes" s’intéressent-ils aux prisons et au sort des hors-la-loi, mais excluent de leurs préoccupations les centaines de milliers de vieux travailleurs et travailleuses retraités(es) , maltraités(es) en France suivis de nombreux morts chaque année (15.000 en 2003). Ces victimes sont insultées, humiliées, subissent des agressions diverses, actes de torture, de barbarie, etc... Tout cela se passe dans la rue, à domicile, en institution, dans nos mouroirs démocratiques. Ces vieillards honnêtes et également des handicapés , eux, n’ont pas d’associations libres et indépendantes pour les aider.
Jean Rapin Marseille - Militant anti-âgisme

 Réponse > J’ai été président de l’Association française de criminologie (AFC) pendant six ans et j’en suis toujours administrateur. Cette association regroupe toutes sortes de gens et d’organisations : des professionnels naturellement (chercheurs, magistrats, directeurs de prison, policiers etc.) , mais aussi des anciens détenus et des personnes encore incarcérées, parfois pour des faits très graves et évidemment des citoyens qui ont été victimes de tel ou tel acte. Nous avons aussi des relations avec telle ou telle association de défense des victimes comme l’APEV (association d’aide aux parents d’enfants victimes). j’ai le plus grand respect pour cette association et pour son président dont l’enfant a été assassiné. Acte barbare inacceptable ! Insupportable !
Ensemble nous essayons de construire des réponses efficaces à la violence, dans le respect des droits de l’homme. Oui, dans le respect des droits de l’homme car ces droits sont le fondement de notre civilisation.
Ne répondons pas aux actes barbares par la barbarie d’Etat. Je sais, c’est très, très difficile. Cela s’appelle la civilisation.
 
question de : Internaute
> Ne croyez-vous pas qu’en améliorant la prison, on en fera un lieu commun et qui ne fera plus peur, donc plus de limites .... Les personnes qui sont incarcérées doivent être traitées avec le respect de leur dignité humaine certes, mais ne faisons de la prison "l’hôtel" de la délinquance... La réinsertion, la prise en charge psychologique la sécurité des personnes font partis des objectifs de la pénitentiaire, mais en a t elle vraiment les moyens ? Ne pensez-vous pas qu’une des solutions serait de réduire la taille des établissements, pour une prise en charge individuelle de la personne détenue ? Construire, aménager et créer de nouveaux établissements mieux adaptés aux différents profils pénaux : ne serait-ce pas là aussi une solution ? Pourquoi l’administration centrale pénitentiaire n’a t elle pas l’initiative ? 

 Réponse > Quand on connaît, de près, la situation des prisons françaises (c’est mon cas, car c’est mon métier), il est absurde de parler d’hôtel.
Je vous assure, la réalité est toute autre. Nombre de rapports élaborés par des instances indépendantes du ministère de la Justice l’ont amplement démontré. "Prisons = honte de la République", ont pu dire nos parlementaires de toutes couleurs politiques en 2000. Et les choses ne se sont pas améliorées.
L’important est de répartir autrement les moyens dont dispose l’Administration pénitentiaire, et ce en faveur du "milieu ouvert" (libération conditionnelle, semi-liberté, TIG, etc). Et ne construisons plus de nouvelles prisons. C’est la position officielle du Conseil de l’Europe depuis des années (l’Europe des 46 Etats membres !).
 
 question de : nrj
> La prison avec ou sans barreau ? 

 Réponse > Ce n’est pas un problème de barreau !
Il ne me parait pas possible, aujourd’hui, de se passer d’un lieu "d’exclusion temporaire", en particulier pour des personnes qui commettent des faits de violence d’une certaine gravité. Par exemple mettre le feu dans un lieu où se trouvent des personnes ! Cela me parait une évidence.
Mais :
1/ Il faut que ce lieu soit un espace de droit (donc contrôlé par une instance extérieure et indépendante).
2/ Il faut que la durée du temps passé soit compatible avec l’objectif de réintégration, à terme dans la société. Donc pas de peine perpétuelle !
3/ Il faut que le recours à la détention soit évitée chaque fois que cela est possible grâce à une prise en charge efficace en milieu ouvert.
Il faut encore beaucoup d’autres choses...
 
question de : Internaute 
> Existe-t-il encore des peines aussi dures que la peine de mort en France ? [Léo Leriche, 6 ans]
Note du papa : Que doit-on modifier pour qu’une peine n’ait aucun caractère d’exclusion définitive ? 

 Réponse > Pour moi, la peine de mort n’est pas une peine, mais un acte barbare d’Etat. Son abolition en France et en Europe a été un grand progrès de civilisation. Il faut défendre cet acquis car près d’un tiers de nos concitoyens n’en sont pas convaincu.
La peine à perpétuité devrait à son tour être abolie en Europe, mais ce n’est pas simple. Il y a aujourd’hui dans les prisons françaises des personnes qui sont incarcérées depuis plus de 30 ans. Ce n’est pas acceptable.
Je propose une peine maximale de 30 ans, avec une libération conditionnelle possible au bout de 15 ans et, au pire, automatique au bout de 20 ans. Ce qui implique aussi la suppression des périodes de sûreté à la française.
Dans le pire des cas, la personne serait donc condamnée à 30 ans, exécuterait au maximum 20 ans en prison (ce qui est déjà énorme) et serait suivie pendant 10 ans en libération conditionnelle avec des procédures plus ou moins contraignantes.
D’autres formes de libérations anticipées partielles pourraient intervenir avant 20 ans, si c’est possible (permissions de sortir, semi-liberté...).
 
 question de : Internaute
> La situation du surpeuplement des prisons est-elle une situation disposant d’une base légale ? Qu’est-ce qui autorise, juridiquement parlant, le ministère à prendre des décisions administratives contribuant à cette situation ? Existe-t-il des voies de recours administratifs, et celles-ci ne seraient-elles pas plus efficaces que d’autres argumentaires ?

 Réponse > Il y a des voies de recours qui sont actuellement explorées par certains avocats (avec interventions d’experts géomètres).
On peut considérer que certaines situations sont, de toute évidence, contraires à la convention européenne des droits de l’homme (traitement dégradant).
Il faut agir à tous les niveaux. Mais une bonne part de "la" solution ne peut venir que du politique, donc de nous. Un état moderne a les prisons qu’il veut bien avoir.
C’est donc de notre responsabilité, pleine et entière.
 
question de : Internaute
> Bravo, voilà un discours et des solutions qui vont à contre courant de ce qu’on entend tout le temps, mais n’est ce pas totalement inutile quand on peut lire que rien ne change, comme l’affirme Véronique Vasseur ? 

 Réponse > De nombreuses organisations portent ces solutions.
En particulier le Club "DES Maintenant en Europe" que j’anime.
Des solutions à la fois radicales mais réalistes car construites :
1/ sur la base de travaux scientifiques
2/ sur une vision européenne de ces questions
3/ avec la participation de tous les acteurs et les personnes très directement concernées à un titre ou à un autre.
J’apprends beaucoup en parlant avec un ancien détenu qui a passé 10 ans en prison, et en militant avec lui, au long cours.
J’apprends aussi beaucoup d’une femme qui a été violée étant enfant et en militant avec elle, au long cours.
Démago ? Pas sûr...
 
question de : Internaute 
> Pourquoi défendre l’idée de moins de gens en prison quand on voit tous ces jeunes qui cassent et n’y vont pas ? D’accord pour plus de respect des prisonniers et pour leur apprendre le respect mais faut-il vraiment plus de délinquants en liberté, même surveillée, quand en prison, au moins, ils ne menacent pas les autres.
Gérard (73) 

 Réponse > Des délits et des crimes sont commis dans les prisons. Les détenus en savent quelque chose car leur sécurité n’est pas assurée. Et c’est inadmissible car c’est en notre nom (au nom du peuple français) qu’ils sont incarcérés.
Les surveillants aussi en savent quelque chose dont certains, dans certains cas, vont au travail la peur au ventre. Ce sont des fonctionnaires d’Etat, comme moi (chercheur au CNRS), des collègues qui méritent respect et sécurité.
Il faut de toute évidence trouver des réponses adaptées à chaque type de délinquance, voire à chaque auteur d’infractions pénales.
Dans certains cas la prison ne peut être évitée, vous avez raison. Mais quelle prison ? Par ailleurs les efforts faits pour développer d’autres solutions (à efficacité au moins égale) sont très insuffisants dans notre pays.
 
 question de : Internaute
> La prison fait peur aux voyous ! Comment un spécialiste du crime peut-il souhaiter les imaginer ailleurs ? Pourquoi ne pas leur faire rénover leurs cellules ? 
 Réponse > Je ne sais pas trop ce qu’est un "voyou". Je ne suis pas juriste, mais je préfère utiliser les termes de l’Etat de droit.
Vous parlez "d’auteurs d’infractions pénales", plus ou moins graves, cela va du crime (viol, meurtre, acte de barbarie, incendie volontaire mettant en danger la vie d’autrui), au délit (vol, coups et blessures volontaires, escroquerie, abus de confiance, etc.) et aux contraventions (qui elles ne peuvent pas être sanctionnées par la prison).
Il faut adapter les réponses de la société à ces différentes infractions...
La prison est une des solutions, pas la seule et surtout pas dans n’importe quelles conditions.
Les détenus participent à l’entretien des prisons...
 
question de : Internaute
> Bonjour, votre appel est intéressant, cette situation semble inquiétante, mais pourquoi ne pas évoquer la construction de nouvelles prisons avec des peines plus longues et des éducateurs, profs etc. sur place ? Est-ce qu’il ne manque une proposition pour la construction d’établissements nouveaux puisque sans la prison c’est la récidive permanente ? 
 Réponse > Non, la récidive n’est pas "permanente". Sur 100 sortants de prisons, une majorité d’entre eux ne vont pas y revenir dans les 5 ans qui suivent leur libération.
Ce n’est pas la longueur de la peine qui joue sur le risque plus ou moins grand de récidive. De nombreux travaux ont montré qu’une libération anticipée (dans le cadre d’une libération conditionnelle) était plus efficace qu’une peine exécutée dans sa totalité.
Si on généralisait la libération conditionnelle (comme en Suède par exemple) en renforçant l’encadrement par des éducateurs, le contrôles, évidemment ont gagnerait sur les deux tableaux.
1. On réduirait les risques de récidive
2. On n’aurait pas besoin de construire de nouveaux établissements, en réduisant les durées de détention.
Tout cela est expliqué en long et en large dans les textes du Conseil de L’Europe, textes méprisés par les politiques de droite, et souvent ignorés par les politiques de gauche
Laissons la droite avec ses fantasmes sécuritaires et apprenons à lire à la gauche...
 
question de : Internaute 
> On a l’impression que l’état attend là aussi des violences pour réagir et qu’il ne se passera rien en attendant. 
 
 Réponse > Contrôler la délinquance, c’est évidemment faire deux choses, assez différentes :
1°/ éviter le passage à l’acte, pour la première fois (je parle évidemment de choses un peu sérieuses, car nous avons tous commis un jour ou l’autre, dans notre vie une infraction pénale).
Cela s’appelle la prévention générale.
2°/ Quand des actes ont été commis, lutter contre la récidive.
Privilégier l’un des deux objectifs est irresponsable.
 
question de : Internaute
> Est-il plus façile d’être sociologue que ministre de l’Intérieur ? 
 Réponse > Oui. Sans aucun doute.
 
question de : Internaute 
> Où en est votre appel à la création d’un observatoire de la récidive ? Avez-vous eu des retours ? 
 Réponse > Le projet a été soutenu par le dépôt d’amendement par le PS, le PCF et les Verts, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, par l’UDF à l’Assemblée et pas au Sénat (c’est sans doute cela être centriste, un coup à droite, un coup à gauche). La droite s’y est opposée et comme vous le savez elle a la majorité dans les deux chambres, du moins jusqu’en 2007.
Il faut dire que M. Clément, ministre de la Justice de son état, avait annoncé, deux jours avant le débat à l’Assemblée, la création par ses soins d’une "commission de suivi et d’analyse de la récidive". Le président de cette commission M. Jacques-Henri Robert, professeur de droit, a demandé, récemment, à ce que j’en fasse partie. M. Clément a dit "pas question" ! Pourtant, je vous assure, mon casier judicaire est vierge.
Sans attendre j’ai créé un "observatoire de la commission de suivi". Nous allons suivre ses travaux de très près. Un rapport de cette commission est annoncé pour le 15 janvier 2006 (sic) ! ! ! On réfléchit déjà à un contre-rapport.
NB. Sans entrer dans les détails techniques, un observatoire créé sur le plan législatif (mon projet), ça n’a rien à voir avec une commission créée sur le plan règlementaire (selon le bon vouloir du ministre)
 
question de : Internaute 
> Quelle solution peut-on appliquer aux criminels dont on est sûr qu’ils vont récidiver, comme les malades mentaux (violeurs, pédophiles...) ou les quelques tueurs en série (Bodin, Fourniret) ? Pensez vous que la castration chimique soit une solution pour les délinquants sexuels ? Peut-on imaginer la prison à vie ? Comment se passe l’internement d’office ? Est-il assez appliqué ? 
 Réponse > Beaucoup trop de questions en une seule.
1/ Il n’y jamais de certitude quant à la récidive. Dans un Etat de droit, on ne peut pas sanctionner une personne pour un acte qu’elle n’a pas encore commis. En droit, le crime par pensée n’existe pas. Dieu merci !
2/ S’il s’agit de "malades mentaux", ils n’ont rien à faire en prison. Ils doivent être pris en charge dans hôpitaux psychiatriques (en toute sécurité pour les personnels soignants et pour la société)
3/ Comme dit précédemment, je suis pour l’abolition des peines perpétuelles, mais dans certaines conditions
4/ Le traitement de certains auteurs d’agressions sexuelles est de toute évidence un problème médical. Le recours à certains médicaments peut s’imposer.
5/ Quand, à l’extérieur, une personne risque de passer à l’acte, sur lui-même, sur son entourage, il y a effectivement possibilité d’un internement d’office sous l’autorité du préfet.
On sort alors du champ pénal et vous savez que le champ psychiatrique est en grave crise, comme l’hôpital en général.
 
question de : Internaute
> Quel bilan peut-on tirer des centres éducatifs fermés ouverts par Perben ? Quelle solution préconisez vous pour les mineurs délinquants ?
 
 Réponse > je ne me sens pas compétent sur ces questions. Désolé.
 
question de : Internaute 
> Quels sont les délits les plus représentés en prison ? 

 Réponse > A un instant donné et ce parmi les condamnés seulement (deux tiers de la population carcérale), il s’agit des agressions sexuelles. Cela représente 21 % des condamnés détenus et non 40% comme M. Clément l’a prétendu, repris par nombre de médias.
 
question de : Internaute 
> Un homme politique détourne des millions d’euros, ou embauche des emplois fictifs... de la prison avec sursis. Des jeunes brûlent une Twingo à quelques milliers d’eurso... prison ferme. Vous trouvez ça juste ? 

 Réponse > Non.
 
question de : Internaute 
> En quoi le modèle suédois mis en avant par le "Nouvel Obs" est-il si bon ? 
 Réponse > Pour des tas de raisons.
J’en donne trois :
1/ Les détenus participent à l’organisation de la vie en détention (délégués élus). Sujet tabou en France,
2/ Les lieux de visite familiale existent, depuis pas mal de temps. En France, on expérimente depuis des années,
3/ La libération conditionnelle concerne la quasi-totalité des sortants. 10% en France.
 
question de : Internaute 
> Bonjour, aviez-vous proposé un observatoire de la récidive au gouvernement Jospin ? 

 Réponse > M. Jospin avait confié à deux parlementaires (Christophe Caresche, PS et Robert Pandraud, UMP) le soin d’élaborer un projet d’observatoire de la délinquance qui aurait centralisé l’ensemble des données venant de l’Intérieur, de la Justice etc. (et donc les données sur la récidive).
Après 2002, M. Sarkozy a repris à son compte le projet JOSPIN mais en le dénaturant complètement.
Plus question de travailler sur les données justice !
L’observatoire de la délinquance a pourtant fait du bon travail sous la présidence d’Alain Bauer.
Ce dernier m’a d’ailleurs soutenu dans mon projet d’observatoire de la récidive. Cela n’a pas suffi pour convaincre la droite !
 
question de : Internaute 
> La castration chimique est-elle déjà appliquée dans certains pays ? Existe-t-il des études sur son efficacité ?
Merci. 

 Réponse > Je ne sais pas.
 
question de : Internaute 
> Comment juger et quelle peine appliquer à Fourniret ? Faut-il l’emfermer à vie ou le placer dans un hôpital psychiatrique ? 

 Réponse > Cet homme est un grand malade, très dangereux. Il faut protéger la société, dans le respect de nos valeurs.
 
question de : Internaute 
> Quel est l’avis de la majorité des magistrats sur l’état des prisons ? Si c’est si terrible, pourquoi continuent-ils à y envoyer des gens ? 

 Réponse > Il faut le leur demander.
 
question de : Internaute 
> Je crois que la France a été condamnée plusieurs fois au niveau européen pour ses conditions de détention et pour la longueur de ses procédures. Pourquoi ces condamnations n’ont-elles aucun effet ? 

 Réponse> Pour qu’elles aient un effet, il faudrait que nous soyons beaucoup plus nombreux à nous mobiliser sur ces questions afin d’influer le politique. Le dossier du "Nouvel Obs" peut nous y aider.
 
question de : Internaute 
> Les prisons françaises sont-elles vraiment pire que les prisons moldaves ? 
 Réponse > Je ne connais pas directement les prisons moldaves, mais j’en ai une idée. C’est sans comparaison avec les prisons françaises.
Cette information me parait peu sérieuse.
 
question de : Internaute
> Pourquoi la gauche signe-t-elle l’appel de l’"Obs" alors qu’elle n’a quasiment rien fait alors qu’elle était au pourvoir ? Pouvez-vous préciser le bilan de la politique pénitentiaire de Jospin ? Combien de prisons construites ? De nouvelles places ? De nouveaux équipements ? 
 Réponse > Je ne partage pas votre analyse.
Deux points seulement :
1/ Sous la gauche, la population carcérale a diminué année après année (cela avait commencé avant l’arrivée de la gauche, en 1997 et la hausse a repris avant son départ, en septembre 2001, je le reconnais).
2/ La loi du 15 juin 2000 (loi Guigou) est une très grande avancée pour plein de raisons. Je n’ai pas le temps de détailler.
GUIGOU vs PERBEN, LEBRANCHU vs CLEMENT. Il n’y pas photo. Et dire que des gens de gauche prétendent que la gauche et la droite, c’est pareil. Quel aveuglement.

question de : INTERNAUTE 
> Etes vous des hommes, vous journalistes ? Pourquoi ne pas aller faire des reportages sur la violence urbaine chez les communautés portugaise, italienne, espagnole... et chez les Français de pure souche... Vous voulez toujours détruire les gens de couleurs et prôner la guerre. Alors ces jeunes Français que vous fabriquez dans vos écoles, on vous les laisse, ce ne sont nullement des immigrés. 

 Réponse > Oui, je suis un homme, mais pas un journaliste. Je suis un scientifique, j’enseigne aussi à l’Université. Je suis Français issu de l’immigration, de la 5ème génération (mon arrière-arrière grand père paternel était venu de Lombardie, pour s’installer dans le Doubs dans les années 1830).
Pour le reste je ne comprends très bien après qui vous en avez.
 
question de : Gilbert
> Avez-vous une place pour moi dans votre prison... Je sais pas ou dormir et n’ai rien à manger. 
 
 Réponse > Ce ne sont pas mes prisons, mais nos prisons, celles de la République. Pour y entrer, il faut être soupçonné d’avoir commis un delit ou un crime ou avoir été condamné pour de tels faits.
Vos problèmes relèvent de l’aide sociale (et aussi de la lutte contre le chômage) et aussi de la solidarité de tous. Elle se manifeste de bien des manières, mais pas assez.
Bon courage. 
 
question de : Gilbert
> Est-il vrai que ce sont les gens de couleurs les plus grands délinquants ? Si oui il ne fallait pas les salir. 
 Réponse > A priori, il n’y pas de raison pour qu’une personne de couleur ait des comportements différents d’un blanc.
En revanche, les conditions socio-économiques, les inégalités, le racisme peuvent pousser tel ou tel à avoir des comportements contraires à la loi.
Chaque homme, chaque femme est à la fois libre et responsable de ses actes (sauf en cas de maladie mentale avérée), mais elle ou il s’inscrit dans une histoire personnelle et collective, dans un contexte qui le dépassent et déterminent ses comportements, en partie, en partie seulement.
Une justice juste, serait une justice qui serait capable de faire la part des choses.
 
question de : Internaute
> L’instauration de l’état d’urgence dans les banlieues, cela vous inspire quoi ? 

 Réponse > Ce n’était sans doute pas nécessaire. 
 
question de : Un beur fendu 
> Quand une agression arrive aux blancs, on dit "c’est pas normal", quand cela arrive aux gens de couleurs on dit "rien ou vaurien". Alors moi maintenantje m’en fous, je ne ressens plus rien. 

 Réponse > Qui "on" ? Moi je ne dis pas cela. Nous devons tout faire, ensemble pour lutter contre de telles attitudes, racistes, donc contraires à nos valeurs et à la loi.
 
question de : Jean 
> Bonjour,
Combien de fois avez-vous été soumis à un contrôle d’identité par la police au cours de ces dix dernières années ? Merci.
Réponse > Jamais, sauf aux frontières...
 
question de : cyn 
> Les solutions proposées à l’heure actuelle par le gouvernement pour soi-disant lutter contre la récidive ne me paraissent pas pertinentes du tout, (utilité et efficacité du bracelet électronique ??) et il me semble que l’on ne prend absolument pas les problèmes là où il serait intelligent de le faire. Il me semble qu’actuellement on saute de régression en régression. Y a-t-il un enseignement à tirer des façons dont les autres pays européens traitent la récidive ?
Réponse > Il y a un accord au niveau du Conseil de l’Europe, pour reconnaître que la libération conditionnelle est une mesure efficace pour lutter contre la récidive. Cette question est détaillée dans la recommandation adoptée par le comité des ministres des 46 Etats membres le 24 septembre 2003. Comme les autres pays la France a signé (la droite étant au pouvoir) et donc approuvée cette orientation.
La libération conditionnelle au centre du processus de l’application des peines ? Les lois Perben 2 et Clément 1 ont tourné le dos à ces orientations. Pourquoi ?
Je vous laisse répondre.
Mille excuses à celles et ceux à qui je n’ai pas eu le temps de répondre.
Cordialement
Pierre V. Tournier, Directeur de recherches au CNRS
 
Source : Nouvel Obs