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Date : 9-10-2004

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Date : 9-10-2004

71 Détention provisoire en Allemagne

Mise en ligne : 18 octobre 2004

Texte de l'article :

LE REGIME DE LA DETENTION PROVISOIRE
EN ALLEMAGNE
JEAN-FRANÇOIS BOHNERT, MAGISTRAT DE LIAISON

1 - La détention avant jugement existe t-elle ?

Il existe en Allemagne un régime de détention avant jugement, la détention provisoire (Untersuchungshaft, abrégée « U’Haft »), similaire à la procédure française (§ 112 à 131 Strafprozessordnung, code de procédure pénale allemand).

2 - A quels cas s’applique la détention avant jugement ?

La détention provisoire est généralement possible, quelle que soit la peine encourue, si l’un des motifs des § 112 et 112a est établi. En revanche, la détention provisoire n’est pas possible si la peine encourue ne dépasse pas 6 mois d’emprisonnement ou une amende ne dépassant pas 180 jours-amende, sauf s’il y a risque de soustraction à la Justice et que l’intéressé, soit s’est déjà dérobé à la Justice ou avait pris des dispositions en ce sens, soit ne dispose d’aucune domiciliation fixe, soit ne peut valablement fournir son identité (§ 113 StPO).
En Allemagne, il n’y a pas l’équivalent du juge d’instruction. Les enquêtes sont conduites sous la responsabilité du parquet (Staatsanwaltschaft), avec le concours ponctuel d’un juge, « juge des enquêtes » (Ermittlungsrichter) pour l’autorisation de certaines investigations (perquisitions, expertises, écoutes téléphoniques,...) et d’un « juge de la détention » (Haftrichter) pour le placement en détention provisoire. En outre, la mise en examen est une notion étrangère au droit allemand.
La détention provisoire concerne les majeurs ainsi que les mineurs dans la mesure où il y a coïncidence entre majorité pénale et limite d’âge inférieure pour la détention provisoire, à savoir 14 ans révolus.

3 - Quelle autorité prend la décision en matière de détention avant jugement ?
La décision initiale de placement en détention est prise par le juge de la détention (Haftrichter), compétent au stade l’enquête préparatoire conduite par le Parquet. Il n’y a pas de prolongation expresse de la détention, mais des échéances (3 et 6 mois) au terme desquelles il est statué (Haftprüfung, § 117 à 122 StPO) sur la nécessité du maintien en détention (Fortdauer). Compétence est donnée suivant le cas au juge de la détention (Haftrichter) du tribunal régional (Landgericht) ou de la cour d’appel (Oberlandesgericht).
La décision de remise en liberté appartient au juge de la détention et au parquet lui-même (§ 120 StPO).
La personne est assistée ou représentée par un avocat de manière facultative (cf. § 117 al. 4 StPO).

4 - Durée de la détention avant jugement

La détention provisoire doit ne pas dépasser 6 mois, avec audience obligatoire de vérification de la nécessité de la détention (Haftprüfung, cf. supra) au bout de 3 mois. A titre exceptionnel, si les investigations sont particulièrement difficiles ou si leur ampleur l’exige, la détention peut excéder 6 mois ; sa prolongation est dans ce cas ordonnée par la cour d’appel (§121 + 122 StPO). La limite absolue de la durée de la détention est fixée à 1 an, si le placement en détention provisoire est fondé sur le risque de récidive (§ 112a) et que l’enquête rencontre les difficultés précitées (§ 121). Mais dans les autres cas, aucune durée maximum ou absolue n’est fixée par la loi.

5 - Recours éventuels à l’encontre des décisions prises en matière de détention avant jugement

Le prévenu et le ministère public peuvent exercer de tels recours, dans des délais rapprochés, devant la juridiction de recours habituelle. La comparution personnelle n’est pas systématique. Elle intervient uniquement à la demande de l’intéressé ou est décidée d’office par la juridiction. Il y a débat contradictoire en présence de l’avocat si la comparution personnelle a été décidée.

6 - Régime pénitentiaire de la détention avant jugement

La loi interdit la mise en contact du détenu provisoire avec le reste de la population carcérale (§ 119 al. 1 StPO). Il existe des établissements réservés à la détention provisoire (Haftanstalt) ou des quartiers réservés au sein d’établissements pour peine (Justizvollzugsanstalt). Des quartiers pour mineurs sont également en place.
Le régime pénitentiaire est allégé : « les seules restrictions qui lui sont imposées doivent être liées aux nécessités de la détention provisoire elle-même ou du bon ordre au sein de l’établissement » (§ 119 al. 3).

7 - Imputation du temps passé en détention avant jugement sur le temps de la condamnation à une peine d’emprisonnement ferme

Oui, intégralement (§ 450 StPO).

8 - Indemnisation ou autre forme de compensation

Lorsque aucune condamnation n’est finalement prononcée lors du jugement au fond (acquittement), le principe de l’indemnisation est prévu à l’article 2 de la loi du 8.3.1971 relative à « l’indemnisation du préjudice subi en suite à l’exercice de l’action publique » (Gesetz über die Entschädigung für Strafverfolgungsmaßnahmen - StrEG) ; son montant est de 11 € par journée de détention entamée (art. 7 al. 3 de la loi du 8.3.1971).

9 - Eléments statistiques


Affaires avec prévenus détenus

10 - Débats et projets d’aménagements

Les dernières modifications législatives substantielles remontent à une loi du 7.4.87. Il n’y a actuellement pas de débat en cours.

Que peut-on dire de la pratique par rapport aux règles de droit ci-dessus
rappelées (écart ou coïncidence) ?

Le principe de stricte légalité, tel qu’il est appliqué par les juges de la
détention, et surtout par les juridictions supérieures (Cour fédérale de justice particulièrement exigeante, s’agissant du respect de l’Etat de droit !), ne permet pas d’observer des écarts significatifs.