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(1997 à ce jour) Atelier d’Art-Thérapie grâce à la peinture

Mise en ligne : 6 avril 2005

Texte de l'article :

Formée à l’art-thérapie, Edwige de Benoist anime un atelier de peinture à la maison d’arrêt du Val-d’Oise. Fin mai, une grande exposition, organisée en partenariat avec l’Essec, va présenter la production des détenus au grand public.

Depuis 1997, Edwige de Benoist anime un atelier de peinture à la maison d’arrêt du Val-d’Oise, près de Cergy, en région parisienne. Deux fois par semaine, trois heures durant, elle encadre une dizaine de détenus, tous volontaires, qu’elle initie à l’art pictural. Cet atelier, elle en est l’initiatrice : " Avant de le mettre en place, j’ai suivi une formation d’art-thérapie, une discipline qui a vu le jour dans les années 30 dans le milieu psychiatrique et qui vise à restaurer le narcissisme des personnes en difficulté au travers de l’art et de la création ", raconte Edwige pour expliquer son initiative. Infirmière de profession, elle est aussi artiste-peintre. Parallèlement à son job, elle a du reste suivi la démarche classique de tout artiste : un atelier chez elle, des expos, des catalogues... " Mais j’ai fini par trouver cela trop égoiste, j’ai eu envie d’ouvrir mon savoir-faire aux autres ", confie-t-elle.

La peinture comme thérapie

L’art-thérapie, elle n’y est pas venue tout de suite. Sa démarche fut d’abord très pragmatique. Edwige a commencé à travailler la peinture avec des groupes d’enfants à l’école primaire. Dans un deuxième temps, elle a encadré des gens en fin de vie, atteints du sida, à la Maison de Lumière, à Cergy. " Une expérience de huit mois, aussi éprouvante qu’enrichissante. J’ai découvert que, dès le premier coup de crayon, il se passait quelque chose entre les malades et la création. Ils savaient qu’ils allaient mourir, mais un certain bien-être s’installait chez eux, comme si cela les aidait à faire le pas. "
Un déclic ? Toujours est-il qu’elle prend alors la décision de se spécialiser en art-thérapie, une discipline qu’elle connaissait de réputation. Elle mettra d’abord cette expérience à profit auprès des enfants de la DASS de Cergy-Saint-Christophe. " Je n’étais pas attirée par la psy, explique-t-elle, j’avais plutôt envie de travailler dans le social. Ce milieu s’empare de plus en plus de l’art-thérapie pour aider les gens en difficulté à gérer leur stress. Le but est de transformer leurs énergies en énergies positives, on construit au lieu de détruire. " Un an et demi plus tard, sa formation exige qu’elle fasse un stage. Elle propose alors à l’administration judiciaire d’ouvrir un atelier à la maison d’arrêt, près de Cergy. " La prison, je la connaissais déjà. J’y étais entrée la première fois par hasard, trois ou quatre ans auparavant, comme infirmière intérimaire. Ce fut très dur car je ne me suis pas sentie à ma place à ce poste et je n’y suis pas restée. J’ai eu envie d’y retourner pour y faire autre chose ", se souvient-elle.

Préparer la réinsertion des détenus

Depuis, elle y est restée. La première année, il a fallu tout faire, tout construire, et à ses propres frais. Surtout, il a fallu convaincre - les détenus, l’administration - de l’intérêt d’un tel atelier : " J’y suis allée petit à petit. Mon but n’était pas de révolutionner la prison. Je n’ai pris personne de front. Modestement, dans mon coin, j’ai fait vivre cet atelier ". Très vite, plusieurs détenus se portent candidats.
"Au début, ils y voyaient surtout une occasion de sortir de leur cellule. Mais ils ont fini par s’accrocher à la discipline", confie Edwige.
Convaincue, l’administration judiciaire la rémunère aujourd’hui pour son travail. Les dix détenus qui participent à l’atelier - le lieu ne peut pas les accueillir en plus grand nombre - sont assidus : " Ils font des progrès tous les jours. Autre satisfaction pour moi : âgés de 20 à 60 ans, ils sont issus de milieux sociaux, culturels et religieux très divers. A priori, ils n’avaient pas lieu de se rencontrer. Pourtant, ils forment aujourd’hui un groupe très soudé ". Leur prochain défi : une grande expo, prévue fin mai, dans les locaux de l’Essec. L’école, où Edwige est infirmière à temps partiel, est en effet partie prenante du projet, "L’Art vers la liberté", qui veut servir de pont entre l’univers pénitentiaire et le monde extérieur. L’atelier d’écriture et l’atelier radio de la maison d’arrêt du Val-d’Oise y sont également associés. Outre une expo itinérante, le projet va donner lieu à un livre. " On voudrait changer le regard des gens sur les prisonniers et, ainsi, aider ces derniers dans leur future réinsertion sociale ", explique Edwige. D’autant que leur production est surprenante pour quelqu’un de l’extérieur : " Elle a ceci de spécifique qu’elle n’a pas de destinataire. Ils ne peignent pas pour le regard de l’autre, ce qui laisse place à une totale spontanéité, proche de l’enfance que l’on a tous perdue ".

Corinne Gonthier

Pour tout renseignement et/ou commander le livre : contacter Edwige de Benoist au 06 82 46 69 77.

Source : Magazine Place publique