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Billets d’humeur

Appel au Président de la République sur les conditions de détention

Mise en ligne : 4 septembre 2005

Texte de l'article :

Monsieur Le Président de la République,

Je prend la plume ce jour pour vous exprimer ma plus grande déception et mes plus vifs regrets, concernant les conditions de détention des prisonniers dans les prisons françaises.

Je me suis lié d’amitié et de soutien avec un jeune détenu de la Maison d’Arrêt des Hauts-de-Seine, qui à purgé une peine de plus de 5 ans de détention dans des conditions de vie sordides et indignes d’une République Française soucieuse de respecter la condition humaine.

Depuis sa libération définitive le 14 juillet dernier, et après une période de réinsertion de quelques mois, ce dernier à enfin pu reprendre toute sa place dans sa famille et son nouveau rôle de citoyen.

J’ai durant de long mois été observateur de ses conditions de vie et par ses rares visites à mon domicile, j’ai pu constater un état physique et mental d’une très grande précarité.

Ses sorties faisaient l’objet d’un contrôle assidu, l’obligeant à porter un « uniforme » identique à celui des détenus de la prison américaine de Gantanamo à Cuba.

J’ai constaté qu’il ne disposait d’aucune considération pour lui-même et que rien n’est fait derrière les murs de la prison pour que ces hommes et ces femmes gardent au moins la plus petite dignité humaine.

Mais c’est surtout sa santé qui m’a causé bien des soucis, et qui m’en pose encore aujourd’hui. Après avoir contracté une gale de peau identifiable aux chiens, des rechutes de grippes et d’angines, sa famille et lui-même viennent de découvrir que ce jeune homme est aujourd’hui atteint d’une leucémie.

Après avoir payé sa dette à la société, il vient de se voir infliger une seconde peine à vie. Tout cela par faute de surveillance du personnel médical en milieu pénitentiaire. Personnel sur lequel je ne rejette pas la faute, puisque il revient à l’Etat d’assurer un rôle de financement et de mise à disposition de personnel digne de ce nom.

Je passerai volontairement sur les égarements physiques et verbaux du personnel de surveillance de ce même établissement, en regrettant le manque de formation psychologique et les atteintes à la dignité humaine envers les détenus.

Monsieur Le Président de la République : je suis un citoyen respectueux de l’ordre établi, des lois votées par le Parlement, de la responsabilité de chaque citoyen.

J’ai donc en liberté de conscience le droit de m’interroger sur la capacité de la France d’aujourd’hui à faire respecter un minimum d’humanité dans ses prisons.

Comment pouvons nous encore croire que nous sommes le pays des droits de l’homme ?

La société est aujourd’hui dans un état soucieux, la précarité est rampante, les hommes politiques débordent d’inventivité aussi futile que ridicule, et pourtant on ne permet pas aux détenus de retrouver la voie de la liberté dans de bonnes conditions.

La mission dite de « réinsertion » n’est en rien assurée derrière les murs, elle est la triste image de l’éducation que nous donnons à l’extérieur à nos enfants.

Je crois en la justice, la respecte, et estime que tous les citoyens sont tenus de respecter un minimum de discipline pour que notre société soit civilisée.

Mais si mêmes les geôliers sont indisciplinés....les paroles ne servent à rien. Des actes concrets, du respect pour les humains.

Que penser enfin de cette hygiène inexistante : (1 douche rarement prise tous les jours et de plus de 3 minutes), pas de sous-vêtements, des cellules où se mêle crasse, urine et excréments.

Que penser toujours : des brimades, des insultes....

Je prendrai toutes les dispositions nécessaires dans les prochaines semaines pour faire en sorte que les conditions de vie des détenus en France soient connues de tous.

Je ne pense pas trouver sur ma route des gens me traitant d’hérétique, et si cela est le cas, je les inviteraient à « entrer » dans les prisons françaises.

Cette réalité existe Monsieur le Président de la République. Elle existe dans vos prisons, dans nos prisons. Et nous préférons tous nous occuper de problèmes plus futiles, mais tellement plus payant en terme électoral.

Vous vous devez aussi à ces milliers de personnes, privés de liberté et de droit pour avoir commis un délit. Mais vous êtes le Président de TOUS les français.

Depuis plusieurs années, j’ai des difficultés à éprouver un sentiment de cohésion nationale, dans un pays où les gens mêlent leur antagonismes et leur égoïsme.

Je n’ai plus peur - et n’ai que des regrets - à reconnaître que j’ai honte de ce pays qui s’effondre chaque jour un peu plus.

Je garde confiance en l’avenir, en l’Europe, en la France....à vous Monsieur de me prouver que j’aurai encore des raisons de clamer la fierté d’être français.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression sincère de mon plus profond respect.

Avec toute la déférence qu’un citoyen doit à son Chef de l’Etat.

Régis Sada

Lettre adressée au Président de la République le 19 août 2005
Source : http://forum.puteolien.free.fr/viewtopic.php?t=660