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Lettre 117 Prison de Turi, 21 mars 1932

Mise en ligne : 10 avril 2005

Texte de l'article :

Prison de Turi, 21 mars 1932

Très chère Tania,

... J’ai lu les remarques du professeur Cosmo au sujet dixième chant de l’Enfer de Dante. Je le remercie de ses suggestions et de ses indications bibliographiques. Je ne crois pas toutefois qu’il vaille la peine d’acheter les fascicules de la revue qu’il indique : dans quel but ? Si je voulais écrire un essai à des fins de publication, ces écrits ne seraient pas suffisants (ou tout au moins ils ne me sembleraient pas suffisants et ils détermineraient ainsi en moi un état d’esprit de découragement et d’insatisfaction) ; et pour écrire quelque chose pour moi-même, pour passer le temps, il n’est pas nécessaire de mettre la main sur d’aussi solennels monuments que les Études dantesques de Michel Barbi qui, d’ailleurs, à la lecture, ne fournissent aucun élément indispensable ou indirectement utile. La littérature dantesque est si pléthorique et si prolixe que l’unique justification que l’on aurait à écrire quelque chose sur la question serait celle d’avoir à dire quelque chose de vraiment nouveau et de le dire avec le maximum de précision et le minimum de mots possible. Le professeur Cosmo lui-même me paraît souffrir un peu de la maladie professionnelle des dantistes : si ses suggestions étaient suivies à la lettre, il faudrait écrire un volume entier. Je suis satisfait de savoir que l’interprétation que j’ai ébauchée du XI chant soit relativement nouvelle et digne de développement ; cela suffira à mon humanité d’enfermé pour que je distille quelques pages de notes qui, à priori, ne me semblent pas une superfétation...

Sais-tu que je n’ai envoyé de souhaits à ma mère ni pour sa fête ni pour Pâques ? Cette année, je n’ai pas de calendrier et c’est pour cela que je n’ai pas pu voir à temps que le jour de Saint-Joseph avançait à grands pas ; en outre, cette année il n’y a plus la lettre extraordinaire que l’on pouvait écrire pour Pâques et ainsi je me suis trouvé complètement à terre. Je penserai à m’excuser la prochaine fois. J’écrirai à Julie une prochaine fois : peut-être vaut-il mieux attendre qu’elle-même écrive encore ou que Délio réponde.

Je t’envoie tous mes souhaits et je t’embrasse affectueusement.

ANTOINE