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23 mai 2002 - Mémoire récapitulatif sur la requête en excès de pouvoir auprès du Tribunal Administratif de Melun

Mise en ligne : 25 juin 2002

Texte de l'article :

Tribunal Administratif de Melun

 

MEMOIRE RECAPITULATIF
Sus la requête en excès de pouvoir n°0200136-3

 

POUR : Monsieur Michel GHELLAM, né le 30 septembre 1959 à FREJUS, domicile élu chez Me F. LUNEAU 175 quater boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne

 

Ayant pour avocat Maître Françoise LUNEAU, barreau des hauts de seine (PN 335), 175 quater boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne Billancourt, téléphone : 01.46.04.59.59. télécopie : 01.46.04.60.94.

 

CONTRE :

La décision du 22 novembre 2001 de transfert de Monsieur GHELLAM de la Maison d’Arrêt de FRESNES à la Maison Centrale de SAINT MAUR

 

Monsieur Michel GHELLAM a l’honneur de produire le présent mémoire au soutien de sa requête en excès de pouvoir diligenté à l’encontre de la décision précitée sur le fondement des observations suivantes :

 

1. Rappel des faits

 

Monsieur Michel GHELLAM était détenu jusqu’au 6 novembre 2001 à la maison d’arrêt de la Santé au quartier d’isolement.

Le 6 novembre 2001, il a été transféré à la maison d’arrêt de Fresnes alors qu’un transfert pour la centrale d’Arles lui avait été confirmé par un gradé de la maison d’arrêt de la Santé.

Puis, Monsieur Michel GHELLAM a été transféré à la Maison Centrale de Saint Maur le 22 novembre 2001 sans aucune information préalable en ce qui concerne le changement de destination.

Aucune copie de l’ordre de transfert ne lui a été remise.

S’enquerrant des motifs de ce transfert, il s’est entendu répondre que ce transfert était motivé pour " des raisons de sécurité " (sic).

 

C’est pourquoi Michel GHELLAM sollicite l’annulation de :

La décision du 22 novembre 2001 ordonnant son transfert de la Maison d’Arrêt de Fresnes à la Maison Centrale de Saint Maur.

 

2. sur le recours en excès de pouvoir

A. Sur la recevabilité du présent recours

Il est constant que toute décision d’une autorité administrative faisant grief à celui à l’encontre de laquelle elle a été édictée est susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

La faculté d’introduire un recours en excès de pouvoir devant le Juge Administratif est d’ailleurs un Principe Fondamental du Droit Administratif.

Ce n’est donc qu’en appréciant in concreto si une décision de l’autorité administrative fait grief ou non à l’intéressé que les Juridictions administratives peuvent déterminer si un recours en excès de pouvoir est recevable ou non.

Dans le cas d’espèce, la décision administrative attaquée fait particulièrement grief à Monsieur Michel GHELLAM ;

Le Transfert de Monsieur Michel GHELLAM a entraîné une modification certaine de ses conditions de détention et, par voie de conséquence, de sa situation juridique.

Le lieu de détention est désormais situé près de Châteauroux (36), ce qui interdit au requérant de facto de pouvoir recevoir des visites de sa famille régulièrement compte tenu de l’éloignement géographique.

La décision administrative attaquée fait donc particulièrement grief à Monsieur Michel GHELLAM.

Il s’agit bien d’une décision administrative susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

Mais encore, il convient de rappeler l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dispose :

Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (…) "

 

La Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme énonce que droit de tout individu à un procès équitable est applicable en matière de contentieux disciplinaire.

Il s’agit d’un droit absolu reconnu dans le cadre d’une convention internationale ayant valeur supra légale, et en tout état de cause, supérieure aux dispositions réglementaires de l’article D 283-2 du Code de Procédure Pénale.

Pareillement, la Jurisprudence du Conseil d’Etat énonce que les mesures d’ordre Intérieur sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir (Conseil d’état, arrêt d’assemblée du 17 février 1995 " Marie Hardouin " ; Tribunal Administratif de PARIS, 16 mai 1995 " Astier " ; Tribunal Administratif de PARIS 6 décembre 1995 " Bekkouche ").

 

Selon cette Jurisprudence désormais établie, les sanctions prononcées par l’administration pénitentiaire à l’encontre des détenus sont susceptibles d’un recours en excès de pouvoir devant les Juridictions administratives.

En l’espèce, la décision de transfert de Monsieur Michel GHELLAM constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire déguisée.

Il convient de rappeler que lors de son séjour à la maison d’arrêt de Fresnes, Monsieur Michel GHELLAM s’est vu immédiatement placé en cellule disciplinaire sur des motifs délétères et fit l’objet de deux commissions de discipline contre lesquelles des recours en annulation ont d’ailleurs été introduit par le requérant devant le Tribunal Administratif de céans.

Le transfert de Michel GHELLAM survient quelques jours plus tard…

Monsieur Michel GHELLAM a finalement passé 16 jours à la Maison d’arrêt de Fresnes.

Dès lors, la décision de transfert de la maison d’arrêt de Fresnes à la maison centrale de Saint Maur Monsieur Michel GHELLAM constituait bien une sanction disciplinaire, susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

Il est donc demandé au Tribunal de céans de déclarer recevable le présent recours en annulation.

 

B. Sur le bien fondé du recours – Annulation de la décision

I - Sur la réalité juridique de la décision de transfert du 22 novembre 2001

Il convient de rappeler que Monsieur GHELLAM s’est vu conduire, le 22 novembre 2001, sans explication ni information préalables, à la Maison Centrale de Saint Maur.

Il ne lui a été remis aucune décision ni aucun ordre de transfert en ce sens.

Le conseil de l’exposant a demandé, par lettre en recommandé avec accusé de réception en date du 20 décembre 2001, de lui transmettre une copie de l’ordre de transfert afin d’en vérifier les réels motifs.

Le directeur de l’administration pénitentiaire n’a pas daigné répondre à cette demande légitime.

Compte tenu de la carence du directeur de l’administration pénitentiaire, il apparaît qu’en réalité la prétendue décision en date du 22 novembre 2001 est dépourvue de toute réalité juridique.

En cours d’instance, le ministre de la Justice a fini par produire une lettre de Monsieur BERBAIN, Chef du Bureau de gestion de la Détention de l’Administration pénitentiaire en date du 19 novembre 2001 ordonnant le transfert de Michel GHELLAM de la Maison d’Arrêt de FRESNES au Centre de Détention de Saint Maur.

Cet ordre de transfert n’avait jamais été notifié à Michel GHELLAM, ni à son conseil.

En tout état de cause, le présent recours en annulation est d’autant pus légitime et recevable que l’administration pénitentiaire produit un Ordre de transfert de Michel GHELLAM, ordre qui sera exécuté le 22 novembre 2001.

Mais surtout, un courrier en date du 24 janvier 2002 est produit par le Ministre de la Justice, adressé au conseil du requérant.

Il convient de souligner que si ce courrier a bien confirmé le transfert de Michel GHELLAM au Centre de détention de Saint Maur, la copie de l’ordre de transfert n’y était pas joint.

Si tel avait été le cas, ce courrier n’aurait pas manqué de mentionner la copie de l’ordre de transfert à titre de pièce jointe,

La lecture de cette lettre permet de constater que ce n’est pas le cas.

Bien au contraire, cette lettre constitue une fin de non recevoir opposée au conseil de Michel GHELLAM, qui souhaitait obtenir une copie de la décision transfert.

Il aura donc fallu que Michel GHELLAM diligente le présent recours en excès de pouvoir pour qu’il puisse obtenir, au cours d’une production judiciaire de pièces, la copie de l’ordre de transfert le concernant, plus de 6 mois après qu’il ait été conduit au Centre de Détention de Saint Maur…

C’est dire de l’attitude de l’administration pénitentiaire à l’égard de Monsieur GHELLAM.

 

II - Sur l’annulation de la décision

 

1. Sur l’incompétence de son auteur

L’article D 80 du Code de Procédure pénale dispose :

Le ministre de la Justice dispose d’une compétence d’affectation des condamnés dans toutes les catégories d’établissement. sa compétence est exclusive pour les affectations dans les maisons centrales et les centres de détention à vocation nationale ".

En l’espèce, il n’avait pas été donné au requérant la possibilité de vérifier que la décision transfert ait été prise par l’autorité compétente, puisqu’il n’avait pas reçu de copie de l’ordre de transfèrement le concernant.

Suite à la production de l’ordre de Transfèrement relatif à Monsieur GHELLAM, il est enfin permis au requérant d’en connaître l’auteur.

Il apparaît ainsi que cet ordre de transfèrement émane de Monsieur Hugues BERBAIN, Chef du Bureau de la gestion de la détention de l’administration pénitentiaire.

Monsieur BERBAIN n’a jamais occupé les fonctions de Ministre de la Justice.

Il n’est pas versé aux débats une quelconque délégation de pouvoir du Ministre de la justice au profit de Monsieur BERBAIN portant sur la prérogative issue de l’article D 80 du Code de Procédure Pénale de transférer les détenus.

Le ministre de la Justice évoque à ce titre un " arrêté du 31 mai 2001 ", mais omet de le produire aux débats.

La carence du ministre de la justice est patente.

Faute de produire une telle délégation de pouvoir, l’auteur de la décision déférée était nécessairement incompétent pour prononcer la décision critiquée.

Dès lors, le Tribunal prononcera l’annulation de la décision déférée pour incompétence de son auteur.

 

 

2. Sur la violation de la loi

L’article D 80 du Code de Procédure pénale dispose :

Dans tous les cas, la décision est prise, sauf urgence, après consultation du juge de l’application des peines. "

Cette disposition est impérative.

En l’espèce, il n’apparaît pas que le juge de l’application des peines ait été consulté avant le transfert de Monsieur Michel GHELLAM à la maison centrale de Saint Maur.

Sur ce point, le Ministre de la Justice ne dit mot dans son mémoire, conscient qu’il est que les règles impératives de l’article D 80 n’ont pas été respectées.

Dès lors, la décision de transfert de Michel GHELLAM a été prise en violation des règles législatives impératives relatives aux transferts de condamnés en maison centrale.

L’annulation est donc encourue de plus fort.

 

3. Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation

Aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, les décisions administratives doivent être motivées.

Dans le cas d’espèce, la décision de transfert de Michel GHELLAM est dépourvue de toute motivation.

Monsieur Michel GHELLAM s’est simplement entendu dire, lors de son transfert, que la décision avait été prise pour " raisons de sécurité ", sans autre précision.

Or, il est constant que pour être motivée, une décision administrative doit énoncée expressément les circonstances de droit et de fait qui justifiaient son prononcé.

En l’espèce, la copie de l’ordre de transfert versé aux débats par le Ministre de la Justice mentionne à titre de motivation de cette décision : " mesure d’ordre et de sécurité ".

 

Or, une telle considération est insuffisante pour motiver la décision de transfert de Monsieur Michel GHELLAM.

En l’espèce, aucune circonstance précise de fait ou de droit n’est mentionnée sur l’ordre de transfert.

La motivation de cette décision échappe donc toujours à Michel GHELLAM.

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

La décision est en tout état de cause entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

L’annulation devra être prononcée de plus fort.

 

4. Sur le détournement de pouvoir

A son arrivée à la maison d’arrêt de Fresnes, Monsieur Michel GHELLAM s’est vu immédiatement placé en cellule disciplinaire sur des motifs non fondés en droit.

Monsieur Michel GHELLAM s’est également vu infliger deux convocations à des audiences de la commission de discipline.

Il convient de noter que ces décisions ont fait l’objet de recours en annulation devant le Tribunal de céans.

Le transfert de Michel GHELLAM survient quelques jours plus tard.

L’ordre de transfert mentionne à ce titre que la décision était motivée pour des raisons obscures " d’ordre et de sécurité ".

Monsieur Michel GHELLAM a finalement passé 16 jours à la maison d’arrêt de Fresnes.

En réalité, le transfert de Michel GHELLAM constitue une véritable sanction déguisée destiner à le punir pour les faits qui lui sont imputés et qui ont donné lieu à des sanctions disciplinaires au demeurant contestées.

Le tribunal ne manquera pas de sanctionner ce détournement de pouvoir, et annulera de plus fort la décision entreprise.

 

Monsieur GHELLAM a été contraint d’exposer des frais irrépétibles qu’il serait inéquitables de laisser à sa charge ; Il conviendra de condamner l’Administration pénitentiaire au paiement d’une somme de 4000 € en application des dispositions du Code de Tribunaux Administratifs.

 

 

PAR CES MOTIFS

 

IL EST DEMANDE AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE  :

  • Dire et juger Monsieur GHELLAM recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
  • Annuler la décision du 22 novembre 2001 de transfert de la Maison d’Arrêt de Fresnes à la Maison Centrale de Saint Maur,
  • Condamner l’Etat au paiement d’une somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles de l’instance en application des dispositions du Code des Tribunaux Administratifs, ainsi qu’aux dépens.

 

Sous Toutes Réserves
Et ce sera Justice

 

Le 23 mai 2002
A Boulogne Billancourt

 

Françoise LUNEAU 
Conseil de Michel GHELLAM

 

Pièces communiquées :

1) Lettre du Conseil de Michel GHELLAM en date du 20 décembre 2001