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Colloque sur l’enseignement en milieu pénitentiaire organisé les 3 et 4 décembre 2001

13 Atelier 8 Des démarches adaptées... pour les bas niveaux

Mise en ligne : 11 juillet 2004

Texte de l'article :

Animation : Jean-Jacques Dufour (enseignant au Centre de détention de Caen)
Intervenants : Philippe Prigent et Éric Thomas (enseignants)

Philippe Prigent
Je viens de Brest et dans l’établissement où j’exerce, on compte trois cents détenus. Je vais plutôt orienter mon propos sur les jeunes parce que pour nous c’est un vrai problème. En dix ans, nous sommes passés de un à seize mineurs et il y a seulement deux enseignants et un surveillant au quartier. Pour gérer les mineurs, il ne suffit pas d’avoir LPP et Gide. Avec ces jeunes, qui ont une perte complète de repères dans le temps et dans l’espace et qui vivent uniquement dans l’instant, ou presque, nous avons besoin de recueillir toutes les informations concernant leur histoire.
Heureusement, il y a Pacte 2 et les commissions de classement.
De plus depuis un an nous avons une réunion mensuelle durant laquelle nous pouvons échanger avec les juges pour enfants et les éducateurs de la PJJ. Grâce à ça, on a plus d’informations sur le jeune. Mais ce qu’il nous faut aussi, ce sont des renseignements sur les conditions de la vie carcérale des jeunes.
Ce qui concerne l’hôtellerie, la restauration à l’intérieur des murs. C’est avec le service médical que les difficultés persistent.
C’est trop souvent le fameux « secret médical » qui est invoqué.
Pour nous, parfois, cela ressemble à de la « non assistance à personne en danger ». Ce que nous voulons, c’est prendre le jeune dans sa globalité.
Intervenant Albi : A Albi, ce que nous avons trouvé comme réponse pour mieux travailler ensemble, ce sont les réunions interservices.
Le service social et l’enseignement, se réunissent deux fois par semaine et petit à petit, nous avons été amenés à ne plus parler de nous-mêmes et de nos problèmes mais des détenus. Ca s’est fait normalement. Le secret est tombé.
PP : Oui, les barrières tombent très vite quand on arrive à négocier de cette manière là. Pacte 2, à mon avis est le lieu incontournable pour nous, pour prendre de l’information et établir après un plan de formation. C’est un bien grand mot parfois pour des jeunes qui sont perturbés. Si je dressais un petit profil de ces jeunes, je dirais : pas de repères dans le temps, dans l’espace, un ego très fort qui peut expliquer parfois le passage à l’acte, une incapacité à se décentrer et à communiquer. Qu’est-ce que nous pouvons donc mettre dans un plan de formation pour des jeunes qui ont un tel profil ? Avec les jeunes les plus perturbés nous faisons déjà un travail sur le comportement en groupe. Il faut leur dire : « Tu viens, tu t’assois et tu écoutes ». On peut faire le point sur les objectifs tous les 15 jours avec la personne. On revoit le jeune individuellement et on lui dit : « Tu vois, les 15 derniers jours, tu as réussi à venir en cours, à t’asseoir et à écouter ». C’est déjà un pas, et ce public-là existe. À Brest, pour 16 mineurs de 13 à 18 ans, aujourd’hui, nous avons ces objectifs. Quand ils arrivent à venir, à s’asseoir, à écouter un peu : nous avançons. Un jeune est arrivé d’un autre établissement suite à un transfert disciplinaire.
Nous avons réussi à le scolariser en lui fixant des objectifs peu ambitieux et à court terme. Je ne vous cache pas que la pression durant les cours est là, en permanence, pour lui et pour nous. Il y a des moments où il « craque ». Nous commençons, au bout de 3 mois, à entrer vraiment dans le travail scolaire, dans les apprentissages de base : lecture, maths, etc. Sur un parcours de 3 mois, c’est tout de même long et lourd. Il y a bien sûr des moments de tension, de violence. Il faut souvent gérer la crise. Tout est à tout moment remis en cause pour une bagarre, un moment de tension, un autre détenu qui arrive et qui est pris dans la même affaire...
Nous nous apercevons aussi que dans ces quartiers, sur ces groupes, les problèmes sont exponentiels en fonction du nombre.
Nous faisons donc deux groupes d’environ dix personnes chacun.
L’un prépare le CFG et l’autre va au delà. Sur les dix places, quatre sont ouvertes aux mineurs. Nous jouons tout à la fois sur la mixité et le quota car si davantage de mineurs sont introduits dans le groupe, celui-ci explose. En ce qui concerne le plan de formation, nous pouvons remarquer que nous sommes sur des objectifs proches de la petite section de maternelle. Nous sommes dans le domaine de la socialisation, il faut apprendre à respecter des règles de groupe. Nous sommes loin des fractions. Je choque volontairement pour conduire à se poser des questions sur les contenus, afin de mettre en évidence le décalage qu’il y a entre les savoirs-être et les savoirs-faire.
En ce qui concerne les outils, j’utilise beaucoup React et ÉFoRe qui marchent bien avec les jeunes. ÉFoRe sert plutôt à ceux qui ont besoin de se remettre dans une logique d’exercices, d’accepter une règle, de comprendre un peu le clavier de l’ordinateur.
J’utilise aussi beaucoup la lecture d’images. C’est important la question des repères dans le temps et je me suis rendu compte qu’« En un mot » allait trop vite. Le côté humoristique qu’on y trouve fait appel au culturel et tombe à plat à chaque fois avec ces mineurs. J’ai l’impression parfois que le peu de mots dont ils disposent les empêche de comprendre. Je pense qu’ils doivent avoir en commun, en situation de communication, entre 100 et 120 mots, pas plus. React fait pour nous partie du plan de formation. On travaille dans du séquentiel. Toutefois, le reproche que l’on peut faire à ce dispositif est la pauvreté de sa bibliothèque.
Il faut l’enrichir, notamment avec des bibliothèques qui sont relativement intéressantes sur les métiers du bâtiment ou d’autres, avec des fiches qui sont assez performantes.
Posons-nous toujours la question de la pertinence des outils qu’on utilise et de leur contenu. Est-ce qu’il n’y a pas moyen de les adapter et de retravailler dessus de manière à être plus efficace auprès des publics dits de bas niveaux ? Par exemple, je parlais d’« En un mot » et je crois que là, les contenus sont très éloignés culturellement du public auquel nous avons à faire. Quand on est enseignant on doit trouver des activités qui sont en rapport avec le potentiel de son public. Nous travaillons, et c’est peut-être condamnable, sur toutes les situations de communication qui se présentent à nous comme les courriers et les CV. Cela permet, au travers de
ces activités, d’aider les détenus à mieux comprendre le milieu dans lequel ils vivent. Nous faisons beaucoup de lettres d’excuses aux victimes, nous
exprimons des regrets auprès des magistrats, même si nous sommes conscients de la faible portée de ces lettres, c’est pour nous l’occasion de travailler sur le jeune en lui-même.
Pour approcher la question de la citoyenneté, nous avons mis en place un projet depuis deux ans, en relation aux droits et aux devoirs, avec tous les intervenants du quartier jeunes. Nous avons réaménagé la journée du détenu et coupé la télé le soir à 23 heures.
Nous la laissons le week-end et nous fermons l’école systématiquement toutes les sept semaines pour travailler sur le repérage dans le temps. Les années précédentes, nous avons fonctionné en continu et constaté une lassitude de la part des jeunes.
Le matin, un petit-déjeuner est mis en place avec céréales, yoghourt, etc. en accord avec la cuisine de manière à recaler les jeunes sur un rythme de vie qui n’est pas celui qui les fait se lever à 11 heures pour la première « gamelle ». Avant, c’était ça.
Ce projet a vraiment bien marché et depuis deux ans, nous arrivons à scolariser la presque totalité des mineurs.
À propos de démarches adaptées, nous sommes en train de penser aussi à une salle informatique conçue pour ces publics. Sur un ordinateur, ces jeunes ouvrent tout, cliquent partout, effacent facilement. Maintenant, un collègue informaticien est en train de mettre en marche une station de travail relativement bloquée et React est un appui intéressant dans cette affaire car lorsque les élèves arrivent, il n’y a que l’image React sur l’écran et ils n’en sortent pas. Cela me permet de les canaliser. J’utilise certaines fiches pédagogiques de React, même avec des lecteurs de catégories B et C. Il y a des fiches très simples et ce sont souvent des adultes très débrouillards qui mettent en jeu tout un tas de stratégies pour résoudre certains problèmes. Ça marche relativement bien. Ça restaure aussi l’image du détenu qui se trouve face à un ordinateur. L’impact en détention est important.
J’aimerais avoir votre sentiment sur ce que je viens d’exposer car ça fait bientôt cinq ans que je ne suis pas sorti de Brest et j’ai besoin d’échanger avec d’autres collègues pour savoir où ils en sont dans leur travail.
Intervenant Toulouse  : Nous avons deux problèmes à soulever.
Dans un premier temps, il s’agit d’évoquer la constitution des groupes. Nous recevons au quartier des mineurs des jeunes de Toulouse, mais aussi de Perpignan et de Montpellier. Pour constituer les groupes, le niveau scolaire seul ne compte pas, il faut aussi tenir compte des fortes individualités et donc travailler avec le surveillant du quartier des mineurs pour savoir quels sont les jeunes à ne pas mettre ensemble. C’est vraiment un problème que l’on rencontre fréquemment. Il faut pouvoir extraire
les leaders et désamorcer les rivalités : toulousains contre Montpelliérains.
Toulouse a compté jusqu’à 99 % de jeunes d’origine maghrébine et la maison d’arrêt de Toulouse accueille tous les jeunes de la région Midi-Pyrénées, c’est-à-dire venant de huit départements.
PP : Le problème des populations maghrébines chez les mineurs est inexistant à Brest qui est très excentrée et qui ne compte que 16 mineurs. La Bretagne étant coupée en deux, les jeunes viennent de St Brieuc, Lorient et les transferts disciplinaires sont d’Angers, Nantes ou Rennes. Ces derniers ont d’ailleurs du mal à s’intégrer en arrivant à Brest. Il n’y a pas un seul jeune d’origine maghrébine en ce moment.
Toulouse : Le second problème que je souhaite évoquer est celui de l’interdiction faite par la direction régionale de mêler dans des groupes majeurs et mineurs. Nous sommes quatre enseignants travaillant à temps plein avec une répartition par niveau et lorsque les mineurs peuvent être intégrés dans des groupes de majeurs, on note un effet régulateur sur eux. Les adultes d’origine africaine notamment disent aux jeunes : « Toi, tu pourrais être mon fils, aussi calme-toi et écoute ». Cela se passet très bien.
J’aimerais aussi dire un petit mot sur la question de la lecture et des outils. Nous avons reçu la mallette « Lire ». C’est « En un mot » amélioré. Le texte ne nous a pas paru très pertinent. Le système des images fonctionne bien mais il me semble que ce sont les textes qui pèchent.
Jean-Jacques Dufour : On parle des bas niveaux et exclusivement des mineurs. Mais si « En un mot » fonctionne mal avec les jeunes, je me souviens en revanche de textes comme « On a volé le bruit de la mer » qui faisaient un triomphe auprès de publics de gens du voyage par exemple en situation d’apprentissage de la lecture.
PP : Je travaille beaucoup sur la lecture d’images. J’essaye de me constituer une sorte de banque d’images. Mais il faut faire attention à ce qu’on propose. Je m’en suis rendu compte il y a quelques années. Je partais tous les ans dans les gorges de l’Hérault avec un groupe de huit détenus toxicomanes en fin de peine. Un programme d’arrêt de prise de produits de trois mois était mis en place avant le départ. Lors de ce stage, je faisais écrire des cartes postales aux détenus. Je me suis rendu compte qu’il fallait que je les aide. Ils ne connaissaient pas le mot vallée, le mot rivière. Ils voyaient une sauterelle et ils hurlaient. Nous constatons le décalage qu’il y a entre leur culture et notre culture. C’est pour ça qu’il faut faire attention à tout ce qu’on présente comme support. C’est dans ce genre de situation qu’on arrive à percevoir toute cette dimension.
À propos de l’évaluation, il faut qu’on imagine quelque chose entre le CFG et le DNB. Quand ils ont eu le CFG, les détenus sont contents et on leur dit alors qu’ils pourront passer le DNB dans trois ans peut-être. Le CAP par UC nous pose problème parce que nous ne sommes que deux et que la masse de travail est énorme avec 280 détenus, 16 mineurs et un quartier femmes.
On doit prendre en charge l’ensemble de la population pénale.
Pour l’ensemble des intervenants il semble que ce soient les mineurs qui causent le plus de difficultés aux enseignants.
Reims : J’ai le sentiment, lorsque l’on parle de bas niveaux spécifiquement, d’en trouver de moins en moins dans les quartiers mineurs. Je vois régulièrement des gens de niveau fin de collège, CAP, BEP. Ils ont des problèmes de comportement mais au niveau de leurs compétences, de ce qu’ils sont capables de mettre en oeuvre par rapport aux apprentissages, on ne peut pas dire qu’ils relèvent de bas niveaux.
PP : Parfois, nous avons du mal à les évaluer. C’est l’incidence de leur comportement sur l’évaluation qui les fait entrer dans la catégorie des bas niveaux.
Le relationnel a une importance énorme dans un quartier mineurs.
Quand on choisit d’être RLE ou référent dans un quartier de jeunes, c’est un sacerdoce. Mon collègue, qui a cette charge, va voir les jeunes au réveil. C’est une prise en charge extrêmement lourde, qui va bien au-delà du rôle d’enseignant. Le problème étant que s’il ne fait pas cela, il n’a pas les élèves en cours.
Intervenant : C’est là l’importance de l’emploi du temps. Si le matin les jeunes savent qu’ils ont telle activité et pas telle autre, ils ne viennent pas en rechignant. On laisse très très peu de flou.
Reims : Oui, et pour ça, on doit essayer de donner du sens. Moi, je structure la semaine en séquences bien définies. Le lundi, le mardi, on sait ce qu’on fait. À partir de ce moment-là, on contractualise par rapport aux contenus et plus par rapport à une présence imprécise. Les jeunes s’inscrivent « à la carte » sur des contenus. Mais peut-être n’est-ce possible que parce qu’on a peu de mineurs.
Toulouse : Là aussi on touche à un autre type de problème. Quand nous avions entre 10 et 12 jeunes, c’était complètement gérable.
Il y a un mois, nous en avions 26 et là, c’est ingérable. Ce qui est mis en place à Reims, nous l’avons connu et ça marche très bien avec des petits groupes. C’est pour cela que je suis foncièrement contre les concentrations de gros quartiers mineurs. On sait très bien que ça ne marche pas.
Éric Thomas : J’ai une autre expérience, qui se situe un peu entre les deux puisqu’à Nantes nous avons un quartier qui compte entre 12 et 15 mineurs en permanence. On pourrait dire que nous avons un peu le menu et la carte. Ceux qui veulent se mêler à un groupe constitué DNB ou CFG peuvent participer à ce groupe avec les majeurs. Ceux qui sont un peu plus rétifs sont regroupés dans un groupe banalement nommé groupe mineurs et qui est pris en charge par deux enseignants, dont je fais partie, avec une sortie obligatoire par jour vers le groupe scolaire pour une activité qui relève plus du péri-scolaire (éducation à la citoyenneté, à la santé, sport, etc.). Nous arrivons à peu près à prendre en charge 15 jeunes parce que dans ce groupe on ne retrouve que trois ou quatre mineurs qui vont, au bout d’un temps, être aspirés vers les autres groupes. Quelques-uns sont depuis longtemps dans ce groupe mineurs, mais ils sont assez rares.
Un autre problème est posé. Parmi les mineurs, certains restent pour un mandat de dépôt d’un mois environ, ceux-là se gèrent assez bien. Puis il y a ceux qui sont là pour des mandats de dépôt d’un an et qui font le tour de tout le dispositif que nous pouvons proposer. Là, nous avons un vrai problème. Nous nous trouvons face à des détenus qui sont gentils et viennent par routine mais qui ne trouvent plus de sens dans ce qui leur est proposé.
Nantes  : À Nantes, nous avons négocié quelque chose qui semble intéressant. Pour 6 jeunes qui sont sous des mandats de dépôt criminels qui vont durer un an, deux ans et qui seront probablement reconduits car les affaires sont très graves, nous avons négocié deux places en formation professionnelle dans un stage qualifiant. Nous sommes en train de négocier un poste en cuisine.
Mais là aussi on se heurte au choix imposé en prison. Il faut choisir entre le travail et l’école. Pacte 2 nous permet d’intervenir et de donner des cours entre 12 heures et 14 heures mais ce n’est pas totalement satisfaisant. Ça a rallongé ma journée de travail et nécessité des tractations importantes. Il faut de plus être très attentif car le passage aux 35 heures est vraiment mal vécu par le personnel. On leur demande pratiquement la même charge de travail, en diminuant un peu ici et là. J’arrive à faire fonctionner ce système parce que le midi, on me laisse seul à l’étage avec des détenus mais cela tient au rapport de confiance établi avec la chef d’établissement. Du jour au lendemain cela peut s’arrêter. Pacte 2 est intéressant en tant que projet mais un peu difficile à mettre en place sur le terrain. Tout est affaire de négociation, établissement par établissement. Il y a des sites où c’est possible et d’autres non. À Nantes, qui compte 300 détenus c’est encore gérable, mais avec 600 ou 700 personnes, c’est difficile à mettre en place. De toute façon, Pacte 2 passera par le réaménagement de la journée du détenu. Pacte 1 signifiait que tout le monde était au travail et on avait par contrecoup à l’école tous ceux qui ne pouvaient pas aller aux ateliers, des gens avec de très lourds problèmes. Avec Pacte 2, il m’a semblé intéressant de tout de suite demander à pouvoir bénéficier des travailleurs, ceux avec qui on pouvait faire un vrai travail. Souvent les travailleurs ont de « longues peines », ce sont donc des gens qui sont sur de longs parcours. Ils sont fréquemment regroupés dans des unités bien précises et il n’est pas impossible d’intervenir sur l’unité en y accédant à des temps bien déterminés. Bien sûr, d’un point de vue humain, pour nous, ce n’est pas satisfaisant.
C’est comme lorsque nous avons mis en place les 40 semaines annuelles d’ouverture du centre scolaire. Nous nous sommes dit que nous allions essayer d’avoir une continuité dans la scolarité proposée. Mais au bout de six mois, nous avions l’impression d’être toujours au travail. Nous passions notre temps à téléphoner aux collègues pour savoir ce qui s’était fait pendant notre coupure. Durant les périodes d’été, notre système n’a jamais fonctionné avec les surveillants. Nous n’arrivions pas à avoir nos élèves. Notre surveillant attitré n’appelait plus personne. Alors nous avons revu les exigences différemment.
Chambéry : Au quartier des mineurs, il y a bien sûr beaucoup de règles de base à voir avec les jeunes mais il y a peu de bas niveaux. J’arrive assez facilement avec eux à un minimum d’évaluation.
Chez les mineurs, depuis un an et demi, je ne rencontre plus aucun élève qui soit en dessous de la famille C. Ce qui me pose problème, ce sont plutôt les adultes. Comment faire avec des lecteurs de famille B et surtout de famille A ? Je vois un peu progresser ceux de famille B, mais je ne sais pas comment faire avec ceux de famille A. Ainsi, prenons le cas de deux adultes qui sont dans ma classe actuellement. Ni l’un ni l’autre ne sont des gens du voyage. Ni l’un ni l’autre ne présentent des troubles psychiatriques apparents très nets. Tous les deux sont des lecteurs de famille A. L’un vient régulièrement aux cours avec une moyenne de neuf heures par semaine depuis un an. Je dois avouer qu’à part savoir remplir un formulaire et écrire tout seul son nom et sa date de naissance, je ne crois pas qu’on ait davantage progressé. En parlant des bas niveaux, je pensais à ceux là parce que chez les jeunes je dirais plutôt qu’il y a des « bas niveaux de comportement ». Mais qu’est-ce qu’on peut faire avec ces adultes-là ?
Albi : A Albi, nous avons un élève dans ce cas. Il est pris en charge par l’agent de justice. Je lui prépare tout le travail à l’avance.
Il ne fonctionne que dans la relation duelle pour l’instant et on ne désespère pas de l’intégrer d’ici quatre ou cinq mois dans un groupe. C’est la seule solution que j’ai trouvée pour ce lecteur de famille A.
Reims : Pendant longtemps, on a dit beaucoup de choses sur l’éducabilité cognitive et on la pensait toute puissante. On se devait de véritablement avoir des résultats, même avec des personnes relevant de famille A de lecteur. La prise en charge, dans le cadre de l’éducabilité cognitive, se devait de trouver une réponse.
On constate que c’est faux, surtout dans le cas d’individus isolés pour lesquels l’éducabilité cognitive n’existe pas.
Intervenant : Jean-Marie Besse, avec un psychanalyste je crois, avait étudié des cas de personnes de bas niveaux. Il se serait avéré que certaines structures psychologiques, en fait, entravaient vraiment l’entrée de l’individu dans les apprentissages.
Intervenant : Mais alors qui fait le diagnostic de cela ? Est-ce qu’on doit maintenir pendant un an un individu dans un groupe alors que finalement on ne lui rend pas service ? Il est bien de montrer tout ce qui marche mais pour qu’on puisse progresser, il faut aussi montrer tout ce qui dysfonctionne et ce qui pose problème.
Intervenant : En ce qui me concerne, les limites de mes capacités d’enseignant sont atteintes lorsque je n’ai pas de communication possible. Récemment j’ai eu un drôle d’élève. Il sautait en classe, se retournait vers moi, s’agenouillait puis me demandait de l’excuser. Mais avec ce genre de comportement, je ne pouvais pas travailler. Il était dans la folie. Et là, je ne savais pas comment faire. J’ai pris donc délibérément la décision de le laisser à l’unité. Mais le détenu réclame parfois la classe. C’est compliqué à gérer, parce que si nous refusons le jeune, la détention nous rétorque qu’il est mineur et qu’il doit être en cours. Parfois, le surveillant règle ainsi ses propres problèmes avec l’éducation nationale. Pourtant, je pense qu’il faut dire non à certaines personnes au moment de les envoyer en cours. Est-ce que le non est définitif ou temporaire, c’est à voir.
Nantes : Pour raccrocher certains jeunes, il est aussi possible avec certains de pratiquer des entretiens individuels qui durent un peu et débordent sur du scolaire. On arrive davantage à leur parler en relation duelle car devant un groupe, ils sont en représentation et ont un rôle à jouer.
Intervenant : Est-il possible qu’un détenu soit exclu des cours après être passé par la commission de classement ?
Intervenant : C’est possible si c’est justifié par un rapport. Il est nécessaire d’expliquer pourquoi le détenu est déclassé. C’est très bien parce qu’au moins, cela permet un jour que quelqu’un affirme : « Je ne veux pas prendre ce détenu en cours parce que ça ne sert à rien. Il y a autre chose à faire avant avec ce jeune ».
C’est alors au milieu médical, à l’hôpital psychiatrique ou au SMPR de prendre en charge ce genre d’individu, pas aux enseignants.
Intervenant : Il y a peut-être un règlement à bâtir avec les mineurs pour marquer les limites qu’il ne faut pas dépasser.
Intervenant : Les règlements « mineurs » ne marchent pas. Nous en avons mis un en place qui fonctionne un peu à la récompense.
Mais nous passons notre temps à dire aux jeunes « qu’ils sont hors jeu ». Or, on ne peut pas exclure un jeune toutes les trente secondes sans courir le risque de n’être plus crédible.
Intervenant  : Je reprends une solution un peu simpliste, mais dans mon établissement, celui dont le comportement ne convient pas dans le cadre d’une prise en charge collective passe systématiquement en enseignement individualisé mineurs. Il a neuf heures ouvrables d’enseignement individualisé par semaine. C’est l’enseignant qui, de son propre chef, lui indique qu’il doit retourner vers une autre structure d’accueil et de début de formation.
Intervenant : On retrouve le même processus dans l’éducation nationale en général. Quand un élève pose un problème, on le rejette toujours vers une autre structure. Mais hors la prison, cette structure existe bien souvent. Ce sont les établissements dits spécialisés ou autres. Mais ce dont je m’aperçois, c’est que dans les jeunes adultes, on retrouve beaucoup de jeunes venant d’IME.
C’est un autre problème car ils connaissent bien le fonctionnement de « structure ». Leur difficulté se situe plutôt dans la communication. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas au même niveau de communication que les autres. La notion de la faute ou l’action pour laquelle ils sont là n’est pas forcément comprise.
Ce sont des jeunes de 18 ou 19 ans qui sont là bien souvent, on peut le dire, pour des affaires de moeurs ou de violence et de meurtre. Il n’y a pas d’intermédiaires comme des affaires de petits vols, de haschich. Tout cela n’intervient pas. Ce sont toujours des affaires marginales. C’est vrai qu’on se demande comment associer ces jeunes dans un groupe d’école quel qu’il soit, à partir du moment où ils n’ont pas la réaction d’adultes « classiques ».
JJD : S’il n’y a plus d’autres questions pour Philippe Prigent, il serait peut-être temps que l’on sorte de la problématique, oh combien difficile des mineurs, pour donner la parole à Éric Thomas, qui lui justement s’occupe de personnes en grande difficulté dans le cadre de sa plate-forme de mobilisation.
ET : Je vais décrire le dispositif en fait, dont je ne m’occupe plus cette année. Mais je le connais bien. C’est un dispositif qui a été mis en place suite à un constat. Nous sommes dans une maison d’arrêt qui compte trois cent cinquante places, un quartier mineurs de seize places et deux enseignants à l’époque, pour l’ensemble du site. Nous faisions le constat d’une grosse difficulté à gérer l’illettrisme et l’alphabétisation puisqu’il y avait d’autres choses à régler. Nous n’étions donc pas capables d’offrir beaucoup d’heures à ceux qui voulaient apprendre à lire, sinon en le faisant au détriment des autres. Nous étions sur un volume de six à sept heures par semaine pour tous ces groupes d’illettrés repérés dans les catégories A, B et C uniquement. De plus, ces garçons-là avaient quand même une réticence à venir dans un groupe baptisé « alphabétisation » ou « lutte contre l’illettrisme ». Un seul enseignant s’occupait de ce secteur et il était un peu isolé.
Les sirènes du travail résonnaient très vite et les garçons partaient parce que souvent, l’illettrisme et l’indigence sont liées. Il a donc fallu penser un système, élaborer un dispositif qui, à la fois valorise les garçons et soit pertinent, porte ses fruits, rémunère. Nous avons trouvé un système que nous avons baptisé Plateforme Mobilisation, Plateforme Mobilisatrice. Il fallait lui trouver un sigle avec des lettres. Les financeurs aiment bien ça. Nous avons donc trouvé PFM. Dans un premier temps, nous avons un peu triché sur les objectifs. Il fallait qu’il y ait un domaine professionnel qui soit adapté au projet de formation de façon à obtenir un financement de la DRTEFP. Donc, nous avons associé un partenaire de formation et des heures d’atelier. Il ne s’agissait pas d’heures d’atelier de production mais d’heures d’atelier d’apprentissage de gestes techniques. Nous ne visions pas l’apprentissage d’un métier mais des gestes techniques simples. Nous nous sommes rendu compte que ces détenus, qui n’avaient pas de compétences dans le domaine de l’écrit, avaient parfois développé des compétences ailleurs, sur des gestes techniques simples et pouvaient, là, se comparer aux autres et se mettre un peu en avant. Le maquettisme a été choisi. La construction de maquettes de bateaux principalement. Nantes étant porteur, nous avons pensé aux bateaux en premier. Nous avons donc associé enseignement général et heures d’atelier pour un volume total de vingt-cinq heures cette année car nous avons ajouté à cela des heures d’orientation pour la suite éventuelle du parcours. Ce dispositif fonctionne de façon modulaire à raison d’un module par trimestre, c’est-à-dire environ quatorze semaines. Il y a dix stagiaires au maximum. Tous sont rémunérés par le Cnasea à hauteur de 1 300 francs par mois. Ceci veut dire que si, au début, nous avions du mal à attirer les stagiaires parce qu’ils touchaient 500 francs (ce qui est à peu près la paie d’un auxiliaire) ; avec 1300 francs, l’attrait est plus évident. Nous avons même du mal parfois à ne pas attirer des gens qui savent lire. Il faut un peu trier. Actuellement, au dernier module, nous comptions cinq lecteurs A, quatre B et cinq C. Nous étions vraiment dans un module de gens en grande difficulté de lecture. Les résultats sont assez convaincants. Il y a trois partenaires : l’éducation nationale, l’administration pénitentiaire et un organisme extérieur qui travaille. On compte aussi trois formateurs : un professeur des écoles, un formateur de cet organisme partenaire et le professeur de maquettisme qui intervient sur les ateliers et que l’on partage avec un autre organisme de formation. Là encore, il a fallu jongler pour que le matériel spécifique à cet atelier soit sous clef car il y a tout de même des règles de sécurité à respecter.
Ce dispositif a tellement bien marché qu’il a été reproduit sur le centre de détention de Nantes. Nous avons en effet la particularité d’être sur un centre pénitentiaire qui compte un centre de détention de 450 places. Depuis l’année dernière, il y a donc deux plates-formes qui fonctionnent
sur le même modèle mais avec des partenaires différents.
Les orientations possibles en fin de module sont diverses.
Soit, le détenu est transféré et il continue sa formation sur la plate-forme mobilisation du centre de détention. Le plus souvent, les glissements se font de la maison d’arrêt vers le centre de détention de Nantes. Soit, il intègre un groupe qui va le préparer au CFG, pour ceux qui sortent de l’illettrisme. Plus rarement ils entrent en formation professionnelle parce que là, la différence de niveau exigé est un peu difficile à franchir.
Pour le travail sur la lecture, nous utilisons des outils informatiques comme « Anne, Éric et les autres ». C’est un outil d’apprentissage de la lecture pour adultes. Les phrases sont adaptées.
C’est la correspondance grapho-phonétique qui pose souvent problème et là, elle est bien mise en jeu. On se sert un peu de Lilimath et le cognitif n’est pas oublié puisqu’au début, le collègue utilisait le PEI de Feuerstein. Nous l’avons un peu laissé tomber et continuons avec une petite « sauce » d’ARL, d’Activolog qui sont des ateliers de raisonnement logique et qui, à petite dose, en groupe de dix, fonctionnent très bien. La formation atteint jusqu’à vingt-cinq heures par semaine. La répartition exacte est de neuf heures d’atelier technique par semaine, quatre heures et demi de maths, cinq heures de lecture écriture. Maintenant, nous avons une approche de l’orientation faite par un travailleur social et quelqu’un de l’ANPE qui intervient de façon régulière. Au niveau du comportement, les détenus ont un vrai statut, alors qu’avant, celui qui était dans le groupe alphabétisation était un peu montré du doigt. Ils accèdent à la salle informatique.
Là aussi, on note une vraie valorisation pour eux dans l’accès à un outil qu’ils ne maîtrisaient pas avant. Nous en sommes très satisfaits. (Il y a d’autres choses qui dysfonctionnent plus que la plate-forme de mobilisation).
Intervenant  : J’aurais des résistances à ce que la rémunération soit une motivation de base pour l’entrée dans ce type de groupe.
Comment cela se passe-t-il chez vous ?
ET : La première sélection faite l’est par LPP. Nous avons repéré les situations d’illettrisme. Ensuite, des demandes sont faites. Nous n’avons pas beaucoup plus de détenus à 1 300 francs qu’à 500 francs. Et puis nous repérons vite les faux illettrés tout de même. Nous leur proposons très vite un passage dans la classe supérieure et là ils ne sont plus rémunérés, mais tant pis. Ils s’inscrivent pour la préparation au CFG mais nous n’avons pas les bourses d’études de chômeurs pour eux. Pourtant, bien sûr, la question de la motivation peut se poser. Nous avons eu une méfiance pendant un moment. Le groupe était constitué presque exclusivement de gens du voyage et nous nous sommes dit qu’ils avaient joué les « chasseurs de prime ». En ce qui concerne l’assiduité, toute absence non autorisée entraîne un retrait de salaire, comme n’importe quelle formation rémunérée par le Cnasea. D’autre part, il y a le livret de compétences. Nous nous sommes servi du référentiel de niveau 6 de Colette Dartois. Nous l’avons remis un peu à notre sauce en gardant les grands items. Nous avons inclus des éléments qui ne sont pas toujours du domaine de la lecture et de l’écriture comme par exemple : être assidu au cours, ne pas se décourager au premier obstacle, classer ses documents, utiliser des machines... Ce sont des éléments qui sont des compétences transversales et qui sont tout de même évaluées là.
Intervenant : Chez nous, il y a dix places offertes sur ce type de plate-forme, régulièrement, par stage de sept semaines. Pourquoi avons-nous parlé de rémunération ? Parce que nous nous sommes rendu compte qu’il s’opérait une paupérisation au fin fond de la détention. Le détenu illettré ne se fait pas beaucoup remarquer et il n’accède pas facilement au travail pénal parce qu’il est un peu en retrait. Nous sommes donc en train de nous pencher sur le fait qu’il faudrait peut-être adapter les postes de travail de détention à ces détenus. Au lieu de faire du pliage et du rendement au maximum, peut-être qu’un poste d’auxiliaire serait possible, en apprenant à travers un stage de sensibilisation l’hygiène des locaux en complément. Nous essayons d’aider ce public-là, qui accède très difficilement aux hautes sphères de la détention. C’est un microcosme, très hiérarchisé. Cela nous a permis de fidéliser un public d’adultes en grande difficulté pendant plus d’un an. Nous avons eu de très belles réussites avec des gens qui arrivent à capitaliser, à se dire qu’ils ne sont plus obligés de racketter, de voler ou de vivre dans la misère à l’intérieur des murs. Ils peuvent se dire qu’ils ont fait un beau parcours à l’école. Toutefois, en ce qui concerne les rémunérations, il est important de rester dans des sommes relativement logiques pour la détention. Si un auxiliaire, chez nous, gagne à peu près trois cents ou quatre cents francs par mois, il ne faut pas que le stage rapporte deux milles francs.
ET : Pour le Cnasea, nous nous sommes dit, qu’apprendre à lire, écrire, compter et les gestes transversaux, c’est aussi nécessaire pour certains que d’apprendre le métier de mécanicien. Le stage en formation continue par le Greta rapporte 1 300 francs, alors pourquoi ne serait-ce pas le même prix pour apprendre à lire, écrire, compter ? C’est un peu cette réflexion que nous avons eue.
Mais certes, cela ne fait pas de miracles. Certains détenus sont catégorie A de lecture et trois mois après sont toujours catégorie A.
Passer de D à F est vraiment dur. Un effet pervers tout de même est à noter. Avant, des détenus venaient en fonctionnement APP, apprendre à lire, écrire, compter, un peu comme ça, au compte-gouttes, parce que ça leur convenait, parfois 2 ou 3 heures par semaine. À ceux-là, nous n’avons plus de temps à consacrer. Maintenant, ils ne viennent plus car vingt heures de formation, c’est beaucoup pour eux. Depuis la rentrée, nous avons ouvert le samedi matin. Nous sommes cinq enseignants et nous nous relayons toutes les cinq semaines. Nous touchons ainsi les travailleurs et n’avons pas mis les cours à huit heures mais de neuf heures à onze heures et demi. Les gens viennent à petite dose. Au moins, ils sont en contact avec le groupe scolaire.
Uzerches  : Pour attirer les publics A, B, C, il faut leur trouver une motivation autre que le fait d’apprendre à lire et à écrire.
Nous travaillons en centre de détention à Uzerches avec six cents détenus. Le travail est détenu en priorité par le partenaire privé mais nous avons réussi à négocier avec lui le fait que les gens qui sont classés en atelier de production puissent avoir des heures libérées pendant lesquelles ils perdent leur salaire mais peuvent venir suivre une formation de lutte contre l’illettrisme et alphabétisation.
Cela marche assez bien aussi à partir du moment où les choses sont bien claires et les contrats bien signés. Ils ne sont pas au travail, ils ne sont pas payés, mais ils sont assurés de pas être au chômage.
DSPIP : J’aimerais réagir sur un autre plan. En tant que directeur SPIP, la question que je poserai est la suivante : comment arrivez-vous à valoriser les résultats qui peuvent apparaître, dans le parcours individuel ? Jusqu’à un éventuel aménagement de peine, jusqu’à la CAP, vers le service d’insertion et de probation, vers la détention, vers les magistrats ?
Brest  : En dehors du CFG et DNB, qui sont les seules validations lisibles pour le monde extérieur, nous informons beaucoup les partenaires sur le comportement du détenu. Nous faisons le point sur l’évolution entre l’état initial et les différentes étapes.
Nous faisons l’inventaire de tout ce qui s’est passé chronologiquement en détention. Ce sont souvent des faits hors scolaire mais ça a bien sûr une incidence sur le résultat scolaire. On peut évaluer avec React la quantité de travail, les résultats et le niveau quantifiable en lecture. On peut évaluer un peu plus finement, mais l’expérience prouve qu’à ces commissions d’application des peines, les participants sont plus intéressés par le côté comportement que par le scolaire. Par contre, un juge d’application des peines est toujours sensible lorsqu’on l’informe qu’un détenu a appris à lire. Ça, c’est un événement important. Avoir le CFG, c’est un autre événement important. Si la personne a été scolarisée pendant un an de manière régulière et assidue, c’est un autre événement important. Mais on est obligé d’ajouter à cela qu’il sait s’asseoir, écouter, qu’il s’est remis en question, qu’il fait des courriers, qu’il arrive à communiquer. C’est ce genre de choses qu’on communique à la commission d’application des peines. Pour les publics de bas niveaux adultes, on essaie d’étoffer un peu nos évaluations et de les communiquer. Mais à notre grand désespoir, ils ne les regardent pas beaucoup. Par contre on travaille bien avec les CIP. Si on ne peut pas aller à la commission des peines, on les informe bien avant sur ce qui s’est passé sur un volume d’heures qui est souvent important.
ET : Sur la plate-forme de mobilisation de la maison d’arrêt, les CIP sont associés au choix des stagiaires et il y a une synthèse hebdomadaire à laquelle participe un travailleur social. Au centre de détention, nous avons un projet d’exécution de peine, un PEP. Dans le cadre du PEP, au conseil d’orientation on préconise plutôt d’aller au PFM et un an après, la commission de suivi fait le point sur les progrès qu’a fait le gars.
DSPIP : Aujourd’hui, il y a un mot que je n’ai pas entendu, ou alors j’étais distrait parce que je me suis levé tôt ce matin. C’est le mot réseau, et je crois que c’est là une dimension où l’on est largement perfectible, et où vous avez peut-être aussi une grosse carte à jouer à cause de vos outils d’évaluation individuels et collectifs. Vous voyez les détenus fonctionner, dans leurs démarches et éventuellement dans leurs projets quand il y en a qui avancent, avec des comportements au sein d’un groupe. C’est très riche en indicateurs. Je dirai même que dans ce domaine-là, vous avez une longueur d’avance sur les CIP qui eux travaillent essentiellement sur la relation duelle, relationnelle et l’accompagnement individuel vers la sortie. Je crois que le fait de structurer à l’avenir davantage ce réseau pourrait donner en matière d’insertion des dispositifs beaucoup plus vivants.
Brest  : Je ne sais pas si les collègues seront d’accord avec moi, mais la réforme des services d’insertion et de probation a quand même largement perturbé les services. Maintenant, ils ont quand même beaucoup de mal à se positionner à l’intérieur de la détention.
Ils ont un pied dedans et un pied dehors. Ils sont en train de découvrir aussi qu’il y a de nombreuses connexions à avoir avec le dehors et il faudrait qu’on reprenne cela avec eux pour faire remonter un certain nombre d’informations. Mais tout est affaire de temps et de réunions. Il faut du temps de concertation, mais quand on est en réunion, on n’est pas face aux élèves. Je crois qu’il y a aussi une position assez claire à avoir sur le type d’informations qu’on échange. Nous sommes souvent sur de l’informel, entre deux portes et une information sur un comportement en groupe n’est pas toujours bien lisible quand on voit les CIP.
DSPIP : Pour information, une évolution est en train de s’amorcer et une bonne part des crédits d’éducation pour la santé va passer sous gestion des directeurs SPIP. Par rapport aux Ucsa, c’est quelque chose qui va changer le positionnement aussi. On va peut-être pouvoir, à partir de la maîtrise de budgets partager ce champ et le gérer ensemble. Là vont peut-être émerger des envies d’échange d’informations. Mais c’est un travail sur du long terme assurément.