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"Réinsertion" par Jean-François Dudoué

Publication originale : 30 avril 2006

Dernière modification : 23 janvier 2011

Texte de l'article :

REINSERTION.

Réinsertion voilà un bien étrange mot. Définition du Larousse : « action de réinserer, rejoindre un groupe, un travail ». Le Littré ne l’aborde même pas. Réinserer le maître-mot des perspectives nouvelles pour un détenu, la continuité de l’infantilisme, la carotte au bout du bâton, le sermon pour la bonne conduite : « Si tu continues tes bétises crois-tu que l’on va pouvoir dire au juge que tu es prêt pour ta réinsertion ? »

En effet la réinsertion c’est la nôtre celle de celui qui a purgé sa peine, mais « ta réinsertion c’est jamais toi qui la gères ». C’est le nouveau principe commercial, on peut lire un peu partout dans les agences, banques, Anpe, etc ... : « Votre agence sera fermée le ... » Votre agence, donc notre agence ; mais je ne peux jamais étendre une couverture et pique-niquer dans le hall. C’est le faut-semblant. C’est votre réinsertion mais elle est pour vous virtuelle.

On vous arrache à votre vie, pour le paiement de votre dette, soit, puis on décide de vous y réintroduire, un peu comme les ours dans les montagnes, là aussi il y a ceux qui sont pour et les autres, ceux qui souhaitent la peine de mort, ceux qui considèrent que l’homme est irrécupérable. Il y a ces conversations interminables où les gens parlent de la prison alors qui n’en connaissent rien ; il y a ceux qui jugent, ceux qui condamnent, voire même les plus pédants qui arrêtent, jugent,condamnent, et seraient même heureux d’appliquer la peine.

Et moi, je suis là, muré dans mon silence, condamné à chaque parole, exécuté à chaque mot, je ne connaîs pas, je ne sais pas, j’ai entendu dire, il paraît que ? Silence tu me pèses, silence tu me tues.

J’ai parfois envie de hurler, d’avoir le visage en fureur, de dire je suis l’ennemi public n° 1, de voir les gens térrorisés. Dans ces moment je repense au titre du livre de Boris Vian, : « J’irais cracher sur vos tombes ».
Mais je ne fais rien, que faire, à qui en vouloir, est-ce leur faute ? Non ils vivent, sans parfois bien comprendre ce qui les entoure. Comment peut-on réinsérer, comment peut-on réintroduire après avoir montré à cet homme ce que la société est capable de faire dans l’exercice de sa justice. Si il y avait réellement réinsertion il n’y aurait pas récidive.

Les règles en prison sont établies, on sait que l’on est moins que rien il y a toujours un uniforme pour vous le rappeler. Ici cela vous tombe dessus à l’improviste, au détour d’une conversation. La journée avait bien commencé et voilà que le journal parle de cet homme qui a tué, ou de cet autre qui à braqué une banque, un autre qui a enlevé, violé, tué ; et vous voilà projeté dans le silence, le non-dit, spectateur d’une violence populaire.

Qu’est-ce que la réinsertion ? - « le purgatoire populaire » ; après l’enfer de la prison, fonctionnement judéo-chrétien. La réinsertion c’est le silence de sa vie passée, c’est le formatage de cette période honteuse dont personne ne veux entendre parler. C’est la mort d’une partie de soi. Vous entrez dans l’immigration choisie.

Mais le constat c’est que vous ne serais JAMAIS plus comme tout le monde, pas par ce que vous avez vécu, mais par cette partie de vous qui manque, et qui devra jusqu’à la fin de votre vie rester sous silence. Vous ne serez plus comme les autres car jusqu’à la fin de votre vie vous figurerez dans les fichiers et vous devrez justifier de votre adresse tous les ans.
La réinsertion c’est un travail à plein temps, dont vous serez délivré à votre mort.

La réinsertion c’est le mot de la société, du peuple bien ; comme dans les grandes familles on parle de nos : « pauvres ».

Pour mois c’est le silence, c’est une vie à réécrire, ce sont des repères à reconstruire, c’est une remise en question permanente ; c’est le doute, le doute, le doute ; et pourtant moi je suis entouré, alors je pense à ceux que l’on réintroduit seuls ... ?

Je m’interroge aussi sur cette prison, pourquoi réinserer ? La prison ne fait-elle pas partie de la société ? Si elle accomplit sa charge, n’est-elle pas le tremplin pour un retour de l’homme bien ? ?

"Libération n’est pas délivrance."
Victor Hugo

Jean-François Dudoué
30 avril 2006