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Mémoire responsif adressé au Tribunal Administratif de Paris - N° instance : 011147/7 et 0112522/7

Mise en ligne : 4 juillet 2002

Texte de l'article :

Tribunal Administratif de Paris
N° instance : 011147/7 et 0112522/7

 

MEMOIRE RESPONSIF

 

POUR : Monsieur Michel GHELLAM, né le 30 septembre 1959 à FREJUS, domicile élu chez Me LUNEAU, 175 quater boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne-Billancourt,

Ayant pour avocat Me Françoise LUNEAU, barreau des Hauts de Seine (PN 335), 175 quater boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne-Billancourt, téléphone : 01.46.04.59.59. Télécopie : 01.46.04.60.94.

 

CONTRE :

La décision du 12 juin 2001 de Monsieur le Directeur de la Maison d’arrêt de la Santé de placement en isolement,
La décision du 18 juin 2001 de Monsieur Hugues BERBAIN, chef du Bureau de gestion de la détention auprès de la direction de l’administration pénitentiaire de Paris,
La décision de prolongation du placement à l’isolement en date du 10 septembre 2001 de Monsieur Hugues BERBAIN, chef du Bureau de gestion de la détention auprès de la direction de l’administration pénitentiaire de Paris,

 


Monsieur Michel GHELLAM a l’honneur de solliciter l’annulation des décisions précitées sur le fondement des observations suivantes :

 

1) Rappel des faits

 

Monsieur Michel GHELLAM a été placé en isolement du 1er octobre 1993 au 11 décembre 2000.

Monsieur Michel GHELLAM était détenu jusqu’au mois de juin 2001 au sein de la centrale de MOULINS.

Puis, il a été transféré au cours du mois de juin 2001 à la maison d’arrêt de la Santé.

Le 12 juin 2001, Monsieur GHELLAM a été conduit directement à l’isolement, sans information ni explication préalables, et sans être présenté dans les formes prévues aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

Dans un premier temps, aucune décision de mise en isolement ne lui a été notifiée.

Puis, Monsieur GHELLAM s’est vu notifier le 19 juin 2001 une décision de " validation, en régularisation " de son placement en isolement, prononcée par Monsieur BERBAIN, chef du bureau de gestion de la détention de la Direction de l’administration pénitentiaire de Paris, en date du 18 juin 2001.

Cette décision a été critiquée par le requérant par requête en excès de pouvoir portant le numéro 0111747/7 devant le Tribunal de céans.

Le 7 août 2001, Monsieur GHELLAM s’est vu notifier une proposition de prolongation de la mesure du 19 juin 2001 pour une durée de trois mois émanant du directeur de la maison d’arrêt de la Santé.

Par décision en date du 10 septembre 2001, Monsieur Hugues BERBAIN, chef du Bureau de gestion de la détention auprès de la direction de l’administration pénitentiaire de Paris, a décidé de prolonger le placement à l’isolement de Michel GHELLAM pour une nouvelle durée de 3 mois.

Michel GHELLAM a justement formé un recours en annulation à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal Administratif de céans par requête enregistrée sous le n° 0112522/7.

 

Dans un souci de bonne administration de la justice, il conviendra de joindre ces deux instances, jonction à laquelle le Ministre de la Justice a donné son accord.

 

2) Sur le recours en excès de pouvoir

 

A. Sur la recevabilité du présent recours

L’article 283-2 dispose que " la mise à l’isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire ".

Néanmoins, il est constant que toute décision d’une autorité administrative faisant grief à celui à l’encontre de laquelle elle a été édictée est susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

La faculté d’introduire un recours en excès de pouvoir devant le Juge Administratif est d’ailleurs un Principe Fondamental du Droit Administratif.

Ce n’est donc qu’en appréciant in concreto si une décision de l’autorité administrative fait grief ou non à l’intéressé que les Juridictions administratives peuvent déterminer si un recours en excès de pouvoir est recevable ou non.

Dans le cas d’espèce, les décisions administrative attaquées font particulièrement grief à Monsieur Michel GHELLAM ;

La mise en l’isolement a entraîné une modification certaine de ses conditions de détention, (déjà extrêmement difficiles en détention ordinaire) et par voie de conséquence de sa situation juridique.

En effet, Monsieur Michel GHELLAM ne peut pas suivre les activités culturelles et sportives auxquelles les autres détenus ont accès mais surtout l’isolement est une zone pénitentiaire où le détenu n’a aucun contact tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’établissement.

Le placement à l’isolement crée un préjudice certain à Monsieur Michel GHELLAM.

Le Docteur FAUCHER, qui a récemment examiné Monsieur Michel GHELLAM, a précisé dans un certificat médial que : " étant donné les effets délétères de l’isolement prolongé, mentionné dans la circulaire de l’isolement, et étant donné qu’il a subi plusieurs périodes d’isolement et une période de plusieurs années successives (6 ans), l’isolement est contre-indiqué. "

Le placement à l’isolement est donc strictement contre-indiqué médicalement pour Michel GHELLAM.

Ces décisions lui font donc griefs sans aucun doute possible.

Au surplus, les décisions de placement – puis de prolongation - à l’isolement sont mentionnées sur la fiche carcérale de Monsieur GHELLAM, ce qui lui interdira certaines mesures d’assouplissement de peines.

Les décisions administratives attaquées font donc particulièrement griefs à Monsieur Michel GHELLAM.

Il s’agit bien de décisions administratives susceptibles d’un recours en excès de pouvoir.

Mais encore, il convient de rappeler l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dispose :

" Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (…) "

 

La Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme énonce que droit de tout individu à un procès équitable est applicable en matière de contentieux disciplinaire.

Il s’agit d’un droit absolu reconnu dans le cadre d’une convention internationale ayant valeur supra légale, et en tout état de cause, supérieure aux dispositions réglementaires de l’article D 283-2 du Code de Procédure Pénale.

Pareillement, la Jurisprudence du Conseil d’Etat énonce que les mesures d’ordre Intérieur sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir (Conseil d’état, arrêt d’assemblée du 17 février 1995 " Marie Hardouin " ; Tribunal Administratif de PARIS, 16 mai 1995 " Astier " ; ,Tribunal Administratif de PARIS 6 décembre 1995 " Bekkouche ").

Selon cette Jurisprudence désormais établie, les sanctions prononcées par l’administration pénitentiaire à l’encontre des détenus sont susceptibles d’un recours en excès de pouvoir devant les Juridictions administratives.

 

En l’espèce, la décision de placement de Monsieur GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits particuliers de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire déguisée par l’administration pénitentiaire.

Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement sans aucune explication préalable et sans être présenté à la commission de discipline de l’établissement dans les formes prévues aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations et de se faire assister par le conseil de son choix.

Aucune décision de placement en isolement ne lui a été notifiée.

La décision de " validation, en régularisation " de la mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 18 juin 2001 énonce par ailleurs que cette mesure a été appliquée à Monsieur GHELLAM en raison de la participation de ce dernier à " un mouvement collectif qui a gravement troublé l’ordre à la Maison Centrale de MOULINS ".

A lire la seconde décision déférée, c’est bien cette circonstance qui a motivée le placement en isolement de Monsieur Michel GHELLAM dès le 12 juin 2001.

Pareillement, cette circonstance est retenue pour justifier le prolongation de la mise à l’isolement suivant décision en date du 10 septembre 2001.

Il est curieux également de constater que seul Monsieur GHELLAM (qui ne constitue pas à lui seul "un mouvement collectif") a fait seul l’objet d’une telle mesure.

Il est aussi fait mention d’une " tentative d’évasion de la maison d’arrêt de Fresnes le 4/02/1994 " et de " l’évasion de la maison centrale de Claivaux du 22/10/1992 ".

Il convient également de noter que le médecin, le Docteur ZAK DIT ZBAR Olivier, a apposé "son visa" sans avoir, auparavant donner la peine d’examiner le détenu afin de vérifier son état de santé. (sic)

En fait, il ne s’agit que d’un prétexte fallacieux.

Or, la participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale ;

 

Dès lors, les décisions déférées par Monsieur Michel GHELLAM constituent bien des sanctions disciplinaires, susceptibles d’un recours en excès de pouvoir.

Il est donc demandé au Tribunal de céans de déclarer recevable le présent recours en annulation.

 

 

B. Sur le fond

 

I - Sur l’annulation de la décision du 12 juin 2001

Il convient de rappeler que Monsieur GHELLAM s’est vu conduire, le 12 juin 2001, sans explication ni information préalables, au quartier d’isolement de la maison d’arrêt de la Santé.

Il ne lui a été remis aucune décision en ce sens émanant du directeur de la maison d’arrêt de la Santé.

 

Dans le cadre de l’instance, le Ministre de la Justice a produit aux débats une décision en date du 12 juin 2001 de Monsieur GUEGAN.

Cette décision porte mention de " l’avis favorable " de l’administration régionale de l’Administration pénitentiaire en date du 13 juin 2001.

Cette décision devra être annulée par le Tribunal.

 

1. Sur l’incompétence de son auteur

L’article D 283-1 du Code de Procédure pénale dispose :

" La mise à l’isolement est ordonnée par le Chef d’établissement qui rend compte à bref délai au Directeur régional et au Juge d’Application des Peines "

La décision entreprise a été rendue par Madame GUEGAN.

Or, Madame GUEGAN n’est pas le directeur de la maison d’arrêt de la Santé, mais l’un des directeurs adjoints.

La maison d’arrêt de la Santé a pour directeur Monsieur JEGO.

Pour tenter de soutenir la validité de cette décision, le Ministre de la Justice croit pouvoir soutenir que la décision avait été pris par un auteur compétent dès lors que le directeur de la maison d’arrêt de la Santé était en vacances (?).

Or, le Ministre de la Justice verse lui même aux débats une lettre de Monsieur JEGO dont il résulte que Madame GUEGAN a assuré l’intérim de la direction de la Maison d’arrêt de la Santé du 6 au 31 août 2001.

Elle n’avait donc aucune délégation de pouvoir le 12 juin 2001.

Le Tribunal annulera donc la décision déférée pour incompétence de son auteur.

 

2. Sur la violation de la loi

La participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale.

En l’espèce, il est reproché dans la décision de mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 12 juin 2001 la participation de ce dernier à " un mouvement collectif qui a gravement troublé l’ordre du Centre Pénitentiaire de MOULINS ".

A lire cette décision, c’est bien cette circonstance qui a motivée la mise à l’isolement de Monsieur GHELLAM dès le 12 juin 2001.

La décision de validation en régularisation du placement de Monsieur GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire déguisée.

 

Or, les articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale énoncent les règles relatives au prononcé des sanctions disciplinaires à l’encontre des détenus.

Notamment, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée hors la tenue de la commission de discipline régulièrement convoquée ;

Les détenus ont le droit d’être assister par un avocat et de s’entretenir librement avec lui avant le passage devant la Commission de discipline après avoir eu accès au dossier les concernant.

En l’espèce, Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement sans aucune explication préalable.

Il n’a pas été présenté à la commission de discipline de l’établissement.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations.

La décision de placement à l’isolement n’a pas été notifiée à Monsieur GHELLAM avant le 19 juin 2001.

Dans son mémoire, le Ministre de la Justice ne le conteste même pas.

Dès lors, la décision en date du 12 juin 2001 a été prononcée en violation des règles impératives énoncées aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

 

La décision déférée encourt donc l’annulation de plus fort.

 

3. Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation

Pour motiver sa décision, le Directeur Adjoint de la Maison d’arrêt de la Santé se contente d’exposer, sans autrement en justifier, que Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement le 12 juin 2001 en raison de sa participation à " un mouvement collectif qui a gravement troublé l’ordre à la Maison Centrale de MOULINS "

Les motivations de la décision entreprise sont dépourvues de fondement.

En l’état, ces accusations formulées à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM ne sont corroborées par aucun rapport dans lequel l’administration pénitentiaire aurait pu consigner – comme c’est l’usage - les faits imputés au détenu.

Monsieur GHELLAM entend d’ailleurs contester formellement ces accusations.

Faute de justifier de la réalité de la participation de Monsieur Michel GHELLAM a un mouvement collectif au sein de la maison centrale de Moulins, les seules allégations contenues dans la décision du 12 juin 2001 ne pouvaient à elles seules constituer une motivation suffisante pour que Monsieur Michel GHELLAM fasse l’objet de la décision attaquée.

 

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

Mais encore, il échet au requérant de souligner que les prétendus faits qui lui sont reprochés se seraient déroulés au sein de la maison centrale de MOULINS.

Rien ne justifiait dès lors que Monsieur GHELLAM soit placé à l’isolement au sein de la maison d’arrêt de la SANTE.

La décision du chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de Paris est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation.

 

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

II - Sur l’annulation de la décision en date du 18 juin 2001

1. Sur l’incompétence de son auteur

L’article D 283-1 du Code de Procédure pénale dispose :

" La mise à l’isolement est ordonnée par le Chef d’établissement qui rend compte à bref délai au Directeur régional et au Juge d’Application des Peines "

En l’espèce, la décision de " validation, en régularisation " du placement à l’isolement de Monsieur GHELLAM a été prononcée par Monsieur BERBAIN, exerçant la fonction de chef du bureau de gestion de la détention au sein de l’administration pénitentiaire.

Monsieur BERBAIN n’est donc pas le " chef d’établissement " de la maison d’arrêt de la Santé.

 

En tout état de cause, les dispositions de l’article D 283-1 du Code de Procédure Pénale n’attribue à l’administration pénitentiaire dont dépendent les Maisons d’Arrêt aucune compétence de régularisation d’une mesure de placement en isolement d’un détenu.

Mais encore, l’administration pénitentiaire n’a compétence, sur délégation du ministre de la justice, pour statuer en matière de mise à l’isolement dans le seul cas visé à l’article D 283-1 alinéa 6, qui dispose :

" La mesure d’isolement ne peut être prolongée au delà d’un an à partir de la décision initiale que par décision du Ministre de la Justice, prise sur rapport motivé du Directeur régional qui recueille préalablement les avis de la commission de l’application des peines et du médecin intervenant à l’établissement. "

La seule compétence de la direction de l’administration pénitentiaire, sur délégation du ministre de la justice, ne porte que sur la prolongation de la mise en isolement pour un délai supérieur à 1 an.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque Monsieur GHELLAM a été placé le 12 juin 2001 en isolement par une décision initiale du directeur adjoint de la maison d’arrêt de la Santé.

Il ne s’agissait pas de prolonger cette mise à l’isolement au delà d’une durée de un an.

Bien au contraire, l’administration pénitentiaire a cru pouvoir " valider en régularisation " le placement initial à l’isolement de Monsieur Michel GHELLAM.

Dès lors, l’auteur de la décision déférée était incompétent pour prononcer la décision critiquée.

 

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

2. Sur la violation de la loi

La participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale.

En l’espèce, il est reproché dans La décision de validation de la mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 18 juin 2001 la participation de ce dernier à " un mouvement collectif qui a gravement troublé l’ordre à la maison centrale de Moulins ".

A lire cette décision, c’est bien cette circonstance qui a motivée la mise à l’isolement de Monsieur Michel GHELLAM dès le 12 juin 2001.

La décision de validation en régularisation du placement de Monsieur Michel GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire déguisée.

 

Or, les articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale énoncent les règles relatives au prononcé des sanctions disciplinaires à l’encontre des détenus.

Notamment, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée hors la tenue de la commission de discipline régulièrement convoquée ;

Les détenus ont le droit d’être assister par un avocat et de s’entretenir librement avec lui avant le passage devant la Commission de discipline.

 

En l’espèce, Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement sans aucune explication préalable.

Il n’a pas été présenté à la commission de discipline de l’établissement.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations.

La décision de placement à l’isolement n’a pas été notifiée à Monsieur GHELAM avant le 19 juin 2001.

Dès lors, la décision en date du 18 juin 2001 a été prononcée en violation des règles impératives énoncées aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

La décision déférée encourt donc l’annulation de plus fort.

 

3.Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation

Pour motiver sa décision, le chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de Paris se contente d’exposer, sans autrement en justifier, que Monsieur Michel GHELLAM a été placé à l’isolement le 12 juin 2001 en raison de sa participation à " un mouvement collectif qui a gravement troublé l’ordre à la Maison Centrale de MOULINS "

Les motivations de la décision entreprise sont dépourvues de fondement.

En l’état, ces accusations formulées à l’encontre de Monsieur GHELLAM ne sont corroborées par aucun rapport dans lequel l’administration pénitentiaire aurait pu consigner – comme c’est l’usage - les faits imputés aux détenus.

Monsieur GHELLAM entend d’ailleurs contester formellement ces accusations.

Faute de justifier de la réalité de la participation de Monsieur GHELLAM a un mouvement collectif au sein de la Maison Centrale de MOULINS, les seules allégations contenues dans la décision du 18 juin 2001 ne pouvaient à elles seules constituer une motivation suffisante pour que Monsieur GHELLAM fasse l’objet de la décision attaquée.

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

Mais encore, il échet au requérant de souligner que les prétendus faits qui lui sont reprochés se seraient déroulés au sein de la Maison Centrale de MOULINS.

Rien ne justifiait dès lors que Monsieur GHELLAM soit placé à l’isolement au sein de la maison d’arrêt de la Santé.

La décision du chef du bureau de gestion de la détention de l’Administration pénitentiaire de Paris est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation.

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

4. Sur la contradiction des termes de la décision entreprise

Il convient de rappeler que la décision déférée prononce " la validation, en régularisation " du placement initial de Monsieur GHELLAM à l’isolement du 12 juin 2001, tout en énonçant que l’échéance de cette mesure est fixée au 12 septembre 2001.

Pourtant, cette décision a pour titre : " Décision initiale pour une mesure d’isolement de plus d’un an ".

Il y a donc contradiction dans les termes de la décision, qui ne peut tout à la fois régulariser une mesure de placement à l’isolement pour une durée de 3 mois et fixer cette même durée à un an.

Les termes de la décision déférée ne permettent donc même pas d’en saisir le sens.

L’annulation est donc encourue de plus fort de ce chef.

 

III. Sur l’annulation de la décision en date du 10 septembre 2001

1. Sur l’incompétence de son auteur

L’article D 283-1 du Code de Procédure pénale dispose :

" La mise à l’isolement est ordonnée par le Chef d’établissement qui rend compte à bref délai au Directeur régional et au Juge d’Application des Peines.

(…)

La durée de l’isolement ne peut être prolongée au delà de 3 mois sans qu’un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l’application des peines et sans une décision du Directeur Régional. "

En l’espèce, la décision en date du 10 septembre 2001 a prolongé pour une durée de 3 mois la mise à l’isolement de Monsieur Michel GHELLAM.

Or, cette décision de prolongation de l’isolement pour une durée de 3 mois a été rendue par Monsieur BERBAIN, chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire, sur délégation du ministre de la justice.

Cette décision n’a pas été rendue par le directeur régional de l’administration pénitentiaire.

La seule compétence de la direction de l’administration pénitentiaire, sur délégation du ministre de la justice, ne porte que sur la prolongation de la mise en isolement pour un délai supérieur à 1 an conformément aux termes de l’article D 283-1 alinéa 6.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque Monsieur Michel GHELLAM a été placé le 12 juin 2001 en isolement par une décision initiale du directeur adjoint de la maison d’arrêt de la Santé.

Il ne s’agissait pas de prolonger cette mise à l’isolement au delà d’une durée de 1 an, mais au delà d’une durée de 3 mois.

Dès lors, l’auteur de la décision déférée était incompétent pour prononcer la décision critiquée.

 

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

2. Sur la violation de la loi

La participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale.

En l’espèce, il est reproché dans la décision de prolongation de la mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 10 septembre 2001 la participation de ce dernier à :

" une évasion de la Maison Centrale de Clairvaux le 22/10/1992, des préparatifs d’évasion à la Maison d’Arrêt de Fresnes le 4/2/1994 et un mouvement collectif à la Maison Centrale de Moulins le 11/06/2001 ".

 

A lire cette décision, c’est bien cette circonstance qui a motivée la mise à l’isolement de Monsieur GHELLAM dès le 12 juin 2001, puis la prolongation de sa mise en isolement pour une nouvelle période de 3 mois.

La décision de prolongation du placement de Monsieur Michel GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire déguisée.

Or, les articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale énoncent les règles relatives au prononcé des sanctions disciplinaires à l’encontre des détenus.

Notamment, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée hors la tenue de la commission de discipline régulièrement convoquée ;

Les détenus ont le droit d’être assister par un avocat ayant accès à son dossier et de s’entretenir librement avec lui avant le passage devant la Commission de discipline.

 

En l’espèce, Monsieur Michel GHELLAM s’est vu prolongé sont placement en l’isolement sans aucune explication préalable.

Il n’a pas été présenté à la commission de discipline de l’établissement.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations.

 

Dès lors, la décision en date du 7 août 2001 a été prononcée en violation des règles impératives énoncées aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

La décision déférée encourt donc l’annulation de plus fort.

 

3.Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation

Pour motiver sa décision, le chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de Paris se contente d’exposer, sans autrement en justifier, que Monsieur Michel GHELLAM a été placé à l’isolement le 12 juin 2001 en raison de sa participation à " un mouvement collectif à la Maison Centrale de MOULINS le 11/06/2001 "

Les motivations de la décision entreprise sont dépourvues de fondement.

En l’état, ces accusations formulées à l’encontre de Monsieur GHELLAM ne sont corroborées par aucun rapport dans lequel l’administration pénitentiaire aurait pu consigner – comme c’est l’usage - les faits imputés aux détenus.

Monsieur GHELLAM entend d’ailleurs contester formellement ces accusations.

Faute de justifier de la réalité de la participation de Monsieur GHELLAM a un mouvement collectif au sein de la Maison Centrale de MOULINS, les seules allégations contenues dans la décision du 10 septembre 2001 ne pouvaient à elles seules constituer une motivation suffisante pour que Monsieur GHELLAM fasse l’objet de la décision attaquée.

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

Mais encore, il échet au requérant de souligner que les prétendus faits qui lui sont reprochés se seraient déroulés au sein de la maison centrale de MOULINS.

Rien ne justifiait dès lors que Monsieur GHELLAM soit placé à l’isolement au sein de la maison d’arrêt de la Santé.

La décision est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation.

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

Monsieur GHELLAM a été contraint d’exposer des frais irrépétibles qu’il serait inéquitables de laisser à sa charge ; Il conviendra de condamner l’Administration pénitentiaire au paiement d’une somme de 4000 € en application des dispositions du Code de Tribunaux Administratifs.

 

 

PAR CES MOTIFS

 


IL EST DEMANDE AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE :

Dire et juger Monsieur GHELLAM recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Annuler la décision du 12 juin 2001 de Madame GUEGAN
Annuler les décisions du 18 juin 2001 et du 10 septembre 2001 de Monsieur BERBAIN, chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de PARIS,
Condamner l’Etat au paiement d’une somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles de l’instance en application des dispositions du Code des Tribunaux Administratifs, ainsi qu’aux dépens.

 


Sous Toutes Réserves
Et ce sera Justice

 

Pièces communiquées :

1. Décision du 18 juin 2001 du Chef du Bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de PARIS
2. Décision du 7 août 2001
3. Certificats médicaux