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vendredi, 28 novembre 2003

Mise en ligne : 19 mai 2004

Texte de l'article :

La porte s’ouvre, je me réveille.

Alors que je croyais être chez moi, sous ma couette, je réalise en ouvrant les yeux et en apercevant un surveillant devant ma porte, que je suis dans cette prison.

- « Bonjour Monsieur SOZ, vas à l’infirmerie, tu as juste à suivre Kamel. ».

Il m’a dis ‘ Bonjour ’... as t-il déjà essayé de décomposer ce mot avant de le prononcer à un détenu ? Il m’a dis ‘ Bonjour ‘... bref, j’enfile mon survêtement sale que j’ai depuis 3 jours et je sors de ma cellule. Dans le couloir, il y a ce Kamel, détenu dans cette maison d’arrêt depuis 6 mois. Il fait ma taille, très maigre, l’air fatigué, mal coiffé. Je le suis et me demande s’il fait parti des gens sensés me ‘juger’, en tout cas j’espère vraiment qu’ils auront tous ce gabarit ! Nous allons donc de couloir en couloir, tous les 10 mètres Kamel fait un signe à une caméra de surveillance pour que l’on nous ouvre une porte de métal. Nous arrivons au sous-sol de la prison, nous traversons un long couloir et arrivons devant 5 surveillants qui nous font entrer dans une grande cellule entourée de barreaux remplis de détenus venus effectuer leur visite médicale mensuelle. Kamel ne m’a pas adressé la parole durant le chemin, moi non plus. Je m’assieds, et observe. Les détenus assis autour de moi sont tous d’ages différents, l’un d’ entre eux me paraît vraiment âgé et je me demande s’il a bien pu commettre un délit à son age ou bien si cela fait 20 ans qu’il est ici.

Puis, un surveillant m’appelle par mon numéro d’écrou que l’on m’a attribué : 58587. Je me lève et sors de cette cellule. L’on me fait des prises de sang, un médecin m’ausculte, mais je n’ai toujours pas prononcé un seul mot depuis mon réveil. Ensuite, j’entre dans un bureau ou un psychiatre m’explique que dès que j’aurai besoin de parler, je pourrai faire une demande, qui sera étudiée puis accepté selon le cas. Un surveillant me ramène dans une nouvelle cellule, la B210, beaucoup plus petite, et aussi vide que la précédente, cette fois de l’autre côté du couloir, j’ai une vue sur la ‘promenade’ qui est une cour d’ environ 100m² avec deux miradors aux extrémités et entouré de 4 mètres de mur et 2 mètres de barbelés servant aux détenus officiellement à se dégourdir les jambes et prendre l’air deux fois par jour, et réellement à faire du business et régler les comptes. Je me mets à la fenêtre et écoute discrètement les conversations de détenus se parlant de cellule en cellule, une heure s’écoule lentement. L’œillet placé sur ma porte bascule, un surveillant entre dans ma cellule

- « C’est l’heure de la promenade, tu veux sortir ? »
La promenade... Voilà le moment que j’attendais le moins. Que dois-je répondre ? Je sais très bien que si j’y vais, je dois me faire ‘ juger ‘, mais de toute façon, si je ne sors pas, je passerai pour ce que les détenus appellent une ‘ victime ‘, un trouillard qui reste enfermé dans sa cellule de peur de croiser d’autres détenus et, les seuls moments où la ‘ victime ‘ en sort, il devient le souffre douleur des caïds.
- Heu... oui oui.
- Tu es sur ? Ce n’est pas obligé d’aller en promenade. »
Pourquoi me dit-il cela ? Connaît-il le sort réservé aux arrivants ? Est ce un conseil ?
J’enfile tout de même mon blouson en cuir et marche en direction de la porte. Le surveillant me fouille entièrement puis-je sors de ma cellule et arrive dans le couloir, les détenus sont tous devant la grille au fond de ce couloir, attendant que la porte s’ouvre pour pouvoir descendre en promenade. Je les rejoins, je les observe, il me dévisage tous.

Finalement, ils n’ont pas tous le gabarit de Kamel, certains sont même plutôt imposant, je ne pense pas que cela soit une bonne chose. Parmis les 40 mineurs détenus de cet étage, facilement 30 d’entres eux doivent faire au moins une tête de plus que moi. Pour le moment personne ne me parle, les portes s’ouvrent au fur et à mesure que nous avançons, puis, nous arrivons dans cette cour, la promenade. Là, les surveillants nous laissent. Il n’y a plus que des délinquants, livrés à eux-mêmes.

Je fais quelques pas dans la promenade, un détenu approche, Kalidou

- « C’est toi Olivier ?
- Oui..
- C’est un quoi ton pull ? ». Demande t-il tout en ouvrant mon blouson et en découvrant le crocodile brodé sur ce pull.

Je ne réponds pas, enlève ses mains, et referme mon blouson. Une sorte d’attroupement se forme autour de moi, je pense qu’ils sont tous autour de moi en fait.

- « Bon écoute, donnes moi ton pull et personne ne te fera rien. »
Si je lui donne, il est probable qu’il ne me fera rien, de plus, je sens que la pression monte, tout le monde s’exite autour de moi, mais d’un autre côté, si je lui donne, je passerais pour une ‘victime’ et je pense que je me ferais dépouiller tous les jours. Aussi, je jette un coup d’œil en haut de ces miradors, j’aperçois des surveillants admirer le spectacle sans bouger. Puis-je me décide à lui répondre.
- « Non, ça va pas être possible garçon. »
Son visage change brusquement, puis, un éclair. J’ouvre les yeux, je suis à terre, avec une immense douleur à la mâchoire. A ce moment, une dizaine de détenus me sautent dessus et tentent de m’enlever mon blouson pour me prendre ce pull, je reçois des coups dans tous les sens, mais je croise les bras contre mon ventre pour être sur qu’ils ne puissent m’ôter quoi que ce soit. A 30 mètres de moi, une personne arrive en courant dans ma direction, c’est sûrement de l’aide ! J’espère qu’il va séparer le groupe de détenus qui s’acharne sur moi. Il s’approche de plus en plus, il est juste en face de moi, alors que je m’attendais à le voir me secourir, il me met un immense coup de pieds dans la lèvre... Histoire de taper pour se défouler sûrement... En tout cas, je n’avais jamais vu une paire de AIR MAX de si près. Puis 5 surveillants arrivent, le groupe se sépare, je suis à terre, j’ai mal partout, ils m’aident à me lever et m’ emmenent à l’infirmerie.