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Date : 17-03-2004

25 Infection par le VIH en milieu carcéral

Mise en ligne : 18 mars 2004

Dernière modification : 3 août 2006

Texte de l'article :

Infection par le VIH en milieu carcéral

Les soignants des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ont réalisé depuis des années un « lourd travail » dans ce domaine difficile. La prise en charge des co-infections VIH-VHC doit être améliorée. À côté des soins, de nombreux problèmes demeurent, en particulier dans le domaine de la prévention.

LA RÉFORME DE JANVIER 1994

La loi du 18 janvier 1994 a permis l’entrée de l’hôpital dans les prisons françaises grâce à une refonte des modes d’hospitalisation des personnes incarcérées et à la mise en place d’un système de conventions entre hôpitaux et prisons.
Désormais, chaque établissement pénitentiaire est relié à un établissement hospitalier qui est responsable de la prise en charge sanitaire des détenus à l’intérieur de la prison dans les mêmes conditions qu’à l’extérieur et qui leur garantit donc, en principe, un accès aux soins équivalent à celui de tout citoyen.
La protection sociale a également été étendue à l’ensemble des détenus. Les soins en milieu carcéral s’organisent autour :
- des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA).
Ces unités sont des services hospitaliers sous la responsabilité d’un chef de service qui a en charge le suivi somatique et thérapeutique des détenus ainsi que la mise en place des programmes de prévention et d’éducation pour la santé ;
- des services médico-psychologiques régionaux (SMPR). Ce sont des services de psychiatrie de secteur intervenant en milieu pénitentiaire. Ils ont à organiser le suivi post-pénal et le relais avec les structures de psychiatrie en milieu ouvert ;
- les centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) quand ils existent, qui sont des structures de prise en charge des toxicomanes en milieu pénitentiaire complétant le dispositif de soins psychiatriques.
Ces différentes structures médicales sont intégrées dans la structure carcérale.
Leur fonctionnement nécessite la collaboration des personnels et des services pénitentiaires comme les services d’insertion et de probation. Ces services assurent la mission d’insertion. Ils ont en charge la préparation à la sortie soit en proposant un aménagement de peines soit en libération définitive. Depuis 1999, une réforme a fédéré ces services au niveau départemental afin de rapprocher le milieu fermé du milieu ouvert pour optimiser leurs actions successives. Les travailleurs sociaux (assistants sociaux ou conseillers d’insertion et de probation) sont tenus au secret professionnel en dehors des propos qui leur seraient confiés engageant la sécurité de l’établissement pénitentiaire (émeutes, évasion).
La mise en application de cette réforme qui représentait une véritable rupture avec la situation prévalant dans le passé, reste difficile. C’est dans ce contexte qu’il paraît nécessaire de rappeler la particularité de l’épidémiologie du VIH et des hépatites et l’existence de pratiques à risque en milieu carcéral. De même, la prise en charge médicale de ces patients infectés ou non par le VIH doit s’accompagner d’une information sur la prévention de ces infections et d’une véritable et active politique de réduction des risques même si celle-ci doit bousculer certaines règles en vigueur en détention.

LA POPULATION CARCÉRALE

Caractéristiques socio-sanitaires de la population pénale à l’entrée en détention
La population à laquelle s’adresse la politique de santé dans les établissements pénitentiaires se caractérise par un profil démographique et social très différent de celui de la population générale.
• C’est une population masculine, jeune, peu éduquée et socialement
défavorisée.
Les hommes représentent plus de 95 % des détenus, 60 % ont moins de 30 ans dont 22 % moins de 21 ans, 24 % de 30 à 40 ans, 11 % de 40 à 50 ans et 7 % plus de 50 ans. Les femmes sont un peu plus âgées.
Cette population cumule les caractéristiques de vulnérabilité : 21,4 % sont des étrangers, 5 % sont sans domicile fixe et 10 % ont un hébergement précaire, 17,5 % n’ont pas de protection sociale au moment de l’incarcération [1].
• Elle est concernée par des problèmes de santé mentale, de conduite addictive, d’infections virales et est en difficulté de prise en charge médicale et sociale.
L’enquête menée en 1997 auprès des entrants en prison a confirmé le profil épidémiologique particulier de la population carcérale marquée par [1] :
- une forte prévalence des troubles mentaux et des pathologies psychiatriques ;
- une fréquence élevée de l’usage nocif et de la dépendance à l’égard de l’alcool et des drogues ;
- une forte prévalence des infections virales graves (VIH, VHB, VHC) ;
- des maladies chroniques insuffisamment prises en charge en raison de la précarité sociale.

Infections à VIH, VHC, VHB en milieu carcéral
Parmi les détenus qui connaissent leur statut sérologique à l’entrée en prison, les utilisateurs de drogues par voie intraveineuse représentent 73 % des personnes infectées par le VIH, 84 % des personnes infectées par le VHC et 57 % des personnes infectées par le VHB.
Les prévalences comparées du VIH et du VHC en milieu libre et en détention sont rapportées dans le tableau ci-dessous. La quasi-totalité (90 %) des patients séropositifs pour le VIH incarcérés sont également porteur du VHC.

Milieu libre
VIH 0,5 %
VHB 0,2 % [1]
VHC 1 %
Milieu carcéral (entrée) [2]
VIH 1,56 %
VHB 2,3 %
VHC 4,4 %

Cette prévalence est liée aux pratiques et comportements avant l’incarcération :
• La consommation de substances psycho-actives est très importante :
- 32 % des entrants déclarent une utilisation prolongée et régulière de drogues au cours des 12 mois précédant l’incarcération, dont la moitié déclarent être des consommateurs d’opiacés ;
- 6,2 % des entrants déclarent une utilisation de drogue intraveineuse au cours des 12 mois précédant l’incarcération ;
- 33,3 % des entrants déclarent une consommation excessive d’alcool.
• Les comportements sexuels à risque sont fréquents :
- 50 % des détenus déclarent un multipartenariat hétérosexuel ;
- 36,5 % déclarent d’autres situations à risque : multipartenariat homosexuel, prostitution, relations sexuelles non protégées avec un(e) usager(e) de drogue, un(e) prostitué(e) ou une personne séropositive.
La population pénale cumule des facteurs de risques socio-sanitaires qui la rendent plus vulnérable aux problèmes de santé que la population générale du même âge.
Dans les maisons d’arrêt, on observe une prévalence du VIH et du VHC supérieure à la population générale. Les patients incarcérés séropositifs pour le VIH se caractérisent par :
- un profil socio-éducatif défavorisé ;
- une co-infection VHC très fréquente.

COMPORTEMENTS À RISQUE EN DÉTENTION

Plusieurs enquêtes publiées ces dernières années ont permis de mieux situer les risques et les niveaux d’exposition aux virus du VIH et des hépatites B et C des personnes incarcérées [2, 3, 4, 5, 6, 7].

Risque parentéral
L’enquête menée par l’ORS-PACA en 1998, dans quatre centres pénitentiaires sur 1 212 personnes incarcérées, a permis d’authentifier la permanence des comportements à risque en milieu carcéral. Parmi ces 1 212 détenus, la proportion d’usagers de drogue par voie intraveineuse (UDIV) était d’environ 13 %.
Dans cette population d’UDIV, 97 détenus avaient une toxicomanie active dans le mois qui précédait l’incarcération (UDIV actif). Cette population était globalement plus jeune et avait un passé carcéral plus lourd que la population de nontoxicomanes.
Dans cette population d’UDIV actifs (n = 97), 43 % ont poursuivi les injections pendant l’incarcération, 7 % ont débuté les injections en milieu carcéral et 10 % ont partagé leur matériel d’injection. Parmi ces détenus, 12 % déclarent plus de vingt injections en détention.
Des enquêtes sur ce même thème ont été menées dans d’autres pays européens [5, 6, 8], notamment au Royaume-Uni et en Allemagne. Elles mettent en évidence des conduites à risque équivalentes à celles décrites en France. Dans une étude allemande, les auteurs [8] rapportent que 68 % des 418 UDIV incarcérés au moins une fois ont poursuivi leurs injections en détention. À Glasgow, 51 % des 1551 UDIV interrogés ont fait un séjour en détention. Parmi ces patients, 8 % déclarent des injections en détention, avec partage de matériel pour la moitié d’entre eux [9].
Par ailleurs, des cas documentés de transmission du VIH, du VHC et du VHB ont été rapportés dans la littérature [10, 11, 12]. En Écosse, une épidémie d’hépatite B symptomatique s’est révélée chez une dizaine de détenus dont 8 s’étaient contaminés pendant leur détention. Aux États-Unis, plusieurs cas de séroconversion VIH ont été documentés avec une estimation de l’incidence annuelle de 0,5 % [13].
La relation entre l’arrêt du traitement de substitution et les injections de drogue en détention n’a pu être clairement établie. Cependant, les patients recevant une substitution par méthadone ou Subutex® avant leur incarcération semblent avoir un risque plus grand de s’injecter au cours de l’incarcération. Ce constat traduit probablement le haut niveau de dépendance de ces patients et le recours à l’injection de produits quand la substitution est arrêtée.

Risque lié au tatouage et au percing
Des cas de transmission de virus des hépatites B et C par le tatouage ou le percing ont été publiés [14, 15].
Le tatouage est une pratique à risque répandu en milieu carcéral. Dans l’enquête ORS-PACA, sur les 1 212 détenus, 19 % (235 détenus) ont déclaré s’être tatoués. Cette pratique est liée à l’âge, à l’usage de drogue et au passé carcéral.

Risque sexuel
Il existe par ailleurs une vie sexuelle dans les prisons.
Dans les parloirs, 8 % des 1 183 des détenus ayant répondu au questionnaire de l’ORS-PACA déclarent avoir eu des relations sexuelles. Ce sont majoritairement des hommes, multipartenaires, le plus souvent réincarcérés, ayant un passé de toxicomanie par voie intraveineuse. Sur les 1 061 détenus masculins, 14 (1 %) ont déclaré des relations sexuelles avec un autre homme.

La détention ne signifie pas l’arrêt de toute consommation de produits toxiques.
La poursuite et parfois l’initiation des injections de drogues par voie intraveineuse, la pratique des tatouages, des percings et les relations sexuelles sont des comportements à risque qui se pratiquent en détention.

PRÉVENTION ET POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES EN MILIEU CARCÉRAL

La politique de réduction des risques est une action complémentaire de la prise en charge médicale des patients infectés par le VIH, le VHB et/ou le VHC.
L’objectif est de prévenir la propagation de ces virus en développant des actions sanitaires mais aussi en proposant des aménagements à l’institution pénitentiaire.
Cette action est particulièrement difficile à mener. Elle repose sur la reconnaissance par l’administration pénitentiaire d’un usage de drogue et de l’existence d’une sexualité chez les détenus.
Elle implique une volonté politique forte et nécessite un véritable partenariat entre les services pénitentiaires et les services médicaux.
Trop souvent, l’organisation des soins passe après l’organisation pénitentiaire, sauf lorsque l’ordre carcéral est en cause, en particulier devant un suicide ou un détenu agité.

Actions de formation et d’éducation pour la santé

Les actions de formation en direction des personnels pénitentiaires s’inscrivent dans la politique de lutte contre le VIH, le VHB et le VHC.
Elles doivent être organisées dans le cadre d’un projet d’établissement sous la responsabilité d’un directeur d’établissement pénitentiaire et des médecins responsables de l’UCSA et du SMPR.
Les surveillants de prison sont nécessairement impliqués dans l’organisation des soins. Ils sont au contact des détenus et sont en mesure de faciliter l’accès aux soins. À ce titre, une information sur ces différents virus doit leur être délivrée, elle leur permettra de mieux appréhender ces différentes pathologies, de mieux accepter le secret médical et de mieux comprendre les différentes actions proposées dans le cadre de la politique de réduction des risques.
L’enquête pilote européenne conduite en 1998-1999 auprès d’un échantillon de 446 surveillants en exercice dans des établissements belges, français, italiens, grecs et portugais, montrait que le niveau de tolérance des surveillants à l’égard des détenus infectés était associé à leur niveau de connaissance du VIH. Par ailleurs, une grande majorité était favorable à la mise en œuvre de mesures de prévention en direction des détenus [16].
Des actions d’éducation pour la santé destinées aux détenus sont également indispensables. Elles doivent permettre de corriger certains comportements individuels mais aussi de lutter contre la stigmatisation et le rejet, trop souvent observés, des patients infectés par ces virus, par leurs co-détenus.

Actions de dépistage

Dans les établissements pénitentiaires, le dépistage du VIH est proposé systématiquement au cours de la visite d’entrée réalisée par les UCSA. L’accord du patient doit toujours être sollicité pour ce type d’examen. La recherche d’une infection sexuellement transmissible doit être également effectuée.
En revanche, le dépistage des hépatites B et C semble insuffisamment proposé.
Les résultats positifs ou négatifs doivent être remis au patient par un médecin.
Dans les faits, une sérologie négative sera le plus souvent rendue par une
infirmière.
Durant l’incarcération, pour des raisons de confidentialité, les résultats des
tests de dépistage ne peuvent être communiqués à l’intéressé qu’oralement, sauf à la demande du détenu.
À l’issue de l’incarcération, les résultats en possession de l’UCSA sont remis à l’intéressé sous pli fermé.
En cas de découverte ou de doute sur une séropositivité VIH, le patient est adressé à la consultation médicale. En cas de confirmation de séropositivité VIH, le médecin doit entreprendre une démarche de soins qui peut être associée à une prise en charge psychologique.
En cas de refus par le patient d’un test de dépistage lors de la visite d’entrée, ce dépistage doit lui être de nouveau proposé dans les semaines qui suivent.
Ce dépistage doit également pouvoir être accessible et proposé à n’importe quel moment de l’incarcération.

Actions de prévention

Prévention du risque parentéral
• Traitements de substitution
Depuis les circulaires du 5 décembre 1996 et du 30 janvier 2002, les traitements de substitution peuvent être initiés et poursuivis en prison.
La buprénorphine peut être prescrite par tout médecin exerçant en milieu carcéral. Depuis le 30 janvier 2002, la prescription de méthadone se fait dans les mêmes conditions.
En théorie donc, l’accès à la substitution en prison ne doit poser aucune difficulté. En pratique, beaucoup de praticiens restent opposés par principe à l’utilisation de tels traitements en milieu carcéral.
C’est ainsi qu’il existe des établissements pénitentiaires où aucun traitement de substitution n’est prescrit, ailleurs seule existe la méthadone, ailleurs il existe des quotas de traitements de substitution, des critères pour être substitué (durée estimée de la peine par exemple) ou des modalités d’administration ne correspondant pas aux bonnes règles de prescription (Subutex®‚ pilé ou dilué avant d’être administré).
Le transfert d’un détenu d’un établissement pénitentiaire à un autre peut
également être un motif d’arrêt de traitement.
Des enquêtes sur l’accès aux traitements de substitution sont régulièrement menées en milieu carcéral (mars 1998, novembre 1999 et décembre 2001 - les chiffres de cette dernière enquête seront prochainement disponibles).
Des enquêtes de 1998 et 1999, il ressort que :
- le nombre de détenus sous traitement de substitution a augmenté entre mars 1998 et novembre 1999 (de 2 % à 3,3 %) soit 1 653 personnes sur les 50 000 incarcérées ;
- 84 % de ces détenus sont sous Subutex® ;
- 21 % des services médicaux pénitentiaires n’ont aucun détenu sous
substitution ;
- les interruptions de traitement à l’entrée en détention restent fréquentes (19 % en 1999 contre 21 % en 1998).
À la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, plus importante maison d’arrêt de France, la proportion de patients toxicomanes substitués par buprénorphine est passée de 1 à 54 %, entre juin 1996 et décembre 2000 [17].
Il existe donc actuellement sur le territoire français une très grande hétérogénéité dans l’accès aux traitements de substitution en prison.
Cette situation pose le problème de l’absence de choix du médecin prescripteur pour les personnes incarcérées.
Sur cette question, un état des lieux prison par prison paraît indispensable afin d’identifier et de recenser les établissements où la prescription des traitements de substitution pose problème, la DDASS pouvant choisir de faire intervenir un médecin extérieur à ces établissements.

• Eau de javel
L’un des éléments de la lutte de réduction des risques est le recours à l’eau de javel comme désinfectant efficace du matériel d’injection.
Conformément à la circulaire DGS/DH/DAP du 5 décembre 1996, l’eau de javel à 12° sous forme de berlingots de 120 ml est mise à disposition des détenus gratuitement. Elle est distribuée à l’entrée en prison puis tous les quinze jours.
La faible information sur les modalités d’utilisation de l’eau de javel et l’emploi de matériel de fortune ne résistant pas à la désinfection sont des éléments qui concourent à limiter l’impact de cette mesure dans la lutte contre l’infection à VIH et les hépatites B et C.

• Matériel stérile d’injection
Toutes les enquêtes sur les comportements à risque en détention confirment l’usage de drogue et la poursuite des pratiques à risque à l’intérieur des prisons.
Ces pratiques d’injection chez des patients recevant parfois une substitution et la nécessité de réduire la morbidité des infections liées au partage du matériel injectable sont des éléments qui plaident en faveur d’un renforcement de la politique de réduction des risques en milieu carcéral.
Plusieurs expériences d’échange de matériel stérile d’injection ont été menées dans différents pays européens (Allemagne, Suisse, Espagne), dans des centres de détention à effectif réduit. Le programme allemand a été mené dans deux prisons, l’une d’hommes (230 détenus), l’autre de femmes (170 détenues).
L’impact sur l’état sanitaire des détenus a été favorable. Il n’a pas été constaté de séroconversion VIH, VHC et/ou VHB. Une amélioration de l’état physique et psychique des détenus a été observée ainsi qu’une augmentation du nombre de patients traités pour leur toxicomanie.
Ces expériences montrent l’intérêt et la nécessité d’évaluer la mise en place d’un accès au matériel stérile d’injection en milieu carcéral au travers d’un programme pilote.
Plusieurs aspects sont à considérer au regard de l’organisation spécifique du milieu carcéral en particulier, le taille et le type d’établissement pénitentiaire, l’organisation des soins et les modes de délivrance du matériel (recours à des automates, gestion par les équipes médicales...).
Ce type d’expérience paraît plus difficile à mener dans une grosse maison
d’arrêt que dans un centre de détention où les effectifs sont plus réduits.
Il faut également souligner que les phénomènes de violence à l’encontre des personnels soignants, des surveillants et entre détenus augmentent de manière préoccupante.

Prévention du risque sexuel
Dans la majorité des établissements pénitentiaires, les préservatifs sont, en principe, mis à la disposition des détenus. L’accès de ces préservatifs est toujours limité, il se fait en général uniquement dans les unités médicales.
Ils devraient être disponibles dans d’autres lieux (douches, couloirs, parloirs, bibliothèque...), mais cette accessibilité plus large se heurte au rejet parfois violent de la population carcérale et du personnel de surveillance.
La prison a le devoir d’organiser pour les détenus les conditions normales d’une sexualité. Cela passe par la constitution des unités de vie familiale dans lesquels les détenus pourront recevoir leur famille.

Traitement prophylactique post-exposition

En milieu carcéral, toute personne exposée à un risque de transmission, que ce soit dans un cadre professionnel, par blessure, par pratique d’injections de produits toxiques ou par relations sexuelles, doit pouvoir être prise en charge dans un délai court.
Les règles de consultation et de prescription doivent être identiques à celles pratiquées dans les services hospitaliers de référence.
Plusieurs points font la spécificité du milieu carcéral :
- la forte prévalence des infections à VIH et VHC, notamment dans les maisons d’arrêt qui oblige à considérer, lorsque la sérologie du patient source est inconnue, tout accident d’exposition comme étant potentiellement à risque ;
- la possibilité de voir des détenus refuser le test de dépistage au moment de l’accident, cette situation devant être acceptée par les soignants sans entraîner de préjudice pour le détenu ;
- les populations pouvant être confrontées à ce type de situation :
- les personnels de santé travaillant dans les UCSA et les SMPR,
- les personnels pénitentiaires,
- les détenus.
Pour ces trois populations, les circuits de prévention doivent être parfaitement identifiés.
Pour les infirmières, médecins, dentistes et surveillants, les circuits de prévention passent le plus souvent par les urgences ou le service de référence de l’hôpital de proximité.
Pour les détenus, cette prise en charge passe par les UCSA, mais la poursuite des comportements à risque qui se pratiquent dans la clandestinité et l’existence de relations sexuelles, parfois violentes, souvent tardivement connues de l’administration pénitentiaire et de l’UCSA, rendent cette démarche prophylactique très difficile.

Vaccination contre l’hépatite B

Le taux d’immunisation contre l’hépatite B est insuffisant et varie de 4 à 25 % selon les études [18, 19]. La vaccination contre l’hépatite B doit être
systématiquement proposée en détention, elle est en général bien acceptée par les détenus.

La politique de réduction des risques menée actuellement en milieu carcéral est insuffisante :
- les règles de prévention du risque parentéral ne sont pas uniformément appliquées dans l’ensemble des prisons françaises et les attitudes de prescription des traitements de substitution sont hétérogènes ;
- l’absence d’information sur les modalités d’utilisation de l’eau de javel concourt à limiter l’impact de cette mesure ;
- les préservatifs ne sont accessibles que dans les unités médicales dans la majorité des prisons ;
- dans le cadre de la politique de réduction des risques, une réflexion doit être menée sur l’installation, en milieu carcéral, de programmes d’échange de seringues.

La politique de réduction des risques doit s’accompagner :
- d’actions de formation en direction des personnels pénitentiaires ;
- d’actions d’éducation pour la santé destinées aux détenus ;
- le dépistage des virus des hépatites doit être renforcé.
En milieu carcéral, toute personne exposée à un risque de transmission, que ce soit dans un cadre professionnel, par blessure, par pratique d’injections de produits toxiques ou par relations sexuelles, doit pouvoir être prise en charge et recevoir un traitement antirétroviral prophylactique.
La forte prévalence des infections à VIH et VHC, notamment dans les maisons d’arrêt, oblige à considérer, lorsque la sérologie du patient source est inconnue, tout accident d’exposition comme potentiellement à risque.

PRISE EN CHARGE MÉDICALE EN MILIEU FERMÉ

En milieu carcéral, la prise en charge médicale et le suivi thérapeutique d’un patient porteur de l’infection à VIH associée ou non à une hépatite chronique doivent répondre aux mêmes exigences qu’en milieu ouvert.

Infection par le VIH

Suivi clinique et biologique
Il existe des particularités à ce suivi médical et thérapeutique en milieu carcéral :
- ces patients sont, dans la très grande majorité, dans une extrême précarité sociale et d’un niveau éducatif bas ;
- ils ne sont pas ou peu suivis par un médecin de ville ou dans un centre
hospitalier ;
- l’infection par le VIH apparaît parfois comme une pathologie abstraite ne nécessitant pas de traitement faute de symptômes.
Au cours de leur séjour en prison, l’objectif premier de la consultation médicale est donc de sensibiliser et d’encourager ces patients à une prise en charge médicale à l’extérieur.
Cette action passe par une information sur l’infection par le VIH, en particulier sur les modes de transmission, les complications, les indications et les bénéfices de la thérapeutique antirétrovirale.
Cette période de sensibilisation à l’infection par le VIH et de préparation à un traitement antirétroviral peut être longue, elle est indispensable à un projet thérapeutique valable.
Chez des patients présentant une immunodépression, il faudra organiser une surveillance régulière des infections opportunistes majeures.
L’accès à la consultation dans les UCSA se fait en principe sans difficulté.
Beaucoup plus problématique est l’accès à une consultation spécialisée dans un centre hospitalier. Les difficultés d’obtention de cette consultation liées aux préjugés des médecins vis-à-vis de cette population et les contraintes logistiques de transport entraînent des délais de consultation parfois inacceptables et incompatibles avec une bonne prise en charge médicale.
En cas d’apparition de manifestations cliniques liées ou non au VIH, le patient doit bénéficier d’une prise en charge médicale et thérapeutique adaptée, dans un délai raisonnable.
L’hospitalisation doit se faire également dans un délai compatible avec l’état clinique du patient et dans une structure hospitalière adaptée laissée au choix du médecin.
La prévention de la transmission materno-fœtale du VIH obéit aux même règles qu’en milieu ouvert. Une collaboration doit s’établir entre le médecin en charge de l’infection par le VIH et l’obstétricien, afin d’offrir à la patiente la meilleure prise en charge médicale possible.

Traitements antirétroviraux
Toutes les molécules antirétrovirales bénéficiant d’une AMM ou d’une ATU sont disponibles en prison.
Il est donc possible d’initier ou de reconduire toutes les combinaisons antirétrovirales validées.
En revanche, en raison des conditions de détention et parfois des difficultés d’accès aux soins, certaines molécules comme l’abacavir, l’éfavirenz et la névirapine nécessiteront une attention plus grande de la part des prescripteurs, surtout en cas de primo-prescription.
Le renouvellement de la prescription, lors de la visite d’entrée en prison, pour les patients régulièrement suivis et traités à l’extérieur, doit se faire sans délai.
Chez des patients prenant irrégulièrement leur traitement en milieu ouvert, le traitement antirétroviral ne doit pas être automatiquement reconduit lors de la visite d’entrée. Celui-ci pourra être repris lors d’une consultation avec le médecin référent VIH de l’UCSA après avoir effectué un bilan sanguin et avoir eu un contact avec le médecin habituel. Cette consultation aura pour but d’apprécier l’évolution de l’infection à VIH, de revoir les indications thérapeutiques et le traitement antirétroviral.
Les modalités de prise en charge de l’échec thérapeutique en prison ne diffèrent pas de celles proposées à l’extérieur. Le génotypage doit être disponible dans la gestion de cet échec thérapeutique.

Co-infection par les virus des hépatites B et C

Suivi clinique et biologique
Les hépatites chroniques B et C ajoutent une difficulté supplémentaire au suivi clinique et biologique ainsi que dans la prise en charge thérapeutique de patients infectés le plus souvent depuis une vingtaine d’années.
Compte tenu de la rapidité d’évolution de l’hépatite C chronique dans cette population, il est particulièrement important de sensibiliser et d’informer ces patients de la nécessité d’une surveillance régulière et d’une prise en charge thérapeutique.

Ponction biopsie hépatique
La ponction biopsie hépatique, dans un grand nombre de centres pénitentiaires, est un examen difficile à obtenir. Ce fait handicape et ralentit la prise en charge thérapeutique des patients.
Ces difficultés sont liées au manque d’information des patients sur cet examen, au déficit en personnel médical spécialisé, aux règles de détention des centres pénitentiaires et au manque de chambres sécurisées dans les centres hospitaliers référents.
L’utilisation de marqueurs biochimiques combinés pourrait tourner cette
difficulté.

Traitement des hépatites
Le traitement des hépatites chroniques B et C répond aux mêmes règles de prescription et de surveillance qu’en milieu ouvert.
Le séjour en prison peut être l’occasion, dans des conditions bien spécifiques qui dépendent de la durée de séjour et du génotype du VHC, de débuter et de mener à son terme un traitement contre l’hépatite C chronique.
En revanche, les conditions de détention et de la structure psychique des patients sont à l’origine d’une grande réticence à la prescription d’interféron. Un bilan initial et un suivi psychiatrique paraissent indispensable à cette prescription.

Prise en charge des conduites addictives

La prise en charge des conduites addictives des détenus doit être effectuée conjointement par les UCSA et les SMPR en collaboration étroite avec les pharmacies.
Les patients doivent être systématiquement vus dans le cadre d’une visite d’arrivée assurée par les UCSA et les SMPR.
Au cours de cette visite d’entrée, la question de l’addiction et le repérage des poly-toxicomanies sont abordés et le traitement de sevrage ou de substitution mis en place.
Si le patient est déjà traité par méthadone ou buprénorphine, le médecin du SMPR ou de l’UCSA prendra contact avec le centre spécialisé ou le médecin généraliste pour confirmation du traitement et de sa posologie.
La poursuite du même traitement de substitution se fera pendant l’incarcération.
Au cours de cette prise en charge, il sera proposé systématiquement au
patient un suivi psychologique.
La prescription doit se faire en rappelant aux patients les recommandations sur le bon usage du médicament.
L’organisation des soins varie en fonction de la taille et du type d’établissement. Dans de gros établissements, pendant les 7 premiers jours de prescription de buprénorphine, le patient pourra recevoir son traitement à l’unité de soins, puis dans une pochette anonymisée distribuée dans la cellule par le personnel soignant.
Devant le grand nombre de détenus traités par la buprénorphine, une dérogation peut être accordée afin de distribuer cette molécule en cellule.
La distribution de ce type de produits est fonction de la prescription médicale, certains patients recevront la buprénorphine de manière quotidienne, d’autres la recevront deux fois par semaine. La distribution de méthadone se fait quotidiennement à l’unité de soins.
En cas de consommation non officielle (trafic en promenade) de buprénorphine, il peut être proposé une prescription de buprénorphine dans le cadre d’une consultation médicale. Cette attitude qui peut paraître contradictoire, a pour objectif de réintégrer le détenu dans la filière de soins.
Lorsqu’un détenu toxicomane refuse tout traitement de substitution soit pour des raisons administratives (en cas d’expulsion), soit pour des raisons
personnelles (échec antérieur, contrainte sanitaire, peur du racket), un traitement de sevrage à doses dégressives pourra lui être proposé. À l’issu du sevrage, il sera revu en consultation.
Dans tous les cas et quel que soit le traitement de substitution, le suivi après le retour à la liberté devra être organisé en collaboration avec un CSST ou un médecin généraliste.
Une consultation spécialisée en alcoologie peut parfois être proposée aux détenus présentant une alcoolo-dépendance. Ces antennes d’alcoologie sont au nombre de quatre en France, chiffre insuffisant en regard du problème de l’alcool et de la prévalence de l’hépatite chronique dans cette population.

Préparation à la sortie

Le suivi médical et thérapeutique débuté en milieu carcéral ne peut s’inscrire que dans la continuité, c’est-à-dire après la sortie de prison.
Il paraît donc important que le patient porteur d’une pathologie chronique puisse se voir proposer au cours de sa détention un projet médico-social de sortie.
Cette préparation à la sortie doit comporter deux actions principales :
- une action médicale qui passe par la constitution du dossier médical qui sera remis au patient quelques jours avant sa libération, associant un résumé de l’état clinique du patient, les résultats biologiques et immuno-virologiques, une ordonnance du traitement antirétroviral et un rendez-vous de consultation dans un service hospitalier spécialisé dans la prise en charge des patients VIH ;
- une action sociale, beaucoup plus difficile à préparer et à organiser.
Les patients séropositifs pour le VIH sont, pour la majorité d’entre eux, dans une situation socio-économique très difficile qui n’est pas compatible avec un suivi médical et thérapeutique correct après leur libération.
Faut-il le rappeler ? La mission de réinsertion est sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire par l’intermédiaire des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Le temps de l’incarcération devrait permettre d’améliorer certaines situations sociales.
Malheureusement, l’action socio-éducative menée par le service d’insertion et de probation n’apparaît pas pertinente au regard des prises en charge des patients séropositifs pour le VIH. Le retour à la liberté se fait toujours pour ces personnes dans la plus grande précarité, handicapant fortement le suivi médical et thérapeutique prévu à leur sortie. Le manque de coordination entre les structures médicales et les services d’insertion et de probation ne peut expliquer, à lui seul, ce constat. Les services d’insertion et de probation sont parfois confrontés aux récidives multiples des détenus et au manque criant de solutions sociales lors de la sortie de prison, en particulier aux difficultés d’hébergement et à l’absence de revenu, ce qui explique parfois leur désinvestissement.
En milieu carcéral, en 2002, le contraste est grand entre l’amélioration de la prise en charge médicale et l’absence d’une véritable politique sociale. Il est paradoxal d’observer qu’il est aujourd’hui possible de prescrire un traitement pour plus 1 500 euros/mois à des patients qui n’auront aucune structure d’accueil à la sortie de prison.
Par ailleurs, les reprises des droits sociaux ne peuvent s’établir qu’une fois les personnes sorties de détention pour celles qui sont en situation administrative régulière.
La prise en charge sociale s’organise, le plus souvent, dans les services sociaux des services hospitaliers ou des associations qui prennent en charge ces patients.
Un partenariat plus institutionnel des assistants sociaux de l’hôpital avec les
travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire s’impose.
L’implication des CISIH dans la continuité des soins et dans l’aide à la résolution des situations difficiles paraît prépondérante.

• Droits et dispositifs d’insertion pour les personnes sortant de prison
Toute personne peut bénéficier, à sa demande, pendant les six mois suivant sa date de libération, de l’aide des travailleurs sociaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation de sa résidence (Art. D554 du Code de procédure pénale). Cette aide s’exerce en liaison avec d’autres services de l’État (ANPE, caisse primaire d’assurance maladie), des collectivités locales (caisse d’allocations familiales) et territoriales (centre communal d’action sociale [CCAS], service d’action sociale du conseil général...) et avec la participation d’autres organismes publics ou privés (associations...).

• Quelles sont les allocations dont ne peuvent plus bénéficier les personnes incarcérées ?
Si la personne incarcérée percevait le RMI avant son incarcération, le versement du RMI est suspendu au 61e jour. Elle n’est toutefois pas radiée du dispositif RMI si son incarcération est inférieure à 4 mois. À la sortie de prison, elle doit communiquer à la caisse d’allocations familiales son « billet de sortie ».

La prise en charge médicale et thérapeutique du VIH et des hépatites chroniques doit être équivalente à celle proposée en milieu hospitalier.
La prise en charge médicale en détention n’a de valeur que si elle s’inscrit dans la continuité, d’où l’importance de la préparation à la sortie de prison.
La préparation à la sortie devrait aider à l’amélioration de la situation sociale de cette population particulièrement vulnérable ; elle est actuellement inexistante.

POINTS PARTICULIERS

Secret médical

Le code de déontologie médical affirme que « le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ».
La prison est un lieu où tout se sait et dans lequel le secret médical est difficile à préserver.
Les jours de consultation et le nom du médecin qui assure la consultation spécialisée, la distribution des médicaments même si elle se fait dans des enveloppes anonymisées, la prise des traitements en présence de co-détenus, sont quelques-uns des éléments qui concourent à la rupture de la confidentialité.
En raison d’un manque d’information sur l’infection à VIH et en particulier les modes de transmission, il peut exister des réactions d’intolérance majeure entre détenus. La connaissance du diagnostic par les autres détenus peut entraîner une mise à l’écart du patient et des difficultés dans sa vie quotidienne.
Sur ces arguments, certains détenus refusent le dépistage proposé lors de l’incarcération ou la mise sous traitement antirétroviral.

Mise en liberté et aménagement de peine

Si un médecin exerçant en milieu pénitentiaire estime que l’état de santé de l’un de ses patients détenus justifie d’une mise en liberté ou d’un aménagement de peine, il lui appartient de saisir, dans le strict respect du secret médical, les autorités judiciaires compétentes afin qu’une expertise puisse être ordonnée.
Si pendant l’instruction du dossier judiciaire, le pronostic vital est mis en jeu, il est de la mission de ces médecins d’informer le magistrat de l’éventualité du décès.
L’article 10 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé permet aux magistrats de suspendre l’incarcération « quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux (...) ».

Détenus étrangers en situation irrégulière (voir Chapitre 23)

La proportion d’étrangers incarcérés a augmenté de façon régulière ces dernières années. Certaines pathologies sont identifiées comme étant des « contre-indications » à un retour dans le pays d’origine, en raison de l’absence d’accès à un suivi spécialisé ou à des médicaments.
Un protocole a pu être mis en place dans certains établissements. Il permet d’agir avant que la personne expulsée ne soit reconduite à la frontière.
Compte tenu de la situation difficile des étrangers en situation irrégulière à leur sortie de prison, il est impératif de débuter les démarches administratives et d’organiser une prise en charge médico-sociale pendant la détention.

Études cliniques en prison

L’article L. 209-5 de la loi n°88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales modifiée par la loi n° 94-630 du 25 juillet 1994 mentionne que « les personnes privées de liberté par une décision judiciaire ou administrative, les malades en situation d’urgence et les personnes hospitalisées sans consentement en vertu des articles L. 333 et L. 342 qui ne sont pas protégées par la loi ne peuvent être sollicitées à des recherches biomédicales que s’il en est attendu un bénéfice direct et majeur pour leur santé ».
La situation actuelle des patients séropositifs pour le VIH majoritairement porteurs d’une hépatite C chronique, implique qu’une réflexion soit menée sur la conduite d’études cliniques en milieu carcéral.
Compte tenu de la gravité et de la forte prévalence de l’hépatite C, associées aux difficultés thérapeutiques de cette pathologie en milieu carcéral, il doit être possible d’envisager dans les années à venir que des études sur de nouvelles molécules anti-VHC, par exemple, puissent être ouvertes à des patients privés de liberté.
Outre le bénéfice clinique et thérapeutique pour les patients, cette démarche aurait pour effet d’améliorer et de faciliter la préparation à la sortie des patients et leur suivi en milieu hospitalier en resserrant les liens entre les UCSA et les CISIH.
Cette action permettrait également de rompre l’isolement (dont se plaignent souvent les médecins qui interviennent en milieu carcéral), de les intégrer à des équipes de recherche clinique et ainsi d’améliorer la prise en charge médicale et thérapeutique des patients incarcérés.
Actuellement, les patients qui sont inclus dans une étude clinique, avant leur incarcération, ont la possibilité de poursuivre cette participation pendant leur séjour en prison. En revanche, les difficultés logistiques liées aux protocoles, les contraintes de l’incarcération et la confidentialité judiciaire parfois réclamée par le patient incarcéré vis-à-vis de l’équipe hospitalière rendent cette démarche difficile.
Compte tenu du caractère spécifique de la population à laquelle s’adresse cette recherche, il est important d’exiger des garanties supplémentaires aux règles déjà en vigueur dans tout protocole.
• Ces études devraient être cautionnées obligatoirement par l’agence nationale de recherche sur le SIDA.
• L’acceptation d’une participation à une étude ne doit pas être assujettie à l’obtention d’avantages ou de privilèges, de même son refus ne doit pas entraîner de conséquences.
• En prison, le patient devra pouvoir être suivi dans les conditions imposées par le protocole et sa sortie organisée afin que la poursuite de l’étude se fasse dans les meilleures conditions.

Le secret médical doit être respecté en milieu pénitentiaire.

Si un médecin exerçant en milieu pénitentiaire estime que l’état de santé d’un de ses patients détenus justifie d’une mise en liberté ou d’un aménagement de peine, il lui appartient de saisir dans le strict respect du secret médical, les autorités judiciaires compétentes afin qu’une expertise puisse être ordonnée.
Dans son principe, la loi « HURIET » n’interdit pas de mener une recherche biomédicale en milieu carcéral. La situation actuelle des patients séropositifs pour le VIH majoritairement porteurs d’une hépatite C chronique implique qu’une réflexion soit menée sur la conduite d’études cliniques en milieu carcéral.

Points forts et recommandations
• Les patients séropositifs pour le VIH doivent recevoir en milieu carcéral une prise en charge médicale et thérapeutique équivalente à celle proposée en milieu ouvert :
- il est possible d’initier ou de reconduire toutes les combinaisons antirétrovirales validées. Toutes les molécules antirétrovirales bénéficiant d’une AMM ou d’une ATU nominative ou de cohorte sont disponibles ;
- chez des patients présentant une immunodépression sévère, il faudra organiser une surveillance régulière des infections opportunistes majeures ;
- si l’état clinique du patient justifie une consultation hospitalière ou une hospitalisation, celle-ci devra s’organiser dans les meilleurs délais sans préjudice pour le patient.
• Chez les patients co-infectés VIH/VHC, compte tenu de la rapidité d’évolution de l’hépatite C chronique :
- il est particulièrement important de sensibiliser et d’informer ces patients de la nécessité d’une surveillance régulière et d’une prise en charge thérapeutique ;
- les modalités d’accès à la ponction biopsie hépatique doivent être organisées et simplifiées ;
- le suivi clinique et thérapeutique doit être équivalent à celui proposé en milieu ouvert.
• Cette prise en charge médicale et thérapeutique n’a de valeur que si elle s’inscrit dans la continuité. Il est donc nécessaire :
- de sensibiliser les patients à un suivi médical après leur sortie de prison ;
- d’organiser au mieux socialement la sortie de détention. La préparation à la sortie implique une collaboration et une coordination des services pénitentiaires d’insertion et de probation et des services médicaux ;
- de renforcer le partenariat entre les centres pénitentiaires et les structures associatives ou hospitalières qui prendront en charge ces patients.
• Le suivi médical et thérapeutique doit s’accompagner d’une politique de réduction des risques pleinement appliquée. Cette action doit se faire avec l’appui de l’administration pénitentiaire et doit s’inscrire dans une approche de santé plus globale :
- l’accès aux traitements de substitution notamment doit être réel et uniforme dans l’ensemble des prisons françaises. Un état des lieux prison par prison paraît indispensable afin d’identifier et de recenser les établissements où la prescription de traitements de substitution pose problème, la DDASS pouvant choisir de faire intervenir un médecin extérieur dans ces établissements ;
- les actions de formation en direction des personnels pénitentiaires et des actions d’éducation pour la santé destinées aux détenus s’inscrivent dans la politique de lutte contre le VIH et les hépatites ;
- l’accès aux préservatifs et à l’eau de javel doit être élargi et les détenus doivent être informés de l’existence de telles actions ;
- la prison a le devoir d’organiser pour les détenus les conditions normales d’une sexualité. Cela passe par la constitution des unités de vie familiale dans lesquels les détenus pourront recevoir leur famille.

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Notes:

[1Données du ministère de la Justice au 1er janvier 2001

[2Données du ministère de la Justice pour l’année 2000.