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Actions en justice contre la prison

l’A4DF veut dénoncer les conséquences de la surpopulation carcérale

Mise en ligne : 20 janvier 2004

Dernière modification : 28 décembre 2010

Texte de l'article :

Une association veut dénoncer les conséquences de la surpopulation carcérale
Prisons : l’Etat assigné pour faute lourde

CAEN (AFP) - L’Association pour la défense des droits et de la dignité des détenus et de leur famille (A4DF) a décidé d’assigner l’Etat pour faute lourde dans l’exécution des peines d’emprisonnement à la maison d’arrêt de Caen, une première en France.

L’A4DF, une association créée par des avocats caennais en 2003 et qui compte parmi ses membres d’autres associations liées au milieu carcéral ainsi que des visiteurs de prison, saisira lundi le tribunal de grande instance de Caen pour engager une action contre l’Agent judiciaire du trésor et "mettre en cause la responsabilité de l’Etat dans le fonctionnement défectueux du service de la justice".

Il s’agit de la première assignation déposée à titre collectif contre l’Etat, les dernières ayant été toutes déposées à titre individuel par des détenus pour atteinte à la dignité humaine.

La maison d’arrêt de Caen accueillait 486 détenus au 1er juillet 2003 pour 310 places, soit une densité de 156,8%, et la population carcérale atteindra vraisemblablement le seuil de 500 détenus en mars 2004, selon l’association.

"Cette situation est aujourd’hui devenue intolérable car elle s’aggrave de jours en jours et rien n’est fait pour inverser cette tendance inflationniste qui porte atteinte à la dignité des détenus et est contraire à la loi et aux principes fondamentaux de la République", selon l’assignation dont l’AFP a eu copie.

L’A4DF y dénonce notamment le non respect des règles de l’emprisonnement, notamment celle relative à l’emprisonnement individuel et une autre au respect des normes réglementaires et enfin rappelle "les conséquence de la surpopulation et du non respect des règles".

Cette assignation sera déposée par maître Xavier Morice, avocat au barreau de Caen, qui représente l’A4DF et deux détenus Patrick Rolland et Vincent Leviavant, qui sont à l’origine de l’assignation à laquelle s’est jointe l’association.

Patrick Rolland, 35 ans, électricien, est détenu à la maison d’arrêt de Caen depuis le 27 août 1999 et a été condamné par la cour d’assises du Calvados le 14 mars 2001 à une peine de 12 ans de réclusion criminelle.

Le 2 octobre 2001, la direction de l’administration pénitentiaire l’informait qu’il était susceptible de rejoindre le centre de détention de Caen durant le troisième trimestre 2002 mais un an plus tard, le détenu était toujours incarcéré à la maison d’arrêt, relève l’assignation.

Vincent Leviavant, un mécanicien de 27 ans, avait lui été placé en détention provisoire le 24 septembre 2002 avant d’être remis en liberté 14 mois plus tard, a-t-on précisé de même source.

"Ils ont supporté l’un et l’autre les déplorables conditions d’incarcération au sein de la maison d’arrêt de Caen depuis de nombreux mois et ils sont fondés chacun en ce qui les concerne (...) à demander (...) réparation à l’Etat français du préjudice qui leur est causé à raison des conditions de leur emprisonnement qui résulte d’un fonctionnement défectueux du service de la justice", est-il noté dans l’assignation.

L’A4DF a été créée en 2003 à l’initiative de son président actuel, maître Jacques Martial, avocat au barreau de Caen, membre de la commission de surveillance des prisons depuis une dizaine d’années et qui a plusieurs fois déjà alerté la justice sur la surpopulation carcérale de la prison caennaise.

La France comptait au 1er janvier 59.246 détenus dans ses maisons d’arrêt pour un taux moyen d’occupation de 121,9%. Le nombre de détenus dans les prisons françaises était de 60.963 (pour 48.603 places) au 1er juillet 2003 pour un taux d’occupation des établissements pénitentiaires de 125,4%, le record de surpopulation carcérale.

La barre symbolique des 60.000 détenus avait été dépassée en juin 2003 pour la première fois depuis la Libération.