15410 articles - 12266 brèves

Etre surveillant(e) de prison

Documents associés :

Synth ?se int ?grale

Type : PDF

Taille : 74.6 kio

Date : 22-08-2006

"Travail de l’encadrement pénitentiaire" de D.Lhillier et autres

Mise en ligne : 13 septembre 2006

Texte de l'article :

LE TRAVAIL DE L’ENCADREMENT PÉNITENTIAIRE
pratiques professionnelles et représentations de la fonction dans une situation de changement

AUTEURS : Dominique LHUILIER, Aldona SIMONPIETRI, Dominique ROLLAND,
Claude VEIL
INSTITUT :
DATE : Mars 2000
PUBLICATION : Ronéo. 151 pages

L’objet de cette recherche est le travail du personnel d’encadrement dans les établissements pénitentiaires, les pratiques professionnelles engagées dans le fonctionnement de l’organisation, les représentations de la fonction d’encadrement aux différents niveaux de la ligne hiérarchique et ce dans un contexte de changement. L’organisation et le fonctionnement hiérarchique de type militaire ont servi de modèle à l’encadrement pénitentiaire.
Or ce modèle s’est révélé inadapté à la réalité des situations de travail en prison aujourd’hui et aux orientations préconisées par l’administration centrale. En perte de légitimité, il ne peut constituer un cadre d’étayage aux positions et identités professionnelles.
Un processus d’adaptation des pratiques d’encadrement aux changements qui traversent l’institution est en cours. Son analyse suppose l’exploration des processus de perte et de dégagement des anciens repères concourant à orienter les représentations et les pratiques, l’identification des processus d’adaptation et de réélaboration des positions professionnelles, ainsi que l’étude des stratégies défensives déployées quand les ressources nécessaires à cette dynamique font défaut.
Cette recherche qualitative a été conduite dans cinq établissements (trois maisons d’arrêt, un centre de détention et une maison centrale) où nous avons réalisé 110 entretiens et observé les situations de travail et pratiques des personnels d’encadrement (du premier surveillant au directeur).

Organisation et contenu du travail
Les modalités d’organisation du travail ne sont pas présentées comme des dispositions destinées à satisfaire des besoins en termes d’emplois ou à traduire une politique de gestion de l’établissement. Elles apparaissent plutôt comme le résultat transitoire de compromis entre diverses contraintes. La nécessité d’assurer une permanence de l’encadrement dans le temps et dans l’espace conduit à une segmentation temporelle et spatiale qui détermine deux profils de poste : “les territoriaux” en journée, “les généralistes” de la détention sur les trois services matin - après-midi - nuit. A ceux-ci, on peut ajouter les postes définis par une fonction transverse (exemple : sécurité) ou un champ d’activités spécialisées. On observe aussi une sorte de sédimentation des modes d’organisation du travail traduisant les dispositions prises par les directions d’établissement successives.
Pour l’essentiel, le travail de l’encadrement paraît s’inscrire dans la réponse aux demandes : demandes de la direction régionale ou de l’administration centrale pour les directeurs, demandes de la hiérarchie supérieure et des détenus pour les autres.
Une part essentielle du travail de l’encadrement a trait à la gestion du quotidien de la détention, ce qui a au moins quatre incidences : l’inscription dans une position plus réactive que déterminée par des initiatives propres, la dépendance aux micro évènements qui ponctuent la vie quotidienne en détention, une absence de contrôle de l’organisation temporelle de son travail, une faible anticipation.
Enfin, les activités des membres de l’encadrement paraissent moins dépendre de leur niveau sur la ligne hiérarchique (premier surveillant - CSP - personnel de direction) que de leur inscription dans la répartition des secteurs de la détention. La permanence sur un territoire est le premier facteur orientant l’activité.

Conceptions et pratiques d’encadrement
Dans un contexte institutionnel traversé par les contradictions entre logique sécuritaire et logique de prévention, de réduction de tensions, entre obligation de moyens (respect des règlements) et obligation de résultats (maintien du calme en détention), l’analyse des pratiques d’encadrement impose une approche systémique et globale. Le travail d’encadrement est d’abord celui que réalise le surveillant auprès des détenus. Leur relation d’interdépendance (le détenu a besoin du surveillant dans l’aménagement de la quotidienneté carcérale comme le surveillant a besoin de la coopération du détenu pour obtenir le calme en détention) fonde des intérêts communs au-delà du conflit structurel qui oppose ceux qui sont là sous la contrainte et ceux qui sont chargés de les y maintenir.
Le travail d’encadrement des détenus réalisé par le surveillant est orienté par deux sources de règles, l’une institutionnelle, officielle qui lui prescrit un rôle d’autorité et de contrôle des détenus, l’autre informelle, née de la pratique où prévaut la négociation de la coopération des détenus.
Le modèle de la relation d’encadrement surveillant-détenus imprègne l’ensemble de la ligne hiérarchique. Cette ligne hiérarchique est plus triangulaire que linéaire : chacun des niveaux encadre à la fois les détenus et les surveillants. Et les principes et pratiques développées à l’occasion des relations directes aux détenus semblent persister ou se déplacer sur les pratiques d’encadrement du personnel. La triangulation des relations hiérarchie - surveillants - détenus constitue un système de contrôle spécifique : la hiérarchie “utilise” les surveillants pour contrôler les détenus, elle “utilise” aussi les détenus pour contrôler l’activité des surveillants. Cette confusion des rôles et des places favorise une sorte d’indifférenciation des modes d’encadrement. Plusieurs traits caractéristiques des représentations et pratiques de l’encadrement peuvent être interprétés comme des signes d’une sorte de contamination du modèle de la relation d’encadrement des détenus à celui du personnel : la prévalence de l’observation au détriment de la valeur accordée à la parole, la distance comme condition de l’autorité, la suspicion et la méfiance promues au rang d’outils de travail, la focalisation sur le négatif, la transgression qui oriente la surveillance des détenus se prolonge dans le contrôle du travail du personnel, l’appréhension du collectif des détenus comme des surveillants, l’information perçue essentiellement comme à collecter plutôt qu’à distribuer.
Le principe de roulement sur les postes qui caractérise le plus souvent les modalités d’organisation du travail des surveillants se prolonge dans cette conception du travail d’encadrement du premier surveillant, auprès de chacune des équipes : il “tourne” d’une équipe à l’autre en fonction des rythmes des services. Quant aux échelons supérieurs de la hiérarchie, leur mobilité d’un établissement à l’autre traduit une autre forme de roulement.
La représentation d’une ligne hiérarchique fonctionnant sur le modèle militaire où l’ordre donné est impérativement exécuté, où le pouvoir formel est synonyme d’autorité réelle est loin de la réalité des relations tissées à l’occasion de l’activité de travail. L’encadrement doit s’inscrire dans une relation d’échanges et de négociation du fait même de l’interdépendance qui le lie aux subordonnés. L’asymétrie formellement définie doit être tempérée par la restauration d’une réciprocité dans les échanges. Il s’agit donc de savoir donner pour pouvoir recevoir, pour obtenir en retour la coopération nécessaire. L’encadrement intermédiaire (premier surveillant, CSP) est confronté au décalage entre deux logiques contradictoires : une logique bureaucratique qui promeut l’autorité hiérarchique et la conformité aux règles, une logique professionnelle qui valorise l’autorité négociée et l’efficacité de l’activité de gestion des tensions. Son rôle est essentiellement celui d’une construction de compromis entre ces deux logiques. Ce qui suppose l’exercice d’un rôle de filtre, dans les deux sens ascendant et descendant.
Dans ce contexte, l’administration centrale paraît préconiser le passage du commandement au management en valorisant des principes de participation, responsabilisation et coopération intra et interprofessionnelle. Mais ce nouveau modèle se heurte à un système ordonné autour d’une visée de contrôle des crises et où les objectifs sécuritaires restent prévalents. De plus la multiplication des réformes engagées et des actions “prioritaires” peut favoriser un émiettement des objectifs et contribuer à diluer le sens de ces changements.
La voie descendante des “projets” à mettre en oeuvre dans les établissements n’apparaît pas toujours cohérente et coordonnée. Enfin, le décalage entre la temporalité carcérale, rétractée sur “l’ici et maintenant” de la gestion du quotidien et la temporalité de l’administration centrale orientée vers les projets constituent une autre source de résistance aux transformations des pratiques d’encadrement.

L’information et le rapport à l’autre
La complexité croissante du fonctionnement institutionnel apparaît liée à la plus grande perméabilité de la prison et à la diversité accrue des interlocuteurs et des informations dont ils disposent. La diversité des acteurs travaillant, intervenant dans les établissements alimente des lectures parcellaires, contradictoires, voire antagonistes des détenus.
Fragmentée et désubjectivée, la personne incarcérée informera plus qu’elle ne communiquera avec ses interlocuteurs en pesant ses propres intérêts. L’information donnée par le détenu, parce que potentiellement stratégique, sera l’objet de méfiance et sera confrontée à d’autres informations données par d’autres sources. La parole disqualifiée car suspectée du détenu sera croisée avec celle des autres sur lui.
La culture du soupçon qui imprègne les relations surveillants - détenus semble contaminer les relations surveillants - encadrement. Transmettre de l’information à la hiérarchie comporte des risques. L’information communiquée peut se retourner contre son auteur, le dévoilement de ses pratiques professionnelles expose au jugement des autres, le modèle de la “balance” imprègne le statut donné à l’information, le savoir sur les pratiques condamnables de certains doit être tu quand “chacun se tient” ou quand l’impératif de solidarité en cas d’incident impose de pouvoir compter sur les autres. De plus l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire s’accompagne de la menace de se voir reprocher quelque chose, la nonconformité à la règle... alors même que le strict respect de celle-ci a un effet contre productif.
Autant de facteurs susceptibles d’entraver la communication ascendante. D’où la fréquence des recours à des voies parallèles de circulation, de remontée de l’information et ce aux différents niveaux de l’institution (administration centrale, direction régionale, établissement).
Le spectre de “l’informateur” est la figure obligée d’un système d’information ascendante pris dans cette culture de la méfiance et du “troc”. Car l’information s’échange alors contre autre chose et sa valeur croît avec sa rareté. Le rapport à l’écrit est pris lui-aussi dans ces mêmes représentations et pratiques : pire, il laisse des traces. Aussi, il conviendra de limiter ce qui est transmis à sa plus simple expression et/ou de s’attacher à la seule présentation de ce qui est perçu comme attendu. Les réunions du personnel sont peu fréquentes et globalement conçues comme des temps d’information descendante. Les freins à la communication s’originent dans le système d’interdépendance qui lie détenu - surveillant -,encadrement. Sur les moyens d’obtenir la paix sociale en prison pèse un déni partagé qui scelle l’alliance des professionnels pénitentiaires. Il marque en creux les modes de collaboration où l’information et sa transmission occupent une place stratégique car centrale et parce qu’elle-même stratégie.
La distorsion communicationnelle repérée dans le décalage entre la parole et les pratiques observées semble être au service du dénié, du refoulé, du non-dit qui scellent l’alliance entre personnels. Alliance construite autour du pacte dénégatif qui porte sur la nature de la relation surveillant - détenu. Relation fondamentale car au coeur de la régulation de l’équilibre interne de l’établissement, elle aussi impossible à dire. Ce pacte dénégatif génère l’opacité, la dissimulation et institue le mensonge.
Si l’information et sa circulation constituent des enjeux centraux dans le fonctionnement de l’institution carcérale, il faut cependant noter d’importantes différences entre les maisons d’arrêt et les établissements pour peine sur cette question. Dans les premières l’information se dilue dans le bruit, dans l’inflation de discours singuliers et diffractés. Dans les seconds, l’information bute sur le pacte de silence, elle est à débusquer.

Entre passé et avenir : la question du changement
La question du changement s’inscrit nécessairement dans les représentations du temps. Or on observe une réelle difficulté à penser le temps de l’institution dans la durée et la continuité. Quand les personnels évoquent l’évolution de l’institution pénitentiaire, ils en parlent le plus souvent en termes de ruptures : il y aurait un avant, renvoyant à un passé clairement identifié et un après, territoire de l’incertitude.
La temporalité pénitentiaire apparaît marquée par la temporalité carcérale, celle à laquelle est confrontée le détenu : le temps de l’incarcération est celui par excellence d’une rupture temporelle et d’une focalisation sur “l’ici et maintenant” quand l’avenir se dérobe du fait de l’incertitude relative à la durée de la peine (maison d’arrêt) ou de la perspective trop lointaine d’une libération.
Du côté des personnels, on distinguera les surveillants et premiers surveillants inscrits le plus souvent dans la durée dans l’établissement et les CSP mais surtout les personnels de direction pour qui les mutations sont synonymes d’opportunités de promotion. Les changements de direction s’accompagnent de réorganisations ou de mise en oeuvre de nouveaux projets qui ne seront pas nécessairement soutenus dans la durée. Anticipant les désillusions et frustrations qui peuvent en découler, le personnel de surveillance “enraciné” peut se positionner comme le garant d’une certaine permanence et privilégier “l’ici et maintenant” de la gestion du quotidien en détention.
Le poids du passé apparaît aussi comme une constante dans les établissements comme la prégnance dans la mémoire collective d’évènements qui ont marqué l’histoire. Les “traces” électivement évoquées sont les mouvements collectifs de détenus et/ou les tentatives d’évasion accompagnées de violence. L’entretien du souvenir de ces mouvements semble contribuer à la cohésion des personnels quels que soient les niveaux hiérarchiques : tous unis devant l’épreuve, la solidarité est de mise. Ici la communauté d’appartenance est valorisée. A l’inverse, les mouvements collectifs des personnels contribuent, même après plusieurs années, à des ruptures, des clivages. Les formes plus ou moins radicales de ces mouvements opposent l’encadrement supérieur et les surveillants, les premiers surveillants ayant vécu le plus difficilement ces moments où chacune des parties lui enjoignait de rejoindre son camp.
L’historique d’une manière générale constitue un des éléments qui façonne l’identité de l’établissement, “la force des murs” avec laquelle le nouveau venu aura à composer. La personnalisation des pratiques, par défaut de cadre de référence commun, trouve ici ses limites : elles auront à se conformer à des us et coutumes locales, des normes d’action. Ce qui est désigné comme “le poids de l’établissement” encadre les pratiques et définit le degré de tolérance à l’écart à la norme, plus qu’à la règle. Il constitue aussi ce sur quoi butent les projets de changement.
L’avenir apparaît par ailleurs le plus souvent incertain. La multiplication des réformes, des actions prioritaires définies par l’administration centrale s’accompagne d’un défaut de lisibilité de leur cohérence. D’où le sentiment d’un morcellement des actions engagées et d’un décalage croissant entre la temporalité de la direction de l’institution orientée vers un avenir synonyme de mutations et la temporalité des établissements orientée vers le présent et l’entretien de la mémoire du passé.
La difficile articulation du passé - présent - futur est particulièrement sensible à propos de la transmission. De transmission il est question entre les “anciens” et les “nouveaux”, entre les internes et les externes, entre les “sédentaires” (personnel de surveillance) et les “nomades” (personnel de direction). L’acuité de cette question croit avec la perspective des nombreux départs prévus du fait de la mise en place du 1/5ème et l’ouverture du concours de CSP aux externes. L’ambivalence à l’égard de la transmission tient à la fois aux représentations contradictoires du passé (affranchissement d’un héritage avec lequel il conviendrait de rompre / perte de l’expérience et du savoir-faire des anciens) et à l’appréhension d’une perte de pouvoir par la réduction des marges d’incertitude maîtrisées par les personnels.
Le changement essentiel consiste sans doute dans l’ouverture de la prison et un processus de “détotalisation”. Cette évolution vers une répartition et spécialisation des tâches entre différentes catégories socioprofessionnelles provoque un émiettement en sous-ensembles de la prise en charge des détenus ainsi que des tentatives de création d’espaces de collaboration. A quel niveau les différentes logiques institutionnelles et professionnelles peuvent-elles être organisées et coordonnées ? L’intérêt porté à cette question comme les tentatives de réponses apportées sont très variables suivant les établissements. Enfin, la féminisation du personnel est encore canalisée dans certains domaines (quartiers femmes - mineurs) et parce que très minoritaire dans l’encadrement, les femmes tendent à se conformer à une identité professionnelle élaborée à partir du modèle masculin dominant.

Aux différents niveaux de la ligne hiérarchique
Les personnels de direction : on observe une importante hétérogénéité des représentations de la fonction de direction. Trois modèles peuvent être dégagés même s’ils n’apparaissent jamais purs. Le premier repose sur une conception disciplinaire de l’autorité et sur un pouvoir centralisé. Le deuxième de type bureaucratique-légal privilégie l’application de la réglementation pénitentiaire. Le troisième de type gestionnaire met l’accent sur une forme négociée de l’autorité et la construction d’arbitrage et de compromis entre différentes logiques d’action et entre intérêts divergents. La diversité des pratiques et des orientations tient à la fois aux trajectoires professionnelles des directeurs et aux caractéristiques des établissements dont ils ont la charge. Les difficultés présentées comme liées à l’exercice de la fonction de direction sont : le rythme des changements de postes qui complique le “faire sa place” dans l’établissement, la nécessité de gérer des exigences contradictoires, le sentiment de solitude dans l’exercice de cette fonction, l’accroissement de la dépendance à l’égard de différents partenaires, un sentiment de vulnérabilité et précarité, la charge émotionnelle amplifiée par l’exercice d’une fonction de représentation de l’institution. L’absence d’unité du corps comme l’hétérogénéité des conceptions de la fonction semblent fiées aussi à l’absence des conditions nécessaires à la construction d’une identité professionnelle partagée.

Les chefs de service pénitentiaire : les modalités d’accès au grade de CSP différencient cette catégorie en trois sous-ensembles. Les “anciens” promus par avancement ou concours interne, ceux qui sont de “culture mixte”, ayant à la fois un niveau d’études supérieur aux précédents et une expérience du travail en détention, ceux qui découvrent à la fois la prison et la fonction de CSP. Les premiers se trouvent en fin de carrière, les deuxièmes dans une phase de construction de carrière, les troisièmes entrent pour la première fois dans le monde du travail. L’âge, l’expérience de la prison, la formation, la féminisation sont autant de paramètres de la disparité qui caractérise le grade de CSP. Les pratiques, essentiellement personnalisées, sont aussi pour une grande part surdéterminées par les contextes organisationnels et les équilibres locaux structurés autour du modèle de l’ordre négocié. Les fonctions assurées par les CSP sont très variables et plus dépendantes de la nature de la complémentarité avec les autres personnels que du grade. On distinguera des situations où domine la polyvalence ou la responsabilité territoriale, ou la subsidiarité (interchangeabilité CSP/premier surveillant ou CSP/directeur), ou une collaboration émiettée avec des premiers surveillants qui se relaient sur les différents temps de service. Le CSP ayant une responsabilité territoriale ne connaît pas la discontinuité spatio-temporelle et relationnelle du premier surveillant. Il sera alors souvent submergé par des sollicitations relevant du grade et des compétences du premier surveillant invalidé dans son rôle car ne bénéficiant pas d’une fonction suffisamment lisible et stabilisée pour ses interlocuteurs. L’indétermination des fonctions que traduisent les différents modes de collaboration CSP/CSP, CSP/premier surveillant, CSP/surveillant, CSP/détenus favorise une individualisation de la position professionnelle.

Les premiers surveillants : Ils ont le plus souvent de grandes difficultés à se positionner. Appartenant au corps des surveillants, ils sont censés assurer un rôle de chefs d’équipe alors qu’ils les encadrent toutes à tour de rôle. Le “travail en miettes” qui est le leur est dû à la segmentation temporelle et spatiale de leur activité. Celle-ci favorise leur court-circuitage par les CSP dont le nouveau mode de recrutement induit une inversion dans la pyramide des âges : le CSP “externe”, plus jeune, plus inexpérimenté a autorité sur le plus âgé qui dispose lui d’une expérience du travail en détention. Les premiers surveillants ne bénéficient pas d’espace-temps où construire une position professionnelle à travers l’échange entre pairs autour de leurs pratiques. Souvent ils ne se sentent ni écoutés, ni reconnus par la direction et ils ont le sentiment d’avoir perdu toutes perspectives de carrière. Es se savent dépendants des surveillants, notamment en service de nuit. Ils sont aussi, comme les surveillants, les personnels les plus stables dans les établissements. Les premiers surveillants sont sans doute ceux qui ne bénéficient que d’un support institutionnel minimal pour leurs activités alors même que la nuit et les week-ends ils assument seuls les fonctions d’encadrement.