PAR M. ANDRÉ GERIN,

Député.

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La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LES SERVICES PÉNITENTIAIRES 7

A. DES MOYENS HUMAINS EN PROGRESSION, MAIS ENCORE LARGEMENT INSUFFISANTS PAR RAPPORT AUX BESOINS 7

B. UNE MODERNISATION TROP LENTE DU PARC PÉNITENTIAIRE 12

C. UNE AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS 16

D. UN PROJET DE LOI PÉNITENTIAIRE QUI SOULÈVE DE NOMBREUSES INTERROGATIONS 20

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 25

A. UNE AUGMENTATION DES MOYENS EN PERSONNELS QUI NE PERMET PAS DE RATTRAPER LES RETARDS ACCUMULÉS 26

B. DES STRUCTURES EN NOMBRE INSUFFISANT 31

C. UNE AMÉLIORATION TROP LENTE DES CONDITIONS D'INCARCÉRATION DES MINEURS 36

AUDITION de Mme Marylise LEBRANCHU, garde des Sceaux, ministre de la justice, et EXAMEN EN COMMISSION 39

ORGANISATIONS SYNDICALES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 67

MESDAMES, MESSIEURS,

Avec un montant de 4,7 milliards d'euros (30,7 milliards de francs), les crédits du ministère de la justice sont en hausse de 5,7 %. Cette hausse profite principalement à l'administration pénitentiaire, qui dispose d'une enveloppe de 1,4 milliard d'euros (9,1 milliards de francs), soit une augmentation de 9,7 % par rapport à l'année précédente ; cette administration bénéficie, en outre, de plus de la moitié des créations d'emplois du ministère de la justice. La protection judiciaire de la jeunesse voit, elle, ses crédits stagner, avec un montant de 539,6 millions d'euros (3,5 milliards de francs), même si le budget du secteur public progresse de près de 4,8 %, pour s'établir à 302 millions d'euros (2 milliards de francs).

Cette relative augmentation est insuffisante pour satisfaire les besoins de ces deux administrations. Celles-ci souffrent, en effet, des retards accumulés ces dernières années, qui ont conduit à des situations très dégradées qu'il est aujourd'hui extrêmement difficile de rattraper, sauf à adopter des budgets d'exception.

Ces difficultés sont aggravées par le décalage de plus en plus important qui existe entre l'annonce d'une mesure et sa réalisation effective : pendant ce délai, la situation évolue et les solutions retenues se révèlent souvent inadaptées. Mais surtout, ce décalage suscite l'incompréhension chez les personnels concernés, déçus par la lenteur des réalisations, et réduit à néant l'effet positif de l'annonce initiale.

Cette analyse s'applique, bien sûr, en matière budgétaire, où les effets du plan de 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) annoncés par le Premier ministre en novembre 2000 tardent à se faire sentir. Mais elle est également vraie en matière législative, un certain nombre de réformes, comme le suivi socio-judiciaire ou le placement sous surveillance électronique, étant encore au stade expérimental plusieurs années après leur adoption par le Parlement.

Le projet de loi pénitentiaire n'échappe malheureusement pas à cette critique. Alors que l'annonce de son élaboration, à la suite des rapports de la commission présidée par M. Guy Canivet et des deux commissions d'enquête du Parlement, avait suscité de nombreux espoirs, le « document de présentation générale de l'avant-projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire », rendu public par la Chancellerie en juillet dernier, a provoqué de fortes déceptions, chez les détenus comme chez les personnels : l'avant-projet ne contient, en effet, aucune avancée significative en matière de droits de l'homme, tout en ne valorisant pas suffisamment les missions des personnels. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement réexamine ses propositions, afin de présenter rapidement au Parlement un texte plus complet et mieux équilibré.

Ce décalage permanent provoque chez les personnels un certain malaise, qui est accentué par l'incertitude entourant actuellement les modalités d'application du décret sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. L'ensemble des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur a exprimé la crainte que cette réforme ne se traduise avant tout par une remise en cause des avantages liés à la pénibilité de leurs emplois, plutôt que par une réelle diminution du temps de travail, et critique le manque de recrutements. D'une manière plus générale, elles dénoncent le manque d'anticipation de l'administration et regrettent l'absence de dialogue social, certaines d'entre elles faisant valoir que les quelques revalorisations indemnitaires ou statutaires obtenues ces dernières années l'ont été après des mouvements sociaux importants. Lors de sa visite à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, votre rapporteur a eu l'occasion de percevoir concrètement ce malaise des personnels.

Or, quelle que soit l'importance des sommes engagées, la remise à niveau des services de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, ne pourra se faire sans le soutien des personnels. Il paraît donc essentiel de restaurer le dialogue social au sein de ces administrations, préalable indispensable à la réussite des réformes engagées.

*

* *

I. -  LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Avec un montant de 1,4 milliard d'euros (9,1 milliards de francs), le budget des services pénitentiaires augmente de 9,7 % par rapport à l'année précédente. Cette forte progression doit cependant être relativisée, car elle servira principalement à financer les récentes réformes qui touchent l'administration pénitentiaire (juridictionnalisation de l'application des peines, loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail...), qui plus est de manière partielle, sans pour autant s'attaquer aux problèmes structurels dont souffre cette administration.

Le projet de budget pour 2002 prévoit la création de 1 525 emplois, dont 1 221 emplois de personnels de surveillance.

Ces nouveaux emplois sont répartis de la manière suivante :

276 emplois seront affectés aux nouveaux établissements du « programme 4 000 ». Ils permettront le recrutement de l'ensemble des personnels de la maison d'arrêt de Séquedin (Lille) et le recrutement du personnel d'encadrement du centre pénitentiaire de Liancourt (Oise), de la maison d'arrêt de Chauconin-Neufmontiers (Meaux) et du centre pénitentiaire de la Farlède (Toulon).

251 emplois sont destinés à consolider les recrutements effectués en application du protocole du 18 octobre 2000, afin d'assurer la hausse de 16 % à 19 % du taux de compensation pour le calcul des besoins de services (TCCBS).

Le conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 ayant décidé que l'administration pénitentiaire prendrait à sa charge, à compter du 1er janvier 2002, l'ensemble des gardes et des escortes des détenus en consultation médicale, le projet de loi de finances a prévu d'affecter 50 emplois à ces escortes, qui s'ajoutent aux 46 emplois obtenus l'an passé. Même si de nouvelles créations d'emplois sont envisagées, il est regrettable que les besoins en personnels, estimés à plus de 400, n'aient pas fait l'objet d'une meilleure anticipation, ce qui aurait permis d'appliquer cette mesure en 2002 dans de meilleures conditions.

13 emplois sont destinés aux centres de rétention administrative, dont la gestion logistique a été confiée à l'administration pénitentiaire par une décision interministérielle du 12 décembre 2000.

Sur les 135 emplois renforçant les services pénitentiaires d'insertion et de probation, 100 sont destinés à la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 relative à la protection de la présomption d'innocence : en modifiant en profondeur les conditions d'octroi des mesures d'aménagement des peines, cette loi a créé une demande supplémentaire de rapports et d'enquêtes réalisés par les travailleurs sociaux. Les 35 emplois restant permettront de poursuivre la restructuration administrative de ces services et les transferts de locaux engagés depuis 1998.

Seuls 800 emplois seront donc effectivement affectés au renforcement de l'administration pénitentiaire. Encore faut-il nuancer ce chiffre, puisque les 700 emplois supplémentaires de personnels de surveillance sont essentiellement destinés à permettre l'application des dispositions sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. Sur les 100 emplois restant, 20 sont des postes de personnels de direction chargés du développement des ressources humaines, 50 sont destinés à renforcer la capacité d'administration des services, notamment dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte, et 30 sont des emplois de personnels techniques.

Malgré des chiffres en apparence élevés, le projet de loi de finances pour 2002 ne permet pas de combler, même partiellement, « l'éternelle pénurie des effectifs » dénoncée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Il se contente, en effet, de financer de manière partielle quelques mesures nouvelles, sans s'attaquer réellement au sous effectif chronique dont souffre depuis de nombreuses années l'administration pénitentiaire. Selon le syndicat national FO des personnels de surveillance, l'administration, elle-même, évalue actuellement le déficit en personnels de surveillance à 2 424 agents.

Ce déséquilibre, dû notamment à la diversification des missions assignées aux personnels (escortes, développement des actions d'insertion, mise en place de nouvelles garanties pour les détenus), ne pourra que s'accentuer avec l'application progressive de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, dont l'impact paraît largement sous évalué par le Gouvernement.

L'ensemble des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur ont exprimé leur inquiétude sur les modalités d'application de la réduction du temps de travail. L'union syndicale pénitentiaire a regretté le peu d'information disponible, critiquant l'absence d'anticipation, malheureusement habituelle, de l'administration. Le syndicat national FO des personnels de direction, l'union générale des syndicats pénitentiaires CGT et le syndicat interco-justice CFDT ont souligné que cette mesure se mettait en place alors que les besoins en personnels engendrés par les précédentes réformes, comme la bonification du cinquième ou la modification de la procédure disciplinaire, étaient loin d'être satisfaits. Les syndicats nationaux FO personnels de surveillance et FO personnels administratifs ont souligné la faiblesse des recrutements envisagés, sans commune mesure avec les besoins réels des établissements. Le syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire-FSU, comme tous les autres syndicats, a exprimé la crainte que la réduction du temps de travail n'aboutisse uniquement à remettre en cause les spécificités de la fonction publique pénitentiaire, pourtant largement justifiées par les contraintes qui leur sont imposées. Dans le même ordre d'idée, le syndicat national FO des personnels techniques a souhaité que cette mesure se traduise effectivement par une réduction du temps de travail, et non par une plus grande flexibilité demandée aux personnels.

Votre rapporteur a entendu des observations similaires lors de sa visite à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, les organisations syndicales s'inquiétant en particulier de la remise en cause des acquis résultant de l'entrée en application des 35 heures, notamment chez les travailleurs sociaux.

Il semble bon, à ce stade, de rappeler, contrairement à ce qu'affirment certains, que la France ne dispose pas d'un ratio population pénale/personnels de surveillance particulièrement faible : avec un taux d'encadrement de 2,5 au 1er septembre 2000, notre pays se situe derrière l'Autriche, la Belgique, l'Irlande, la Suède ou encore l'Angleterre.

Cette situation, déjà extrêmement difficile, est aggravée par la permanence des vacances de poste, particulièrement importantes chez les personnels administratifs, qui connaissent pourtant depuis de nombreuses années un sous effectif encore plus important que celui des autres corps.


TABLEAU RECAPITULATIF DES VACANCES D'EMPLOIS
AU 1er JUILLET 2001

 

Effectifs budgétaires 2001

Effectifs réels
01 07 2001

Vacances ou surnombre d'emplois (effectif budgétaire - effectif réel)

Personnels de direction

    370

371,2

- 1,2

Personnels administratifs

    2 376

2 228,4

147,6

Personnels d'insertion et de probation

    1 681

1 528,9

142,1

Personnels de service social

    533

485,7

37,3

Personnels techniques

    680

613,4

64,6

Personnels de surveillance

    20 595

20 645,6

- 50,6

Source : Ministère de la Justice

Cette situation est, en partie, due au manque d'attractivité de l'administration pénitentiaire, relevé par la plupart des organisations syndicales auprès des jeunes susceptibles de passer les concours. Il paraît donc indispensable d'améliorer l'image de ces métiers dans le public, au besoin par une campagne de presse adaptée, et de les revaloriser en les rendant financièrement plus attractifs.

-  L'augmentation du nombre d'incidents en détention

Les personnels pénitentiaires travaillent dans un environnement de plus en plus dégradé, caractérisé notamment par une augmentation constante du nombre d'incidents en détention.

Ainsi, en 2000, 33 évasions, 121 suicides, 1 283 voies de fait entre détenus et 336 agressions contre les personnels ont été recensées, contre respectivement 44, 125, 964 et 321 en 1999. La maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône n'échappe pas à cette tendance, puisque 3 suicides et 19 tentatives de suicide ont été enregistrés cette année.

INCIDENTS EN DÉTENTION

Ratio pour 1 000 détenus

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Evasions

7,1

0,4

0,3

0,3

1,0

0,9

Suicides

1,8

2,5

2,3

2,2

2,4

2,5

Voies de fait entre détenus

23,5

22,3

25,1

28,4

32,7

30,6

Agressions des personnels

5,1

2,3

4,0

5,2

5,8

6,8

Le nombre de suicides est en constante augmentation depuis plusieurs années, malgré la mise en place d'un programme de prévention en mai 1999. Une commission permanente, spécialement chargée d'étudier, au cas par cas, les suicides survenus en détention, a donc été créée le 18 janvier 2001, afin de repérer d'éventuels dysfonctionnements et de rechercher de possibles améliorations.

Le nombre d'agressions envers les personnels est également en forte augmentation, puisqu'il a été multiplié par trois entre 1975 et 1996. Une étude récente () montre explicitement le lien entre l'augmentation de ces agressions et l'évolution de la population pénale, plus déstructurée et plus violente, ainsi que l'importance du rapport entre les détenus et le personnel, tant au niveau numérique qu'au niveau relationnel, la qualité du second dépendant évidemment largement du premier. Cette augmentation de la violence est également très nettement ressentie chez les personnels de la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, qui situent le début de cette évolution il y a quatre ou cinq ans.

Cette augmentation du nombre des suicides et des agressions pose, en fait, le problème plus général de la santé psychiatrique de la population pénale.

Les psychiatres intervenant en milieu pénitentiaire diagnostiquent, en effet, une augmentation sensible des troubles du comportement. Selon une enquête déjà ancienne, effectuée en 1997, entre 14 % et 25 % des hommes entrant en détention souffraient de troubles mentaux, cette proportion s'élevant jusqu'à 30 % chez les femmes.

Or, si le lancement d'une étude épidémiologique sur la santé mentale en détention est prévu en décembre 2001, rien n'est fait, pour l'instant, en matière de formation des personnels. Cette formation semble pourtant indispensable pour gérer dans les meilleures conditions cette population difficile.

Les crédits obtenus au titre de la loi de finances initiale pour 2001 (1,616 million d'euros, soit 10,6 millions de francs) ont permis la mise en _uvre des mesures indemnitaires suivantes :

L'arrêté du 18 mai 2001 a fixé à 16 % le taux de l'indemnité de risque et de sujétions spéciales des assistants de service social et des conseillers techniques de service social, prenant ainsi en compte la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui a supprimé la distinction entre milieu ouvert et milieu fermé.

Le décret n° 2001-427 du 18 mai 2001 a augmenté le taux de prime de sujétions spéciales des directeurs régionaux, directeurs et directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui est passé de 17 % à 19 % du traitement brut. Cette augmentation permet d'aligner le régime indemnitaire de ces personnels de direction sur celui des corps d'autres administrations exerçant des responsabilités analogues.

Afin de mieux mobiliser les personnels pénitentiaires, une modulation assujettie à une condition de « qualité du service rendu » dans le dispositif réglementaire de l'indemnité pour charges pénitentiaires devrait prochainement être créée par décret.

Par ailleurs, le protocole d'accord du 18 octobre 2001 a décidé la revalorisation de différentes indemnités des personnels pénitentiaires : indemnité pour charges pénitentiaires (ICP), indemnité de nuit, qui passe de 7 € (48,70 F) à 11,43 € (75 F), prime de sujétions spéciales des personnels techniques et prime de sujétions spéciales pour les personnels administratifs, qui remplace la prime de sujétions particulières.

Le projet de loi de finances pour 2002 a d'ailleurs prévu une dotation de 762 245 € (5 000 000 F) pour financer cette prime de sujétions spéciales des personnels administratifs, dont le montant s'intègre dans les droits à pension. Cette dotation permet d'assurer le financement complet de cette transformation, pour laquelle 1 067 143 € (7 000 000 F) ont déjà été obtenus.

Le projet de budget a également inscrit 20 254 376 € (132 860 000 F) sur les crédits de rémunération afin de financer les astreintes et les heures supplémentaires résultant de la mise en _uvre en 2002 de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. On peut regretter qu'une fois de plus, l'administration n'ait pas anticipé la réforme et ait préféré recourir à des solutions temporaires plutôt que de recruter des fonctionnaires supplémentaires, conformément à l'esprit de la loi.

S'agissant des mesures statutaires, le décret n° 2001-730 du 31 juillet 2001 met consacre la réforme du statut des chefs de service pénitentiaire (CSP), en leur offrant une carrière plus attractive, tenant mieux compte des responsabilités qui sont les leurs. Cette réforme, qui doit s'achever en 2002, se voit attribuer dans le projet de budget un crédit de 2 803 119 € (18 400 000 F).

Signalons également que le projet de loi de finances prévoit une dotation de 457 347 € (3 000 000 F) destinée à financer la réforme du statut des personnels de direction.

Votre rapporteur regrette que la réforme du statut des travailleurs sociaux, actuellement à l'étude, qui permettrait de reconnaître pleinement l'importance du travail accompli par ces personnels, n'ait fait l'objet d'aucune provision budgétaire.

Même si les mesures statutaires et indemnitaires intervenues ces derniers mois sont loin d'être négligeables, elles ne semblent pas suffisamment attractives pour permettre de pourvoir l'ensemble des postes offerts lors des concours de l'administration pénitentiaire.

-  Une situation dégradée

Les 187 établissements qui composent le parc immobilier de l'administration pénitentiaire se caractérisent par leur grande hétérogénéité, avec cependant une forte prééminence des établissements vétustes et dégradés. Ainsi, pour 41 bâtiments récents, construits à partir de la fin des années quatre-vingts, notre pays compte 146 établissements en grande partie inadaptés à l'usage qui en est fait.

Plus de 60 % de ces 146 établissements sont installés dans des immeubles construits depuis un siècle ou plus, dont certains sont des anciens biens d'Eglise transformés en prison pendant la période révolutionnaire. Selon une enquête réalisée par l'administration pénitentiaire, la plupart de ces établissements sont insuffisamment entretenus et leurs installations, notamment les cuisines, sont très souvent non conformes aux normes techniques et sanitaires : seuls 55 établissements, construits ou entièrement rénovés depuis 1968, répondent aux normes actuelles de détention. Enfin, plus de la moitié de ces établissements sont inadaptés aux régimes modernes de détention, leurs structures traduisant des conceptions pénitentiaires anciennes.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la dégradation actuelle du parc immobilier : la surpopulation des maisons d'arrêt pendant la dernière décennie, même si cette surpopulation a tendance aujourd'hui à diminuer, l'absence de tout programme de maintien à niveau pendant les vingt premières années qui ont suivi la seconde guerre mondiale et la faiblesse des crédits d'entretien, dénoncée par la Cour des comptes en 1991 dans un rapport sur la gestion du patrimoine immobilier du ministère de la justice, faiblesse qui n'a pas pour autant disparu. Actuellement, les crédits du parc classique sont pratiquement uniquement consacrés à une maintenance corrective, alors que ceux du parc 13 000 servent, pour 60 %, à une maintenance préventive. Sur les quinze dernières années, le déficit de maintenance a été évalué à 304,898 millions d'euros (2 milliards de francs).

Cette absence chronique d'entretien a des répercussions sur la sécurité des établissements. Les nombreuses évasions ou tentatives d'évasions de ces derniers mois ont conduit la Chancellerie à confier à M. Jean-Marc Chauvet, directeur régional des services pénitentiaires de Paris, une mission d'analyse et de proposition afin de répondre aux « inquiétudes et aux attentes des personnels » en la matière.

S'appuyant sur ses conclusions, la garde des Sceaux a annoncé le 18 octobre dernier un plan de sécurisation des prisons, dont le coût est évalué à près de 30,49 millions d'euros (200 millions de francs). L'amélioration de la protection anti-hélicoptères devrait se traduire par l'installation de nouveaux filins de protection dans les zones neutres, jusqu'à présent à découvert ; ces filins seront espacés de huit mètres, et non quatre comme actuellement. La sécurité des miradors sera renforcée par l'installation de vitres sans tain et la fourniture d'armes dotées de lunettes de visée. S'agissant des téléphones portables, pour lesquels la mission Chauvet avait préconisé l'adoption de dispositions juridiques et techniques empêchant leur utilisation en détention, la ministre envisagerait d'autoriser le brouillage des ondes émises et reçues autour des établissements pénitentiaires, sans toutefois s'engager formellement. Elle a également annoncé que chaque surveillant en détention serait équipé d'un téléphone sans fil avec un bouton de sécurité à actionner en cas d'alerte.

-  Les crédits inscrits en loi de finances

Dans ce contexte, les 257 258 000 € (1 687 500 000 F) d'autorisations de programme demandées pour 2002, en diminution de près de 9 % par rapport à la loi de finances pour 2001, ne semblent pas suffisantes pour combler ce retard.

L'entretien des établissements pénitentiaires se voit attribuer une enveloppe de 36,207 millions d'euros (237,5 millions de francs), répartie de la manière suivante :

221,051 millions d'euros (1,45 milliard de francs) seront consacrés à la rénovation du parc pénitentiaire classique. Ce montant est à rapprocher des 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) que le Premier ministre s'est engagé à consacrer sur six ans à la rénovation des établissements pénitentiaires.

Plus que du montant insuffisant des sommes engagées, la modernisation des établissements pénitentiaires souffre des lenteurs administratives. Il existe, en effet, un décalage important dans le temps entre l'annonce des programmes de construction et de rénovation et leur réalisation effective, dû pour une large part à l'incapacité de l'administration pénitentiaire à utiliser les lignes de crédits ouverts.

-  Des programmes de construction et de rénovation qui tardent à se réaliser

Le « programme 4000 », qui prévoit la construction de six établissements pénitentiaires, pour un montant total de 289,653 millions d'euros (1,9 milliard de francs), et parallèlement la fermeture de cinq établissements vétustes, vient à peine de commencer, alors qu'il a été arrêté dès 1997. La première tranche, qui concerne la maison d'arrêt de Seysses, destinée à se substituer à celle de Toulouse, le centre pénitentiaire du Pontet, qui remplacera la maison d'arrêt d'Avignon, et la maison d'arrêt de Sequedin, construite pour désencombrer celle de Loos-lès-Lille, a été lancée à l'automne 2000. Les dates de livraison de ces établissements s'étalent entre le troisième trimestre 2002 et la fin de 2003.

La deuxième tranche de ce programme, qui porte sur la construction d'une maison d'arrêt à Chauconin-Neufmontiers (Meaux), d'un centre pénitentiaire à Liancourt, qui se substituera à l'actuel centre de détention, et d'un centre pénitentiaire à La Farlède, qui remplacera la maison d'arrêt de Toulon, devrait s'achever au plus tôt au premier trimestre 2004.

Si votre rapporteur se félicite de la prochaine fermeture de ces établissements extrêmement vétustes, qui connaissent une surpopulation permanente, il regrette, en revanche, que les pouvoirs publics aient prévu de remplacer ces établissements en gestion publique par des établissements en gestion mixte. Ce choix est en tout point regrettable, y compris du simple point de vue financier, puisque le surcoût engendré par ce dernier mode de gestion est estimé à 8 %.

Le deuxième programme de construction annoncé par le Gouvernement concerne le remplacement de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion, la reconstruction des prisons de Lyon et des maisons d'arrêt de Nice, de Nancy, du Mans et de Basse-Terre. Seul le calendrier prévisionnel de la construction de la maison d'arrêt de Saint-Denis a été fixé : après la mise en place du jury de concours en 2001, la désignation du maître d'_uvre en 2002, le dépôt du permis de construire en 2003, le début des travaux devraient commencer au premier semestre 2004, pour une livraison de l'établissement au deuxième semestre 2006. Les autres projets, quant à eux, en sont encore au stade des recherches foncières.

Dans ces conditions, il est à craindre que le programme de création de 35 établissements pénitentiaires, annoncé le 24 octobre dernier par la garde des Sceaux, pour « résorber les déficits de places constatés en satisfaisant à l'impératif de l'encellulement individuel » connaisse les mêmes retards et ne soit donc pas lancé « au plus tard en 2004 » comme prévu.

La mise en place des centres pour peines aménagées, destinés à recevoir les condamnés ayant moins d'un an d'emprisonnement à effectuer, dont la création avait été annoncée par la garde des Sceaux en avril 1998, n'est pas encore effective. Il avait pourtant été décidé que l'expérimentation de ce nouveau type d'établissements s'effectuerait à partir de sites existants, et non pas de constructions nouvelles. Sur les trois sites retenus (ancien centre pénitentiaire de Metz-Barrès, prison-hôpital des Baumettes, centre de semi-liberté de Villejuif), seul celui de Marseille-Baumettes pourrait fonctionner partiellement en 2002, les travaux d'aménagement devant s'achever en décembre 2001.

Le programme de rénovation lancé en 1998, visant à remettre aux normes les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes, La Santé, Les Baumettes et Loos-lès-Lille, en est encore au stade du diagnostic (schéma directeur de restructuration) ou, pour la maison d'arrêt des Baumettes, du choix d'un maître d'_uvre. Les travaux n'ont pas encore été engagés, alors même que la durée prévisible des chantiers est d'au moins huit ans.

-  La très faible consommation des crédits

Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2000, la gestion budgétaire de l'administration pénitentiaire se caractérise par une sous consommation récurrente des crédits. Ainsi, le taux d'utilisation des autorisations de programme était de 52 % en 1998, de 63 % en 1999 et de 38 % en 2000. Cette sous consommation se retrouve également au niveau des crédits de paiement, avec un taux de consommation inférieur à 50 % depuis 1999.

Le rapport explique ce faible taux d'utilisation par le choix délibéré fait par le ministère de la justice d'inscrire de manière régulière les autorisations de programme correspondant aux engagements gouvernementaux, quel que soit le degré de préparation des travaux. Il estime que cette méthode de « lissage » des autorisations de programme « ne permet pas au Parlement d'avoir une image réelle des programmes d'investissement, les montants affichés correspondant plus à des intentions globales qu'à des opérations évaluées avec un minimum de précision et des échéances claires ».

Cette difficulté à consommer les crédits provient, toujours selon la Cour des comptes, de « la diversité des modes de gestion des crédits mis entre les mains des responsables des antennes régionales de l'équipement, peu nombreux et confrontés à une multiplicité des tâches ».

Dans ces conditions, il convient de se féliciter de la décision du Gouvernement de mettre en place une agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice.

Cet établissement public national à caractère administratif, créé par le décret n° 2001-798 du 31 août 2001, est destiné à remplacer, à compter du 1er janvier 2002, la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement (DGPPE). Il aura pour mission d'assurer, dans le cadre de conventions de mandat, la maîtrise d'ouvrage « des opérations de construction, d'aménagement, de maintenance, de réhabilitation, de restauration, de gros entretien, d'exploitation » d'immeubles destinés aux services pénitentiaires, mais également aux juridictions et aux établissements d'enseignement relevant du ministère de la justice.

Ce nouvel établissement bénéficiera, en 2002, d'une dotation de fonctionnement de 5,9 millions d'euros (38,7 millions de francs) et de 40 emplois, dont 25 transférés de l'administration centrale. Dans la mesure où il sera appelé à travailler sur des projets très différents, les emplois prévus semblent très insuffisants pour permettre une réelle accélération des programmes de construction. Dans son rapport sur les moyens des services judiciaires, la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale a d'ailleurs estimé au double les besoins en personnels de cette nouvelle institution.

En revanche, le recours aux conventions de mandat paraît effectivement de nature à permettre une réduction sensible des délais. Ainsi, les travaux de rénovation du centre de détention de Nantes, choisi comme site pilote pour expérimenter une première convention de mandat, pourraient commencer dès 2003.

Le nombre total de détenus au 1er juillet 2001 s'élevait à 49 718, contre 52 122 l'année précédente. Si cette baisse est importante, il convient toutefois de la relativiser, car on est encore loin des 37 000 personnes incarcérées du début des années quatre-vingts. Le taux d'occupation moyen des établissements pénitentiaires est également en diminution et passe en dessous de la barre symbolique des 100 % (98 %), contre 104 % au 1er janvier 2000. Les maisons d'arrêts demeurent néanmoins très encombrées, avec un taux moyen d'occupation supérieure à 104 %.

Cette surpopulation dans les maisons d'arrêt est source de tensions avec les personnels et fragilise les efforts de l'administration pénitentiaire pour améliorer les conditions de vie et d'hébergement des détenus.

Ces efforts se sont notamment traduits en matière d'hygiène et d'action sanitaire par un accès plus fréquent et régulier aux douches. Il apparaît, cependant, que les trois douches hebdomadaires annoncées en 1999 ne sont pas encore effectives pour tous les détenus. Le cloisonnement des sanitaires devrait, lui, être achevé avant la fin de l'année. Le projet de loi de finances prévoit, néanmoins, une enveloppe de 1,524 million d'euros (10 millions de francs) pour poursuivre cette opération avec les nouvelles normes de cloisonnement, le muret ne devant plus être considéré comme une cloison.

L'administration a également mis en place, l'année dernière, un plan de distribution de produits d'hygiène, qui devrait se poursuivre cette année grâce à une dotation budgétaire de 0,762 million d'euros (5 millions de francs).

Plus encore que l'hygiène, le travail peut jouer un rôle déterminant dans les conditions de vie des détenus. Or, à peine plus d'un tiers de la population pénale exerçait une activité rémunérée en 2000. Ainsi, à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, seuls 30 détenus travaillent pour une population pénale de 471 détenus. Conscient de ces difficultés, le Gouvernement à chercher à développer le travail des détenus à travers les plans triennaux d'action pour la croissance du travail et de l'emploi (PACTE) : après un premier plan qui a permis d'augmenter de 25 % le nombre de journées travaillées, le deuxième plan, mis en place en 2000, tout en ayant pour objectif d'assurer une activité rémunérée à un détenu sur deux, a davantage une orientation qualitative, en cherchant à rapprocher du droit commun les conditions de travail des détenus et à renforcer le côté insertion. Par ailleurs, une enveloppe de 3,048 millions d'euros (20 millions de francs) est inscrite dans le projet de budget, comme l'année précédente, pour revaloriser la rémunération des détenus travaillant au service général. Rappelons, en effet, que le niveau actuel des rémunérations pour les détenus travaillant dans ce service varie entre 4,8 € (31,50 F) et 9,68 € (63,50 F).

Enfin, l'encellulement individuel des prévenus est loin d'être généralisé : en 2000, seul 24,2 % des détenus en maison d'arrêt étaient en cellule individuelle, pour 50,5 % qui étaient deux par cellules et 25,3 % qui étaient trois ou plus. Certes, il existe une part incompressible de détenus qui ne peuvent pas, en raisons de problèmes psychologiques lourds, ou ne veulent pas être en cellule individuelle. Mais le taux actuel d'encellulement individuel est extrêmement faible et il paraît difficile dans ces conditions d'envisager l'application effective de cette mesure au 15 juin 2003, comme le prévoit pourtant l'article 68 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence.

Ce retard dans la mise en place de l'encellulement individuel pose le problème plus général des délais d'application des réformes votées par le Parlement. Deux d'entre elles ont retenu l'attention de votre rapporteur cette année : le suivi socio-judiciaire et le bracelet électronique.

-  Le suivi socio-judiciaire

Pour lutter contre la récidive des délinquants sexuels, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles a créé une nouvelle mesure, le suivi socio-judiciaire, qui consiste en l'obligation pour le condamné de se soumettre à des mesures de surveillance et d'assistance sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, qui ne peut excéder dix ans en cas de délit et vingt ans en cas de crime.

Outre les mesures d'assistance et de surveillance classiques (ne pas se livrer à l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, s'abstenir de paraître dans certains lieux.), la juridiction peut assortir le suivi d'une obligation de soins, si une expertise psychiatrique conclut que la personne condamnée est accessible à de tels soins. Lorsqu'une peine d'emprisonnement a également été prononcée, le juge de l'application des peines doit rappeler tous les six mois au condamné qu'il a la possibilité de commencer les soins en prison ; la mesure de suivi socio-judiciaire ne commence, toutefois, que lorsque la privation de liberté a pris fin.

Pour la mise en _uvre de l'injonction de soins, le juge de l'application des peines doit désigner, sur une liste de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée établie par le procureur de la République, un médecin coordonateur, qui est chargé d'aider le condamné dans le choix du médecin traitant, de conseiller le médecin traitant, si celui-ci en fait la demande, et de transmettre au juge de l'application des peines les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins.

En cas d'inobservation de ses obligations, le condamné est passible d'un emprisonnement, dont la durée maximum, fixée par la juridiction de jugement, est de deux ans si la mesure est prononcée pour un délit et de cinq ans pour un crime.

Si 72 mesures de suivi socio-judiciaire ont été prononcées en 1999, le décret prévoyant les modalités de désignation du médecin coordonateur et du médecin traitant n'a été promulgué que le 18 mai 2000 ; quant aux arrêtés fixant la rémunération des médecins coordonateurs et le nombre de condamnés qu'ils peuvent suivre, ils datent du 7 mars 2001, soit près de trois ans après la publication de la loi.

La constitution des listes des médecins coordonateurs s'avère difficile : les psychiatres experts semblent, en effet, préférer continuer à pratiquer des expertises plutôt que d'assumer le rôle de coordonateur, les deux missions étant, pour des raisons déontologiques, incompatibles ; quant aux psychiatres exerçant dans le secteur libéral, ils refusent souvent de prendre en charge les délinquants sexuels dans le cadre de soins sous contrainte.

Le Gouvernement s'est également aperçu, un peu tardivement, qu'il était nécessaire de former les médecins à ce type de pathologie. Le ministère de l'emploi et de la solidarité doit donc élaborer prochainement un arrêté qui fixera les modalités et le contenu de cette formation. La prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles en prison a également été jugée insuffisante et une étude est en cours de réalisation pour permettre la mise en place d'une nouvelle organisation d'accès aux soins de ce type de population.

Trois ans et demi après le vote de la loi, le suivi socio-judiciaire ne paraît pas encore très au point. Pourtant, les personnes susceptibles de se voir appliquer cette mesure sont de plus en plus nombreuses, puisque les infractions sexuelles ont augmenté de 51 % ces cinq dernières années.

-  Le placement sous surveillance électronique

Adopté en décembre 1997 par le Parlement, le placement sous surveillance électronique (bracelet électronique) est une modalité d'exécution des peines privatives de liberté. Il est décidé par le juge de l'application des peines, soit de sa propre initiative, soit à la demande du parquet ou du condamné. Cette mesure peut concerner les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement dont la durée est inférieure à un an ou dont la durée de la peine restant à subir est inférieure à un an. Dans tous les cas, le condamné doit exprimer son consentement à la mesure, le cas échéant en présence de son avocat.

Le juge de l'application des peines fixe les périodes (jours et heures) et les lieux (domicile, travail...) d'assignation, en prenant en compte les contraintes médicales, familiales et professionnelles du condamné. Celui-ci ne doit pas s'absenter pendant les périodes d'assignation, doit répondre aux sollicitations des agents chargés du contrôle et respecter les mesures éventuellement prononcées dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve.

La fin du placement sous surveillance électronique est décidée par le juge de l'application des peines en cas de manquement du condamné à ses obligations, de nouvelle condamnation ou lorsque le condamné le demande. Le condamné doit alors accomplir tout ou partie du reliquat de sa peine en détention.

Outre son impact sur la surpopulation des maisons d'arrêt, le placement sous surveillance électronique, en favorisant la réadaptation du condamné à la vie en société, permet de limiter les risques de récidive.

Pourtant, les premières expérimentations n'ont commencé qu'en octobre 2000, dans les maisons d'arrêt d'Agen, d'Aix-Luynes et de Loos-lès-Lille et dans le centre de semi-liberté de Grenoble.

Dans chaque site pilote, une structure de projet, comprenant des représentants du parquet, de l'application des peines, de la direction régionale des services pénitentiaires, de l'établissement pénitentiaire et du service d'insertion et de probation, a été mise en place pour assurer le pilotage de l'expérimentation. En fonction des contraintes locales, chaque site pilote a retenu ses propres modalités de fonctionnement, qui doivent permettre la mise en _uvre simultanée de vingt placements sous surveillance électronique.

Sur la base d'une durée moyenne de placement de trois mois, correspondant à la durée moyenne constatée dans les expériences étrangères, ce dispositif expérimental aurait dû permettre de suivre environ 200 personnes sur un an. Le nombre de personnes ayant effectivement pu bénéficier de cette mesure est en réalité bien inférieur.

Au 1er juillet 2001, 51 personnes, dont six femmes, avaient été ou étaient placées sous surveillance électronique ; la moitié d'entre elles avaient été condamnées à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à six mois et une part importante aurait pu bénéficier des aménagements de peine prévus par l'article D. 49-1 du code pénal. Trois mesures de retrait ont été prononcées.

Le dispositif ayant néanmoins globalement bien fonctionné, la garde des Sceaux a décidé de l'étendre à cinq nouveaux sites (Angers, Béziers, Colmar, Dijon et Osny), la pose des bracelets électroniques sur ces nouveaux sites devant s'échelonner entre le 1er novembre 2001 et le 1er mars 2002.

Votre rapporteur regrette la lenteur et l'extrême prudence avec laquelle ce dispositif est mis en place, alors même qu'une étude a évalué à 7000 le nombre de mesures de placement sous surveillance électronique pouvant être prononcées chaque année.

Encore ce chiffre doit-il être revu à la hausse, puisque l'article 62 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence a étendu le dispositif du bracelet électronique aux personnes placées en détention provisoire.

Il serait donc souhaitable que le Gouvernement publie rapidement le décret d'application attendu depuis maintenant près de quatre ans et procède à la phase de généralisation du dispositif, tout en veillant à ce que le placement sous surveillance électronique se substitue effectivement à la détention, et non au contrôle judiciaire.

L'annonce par le Premier ministre, lors de l'inauguration de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire à Agen en novembre 2000, de l'élaboration d'une grande loi pénitentiaire a suscité de vifs espoirs, chez les détenus comme chez les personnels.

Toutes les conditions semblaient en effet réunies pour faire de cette réforme un véritable tournant dans la politique pénitentiaire de notre pays. S'inscrivant dans le cadre des propositions formulées par la commission sur le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, présidée par M. Guy Canivet, ainsi que de celles émanant des deux commissions d'enquête du Parlement, le projet de loi a fait l'objet d'un travail préparatoire approfondi : consultation des personnels pénitentiaires et des acteurs locaux (magistrats, associations...) par les directions régionales de l'administration pénitentiaire, mise en place d'un comité d'orientation stratégique regroupant une trentaine d'experts de la question pénitentiaire chargés de l'élaboration du texte...

Or, le « document de présentation générale de l'avant-projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire », rendu public en juillet dernier, a provoqué de fortes déceptions, à la mesure des espoirs suscités, comme votre rapporteur a pu le constater lors des auditions des organisations syndicales. Malgré son importance en volume, il ne contient, en effet, que très peu de dispositions réellement innovantes. Comme l'a résumé le secrétaire général du syndicat de la magistrature, « ce débat important a accouché d'une souris ».

L'avant-projet de loi prévoit de donner une nouvelle définition du sens de la peine : outre son caractère de sanction, cette définition devra rappeler le souci de protection de la société et des victimes et insister sur l'objectif d'insertion des détenus. Conformément aux recommandations européennes, la privation de liberté ne devra être prononcée qu'en ultime recours.

Cette dernière assertion implique la mise en place de mesures alternatives à l'incarcération. Sont ainsi envisagés la création d'une peine de formation civique, la suppression des interdictions de cumul entre les différentes peines alternatives, l'élargissement des possibilités de recours à l'ajournement de la peine ou encore la possibilité de suspendre la peine pour cause médicale grave lorsque le pronostic vital est engagé ou lorsque les soins dont bénéficie la personne condamnée sont incompatibles avec le maintien en détention.

Si votre rapporteur ne peut que soutenir, dans leur principe, ces différentes mesures, il s'interroge en revanche sur l'effectivité de leur mise en _uvre : elles nécessitent, en effet, d'importants moyens humains, qu'il semble difficile de satisfaire alors même que tous les personnels de l'administration pénitentiaire sont en sous-effectif.

En outre, une véritable réflexion sur le sens de la peine aurait supposé un réexamen de l'échelle des peines, notamment des plus longues, comme l'ont souligné l'union générale des syndicats pénitentiaires CGT et le syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire-FSU. Or le document présenté par la Chancellerie évoque simplement « l'éventualité d'un aménagement, pour certaines infractions, du caractère automatique de la période de sûreté », sans aborder la question des longues peines et la possibilité de supprimer la réclusion à perpétuité, qui s'apparente à une mort sociale. Pourtant, quelques jours avant la publication du document de présentation de l'avant-projet de loi, dix membres du comité d'orientation stratégique avaient rendu public un texte dans lequel ils qualifiaient la perpétuité réelle d'inhumaine et d'inutile.

-  Les personnels

Afin de tenir compte de l'évolution du rôle des personnels de l'administration pénitentiaire, le document de la Chancellerie fixe trois axes à leurs missions : contrôle des personnes placées sous main de justice, accompagnement individuel de celles-ci et préparation à la sortie. Tout agent pourra donc, au cours de sa carrière, choisir d'exercer successivement l'une de ces trois missions, en fonction de ses compétences et grâce à une politique de formation adaptée. Il est également envisagé de donner la possibilité aux personnels de surveillance de travailler en milieu ouvert, au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Si cette diversification des missions des personnels est souhaitable, pour ne pas dire indispensable, il est néanmoins à craindre que les postes axés sur la surveillance et le contrôle des détenus soient difficiles à pourvoir, les personnels préférant s'investir dans les missions d'insertion.

Le statut des personnels pénitentiaires n'est pratiquement pas modifié. Le statut spécial, qui se traduit par une interdiction du droit de grève assortie d'une majoration de traitement, ne sera pas remis en cause, de même que le droit et l'obligation à la formation continue. S'agissant du droit disciplinaire, il est envisagé de permettre aux personnels faisant l'objet d'une exclusion temporaire de bénéficier d'un sursis total, quelle que soit la durée de la mesure d'exclusion. Enfin, la protection juridique des personnels pourrait être étendue à toute agression subie à raison des fonctions exercées, même en dehors du service, ainsi qu'au conjoint, concubin, ascendants et descendants de l'agent.

Les dispositions relatives aux personnels pénitentiaires ne comportent donc pratiquement aucune avancée, dans un avant-projet de loi lui-même fort peu novateur. Il est, à cet égard, très significatif qu'elles n'occupent qu'à peine trois pages d'un document qui en comporte au total quarante-quatre. Votre rapporteur regrette notamment que l'affirmation, indispensable, des droits fondamentaux des détenus n'ait pas eu pour corollaire une réelle valorisation des missions des personnels.

-  Les établissements pénitentiaires

Considérant que le régime juridique applicable aux détenus ne doit pas être le même dans tous les établissements pénitentiaires, afin d'éviter que des contraintes nécessaires à une minorité d'entre eux soient appliquées à l'ensemble, le Gouvernement envisage de mettre en place une nouvelle classification de ces établissements, en conservant toutefois la distinction entre ceux qui accueillent les prévenus et ceux qui reçoivent les condamnés.

Les maisons d'arrêt départementales recevraient, comme actuellement, les prévenus et les personnes devant effectuer un reliquat de peine inférieur à un an. Les maisons d'arrêt régionales accueilleraient les prévenus les plus dangereux et ceux dont la personnalité justifie un suivi particulier, notamment ceux soupçonnés d'actes de terrorisme, de trafic de stupéfiants, de proxénétisme ou de vol commis en bande organisée ou encore d'actes de torture et de barbarie.

La classification des établissement pour peine ne reposerait plus sur le quantum de peine des condamnés, mais sur des « critères objectifs légalement prédéterminés permettant d'apprécier la situation et la personnalité des condamnés ». Le classement d'un condamné dans un niveau donné d'établissement ne serait pas définitif, mais devrait pouvoir évoluer en fonction du comportement en détention et de la volonté de réinsertion. La décision de classement serait prise par le juge de l'application des peines, au vu des observations écrites du condamné et après avis du chef d'établissement, du directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation et du procureur de la République. Cette décision serait susceptible de recours, dans un délai de dix jours, devant la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en matière criminelle, devant la chambre de l'instruction.

Les établissements de niveau 1 regrouperaient les centres pour peines aménagées et quelques centres régionaux de détention très ouverts et se consacreraient essentiellement à la préparation à la sortie.

Les établissements de niveau 2 recevraient les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an et ne correspondant pas au profil des détenus des établissements de niveau 3. Ces établissements constitueraient les établissements de droit commun d'exécution des condamnations.

Les établissements de niveau 3 rassembleraient les condamnés « dont la personnalité, appréciée selon des critères objectifs légalement prédéterminés, justifierait un niveau de sécurité plus élevé ». Les personnes condamnées pour des actes de terrorisme, de trafic de stupéfiants, de proxénétisme ou de vol commis en bande organisée, ou de torture ou de barbarie seraient d'office affectées dans de tels établissements.

Cette nouvelle classification soulève de nombreuses interrogations, d'autant que les critères qui la fondent demeurent extrêmement vagues. Votre rapporteur s'inquiète, en particulier, de la création des établissements de niveau 3, qui ne sont pas sans rappeler les quartiers de haute sécurité, pourtant supprimés par la gauche en 1981.

Le syndicat interco-CFDT-justice a proposé la création de centres régionaux d'orientation, sur le modèle du centre national d'orientation de Fresnes, chargés d'affecter les condamnés en établissements pour peines, avec l'aide d'une équipe pluridisciplinaire composée de représentants du secteur juridique, social, médical et pénitentiaire.

-  Le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires

Suivant les propositions formulées par la commission présidée par M. Guy Canivet, l'avant-projet de loi propose la mise en place d'un contrôleur général des prisons, nommé en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable, soit sur proposition conjointe du vice-président du Conseil d'Etat, du Premier président de la Cour de cassation et du Premier président de la Cour des comptes, soit sur proposition du président de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

Ce contrôleur général, qui serait assisté de contrôleurs des prisons, aurait pour mission de vérifier que les détenus bénéficient de conditions de détention conformes à la dignité, à l'égalité et à la légalité. Il aurait un accès permanent à tous les établissements pénitentiaires et pourrait exiger d'être entendu par la juridiction saisie à la suite d'un de ses contrôles dans un établissement pénitentiaire. Il aurait également la faculté de saisir directement la commission nationale de déontologie de la sécurité, qui ne peut l'être actuellement qu'à la suite de réclamations individuelles présentées par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur. Son rapport d'activité annuel serait rendu public après transmission au Parlement.

La commission de surveillance serait remplacée par une commission d'évaluation et de coordination, rassemblant une fois par an, sous la présidence du préfet, les représentants des différentes administrations qui interviennent dans l'établissement et auprès du service pénitentiaire d'insertion et de probation, le directeur de ce service et le chef d'établissement. Cette commission aurait une fonction de coordination des différentes actions développées en milieu fermé et en milieu ouvert.

Près des deux tiers du document présenté par la Chancellerie concernent le statut des personnes détenues, le volet le plus important portant sur leurs droits.

-  Le régime disciplinaire

L'avant-projet de loi maintient l'actuelle répartition des fautes disciplinaires en trois catégories, mais fait passer certaines d'entre elles, lorsqu'elles concernent un membre du personnel, à la catégorie supérieure. Ainsi, les menaces visant un membre du personnel, qui constituent actuellement une faute du deuxième degré, deviendraient une faute du premier degré ; de même, le refus d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel serait une faute de deuxième degré, et non plus une faute du troisième degré comme actuellement. Enfin, le fait pour un détenu de ne pas veiller à son hygiène personnelle et à la propreté de sa cellule serait sanctionné disciplinairement comme une faute du troisième degré, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

La procédure disciplinaire serait peu modifiée, si ce n'est pour instituer une habilitation du chef de service pénitentiaire ou du premier surveillant chargé de l'enquête après la constatation d'une faute disciplinaire.

L'avant-projet de loi propose, en revanche, d'aménager substantiellement les sanctions disciplinaires applicables, en faisant notamment passer de quarante-cinq à vingt jours la durée maximum du séjour en quartier disciplinaire pour une faute du premier degré, de trente à dix jours pour une faute du deuxième degré et de quinze jours à cinq jours pour une faute du troisième degré.

Cette modification de l'échelle des peines ne changera pas grand chose sur le fond, puisque les durées maximales étaient rarement prononcées, mais risque de modifier le comportement des détenus. Elle est, à juste titre, très mal vécue par les personnels, qui l'analysent comme un encouragement à l'agressivité des détenus.

-  La condition juridique des personnes détenues

L'avant-projet de loi rappelle un certain nombre de droits fondamentaux dont bénéficient tous les citoyens, libres ou détenus : droit au respect de l'intégrité physique et à la dignité de la personne, qui implique une obligation de sécurité pour l'administration pénitentiaire, principe de non-discrimination, droit à liberté de pensée, de conscience et de religion et à la liberté d'expression, droit à l'information, droit de vote, droit à la vie privée et au maintien des liens familiaux. La reconnaissance de ce dernier droit n'interdirait pas le contrôle des correspondances ni les fouilles, considérées par la Cour européenne des droits de l'homme comme des « ingérences étatiques » acceptables. Elle permettrait, en revanche, d'autoriser la personne détenue à élire domicile dans un établissement pénitentiaire, de reconnaître une période d'intimité, fixée entre vingt et une heures et six heures du matin, pendant laquelle le personnel n'exercerait plus de surveillance constante, de supprimer cette surveillance pour certains parloirs, qui deviendraient ainsi des parloirs intimes, en parallèle avec les unités de vie familiale, et d'allonger la durée pendant laquelle un enfant pourrait demeurer auprès de sa mère détenue.

L'avant-projet de loi mentionne également le droit à la solidarité nationale et aux prestations sociales, qui pourrait se traduire par un élargissement du maintien du revenu minimum d'insertion pour les personnes détenues et la création d'une allocation minimale mensuelle pour les détenus indigents, le droit à la santé et les droits à l'enseignement, à la formation professionnelle et au travail. La reconnaissance de ce dernier droit conduirait à poser le principe de l'élaboration d'un contrat de travail pour les emplois exercés au sein des établissements pénitentiaires.

Si on ne peut que se féliciter du rappel de ces droits élémentaires, dont chaque citoyen doit pouvoir bénéficier, quelle que soit sa situation juridique, on peut en revanche légitimement s'inquiéter des modalités pratiques de leur mise en _uvre, notamment au regard des impératifs de sécurité. Les limitations apportées à ces droits par l'avant-projet de loi ne répondent que partiellement à cette inquiétude.

Le document de la Chancellerie précise ainsi que l'affectation du détenu dans un établissement de la catégorie déterminée par le juge de l'application des peines relèverait de l'administration centrale pour les établissements de niveau 3, les directions régionales restant compétentes pour les autres établissements. La décision d'affectation n'interviendrait, toutefois, qu'après possibilité pour l'intéressé de faire valoir ses droits et serait susceptible de recours devant les juridictions administratives.

Le placement à l'isolement, décidé d'office par le chef d'établissement, devrait répondre à des impératifs d'ordre et de sécurité ; il ne pourrait excéder trois mois, renouvelable une fois, et serait susceptible de recours devant les juridictions administratives.

Si les fouilles corporelles, contrairement aux fouilles de cellule et aux fouilles générales de l'établissement, ne sont pas soumises à une décision écrite préalable, elles devraient néanmoins faire l'objet d'une motivation a posteriori dans le procès verbal qui devra être rédigé lorsqu'elles se révéleront positives.

L'avant-projet de loi fixe deux restrictions au principe de la liberté de correspondance écrite des détenus : en maisons d'arrêt, les lettres seraient systématiquement ouvertes afin de rechercher d'éventuels objets prohibés, cette ouverture étant doublée d'une lecture du contenu de la lettre dans les établissements à vocation régionale ; la correspondance écrite des condamnés serait ouverte de manière aléatoire dans les établissements de niveau 1, ouverte de manière systématique et lue de manière aléatoire dans les établissements de niveau 2 et ouverte et lue de manière systématique dans les établissements de niveau 3.

S'agissant de la correspondance téléphonique, celle des prévenus en maisons d'arrêt départementales ferait l'objet d'un contrôle aléatoire, ce contrôle devenant systématique en maisons d'arrêt à vocation régionale. Dans les établissements pour peines, la confidentialité des communications entre les condamnés et leur avocat serait, dans tous les cas, assurée et les personnes détenues seraient informées des contrôles effectués ; ces contrôles, absents des établissements de niveau 1, seraient aléatoires dans les établissements de niveau 2 et systématiques dans les établissements de niveau 3.

Au total, l'avant-projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire semble soulever plus de difficultés qu'il n'en résout, les avancées en matière de droits de l'homme étant, de l'aveu même des ONG concernées, mineures. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement réexamine un certain nombre de dispositions, afin de proposer, le plus rapidement possible, à la représentation nationale un texte plus complet et équilibré, qui accorde aux détenus un véritable statut, tout en valorisant les missions des personnels.

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Avec un montant de 539 674 712 € (3 540 034 050 F) pour 2002, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse n'augmentent que de 1 % par rapport à l'année précédente. Cette quasi-stagnation, à comparer à la progression de 7 % du budget 2001, est d'autant plus préoccupante que les besoins de ce secteur n'ont jamais été aussi importants, comme en témoignent les récentes statistiques sur la délinquance des mineurs : représentant près de 22 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie, les mineurs ont un besoin urgent de repères, que peut leur donner une action éducative bien menée par des personnels en nombre suffisant et fortement motivés.

Ces restrictions budgétaires touchent principalement le secteur habilité, dont les crédits de fonctionnement baissent de 3,5 %, pour s'établir à 238,2 millions d'euros (1,562 milliard de francs). Cette baisse, que la Chancellerie justifie dans son communiqué à la presse par des ralentissements d'activité de ce secteur dans certains domaines (hébergement de jeunes majeurs, enquêtes sociales...), paraît d'autant plus étonnante que le nombre des mineurs pris en charge par ce secteur n'a cessé d'augmenter ces dernières années, passant de 100 656 en 1994 à 111 490 en 1999.

Les crédits du secteur public sont, en revanche, fort heureusement préservés, puisqu'ils progressent de 4,8 % pour s'établir à 302 millions d'euros (2 milliards de francs). Cette augmentation risque malheureusement de ne pas être suffisante pour combler les retards accumulés entre 1993 et 1997.

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit la création de 300 emplois, soit 80 emplois de moins que lors des deux précédents budgets.

CRÉATIONS D'EMPLOIS

Directeurs

33

1 160 491 €

7 612 321,95 F

Éducateurs (dont 55 remplaçants)

150

4 413 422 €

28 950 150,55 F

Psychologues

17

579 210 €

3 799 368,54 F

Agents techniques d'éducation

15

344 318 €

2 258 578,02 F

Secrétaires administratifs

17

455 848 €

2 990 166,87 F

Professeurs techniques

10

345 215 €

2 264 461,96 F

Infirmiers

5

139 215 €

913 190,54 F

Surveillant chef des services médicaux

1

32 944 €

216 098,47 F

Adjoints administratifs

40

900 270 €

5 905 384,08 F

Attachés

8

270 688 €

1 775 596,88 F

Contractuels

4

200 464 €

1 314 957,64 F

Total

300

8 842 085 €

58 000 275,50 F

Source : Ministère de la justice

Si on ne peut qu'approuver les objectifs de ces créations d'emplois, tels qu'ils sont exposés dans le communiqué à la presse de la Chancellerie, « réduire les délais de mise en _uvre des mesures décidées par les juridictions, améliorer la prise en charge des mineurs, renforcer les fonctions d'encadrement et de gestion administrative », on peut en revanche s'interroger sur leur portée réelle, notamment dans le contexte actuel. Il est en effet probable, comme l'ont fait valoir les organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur, que les emplois créés suffisent à peine à compenser la réduction du temps de travail. Rappelons que le rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck, rendu public en 1998, demandait la création de « 500 postes d'éducateurs, d'assistantes sociales et de psychologues par an pendant les six ans à venir ».

Le syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse-fédération de l'éducation nationale-fédération autonome justice-union nationale des syndicats autonomes (SPJJ-FEN-FAJ-UNSA) a regretté que le Gouvernement, par principe, ait refusé d'affecter ces créations à la mise en place de la réduction du temps de travail. Il a également fait valoir que ces recrutements importants, qui s'ajoutent à ceux des années précédentes, finissaient par poser des problèmes de formation. Le syndicat national des personnels de l'éducation surveillée-protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ) a rappelé que les difficultés liées à la mise en place de la réduction du temps de travail avaient conduit, pour la première fois de leur histoire, l'ensemble des organisations syndicales à créer une intersyndicale et estimé à 600 le nombre de postes nécessaires pour l'application de cette réforme. Il a également dénoncé l'insuffisance de la formation, due en grande partie au caractère massif des récents recrutements.

Sur ces 300 emplois, 15 sont réservés au recrutement d'agents techniques d'éducation (ATE). Ces emplois supplémentaires sont destinés à améliorer le fonctionnement des structures d'hébergement des mineurs délinquants, qui devraient ainsi bénéficier de la présence d'un troisième poste d'ATE. En effet, il semble qu'actuellement, les deux postes d'ATE alloués à chaque structure d'hébergement soient insuffisants pour assurer la continuité du service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Selon certaines études réalisées sur la base de 39 heures hebdomadaires, le ratio d'ATE nécessaire pour offrir un volume d'heures suffisant dans un service d'hébergement doit se situer entre 2,33 et 2,55 équivalents temps plein. Le passage aux 35 heures risque d'augmenter sensiblement ce ratio, rendant largement insuffisantes les créations d'emplois prévues.

Les structures d'hébergement bénéficient également de 55 emplois d'éducateurs remplaçants, destinés à permettre un fonctionnement continu de ces structures. Votre rapporteur regrette, toutefois, que le recrutement de ces éducateurs remplaçants ait été réservé aux cinquante départements les plus importants en terme de capacité d'hébergement et n'ait pas été étendu à l'ensemble du territoire.

60 postes d'éducateurs sont consacrés à la résorption des mesures en attente, sur laquelle votre rapporteur aura l'occasion de revenir.

Le développement des activités d'insertion, qui doit permettre de proposer des activités de jour à l'ensemble des jeunes placés dans les établissements de la protection judiciaire de la jeunesse, bénéficie de 10 emplois d'éducateurs et de 10 emplois de professeurs techniques.

20 postes d'éducateurs seront mis à la disposition de l'éducation nationale pour le fonctionnement des classes-relais. Rappelons, en effet, que le conseil de sécurité intérieure a décidé la mise en place d'un nouveau programme de classes-relais sur la période 2002-2004, avec comme objectif le doublement des élèves bénéficiaires de ces structures. Les maisons de la justice et du droit, quant à elles, bénéficient de 5 postes d'éducateurs, ce qui semble largement insuffisant au regard de leur nombre ().

Les 17 emplois de psychologues, les 5 postes d'infirmiers et l'emploi de chef des services médicaux sont destinés à faciliter le développement du réseau partenarial avec le secteur pédopsychiatrique et à assurer le suivi psychologique des mineurs confiés au service éducatif, conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001.

Les 33 emplois de directeurs constituent la première tranche d'un plan triennal pour renforcer la cohérence éducative des services et améliorer la gestion des ressources humaines. L'administration des services est également renforcée par l'attribution des 65 emplois, à raison de 4 à 5 emplois en moyenne par région, dont 8 attachés, 17 secrétaires administratifs et 40 adjoints administratifs. Ces créations d'emploi risquent néanmoins d'être insuffisantes pour assurer un fonctionnement satisfaisant des directions départementales. Rappelons, en effet, qu'il n'existe actuellement dans ces directions départementales au mieux qu'un seul poste d'attaché () et un ou deux postes de secrétaire administratif, alors même qu'elles ont la charge de contrôler le secteur associatif habilité, auquel l'Etat verse 238,2 millions d'euros (l,562 milliard de francs) et qui emploie près de 24 000 personnes dans 1 130 établissements.

Enfin, le projet de budget prévoit la création de 4 postes d'agents contractuels de catégorie A pour renforcer les équipes informatiques régionales qui assurent des fonctions de plus en plus diversifiées, comme la mise en réseau des structures, la responsabilité de la sécurité des postes informatiques et le suivi d'un parc de plus en plus étendu.

Le SPJJ-FEN-FAJ-UNSA a dénoncé l'écart structurel existant entre les postes budgétaires annoncés et ceux effectivement constatés sur le terrain. Il a également souhaité que le Gouvernement développe une approche plus qualitative, en élaborant un véritable projet national. Le SPPES-PJJ a critiqué la faiblesse des créations d'emplois de personnels administratifs et regretté l'absence de création de postes dans la filière ouvrière.

S'agissant des 500 agents de justice, dont le recrutement a été autorisé par la loi du 23 juin 1999, seuls 448 étaient effectivement en fonction au 1er juillet 2001. A cette même date, 67 démissions avaient déjà été enregistrées, les jeunes recrutés renonçant parfois devant la difficulté des missions attribuées. Le SPJJ-FEN-FAJ-UNSA a regretté le manque de formation de ces jeunes, qui rend difficile une sortie par le haut de ce dispositif. Il a également critiqué l'absence de dispositions sur la résorption de l'emploi précaire, alors que la loi est en vigueur depuis le début de l'année.

-  Les mesures indemnitaires

Le montant des mesures indemnitaires prévues dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 1,897 million d'euros (12,45 millions de francs).

215 662 € (1 414 386 F) sont consacrés à la revalorisation de l'indemnité de nuit allouée aux agents techniques d'éducation, qui est portée de 7,42 € (48,67 F) à 11,43 € (74,98 F) ; le montant du deuxième taux servi pour les nuits encadrant les dimanches et jours fériés est, quant à lui, porté à 18,29 € (119,97 F) par nuit.

Le reste des crédits est destiné à financer l'indemnité annuelle de 1 829 € (12 000 F) de 25 chefs de services éducatifs dits « fonctionnels », auxquels est confiée la direction de petites unités éducatives, et la revalorisation des régimes indemnitaires des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qui devrait s'échelonner entre 13 % et 18 % du traitement de base, contre 12 % à 17 % actuellement. Cette revalorisation ne sera en fait qu'apparente, puisqu'elle est loin de compenser la transformation des journées de repos compensatrices en jours « ARTT », comme l'ont fait valoir l'ensemble des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur.

Par ailleurs, le projet de budget prévoit une enveloppe de 1,829 million d'euros (12 millions de francs) destinée à accompagner la mise en place de la réduction du temps de travail.

1,278 million d'euros (8,389 millions de francs) serviront à financer une prime d'astreinte le week-end et les jours fériés pour les personnels éducatifs travaillant en hébergement ou dans les services éducatifs auprès des tribunaux pour enfants (SEAT) et pour les personnels de direction : une permanence éducative est en effet indispensable dans les structures d'hébergement et dans les SEAT, qui doivent pouvoir répondre en urgence aux demandes d'enquête rapide formulées à l'occasion d'affaires pénales ; de même, il convient d'assurer une permanence au niveau départemental, confié à un personnel de direction, lorsque cette permanence n'est pas déjà assurée par le SEAT.

Cette enveloppe financera également, pour un montant de 201 448 € (1 321 414 F), les heures supplémentaires effectuées par les agents administratifs de catégorie B et C.

L'ensemble des organisations syndicales a critiqué la faiblesse des revalorisations indemnitaires, considérant qu'elles ne permettaient pas de rattraper l'écart avec les personnels des autres directions. Le SNPES-PJJ a exprimé la crainte que la rémunération des astreintes et des heures supplémentaires, en faisant varier la rémunération au sein d'un même corps, ne mette en cause la cohésion des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Il a souhaité que les mesures indemnitaires ne se substituent pas aux mesures statutaires.

-  Les mesures statutaires

Le projet de loi de finances prévoit une dotation de 1,2 million d'euros (7,6 millions de francs) pour achever de financer la réforme statutaire des chefs de service éducatif. Le coût budgétaire total de cette réforme, qui permet d'améliorer la grille indiciaire de ces personnels, s'élève à 1,24 million d'euros (8,14 millions de francs).

Des provisions sont également prévues pour deux autres réformes statutaires : la réforme des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficie d'un crédit de 60 980 € (400 000 F) et celle des agents techniques d'éducation de 38 112 € (250 000 F).

Par ailleurs, dans le cadre du plan pluriannuel de transformation d'emploi d'agents administratifs en adjoints administratifs, 68 emplois seront transformés en 2002, après les 64 de 2001. De même, comme l'année précédente, 53 emplois d'éducateurs de 2e classe seront transformés en emplois d'éducateurs de 1ère classe (70 en 2001) et 129 emplois d'éducateurs de 1e et 2e classe seront transformés en emplois de chefs de service éducatifs (105 en 2001).

Le SPJJ-FEN-FAJ-UNSA et le SN-FO-PJJ ont souhaité que l'ensemble des emplois d'agents administratifs soient transformés en emplois d'adjoints administratifs

Malgré une légère diminution en 2000, le nombre de mesures en attente d'exécution, définies comme celles qui n'ont pas pu être prises en charge dans un délai de deux semaines après la notification de la décision du juge au service, est toujours extrêmement élevé et s'établit à 7 102.

MESURES EN ATTENTE

 

SECTEUR PUBLIC

SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ

TOTAL GÉNÉRAL

 

Milieu ouvert

Mesures d'investigation

Total

Milieu ouvert

mesures d'investigation

Total

1996

1 574

non recensé

1 574

2 119

non recensé

2 119

3 693

1997

2 545

483

3 028

2 852

1 371

4 223

7 251

1998

2 570

887

3 457

2 834

1 250

4 084

7 541

1999

2 953

673

3 626

2 483

1 395

3 878

7 504

2000

2 795

531

3 326

2 542

1 234

3 776

7 102

Source : ministère de la justice.

Cette situation, dénoncée avec vigueur par le SN-FO-PJJ, est d'autant plus préoccupante que la rapidité d'exécution des mesures prononcées conditionne en grande partie leur efficacité. Ainsi, une mesure de réparation effectuée plusieurs mois après les faits n'a de sens ni pour l'auteur de l'infraction, ni pour la victime.

C'est pourquoi la priorité donnée par le Gouvernement à la réduction des mesures en attente doit être accueillie avec satisfaction. Cependant, le recrutement de 60 éducateurs prévu par le projet de budget ne sera sans doute pas suffisant pour faire face à l'augmentation du nombre de mesures prononcées (), qui risque de s'accentuer à la suite des nombreuses créations de postes de juges pour enfants enregistrées ces dernières années. Cet effort de recrutement devra donc être poursuivi pour permettre une résorption effective du stock des mesures en attente.

Le service public de la protection judiciaire de la jeunesse dispose actuellement d'un parc immobilier d'une superficie d'environ 330 000 m2, correspondant à 795 implantations sur tout le territoire. Son activité est regroupée dans 524 entités administratives distinctes, composées d'administrations territoriales (15 directions régionales et 100 directions départementales), de services éducatifs auprès de tribunaux (SEAT), de centres d'action éducative, de foyers d'action éducative, de centres de placement immédiat et de centres éducatifs renforcés.

Les 98 services éducatifs auprès du tribunal assurent prioritairement la permanence éducative, l'accueil et l'orientation. Ils peuvent être chargés, en outre, des mesures éducatives en milieu ouvert prononcées au pénal comme au civil.

Les 234 centres d'action éducative peuvent être chargés de l'ensemble des mesures confiées par les juridictions : investigations, hébergement collectif et individualisé, milieu ouvert pénal et civil, insertion scolaire et professionnelle.

Les 35 foyers d'action éducative sont chargés exclusivement de l'hébergement collectif et individualisé des mineurs.

Ces structures d'accueil sont complétées par celles du secteur associatif habilité, qui dispose de 1 130 établissements et s'occupe principalement de la prise en charge des mineurs en danger, financée par les budgets des départements.

Ces structures ne sont, toutefois, pas suffisantes pour faire face à l'augmentation constante du nombre de jeunes pris en charge, que ce soit des mineurs délinquants, des mineurs en danger ou de jeunes majeurs en difficulté d'insertion, comme l'ont souligné l'ensemble des organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur.

Il arrive donc ainsi fréquemment qu'un mineur en danger doive attendre quelques jours avant de trouver une place dans un établissement d'accueil. Cette difficulté pour trouver des structures d'accueil existe également pour les mineurs délinquants, avec toutes les conséquences que cela peut comporter.

Or, le projet de loi de finances comporte une dotation de 1,2 million d'euros (8 millions de francs) pour créer des centres d'activité de jour, mais ne prévoit aucun crédit pour de nouvelles structures d'hébergement, hors les centres de placement immédiats et les centres éducatifs renforcés, encore trop peu nombreux. De manière plus générale, les crédits d'équipement des services de la protection judiciaire de la jeunesse sont en baisse, s'établissant à 7,623 millions d'euros (50 millions de francs) pour les autorisations de programme et 3,05 millions d'euros (20 millions de francs) pour les crédits de paiement, contre respectivement 15,24 millions d'euros (100 millions de francs) et 5,49 millions d'euros (36 millions de francs) lors de la précédente loi de finances.

-  Les centres de placement immédiat

Le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 a décidé la création de 50 centres de placement immédiat (CPI), destinés à assurer une prise en charge immédiate des mineurs envoyés par les juridictions pour enfants. Ces centres, qui accueillent principalement les mineurs délinquants, permettent d'assurer une rupture de ces derniers avec leur environnement grâce à la mise en place d'un contrôle très strict. Ce placement est également l'occasion pour les services d'évaluer la situation du mineur concerné et d'élaborer des propositions d'action éducative à long terme.

Les centres de placement immédiat hébergent des mineurs, garçons et filles, de 13 à 18 ans, envoyés en priorité par les tribunaux de grande instance du département ; certains centres peuvent, néanmoins, avoir une vocation interdépartementale. Leur capacité d'accueil évolue, selon les situations locales, de 10 à 12 places en hébergement, avec parfois en complément un réseau de places en hébergement individualisé.

Le travail d'évaluation se traduit par des bilans de santé, psychologique, scolaire ou professionnel du mineur concerné, par l'observation de son comportement et par l'étude de son milieu familial et de ses relations sociales. Sauf situation particulière, l'orientation doit être réalisée dans un délai d'un à trois mois. Une circulaire a été adressée le 13 janvier 2000 aux magistrats pour leur expliquer ce nouveau dispositif.

De septembre 1999 à mai 2001, 1 041 jeunes ont été accueillis en CPI. Au 31 mai 2001, 251 jeunes étaient pris en charge dans ces structures, la capacité totale étant de 277 places.

Sur les 50 centres de placement immédiat dont la création a été décidée par le Gouvernement, 35 étaient en fonction en juillet 2001 ; 7 centres devraient ouvrir leurs portes entre septembre et octobre de cette année et 5 nouvelles structures devraient être opérationnelles en septembre 2002. Au total, 42 CPI devraient être en fonction en octobre 2001 et 47 en septembre 2002.

Le Gouvernement justifie le retard enregistré dans le programme d'ouverture des CPI par le « le souci du respect des cahiers des charges relatifs à l'ouverture de ces dispositifs, la nécessité d'harmonisation dans la mise en _uvre des moyens (sorties de formation des nouveaux personnels, repérage des lieux ) ».

Le choix de l'implantation de ces nouveaux centres nécessite, en effet, un travail de concertation avec les juridictions et les collectivités locales : dans plusieurs cas, des projets d'implantation ont été retardés, voire annulés, en raison de l'opposition de maires, hostiles au principe de la création d'un centre pour mineurs délinquants dans leur commune. Ces difficultés se reflètent dans la consommation des crédits de paiement, très irrégulière. Le manque des personnels est également un facteur de ralentissement du programme d'ouverture des centres, comme l'ont fait remarquer le SN-FO-PJJ et le SNPES-PJJ.

Le projet de loi de finances prévoit une dotation de 2,4 millions d'euros (16 millions de francs) pour poursuivre le programme d'implantation de CPI.

-  Les centres éducatifs renforcés

Les centres éducatifs renforcés (CER) connaissent également une mise en route difficile.

En 2000, l'objectif prévu de 63 CER n'a pas été atteint et seuls 43 centres étaient en fonction à la fin de l'année. Au 1er juillet 2001, 47 CER étaient ouverts, dont 9 dans le secteur public ; 11 projets ont été validés et seront mis en place dans les prochains mois dans le secteur associatif habilité et 12 autres sont en cours d'instruction, dont un dans le secteur public. Dans ces conditions, l'objectif de 100 CER que s'était fixé le Gouvernement pour la fin de l'année 2001 ne semble pas très réaliste.

Les centres éducatifs renforcés répondent pourtant à un réel besoin, dans la mesure où ils permettent d'effectuer un véritable travail éducatif sur des mineurs multirécidivistes en leur évitant, pour nombre d'entre eux, une incarcération dont chacun reconnaît le caractère hautement criminogène. Comme l'indique le cahier des charges de ces centres, « il ne s'agit pas d'installer les mineurs dans un projet long à partir d'un hébergement en institution, mais bien de créer pour eux les conditions d'une coupure avec leur milieu et avec leur parcours propre, que celui-ci se joue dans la délinquance réitérative ou bien dans la marginalisation et l'exclusion. Ce temps court doit être aussi un temps d'évaluation des mineurs, de leur situation et des potentialités existantes en termes de solutions éducatives durables ».

Bien que localisés sur l'ensemble du territoire national, les CER sont majoritairement implantés en zone rurale ou dans des petites villes.

Le public accueilli est composé presqu'exclusivement de mineurs délinquants multiréitérants ou multirécidivistes, les placements étant prononcés par des juges des enfants (86 %) ou par des juges d'instruction (14 %).

Chaque centre éducatif prend en charge six jeunes pour des sessions de trois à cinq mois, avec des phases d'interruption entre les sessions pour permettre aux personnels de bénéficier d'un temps de récupération tout en préparant la session suivante. Le taux d'occupation est de 90 %, en raison des admissions progressives en début de session et des sorties étalées dans le temps en fin de session. Les équipes sont, en principe, constituées d'éducateurs et d'un chef de service éducatif, le principe étant d'avoir autant de personnels d'encadrement que de jeunes ; un psychologue participe, par ailleurs, à cette équipe. Chaque centre a son projet éducatif, en liaison avec les autres services éducatifs ou dispositifs d'activité de jour.

Le placement d'un adolescent en centre éducatif renforcé permet d'opérer une véritable rupture dans la spirale de la délinquance. Cette rupture est la première étape d'une resocialisation du jeune, qui lui permet d'acquérir des repères généralement inexistants. Seuls 7 % d'entre eux sont incarcérés en cours de séjour, généralement pour non respect d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un contrôle judiciaire, ou, à la fin du séjour, en exécution d'une peine prononcée à la suite de faits commis antérieurement au séjour en centre éducatif renforcé.

A la sortie, les relations avec les familles sont améliorées, ce qui permet un retour de l'adolescent en leur sein avec un soutien éducatif. Lorsque ce retour en famille n'est pas possible, des mesures de placement en institution permettent de poursuivre le travail éducatif entrepris avec l'adolescent durant son séjour au centre. Afin de pouvoir réaliser ces sorties de CER dans les meilleures conditions, un important travail doit être mis en _uvre dès l'admission du jeune avec le magistrat signataire de l'ordonnance de placement, mais aussi avec l'éducateur du service qui suivait antérieurement ce jeune. C'est en effet grâce à des échanges et des rencontres régulières que la continuité de la prise en charge du jeune à la sortie du CER pourra être assurée.

Les centres éducatifs renforcés, gérés par le secteur associatif habilité, qui constituent la grande majorité de ces structures, n'ont pas toujours un personnel véritablement formé pour ces missions difficiles. Un quart seulement des ces personnels est titulaire d'un diplôme d'éducateur spécialisé, les autres qualifications étant celles de moniteur-éducateur, d'animateur socio-culturel ou d'animateur sportif. Un certain nombre de personnels n'ont même aucune qualification en matière d'éducation. Même si ces personnels ont souvent une motivation extrêmement forte et font preuve de leur capacité à vivre au contact permanent de jeunes en grande difficulté, il serait souhaitable de leur faire suivre une formation aux métiers d'éducation.

Outre ces problèmes de qualification professionnelle, les centres éducatifs renforcés ont de grandes difficultés à concilier les exigences de leur cahier des charges, notamment la nécessité de la continuité de la présence éducative, avec la législation du travail. Ces difficultés risquent encore de s'accentuer avec l'application des accords sur la réduction du temps de travail.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que, dans l'état actuel de nos prisons, l'incarcération des mineurs, qui rend difficile tout projet de réinsertion, doit être évitée à tout prix. Pourtant, le nombre de mineurs incarcérés n'a cessé d'augmenter, avant de connaître ces derniers mois un léger tassement.

Le nombre de mineurs incarcérés en métropole est passé de 2 247 en 1993 à 4 167 en 1999. Depuis juillet 2000, on assiste toutefois à une diminution de ce nombre.

POPULATION PÉNALE AU 1er JANVIER

Année

Mineurs

Nombre total
de détenus

Proportion
de mineurs

1990

543

45 420

1,19 %

1991

416

49 083

0,85 %

1992

493

50 115

0,98 %

1993

587

50 342

1,17 %

1994

562

52 551

1,07 %

1995

573

53 935

1,06 %

1996

561

55 062

1,02 %

1997

628

54 269

1,16 %

1998

669

53 845

1,24 %

1999

714

52 961

1,35 %

2000

718

51 441

1,39 %

2001

616

47 837

1,29 %

La durée moyenne de détention diminue, pour les prévenus comme pour les condamnés. Elle est ainsi passée, pour les prévenus, de 2,3 mois en 1993 à 1,6 mois en 2000 et de 2,8 mois à 1,9 mois pour les condamnés.

Sur les 616 mineurs incarcérés au 1er janvier 2001, 64 avaient moins de 16 ans, soit un peu plus de 10 %. Ce chiffre témoigne du rajeunissement des mineurs délinquants, puisqu'en 1994, cette tranche d'âge ne représentait que 5,9 % des mineurs incarcérés.

Les motifs de l'incarcération ont également évolué : alors qu'elles ne représentaient que 14,9 % des condamnations en 1992, les violences et les agressions sexuelles représentent 25,6 % des condamnations prononcées en 1999.

A la suite du conseil de sécurité intérieure de 1998, des efforts ont été faits pour améliorer la prise en charge des mineurs.

Les crédits d'équipements destinés à mettre aux normes ou à créer des quartiers pour mineurs ont été augmenté. Ainsi, en 2000, 4,57 millions d'euros (30 millions de francs) ont été consacrés à ces actions. Quant au projet de loi de finances pour 2002, il consacre 1,525 million d'euros (10 millions de francs) à la création de ces nouveaux quartiers. Leur installation ne se fait pas, loin s'en faut, sans difficultés, comme votre rapporteur a eu l'occasion de le constater lors de sa visite à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, dont le quartier des mineurs a ouvert en février 2001.

L'encadrement des quartiers mineurs a été renforcé en 1998 et 1999 par la création de 90 emplois budgétaires de personnels de surveillance, auxquels sont venus s'ajouter 118 emplois en 2000. Lorsque tous ces personnels seront effectivement affectés à leur poste, le taux d'encadrement sera d'un surveillant pour quatre mineurs, au lieu d'un pour dix en 1992.

Une formation d'adaptation à l'emploi a été élaborée de façon conjointe entre l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Prévue sur cinq semaines, elle permet notamment aux futurs surveillants des quartiers de mineurs d'améliorer leur connaissance du dispositif législatif relatif l'enfance délinquante et du traitement éducatif des mineurs. Elle comprend ainsi un stage d'une semaine dans les différents services de la protection judiciaire de la jeunesse, en particulier dans le service éducatif auprès du tribunal (SEAT). En 2001, 44 agents ont pu bénéficier de cette formation et une autre session devait être organisée au cours du deuxième semestre pour permettre de répondre aux nombreuses demandes.

Une révision de la carte pénitentiaire des établissements destinés à l'accueil des mineurs a par ailleurs été engagée pour faire face aux fortes variations du nombre de mineurs incarcérés. L'objectif est d'accroître le nombre de places, afin de permettre le respect du principe de l'encellulement individuel des mineurs. La nouvelle carte, actuellement en cours de validation, devrait permettre de porter à 59 le nombre d'établissements habilités à l'accueil des mineurs, pour un total de 1 116 places.

Conscient des déficiences actuelles dans la prise en charge des mineurs, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un groupe de travail chargé de définir une méthodologie de cette prise en charge. Le guide du travail auprès des mineurs en détention, issu des travaux de ce groupe et destiné aux personnels de surveillance et aux équipes pluridisciplinaires ayant en charge les quartiers mineurs, devrait paraître à la fin de l'année.

Par ailleurs, les directions de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'administration pénitentiaire et des affaires criminelles et des grâces ont engagé une réflexion sur l'action éducative à conduire auprès des mineurs incarcérés et sur le régime juridique d'incarcération des mineurs, qui a servi à la préparation de la loi pénitentiaire.

Enfin, un groupe de travail chargé de cerner les attentes des magistrats en matière d'incarcération des mineurs a rendu ses conclusions au dernier trimestre 2000. Il ressort notamment de ses travaux que la coordination actuelle entre les différents intervenants, juridictions, protection judiciaire de la jeunesse, administration pénitentiaire, est insuffisante. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse devrait intégrer ces réflexions dans les orientations qu'elle donnera prochainement à ses services déconcentrés sur le suivi des mineurs délinquants.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur regrette que le Gouvernement ne se soit pas doté de moyens financiers et humains à la hauteur de l'ambition des réformes proposées. Il s'inquiète tout particulièrement des modalités d'application du décret sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, l'absence d'anticipation de cette mesure risquant d'entraîner à très court terme de réels blocages au sein des administrations concernées.

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, ministre de la justice ()

Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux, ministre de la justice - C'est avec plaisir que je vous présente aujourd'hui ce budget de la justice, le premier dont j'aie assuré entièrement la préparation. On peut affirmer sans exagération qu'il s'agit d'un très bon budget. La justice constituant une priorité pour le Gouvernement, les crédits augmentent de 5,7 %, ce qui est supérieur à la hausse moyenne des dépenses de l'Etat, qui s'établit à 2 %.

Au total, mon ministère disposera de 30,7 milliards de francs : pour la première fois, le seuil symbolique des 30 milliards est donc franchi. Votre objectif dans l'avenir sera sans doute de dépasser un nouveau seuil symbolique, celui des 5 milliards d'euros.

En termes d'effectifs, 2 792 emplois sont créés, contre 1 750 en 2001, ce qui était déjà considérable.

Les autorisations de programme représentent 2,4 milliards de francs : il s'agit de financer un grand programme de rénovation et de construction dans le monde judiciaire comme dans l'administration pénitentiaire.

C'est donc un budget cohérent avec la politique du Gouvernement.

Sur les 2 792 emplois nouveaux, 1 525 iront à l'administration pénitentiaire : c'est trois fois plus qu'en 2001. Il s'agit en majorité de postes de surveillants - un peu plus de 1 200 - mais nous allons aussi augmenter les effectifs des personnels d'insertion, des personnels administratifs et techniques, qui sont en nombre insuffisant. Ce recrutement témoigne de notre volonté d'améliorer la sécurité et les conditions de travail dans les établissements. Notre choix d'avoir des prisons à la fois sûres et humaines exige bien entendu des moyens.

En outre, ces créations d'emplois, complétées par d'autres recrutements ultérieurs, permettront de mettre en _uvre la réduction du temps de travail au 1er janvier 2002.

845 emplois seront créés dans les juridictions judiciaires, dont 320 magistrats et 525 fonctionnaires, greffiers, greffiers en chef et contractuels. Nous pourrons ainsi achever la mise en _uvre des réformes récentes, notamment de la loi sur la présomption d'innocence. En quatre ans, 880 emplois ont été créés, dont 427 de magistrats. Nous pourrons aussi continuer à améliorer la qualité de la justice. De ce point de vue, les résultats sont déjà tangibles : la durée moyenne des affaires terminées dans les tribunaux de grande instance au civil est passée de 9,3 mois en 1998 à 8,9 mois en 2000 ; le taux de réponse pénale, c'est-à-dire le pourcentage d'affaires susceptibles d'être poursuivies et qui le sont vraiment ou donnent lieu à une mesure alternative est passé de 64 % en 1997 à 67,9 % en 2000.

Dans le cadre du plan de lutte contre la délinquance des mineurs, la protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 300 créations d'emplois d'éducateurs, de psychologues, d'enseignants et de personnels administratifs.

Enfin, ce budget comporte 32 créations d'emplois à l'administration centrale, 4 à la CNIL, et 86 dans les juridictions administratives, les cours administratives d'appel en particulier étant très encombrées.

Par ailleurs, pour répondre à l'exigence de transparence qui inspire la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, nous réalisons la première tranche d'un plan pluriannuel de résorption des mises à disposition internes. La Cour des comptes avait d'ailleurs critiqué ce dispositif par lequel des magistrats et fonctionnaires affectés pour ordre dans des juridictions et des services déconcentrés sont en réalité à la disposition des administrations centrales ou d'organismes extérieurs.

Un effort, nécessaire et légitime est également fait pour prendre en compte les compétences, les responsabilités et surtout la difficulté de certains métiers, en particulier les surveillants d'administration pénitentiaire et les éducateurs de la police judiciaire de la jeunesse. Ce budget y consacre près de 450 millions de francs.

Les crédits de fonctionnement courants augmenteront de 3,4 % et même de 5,6 % pour les crédits informatiques, la modernisation des méthodes de travail restant une priorité. Nous sommes parvenus au taux de 1,7 agent par ordinateur qui est correct même s'il faut encore l'améliorer dans certains secteurs. Fin 2001, 21 000 agents seront connectés à l'intranet justice alors qu'il n'y en avait aucun fin 1998. A terme, l'impact sur le fonctionnement du ministère sera considérable.

S'agissant des crédits d'intervention, je souligne d'abord la très forte hausse de 18 % des crédits d'aide juridictionnelle qui atteindront 1,8 milliard de francs en raison notamment de la hausse de la rétribution des avocats décidée à la fin de l'année dernière. L'aide juridictionnelle sera étendue aux procédures disciplinaires concernant les détenus. Le plafond de ressources ouvrant droit à l'aide a été relevé en 2001. Cette année il sera simplement revalorisé comme le seuil de la tranche la plus basse de l'impôt sur le revenu. Au vu des conclusions de la commission Bouchet, je préfère en effet m'orienter vers une réforme globale de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit. Je présenterai donc un projet de loi avant la fin de l'année ; sa mise en _uvre exigera, au-delà de 2002, d'importants moyens budgétaires.

D'autre part, nous poursuivons notre effort en faveur de l'aide aux victimes. Les associations qui sont nos partenaires bénéficieront de mesures nouvelles, 7,5 millions de francs, en partie pour financer le nouveau numéro national d'aide aux victimes. L'engagement que nous avions pris de doubler en trois ans les crédits dans ce domaine sera tenu.

S'agissant de l'équipement, notre programme se poursuit à un rythme soutenu. Les 550 millions de francs d'autorisations de programme ouvertes dans le domaine judiciaire permettront de poursuivre ou d'engager des opérations dont les plus importantes concernent les palais de justice de Chartres, Rouen, Fort-de-France et Laon, l'extension de l'école nationale des greffes à Dijon et de gros travaux de sécurité au Palais de justice de Paris.

L'effort sera encore plus marqué dans le domaine pénitentiaire avec 1,7 milliard de francs d'autorisations de programme. 250 millions seront consacrés à des travaux de rénovation et de sécurité et notamment aux mesures d'urgence destinées à lutter contre les évasions par hélicoptère. Dans le cadre du programme de 10 milliards annoncé par le Premier ministre en novembre 2000, 1,45 milliard seront consacrés à la rénovation des établissements existants et notamment des cinq grandes centrales.

Pour ce qui est des constructions neuves, une douzaine d'opérations sont en cours, dont celles de Toulouse et Avignon seront achevées en 2002, et j'ai présenté le vaste programme de 35 établissements neufs qui va être engagé. Il ne s'agit pas d'accroître le nombre de places de détention, mais d'appliquer la norme d'encellulement individuel et de fermer plus de 25 établissements vétustes ou inadaptés. Ce programme sera conduit à un rythme soutenu et la concertation locale va s'engager dès la fin de cette année pour définir les localisations des établissements. Grâce à la nouvelle agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice créée par décret du 31 août 2001, et qui disposera d'effectifs plus importants que l'actuelle délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, les grandes opérations immobilières pourront être conduites de façon plus efficace.

Ce budget, très favorable, n'a rien d'un effet d'annonce. Le Gouvernement agit dans la durée pour renforcer les moyens de la justice, qui était bien « pauvre » en France. Il y a cinq ans, ce budget était à un niveau inacceptable. Malgré l'augmentation du contentieux, la difficulté croissante d'exercer le métier pénitentiaire, le changement de nature de la délinquance, aucun effort sérieux n'avait été accompli, l'institution judiciaire n'était pas prioritaire. Plus grave encore, la loi de programme votée en 1995 n'était pas appliquée et c'est finalement Elisabeth Guigou qui l'a mise en _uvre.

Le Gouvernement a fait de la Justice une vraie priorité, avec une augmentation de 29 % du budget en cinq ans. 7 300 emplois ont été créés, dont 1 212 de magistrats. 280 élèves sont entrés à l'École nationale de la magistrature en 2002 contre 148 en 1997 ; les crédits de l'aide juridictionnelle ont augmenté de moitié sur la même période.

Certes, nous sommes encore loin de disposer des moyens nécessaires à une justice totalement efficace, et les usagers ne percevront que progressivement ces améliorations du service public. L'effort doit donc se poursuivre. Le Gouvernement a pris des engagements pluriannuels et les tiendra. Ainsi, dans le cadre du plan de création de 1 200 emplois de magistrats sur quatre ans présenté en mars dernier, nous en créerons 320 en 2002, soit plus que prévu.

Beaucoup reste à faire, les usagers et les personnels sont les premiers à nous le rappeler. Mais le budget 2002 marque une étape importante dans notre action en faveur de la Justice.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances - Si l'on est de bonne foi, on doit reconnaître que l'effort quantitatif accompli dans ce budget 2002 est important. Je n'en disconviens pas, mais j'émettrais trois réserves.

D'abord, si les moyens augmentent, les besoins augmentent aussi considérablement, par exemple pour appliquer la loi sur la présomption d'innocence. Ensuite, le passage aux 35 heures aura aussi des conséquences importantes pour les effectifs. De ce fait, les créations que vous annoncez ne permettent pas une véritable mise à niveau : le déficit subsiste. Enfin, malgré cet effort budgétaire indiscutable, le taux de consommation des crédits continue à diminuer. C'est préoccupant. Ne voulant pas être polémique, je ne dirai pas que le Gouvernement peut bien afficher des chiffres en forte progression, sans que cela l'engage vraiment puisque les crédits ne seront pas consommés. En réalité, c'est la structure du ministère de la justice qui ne permet pas de consommer les crédits votés.

En 2000, les crédits d'équipement n'ont été consommés qu'à 45,7 %, ce qui a laissé 1,4 milliard sans utilisation. Dans le secteur pénitentiaire, objet de votre souci, la situation est encore pire : le taux de consommation n'a été que de 38,3 % et près d'un milliard est ainsi resté inutilisé. Or, cette année, l'amélioration a été à peine sensible puisqu'en août, le taux atteignait à peine 50 %.

Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est que ce pourcentage reste stable d'une année sur l'autre, quel que soit le niveau du budget. Il n'est certes pas négligeable d'avoir créé une agence de la maîtrise d'ouvrage. Elle peut contribuer à améliorer le taux de consommation. Mais il faudra quelque temps pour qu'elle « monte en puissance » et opère une révolution culturelle, d'autant que, si j'ai bien compris, 25 de ses agents, sur 40, proviendront de l'ancienne DGPPE. Un effort supplémentaire serait donc souhaitable.

La création de la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, a représenté une innovation pour l'Assemblée. En effet, des représentants de la commission des finances et de la Cour des comptes ont, pour la première fois, travaillé conjointement en son sein. Le rapport rendu par cette mission contenait nombre d'observations utiles pour le Gouvernement : qu'en avez-vous tiré ? Je ne reviendrai pas sur le problème de la consommation des crédits votés, mais j'aimerais avoir votre réponse, que je crois d'ailleurs connaître, à la question lancinante de la carte judiciaire. Sur ce point, la situation n'a guère évolué depuis cinq ans. En dépit de tous les discours et engagements, on s'est borné à supprimer 30 tribunaux de commerce dans un premier temps, puis la moitié d'un autre. J'ai cependant cru comprendre qu'une dizaine d'autres étaient sur la sellette, mais qu'en est-il réellement ?

Les services de l'administration régionale, les SAR, constituent un outil de qualité pour la modernisation de la justice. Encore faut-il perfectionner cet instrument. Or, depuis plusieurs mois, aucun progrès n'a été enregistré. Les SAR n'ont pas de statut, ils ne figurent pas dans le code de l'organisation judiciaire... Va-t-on enfin avancer sur ce point ?

L'effectif de l'inspection judiciaire est passé de 1 à 19 inspecteurs mais c'est encore largement insuffisant. Pourtant, vous ne créez aucun poste dans ce budget. Surtout, cette inspection est détournée de sa vocation normale, qui consiste à évaluer et à contrôler le fonctionnement judiciaire. En 2000, plus de la moitié des tâches qui lui ont été confiées étaient étrangères à cette mission ! Voudrait-on l'asphyxier ?

Si les choses continuent à ce rythme, il faudra encore 10 ans avant qu'on ne construise à Paris le nouveau tribunal de grande instance, pourtant indispensable. Mon souci sur ce point n'est pas celui d'un élu de la région parisienne : il se trouve simplement que 25 % de la matière judiciaire sont traités dans la capitale et que, par conséquent, sans ces nouveaux locaux, le fonctionnement de la justice ne pourra s'améliorer sensiblement en France. Actuellement, plus de 200 magistrats sont invités à rester chez eux quand ils n'ont pas d'audience, parce qu'on manque de bureaux. A quoi sert dès lors d'en recruter d'autres ? Que devient la « productivité »  ?

Le problème est identique pour la Cour de cassation : les conseillers de province ne disposent pas de bureau à Paris.

Pour cette Cour, la mise en place d'un filtre contribuera à réduire progressivement le nombre des pourvois. Mais le stock des affaires en attente se monte à 40 000. Les magistrats ont donc demandé la mise à disposition d'un certain nombre de conseillers référendaires, pour une durée de cinq ans. On a envisagé de leur en accorder 18 : qu'en est-il réellement ? Par ailleurs, la Cour manque de locaux : va-t-elle pouvoir occuper les 2 500 m2 de bureaux qu'il était question de lui donner au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain ? Enfin, l'écart de rémunération entre ses conseillers et les magistrats de la Cour d'appel s'est réduit depuis quelques années, de sorte qu'on ne recherche plus une nomination à la Cour de cassation que pour l'honneur. Ses membres sont même de 10 à 15 % moins bien payés que les conseillers d'Etat ou les conseillers à la Cour des comptes. L'effort consenti dans ce budget en faveur des personnels leur bénéficiera-t-il ?

D'autre part, avez-vous une idée du supplément d'effectifs qui sera consommé par le passage aux 35 heures ?

Le point est sans doute mineur mais j'ai entendu dire que des magistrats instructeurs avaient lancé une pétition pour protester contre le rendu d'appels. Si l'information est exacte, comment va réagir la Chancellerie ?

Enfin, je veux sans malice aucune revenir sur une question d'actualité, celle de la prison de Borgo. Comment se fait-il que ce soit le ministre de l'intérieur qui ait annoncé cette décision de justice ? La méthode me paraît mauvaise et il semble d'ailleurs qu'elle ait suscité un certain trouble au sein du Gouvernement. Pour m'en tenir au fond, je dirai que je partage totalement votre jugement sur la situation de nos prisons : elle est déshonorante pour notre démocratie. M. Chalandon avait lancé un programme de 15 000 places que M. Rocard a réduit à 13 000, mais il semble maintenant que tout le monde s'accorde sur la nécessité de construire en quantité. Cependant, combien de temps faudra-t-il pour réaliser les 35 établissements annoncés aujourd'hui ? Le coût d'un seul oscille entre 300 et 500 millions de francs et votre ministère ne consomme en moyenne que 450 millions par an pour le secteur pénitentiaire. A ce rythme, il faudrait donc 35 ans. Peut-être la création de l'Agence de la maîtrise d'ouvrage permettra-t-elle de réduire le délai de moitié. Mais quand l'établissement de Borgo ou son annexe pourront-ils ouvrir ? Par ailleurs, le jeu en vaut-il la chandelle pour 8 condamnés ? C'est en effet à ce jour l'effectif qui serait concerné.

S'agissant des objectifs de cette politique de rapprochement, je préfère vous consulter, vous, plutôt que M. Vaillant, car vous me semblez plus compétente.

J'ai cru comprendre que la politique de rapprochement serait destinée uniquement aux condamnés en fin de peine, ceux qui font l'objet d'une procédure d'instruction dans une autre affaire devant toutefois rester à demeure. Mais comment ce rapprochement, qui ne devrait pas concerner uniquement la Corse, peut-il être compatible avec l'article D 74 du code de procédure pénale aux termes duquel la procédure d'orientation consiste à réunir tous les éléments relatifs à la personnalité du condamné, son sexe, son âge, ses antécédents, sa catégorie pénale, son état de santé physique et mental, ses aptitudes, ses possibilités de réinsertion sociale et, d'une manière générale, tous renseignements susceptibles d'éclairer l'autorité compétente pour décider de l'affectation la plus adéquate ? Après toute une batterie de tests effectués à Fresnes, les condamnés sont orientés vers l'établissement le plus propice à leur réinsertion. Telle est la procédure expressément prévue par la loi, entendez-vous revenir sur cette disposition ?

Mme Nicole Feidt, rapporteure pour avis pour l'administration centrale et les services judiciaires - En progression pour la cinquième année consécutive, ce bon budget marque la volonté du Gouvernement de faire de la justice une priorité de sa politique.

Les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration centrale profitent largement de ce mouvement puisque leurs crédits progressent respectivement de 4,2, 5,2 et 6,5 %.

Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement en mars 2001, les services judiciaires profitent de 963 créations d'emplois, en partie consacrées à la mise en _uvre de toutes les réformes engagées depuis la loi du 15 juin 2000. Les critiques adressées au budget 2001 étaient sans fondement, puisque ces réformes ne l'ont nullement déséquilibré.

Toutefois, la plupart des syndicats s'inquiètent de l'application, au 1er janvier, de la réduction du temps de travail. C'est normal, car les créations annoncées ne suffiront pas à couvrir les besoins. En outre, elles n'entraîneront pas l'arrivée des nouveaux agents dès l'année prochaine, en raison des délais de formation. Pourtant, l'Ecole nationale du greffe fonctionne au maximum de ses capacités et l'Ecole nationale de la magistrature a augmenté le nombre d'élèves dans ses promotions. Il paraît indispensable d'améliorer la formation en créant un tronc commun à tous les professionnels du droit. On en parle depuis des années et je m'étonne que cette réforme n'ait pas encore abouti, alors qu'elle permettrait d'améliorer la qualité de l'enseignement et de rationaliser la formation.

Sur les modalités d'application de la réduction du temps de travail, les syndicats regrettent l'absence de dialogue social. Je sais que ce sujet retient toute votre attention, mais j'insiste sur le fait que seul le dialogue peut emporter l'adhésion indispensable au succès de la réforme.

Je me réjouis de l'effort important fait en faveur de la justice et je souhaite qu'il se prolonge car la qualité de ce service passe par ces crédits, que je voterai sans réserve en raison de leur volume et de leur constance.

Je remercie les services du ministère pour la qualité des réponses qu'ils m'ont apportées, mais je souhaite toutefois vous poser quelques questions de plus, afin d'éclairer nos collègues.

En premier lieu une provision de 1,2 million d'euros est inscrite pour « engager les réformes statuaires des greffiers en chef et des greffiers ». Pouvez-vous donner des indications plus précises sur le contenu de ces réformes et sur leur coût final ?

Ensuite, de nombreux textes prévoient la présence de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel au sein de diverses commissions administratives. Pouvez-vous préciser le nombre de ces commissions et indiquer si le Gouvernement envisage de réduire la participation des magistrats administratifs ?

Par ailleurs, le projet de loi relatif aux droits des malades a prévu de confier à des magistrats la présidence des chambres disciplinaires des ordres professionnels et des commissions régionales d'indemnisation et de conciliation. Le Gouvernement envisage-t-il de procéder à des recrutements pour faire face à ces nouvelles missions ?

La Chancellerie a annoncé la création prochaine de pôles de santé chargés de poursuivre et d'instruire les infractions en matière de santé. Cette spécialisation me paraît excellente. Ne pourrait-elle être étendue à la gestion des catastrophes ? En effet, la justice ne dispose pas des moyens suffisants pour gérer les suites judiciaires de catastrophes comme l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, le naufrage de l'Erika ou l'explosion de Toulouse.

Enfin, à la suite de la publication du rapport de la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice, présidée par Paul Bouchet, le Gouvernement a annoncé le dépôt, à l'automne, d'un projet sur l'aide juridictionnelle et l'accès au droit. Vous en avez tracé les grandes lignes ; pouvez-vous nous donner plus de détails ?

M. André Gerin, rapporteur pour avis pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse - Les crédits du ministère de la justice sont en augmentation de 5,7 %, ce qui profite principalement à l'administration pénitentiaire dont l'enveloppe, de 1,4 milliard d'euros, progresse de 9,7 % et qui bénéficie de plus de la moitié des créations d'emplois, tandis que les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse stagnent, avec un montant de 539,6 millions d'euros.

Cette augmentation relative est insuffisante pour faire face aux besoins d'administrations qui souffrent des retards accumulés depuis trente ans. Les difficultés sont en outre aggravées par le décalage de plus en plus important entre l'annonce d'une mesure et sa réalisation effective, qui provoque l'incompréhension des personnels, qui réduit à néant l'effet de l'annonce initiale et qui motive l'avis critique que j'émets ce matin. Ainsi, les effets du plan de 10 milliards de francs annoncé par le Premier ministre en novembre 2000 tardent à se faire sentir. Cela vaut aussi dans le domaine législatif où un certain nombre de réformes, comme le suivi socio-judiciaire ou le placement sous surveillance électronique, sont encore au stade expérimental, plusieurs années après leur adoption par le Parlement.

Le projet de loi pénitentiaire n'échappe hélas pas à cette règle. Alors que son annonce avait suscité de nombreux espoirs, le document de présentation générale de l'avant-projet, rendu public par la Chancellerie en juillet dernier, a provoqué de fortes déceptions chez les détenus comme chez les personnels, car il ne comporte aucune avancée significative pour les droits de l'homme et il ne met pas assez en valeur les missions des personnels. Le Gouvernement doit donc réexaminer ses propositions, afin de représenter rapidement au Parlement un texte plus complet et mieux équilibré.

Le malaise des personnels est accentué par l'incertitude sur les modalités d'application de la réduction du temps de travail. Tous les syndicats m'ont fait part de leurs craintes que cette réforme ne remette en cause les avantages liés à la pénibilité des emplois au lieu d'entraîner une réelle diminution du temps de travail. Ils critiquent aussi le manque de recrutement, la faible capacité d'anticipation de l'administration et l'absence de dialogue social. Or la remise à niveau des services ne pourra se faire sans le soutien des personnels. Il paraît donc indispensable de restaurer le dialogue social, préalable à la réussite des réformes.

Mon avis est critique car le fossé se creuse entre les sommes engagées et les aspirations qu'il faudrait satisfaire. Je ne néglige pas pour autant les efforts sans précédent engagés depuis 1997. Je ne laisserai pas non plus l'opposition remettre en cause les principes et les fondements de l'ordonnance de 1945.

Je ne la laisserai pas plus remettre en cause cette avancée de civilisation qu'est la présomption d'innocence. (M. Leonetti s'exclame !) Il est vrai que cette question souffre d'un certain discrédit car on n'a pas dégagé les moyens nécessaires.

M. Jean-Luc Warsmann - Ah !

M. le Rapporteur pour avis - Notre système pénal est dépassé par l'évolution de la délinquance et le poids des attentes qui pèsent sur lui. Il est vrai que la longueur des procédures est aberrante ...

M. Jean-Luc Warsmann - Absolument !

M. le Rapporteur pour avis - ...et renforce le sentiment d'impunité et le discrédit des autorités publiques. Je ne prendrai que deux exemples : dans ma ville, une altercation a causé la mort de M. Gueneley et le procès n'a eu lieu que 36 mois plus tard ; quant au pompier qui a eu la jambe arrachée par l'explosion d'un véhicule au GPL le 31 janvier 1999, le procès a eu lieu 33 mois plus tard. Les principales victimes de la violence et de la délinquance sont, contrairement à ce qu'on entend dans le discours sécuritaire, les enfants et les adolescents. Ainsi, le remarquable rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck préconisait la création de 500 postes d'éducateurs, d'assistants sociaux et de psychologues par an pendant 6 ans. La commission parlementaire, elle, évoquait « l'éternelle pénurie » d'effectifs pénitentiaires. Aujourd'hui, la réduction du temps de travail nous conduit à la limite de la crise de confiance. Quand décidera-t-on de créer suffisamment d'emplois pour appliquer réellement les 35 heures aux salariés qui sont en première ligne ?

Cet avis non favorable exprimé est un cri d'alarme que je lance. J'en viens à quelques questions précises. D'abord, l'aménagement du temps de travail dans l'administration pénitentiaire suscite des inquiétudes. Quelles en seront les modalités pour le personnel autre que de surveillance et quels sont les recrutements prévus dans les trois prochaines années ? Le corps du personnel administratif souffre de nombreuses vacances de postes, qui se montaient à 147 au 1er juillet. Comment expliquez-vous ce déficit structurel et comptez-vous y remédier ? Une réflexion a été engagée sur le statut des travailleurs sociaux, mais qui ne se traduit par aucune provision dans le projet de budget. Quel est le calendrier envisagé pour la réforme ? Quand la revalorisation de l'indemnité pour charges pénitentiaires sera-t-elle effective ? Enfin, le projet de loi de finances comporte une nouvelle mesure de transformation d'emplois d'agents de protection judiciaire de la jeunesse en emplois administratifs. Envisagez-vous d'appliquer cette mesure à l'ensemble du corps ?

M. Jean-Pierre Michel - Je voudrais d'abord dire que le groupe RCV voit dans ce projet un bon budget, comme les rapporteurs d'ailleurs, même si certains ont teinté leurs propos personnels d'une certaine acidité. Les crédits sont en augmentation constante depuis plusieurs années et nous apprécions, Madame la ministre, la façon dont vous avez traité les dysfonctionnements et les problèmes délicats qui sont survenus depuis votre entrée place Vendôme : avec modestie et pragmatisme. J'ai toutefois quelques réflexions à vous livrer.

Comment, d'abord, la réduction du temps de travail pourrait-elle s'appliquer aux magistrats ? Il s'agit d'une atteinte claire à leur indépendance. Il ne serait guère possible d'évaluer le temps imparti à chaque tâche, mais il ne faut surtout pas le dire car les 35 heures sont l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement.

M. Patrick Devedjian - L'acidité n'est pas réservée à l'opposition !

M. Jean-Pierre Michel - Ensuite, pourquoi le Gouvernement a-t-il cédé à la pression des tribunaux de commerce et renoncé à faire voter les trois textes qui avaient été examinés en procédure d'urgence et qui résultaient des travaux de la commission parlementaire créée en 1997 ? Quant à la loi pénitentiaire, je ne cache pas ma satisfaction qu'elle n'aboutisse pas. Je crois en effet que le Parlement s'est emballé, comme s'il découvrait, à la suite d'un pamphlet écrit par un médecin proche de l'opposition, une situation qu'il n'aurait pas dû méconnaître. Dès les années 1970, un rapport du juge d'application des peines avait clairement décrit la situation dans la prison de Clairvaux. La réflexion doit être plus longue et plus profonde. Il faut savoir qui doit aller en prison, et surtout quel but la société assigne à la prison. Personne n'a d'idée claire à ce sujet et le projet de loi ne satisfaisait ni le personnel pénitentiaire, ni les prisonniers.

En ce qui concerne la lenteur des procédures, je ne cache pas mon agacement. Le Gouvernement a, par exemple, critiqué une décision de justice dans une affaire récente. Sur le principe je ne suis nullement opposé à de telles critiques, mais, en l'occurrence, si la procédure a été si longue, c'est bien que depuis des années nous n'avons cessé de développer les droits de la défense. Cela est bon mais ne doit pas amener les avocats à multiplier les recours et contre-expertises afin de procéder à ce qu'on pourrait qualifier d'obstruction judiciaire. Alors, la Chambre d'accusation aurait certes pu mieux apprécier la personnalité du prévenu en question, mais elle applique strictement les textes en sanctionnant la lenteur de la procédure !

Deux réflexions de fond doivent aussi être engagées, même si la période actuelle n'est guère propice aux réformes. La révision du statut des magistrats d'abord, abordée de façon brouillonne par votre prédécesseur, n'a heureusement pas abouti. Il faut mettre sur le tapis la question de la séparation totale du siège et du Parquet. Nos concitoyens, qui ne font parfois guère la différence entre un avocat et un juge, sont peu à même de la faire entre un juge et un procureur ! Cette réforme permettrait de donner une indépendance totale aux juges. Quant au Parquet, même s'il faut assurer sa liberté de pensée, il ne doit rien être d'autre que le porte-parole de la politique gouvernementale.

Il faudra ensuite remettre à plat l'ordonnance de 1945. Qu'on le veuille ou non, elle est inadaptée à la situation actuelle. Elle s'adressait à la population d'après-guerre et sans aller vers la répression à tout prix, des ajustements sont indispensables. Les élus locaux le savent bien : ils sont en première ligne.

Quand, il y a plusieurs dizaines d'années, l'administration pénitentiaire a été détachée du ministère de l'intérieur pour être rattachée à celui de la justice, tout le monde y a vu un progrès. J'ai donc été étonné que le ministre de l'intérieur s'exprime comme si la prison de Borgo était encore sous sa tutelle. Quelles catégories de détenus veut-on regrouper ? Au nom de quoi devrait-on être emprisonné dans sa région d'origine, comme certains se font enterrer dans leur village natal ? (Sourires). C'est contraire au principe de l'universalité de la République. Chacun sait, en outre, que cet établissement est une passoire. Des travaux seront donc nécessaires. Quel en sera le montant ? Et à quelle échéance ce regroupement interviendra-t-il ?

Le groupe RCV votera ce budget.

M. Jean-Luc Warsmann - Quel gâchis ! Incontestablement, ce budget est en augmentation. Les crédits de la justice progressent depuis le début de la législature ; depuis plus longtemps même, puisqu'ils avaient augmenté de 6 % en 1996. Pourtant, avez-vous amélioré le fonctionnement de la justice ? Vous nous annoncez « un petit frémissement à la baisse » des délais de jugement dans les tribunaux d'instance. Mais, devant les tribunaux de grande instance, le stock d'affaires a encore augmenté de 8 128 dossiers, soit 582 828 affaires pendantes. Devant les cours d'appel, le délai moyen a augmenté de 0,3 mois. Comment expliquer ces évolutions avec un budget en constante augmentation ?

D'une part, un certain nombre de lois ont été votées sans que vous ayez évalué leurs incidences financières ni prévu les moyens nécessaires. Je suis heureux que tous les orateurs l'aient souligné. Vous avez vous-même affirmé, Madame la garde des Sceaux, que « Le Gouvernement continuait de mettre en place les moyens nécessaires pour appliquer la loi du 15 janvier 2000 ». Merci de reconnaître qu'elle n'était pas financée. Ainsi, les moyens nouveaux sont déjà plus que consommés par les nouvelles dispositions législatives. C'est dans ce contexte qu'il faudra encore mettre en place les 35 heures.

D'autre part, le Premier ministre a commis une faute lourde en considérant que la baisse du chômage se traduirait par un recul de l'insécurité. Chacun mesure la gravité de cette forme de jugement.

Aujourd'hui, vous nous annoncez des crédits pour les années à venir. C'est très simple, à quelques mois d'échéances majeures, de promettre des autorisations de programme et des créations de postes... D'ailleurs, Patrick Devedjian a été très clair sur ce point, vos crédits d'investissement ne sont pas consommés. L'année dernière, vous aviez déposé un amendement pour les augmenter, tout en reconnaissant que vous ne pourriez pas consommer ce complément : il s'agissait « d'envoyer un signal ». Mais nous avons à améliorer le fonctionnement de la justice et non à envoyer des signaux.

Le principal dysfonctionnement de la justice réside dans le traitement de la délinquance des mineurs. Le groupe RPR avait déposé une proposition que vous avez repoussée. Vous refusez d'adapter l'ordonnance de 1945 à la situation actuelle. Je constate en outre l'indigence des moyens sur le terrain. Dans mon département, un haut magistrat a expliqué à la population qu'il fallait un an pour qu'un délinquant comparaisse devant le juge des enfants. « Mais ne vous plaignez pas, ajoutait-il, le délai est de 18 mois dans la Marne ! »

Quand vous déclarez que tout acte de délinquance doit avoir une suite judiciaire, je vous approuve. Mais je dois constater un décalage important entre ces bonnes intentions et la réalité.

Quel gâchis, encore une fois. Le groupe RPR ne votera pas ce budget.

M. Patrick Braouezec - Avec 4,7 milliards d'euros, les crédits alloués à la Chancellerie progressent de 5,7 %. Depuis 1997, les moyens dévolus à la justice ont augmenté de 25 %.

Toutefois, le niveau de départ était très bas. On peut donc raisonnablement s'interroger sur les conditions qui permettraient à cette institution d'occuper la place qui devrait être la sienne. La mise en _uvre de la réduction du temps de travail constitue une autre interrogation.

Le budget de la justice ne représente encore que 1,75 % des dépenses de la nation, contre 1,72 % en 2001. C'est peu, si on considère les retards à rattraper ainsi que les besoins croissants de nos concitoyens.

La continuité des efforts consentis depuis plus de quatre ans montre l'importance des réformes engagées pour offrir aux Français une justice de qualité, accessible et impartiale. Mais la mise en application de la loi du 15 juin 2000 mobilise à elle seule un tiers des créations d'emplois et 13 % des crédits ouverts depuis 1999. La création d'un juge de la détention et l'introduction de l'appel en matière criminelle représentent certes des avancées, mais ces réformes limitent les moyens alloués au désengorgement des juridictions.

Avec ce que le Premier ministre a qualifié « d'erreur tragique d'appréciation », c'est-à-dire la mise en liberté de Jean-Claude Bonnal, l'actualité nous rappelle que l'appareil judiciaire ne fonctionne pas comme il le devrait. Mais l'opposition se trompe en exploitant le sentiment d'insécurité pour stigmatiser un prétendu laxisme de l'autorité judiciaire.

Les députés communistes préfèrent rechercher les moyens de garantir la libre et sereine appréciation des juges. Pour cela, nos tribunaux ont besoin de magistrats et de greffiers supplémentaires. Ce budget prévoit la création de 931 emplois dans les juridictions judiciaire et administrative, contre 878 en 2001. Un tiers de cet effort porte sur les effectifs de magistrats. Pour le reste, ce sont essentiellement des postes de greffiers qui sont créés. Tout justiciable sait que ces personnels, débordés aujourd'hui, apportent un concours essentiel au bon fonctionnement de la justice.

Je souhaite que Mme la garde des Sceaux nous indique les moyens nécessaires pour mettre en place une réelle justice de proximité. En effet, malgré la création de 65 nouvelles maisons de la justice et du droit depuis 1997, seulement 50 conseils départementaux d'accès au droit ont été constitués au lieu des 60 prévus pour 2001 et un département sur deux n'en est pas doté.

En outre, la mission d'évaluation et de contrôle vient de remettre un rapport dans lequel est demandée une réforme de notre carte judiciaire. Il existe en effet de grandes disparités dans l'étendue des ressorts juridictionnels : ceux des cours d'appel recouvrent des zones allant de 250 000 à 7 millions d'habitants.

L'augmentation de 18 % des crédits de l'aide juridictionnelle permettra de financer le doublement de l'unité de valeur des avocats. Contrairement aux préconisations du rapport Bouchet cependant, vous ne relevez pas le plafond de ressources, si bien que ce budget n'aura pas d'effet sur le nombre d'ayants droit. Il aurait fallu engager ce relèvement dans un cadre pluriannuel. Trop de personnes modestes sont encore dans l'impossibilité de jouir de leurs droits.

S'agissant de l'administration pénitentiaire, les dysfonctionnements qui ont été dénoncés provoquent de nombreux mouvements sociaux. L'augmentation de 9,7 % des crédits permettra la création de 1 522 emplois, soit l'équivalent de ce qui a été fait depuis le début de la législature. Pendant cette même période, les effectifs de surveillants ont progressé de plus de 10 %. C'est dire le retard accumulé ! Mais il reste à chiffrer précisément les effectifs nécessaires pour mettre en _uvre la réduction du temps de travail au 1er janvier 2002.

Pour ce qui est de l'équipement, un nouvel établissement public sera chargé de la maîtrise d'ouvrage et 221 millions d'euros d'autorisations de programme seront consacrés à la réhabilitation et à la construction d'équipements pénitentiaires. 1 076 millions d'euros y ont déjà été affectés depuis 1998, et le taux de surpopulation carcérale est passé de 122 % à cette date à 104 % en 2001. Continuer à améliorer les conditions d'hébergement des détenus, c'est aussi assurer une meilleure sécurité pour le personnel.

Enfin, je considère que la prévention de la délinquance juvénile ne bénéficie pas d'une priorité suffisamment marquée. Avec 295 emplois supplémentaires contre 380 en 2001, les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent moins que lors des deux précédents exercices et nous restons largement en deçà des 3 000 postes sur six ans - soit 500 postes par an - proposés par le rapport parlementaire de Mme Lazerges et de M. Balduyck. Il faudrait étendre à l'ensemble des secteurs la logique pluriannuelle adoptée pour la création de postes de magistrats et la construction d'établissements.

Au total, ce budget ne répond pas complètement aux questions que pose la mise en _uvre de la réduction du temps de travail et l'effort consenti en faveur de l'administration pénitentiaire, qui était indispensable, conduit malheureusement à marquer le pas en ce qui concerne la justice de proximité et l'accès au droit.

M. Jean-Antoine Leonetti - Comment réussir à faire moins bien avec plus de moyens ? C'est la question que pose ce budget, en augmentation de 5,7 % et qui dépasse les 30 milliards de francs, mais laisse la justice paralysée et incapable de consommer ses crédits d'investissement. Elle serait moins lente ; mais en cinq ans la durée des affaires au civil est passée de 14,7 mois à 18,3 mois, le taux d'affaires sans suite est passé de 78 % à 83 % et 33 % des peines de prison ne sont pas exécutées.

Vous n'avez pas voulu ou pas su engager une réforme de fond. Ce Gouvernement a fait voter des lois qui consomment beaucoup de crédits - un tiers des créations d'emplois pour appliquer la loi sur la présomption d'innocence, 150 magistrats pour la réforme des tribunaux de commerce. En outre, les dotations budgétaires sont insuffisantes cette année pour le passage aux 35 heures. L'augmentation du budget sert donc essentiellement à appliquer vos réformes et non à alléger le travail de la justice. Alors que vous consacrez 100 milliards aux 35 heures, 35 milliards aux emplois-jeunes, la justice dispose de 30 milliards : à l'évidence ce n'est pas votre priorité.

Le recours de plus en plus fréquent à la justice est un fait de société. Dans ce budget vous restez timide sur le développement de la troisième voie que constitue la médiation pénale. Actuellement, elle est prise en charge par les collectivités grâce à des emplois-jeunes, des bénévoles et des vacataires. Envisagez-vous d'améliorer la rémunération de ces derniers afin de recruter des agents compétents ?

Nos concitoyens ont une mauvaise opinion de la justice. Ils étaient 15 % à l'estimer dépendante du pouvoir en 1995 ; ils sont 33 % aujourd'hui. Le renforcement de moyens d'intervention et d'information du garde des Sceaux a contribué à rendre la politique pénale peu lisible et a nourri cette crise de confiance.

Deux événements d'actualité ont porté un coup grave à notre justice. Il s'agit d'abord de ce que le Premier ministre a appelé une dramatique erreur d'appréciation, ce qui laisse supposer que le juge est seul responsable. Si un médecin avait été en cause, il y aurait eu des poursuites. Avez-vous l'intention, de demander des sanctions contre ce juge qui a fait « une erreur dramatique d'appréciation « ? On se tromperait en croyant pouvoir faire des juges les boucs émissaires. Ils doivent pouvoir continuer à juger de façon indépendante et responsable.

En second lieu, même si rapprocher les détenus de leur famille est une bonne chose, pensez-vous vraiment que certaines catégories de prisonniers doivent être rapprochées de leur terre natale parce qu'ils sont des détenus politiques ? C'est bien la façon dont le ministre de l'intérieur a présenté les choses pour certains détenus corses.

Vous nous présentez donc un budget d'ajustement plutôt que de progrès. Au quotidien, nos concitoyens continuent à trouver la justice lente et lointaine. Le groupe UDF ne votera pas ce budget.

Mme Christine Lazerges - Ce budget est intéressant et les crédits de la justice ont augmenté de 29 % en cinq ans. C'était indispensable, mais la hausse aurait pu être moindre. S'agissant de justice, comme d'ailleurs de santé, on constate une véritable boulimie, effet pervers de la société de consommation. La judiciarisation croissante rend plus difficile le bon fonctionnement du service public de la justice.

Comme Mme Guigou avant vous, vous avez mis en _uvre quantité de moyens pour le moderniser. Je pense en particulier au développement formidable qu'ont connu les maisons de justice et de droit, qui sont l'un des instruments, mais pas le seul, de la justice de proximité. Quelles mesures envisagez-vous pour que le magistrat soit plus présent dans ces maisons ? Pour l'instant leur action en ce qui concerne l'accès au droit et l'aide aux victimes est une réussite, grâce aux associations. Mais il importe que les substituts y viennent régulièrement opérer les rappels à la loi indispensables pour limiter les infractions mineures.

Le fonctionnement de la justice au quotidien a été amélioré. A votre demande, un effort énorme a été accompli en ce qui concerne l'accueil du public dans les tribunaux d'instance et de grande instance. Je rends hommage aux présidents des tribunaux de grande instance qui ont su, de façon dynamique, s'entourer d'une équipe de conciliateurs et comprennent que leur fonction ne se limite pas au seul examen juridique des dossiers. Les crédits d'aide juridictionnelle augmentent cette année de 18,4 % et l'aide aux victimes connaît une nette progression. A ce propos d'ailleurs je suis un peu exaspérée d'entendre critiquer comme on le fait la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence. On oublie de parler du volet d'aide aux victimes ; on ne rappelle pas que c'est cette loi qui a consacré le rôle des associations d'information et d'aide aux victimes que Robert Badinter avait mises en place en 1983 ; on omet de relever que la ligne budgétaire consacrée à l'aide aux victimes a doublé depuis trois ans et que le réseau national des associations d'aide a confiance dans ce Gouvernement car il se sent de plus en plus reconnu.

Nous ne parviendrons sans doute jamais à rendre le droit parfaitement accessible à tous, mais ce qui a été fait va indéniablement dans le bon sens, d'autant que la loi du 15 juin 2000 a aussi institué un fonds qui a amélioré l'indemnisation des victimes d'infractions contre les biens. Nous devrions donc faire un effort de pédagogie afin de combattre un certain nombre de déformations ou d'omissions.

Le règlement alternatif des conflits a également bénéficié de progrès très importants. J'entends dire ici que l'on n'emprunterait pas suffisamment la troisième voie : c'est faux, nous y recourons autant que possible, en matière pénale comme en matière civile, mais nous voulons le faire dans les meilleures conditions possibles. La médiation a été introduite dans le projet relatif à l'autorité parentale et dans le projet sur la réforme du divorce ; elle a été développée en matière pénale grâce à la loi de juin 1998 et nous avons cette nécessité présente à l'esprit chaque fois que nous nous préoccupons du droit des mineurs. Nous nous efforçons ainsi de conforter les activités de réparation prévues par l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945...

S'agissant de la délinquance des mineurs, ne prenons pas les Français pour des imbéciles. Ils savent que cette ordonnance de février 1945 offre une gamme de réponses sans équivalent dans aucun autre pays européen, puisqu'elle va de l'admonestation à la réclusion criminelle à perpétuité - celle-ci restant applicable, et sans doute faut-il le regretter, aux mineurs de 16 ans et plus. Ce texte est donc suffisant. Toutefois, nous reconnaissons qu'il conviendrait de l'appliquer de façon plus complète, pour mieux prévenir, mieux punir. Or, malgré la volonté du Gouvernement et des parlementaires, il existe encore trop peu de centres d'éducation renforcée et de centres de placement immédiat - une cinquantaine de chaque sorte. La faute en revient pour une bonne part aux élus locaux...

M. André Gerin - Je proteste !

Mme Christine Lazerges - Il y a sans doute d'excellents élus, qui ont demandé qu'un de ces centres soit implanté dans leur commune, mais beaucoup d'autres se comportent tout autrement et les directeurs régionaux de la PJJ doivent souvent monter quinze dossiers avant de trouver un site. Il conviendrait donc de conforter les conseils communaux de prévention de la délinquance, au sein desquels on peut parvenir à une entente sur les dispositifs utiles. Dans les commissions locales de sécurité, il faudrait que le procureur puisse s'appuyer sur un large partenariat, sans lequel rien ne sera possible. Vous qui connaissez parfaitement le terrain, Madame la garde des Sceaux, vous savez aussi que les éducateurs de la PJJ ne peuvent travailler efficacement qu'en liaison étroite avec les associations habilitées.

Mais ce travail collectif doit bénéficier de moyens. Ce budget les offre, notamment en ce qui concerne les investissements. Certes, ces crédits ne sont pas tous consommés mais, là encore, les freins se trouvent sur le terrain et il conviendrait que les parlementaires réagissent. La mise en place de l'agence de la maîtrise d'ouvrage, le 1er janvier prochain, permettra sans doute d'autres améliorations. C'est en tout cas indispensable car, pour réduire une délinquance des mineurs préoccupante, il faut que la réalisation des travaux prévus, suive d'aussi près que possible l'attribution des crédits.

C'est une évidence de dire que notre justice a besoin de davantage de magistrats, mais on ne peut raisonnablement soutenir que rien n'a été fait. Il a été créé plus de postes en quatre ans que pendant les quinze années précédentes. De même en ce qui concerne les éducateurs de la PJJ. Cette politique va être poursuivie et, je l'espère, renforcée : la justice est pour nous une priorité, nous l'avons prouvé et nous continuerons de le prouver.

M. Philippe Houillon - Je serai bref car je m'associe à ce qu'ont déjà dit, et fort bien, MM. Devedjian, Warsmann, Leonetti et même M. Gerin ! Comme eux je me félicite de la progression de 5,7 % des crédits, mais je note que, par une sorte de paradoxe, à mesure que les budgets croissent, les moyens de la justice diminuent. La raison en est simple : vous créez des besoins nouveaux sans mettre en face les financements correspondants, de sorte qu'il faut faire davantage avec moins.

D'où proviennent ces besoins nouveaux aujourd'hui ? D'abord de la loi sur la présomption d'innocence. Chacun ne peut que se réjouir de l'accroissement des garanties qui en résulte - sauf peut-être M. Michel, qui semble demander la suppression des avocats ! (Exclamations de députés du groupe socialiste) Il les a en tout cas accusés de faire de l'obstruction judiciaire...

Pour concrétiser ces garanties nouvelles, vous n'avez pas dégagé les moyens nécessaires, de sorte que l'explosion du contentieux n'a toujours pas été jugulée. A cela s'ajoute la grande affaire des 35 heures qui, dans la justice comme dans les hôpitaux, « met le bazar », comme tout le monde semble maintenant en convenir.

A ce propos, que Mme Lazerges se rassure : les Français ne sont certainement pas des imbéciles : chaque fois qu'on les consulte sur le sujet, ils répondent que la justice marche mal. Ils sont donc parfaitement conscients de la situation.

J'ai lu, Madame la garde des Sceaux, que vous considériez comme un effort historique celui que vous avez consenti pour la création d'emplois. Cependant, si on y regarde de plus près, on s'aperçoit que sur les 700 créations annoncées, une cinquantaine seulement correspond à des emplois réellement nouveaux (Exclamations de députés du groupe socialiste). Les autres serviront en effet à compenser le passage aux 35 heures ou à doter les nouveaux établissements. Dans ces conditions, vous ne pourrez maintenir qu'un service minimum de la justice. Songez par exemple que notre taux d'encadrement des détenus est un des plus mauvais d'Europe : on compte en effet 2,7 détenus pour un surveillant, contre 1,3 en Grèce. Et, pour ce qui est des magistrats, ils ne sont aujourd'hui que 6 500, contre 5 930 pendant la première guerre mondiale. Le présent budget n'améliorera guère la situation puisque sur 320 postes créés, 169 seulement viendront renforcer les juridictions.

La justice subit donc une situation de plus en plus contrainte.

Je m'associe à la question qui vous a été posée sur l'aide juridictionnelle. Je suis persuadé qu'il faut passer d'une logique d'indemnisation à une logique de rémunération car on voit bien à quel point le service se dégrade parce qu'il n'est pas rémunéré à sa juste valeur.

Je rejoins de même la question sur la modernisation de l'équipement : la présentation des crédits est un peu faussée par les reports et la sous-consommation ne permet pas un contrôle précis par le Parlement.

Enfin, comme l'a souligné M. Devedjian, on ne voit toujours rien venir sur la carte judiciaire. La création des SAR est une bonne mesure mais il est regrettable que les crédits stagnent au moment où une rationalisation permettrait de remédier à un certain gâchis et de faire progresser l'efficacité de la justice.

En l'état, le groupe Démocratie libérale ne votera bien sûr pas ce budget.

Mme la garde des Sceaux - Les questions ont été nombreuses et intéressantes.

M. Devedjian a souligné l'effort constant et significatif que traduit ce budget, je le remercie pour sa bonne foi. Ses réserves ont porté surtout sur l'application des réformes. Pourtant, j'ai tenu à faire figurer dans le fascicule qui a été publié sur le plan d'action pour la justice l'ensemble des moyens nécessaires à son application.

Ainsi, l'application de la loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes a fait l'objet d'un chiffrage extrêmement précis. Sur quatre ans, 875 emplois, dont 427 de magistrats seront créés pour faire face aux besoins liés à la création des juges de la liberté et de la détention, à la juridictionnalisation, à la mise en _uvre de l'appel criminel et au respect des délais d'audiencement. Pour la plupart des juridictions, les prévisions sont tenues. S'il a fallu repousser de six mois la juridictionnalisation, cela a tenu essentiellement au manque de fonctionnaires et de greffiers plutôt qu'à celui de magistrats. Ces difficultés sont rares, en dehors de quelques petits tribunaux. Elles portent surtout sur l'organisation des astreintes pour les parquets et sur le délai entre la fin de la première audience par le juge d'instruction et le rendu de la décision par le JLD. Nous examinons concrètement, avec les chefs de juridiction et avec l'association des magistrats instructeurs, ces modalités d'application de la loi.

Sans vouloir polémiquer, je rappelle que s'il a fallu six mois de plus pour disposer des greffiers nécessaires, c'est essentiellement parce qu'il n'y avait eu aucun élève à l'Ecole des greffes en 1997. Ce sont donc 200 greffiers qui manquaient à la fin de 1998, ce qui a obligé ensuite à faire passer les effectifs de l'école de 200 à 500 élèves par an, avec tous les problèmes d'accueil, de logement et de conditions d'études que cela a entraîné. Il a fallu attendre de disposer de 298 greffiers de plus pour commencer à appliquer cette loi, qui a aussi fait apparaître le besoin de 150 personnels pénitentiaires de plus. Ces chiffres ne sont contestés par aucune organisation professionnelle.

Nous avions estimé le nombre d'appels en cour d'assises à 30 à 35 % des affaires, il n'y en a que 25 % et les magistrats s'en étonnent tout autant que nous. Un vaste échange avec toutes les cours d'appel a permis de régler le problème de la désignation des cours concernées. Si l'application du texte ne pose donc aucun problème de poste, en revanche nous continuons à réfléchir à la possibilité d'appel par le parquet.

Nous avions estimé à 630 millions de francs le coût de ces mesures en frais de fonctionnement des services judiciaires. Nous sommes pour l'instant en dessous, mais le système ne tourne pas à plein régime.

M. Devedjian m'a interrogée aussi sur la réduction du temps de travail. Je réponds également à M. Michel qu'il est difficile de raisonner, pour les magistrats comme pour les cadres de la fonction publique, en termes de durée hebdomadaire. Une enquête auprès des magistrats nous a montré la réalité de leurs pratiques et ils ne revendiquent pas, contrairement à ce que peuvent laisser penser certains tracts, une stricte application des 35 heures. Mais je le leur ai dit, ce n'est pas parce qu'il s'agit des magistrats qu'il ne faut pas parler de rémunération des astreintes, de la prise en compte effective du temps de travail, de son adaptation sur l'ensemble de l'année.

Les 739 postes déjà créés tiennent bien compte des départs en retraite et ce sont 650 magistrats de plus qui seront effectivement sur le terrain. De même, quand j'annonce 1 200 magistrats de plus, je tiens compte des départs en retraite. N'oublions pas toutefois qu'il faut 31 mois pour former un magistrat et que les départs en retraite seront particulièrement importants à partir de 2005. Il faudra donc être vigilant à partir de 2003 et sans doute envisager de prolonger le plan d'action. Les organisations professionnelles elles-mêmes avaient estimé à 1 000 créations de postes les besoins liés à l'application de la loi sur la présomption d'innocence et à la RTT, nous sommes donc au-dessus. Il est vrai toutefois qu'il y a un délai entre l'annonce du plan d'action et l'arrivée des magistrats dans les tribunaux. Pour autant, il n'est pas envisagé de réduire la durée de la formation à l'ENM.

J'ai aussi programmé des concours supplémentaires. Cette possibilité a été inscrite dans la loi sur le statut des magistrats et je vous rappelle, Monsieur Michel, que celle-ci est bel et bien votée. Les magistrats issus de ce recrutement ne sont pas de moins bonne qualité que les autres mais le nombre des candidats admis est difficile à prédéterminer.

Vous avez évoqué l'impact de la RTT sur l'administration pénitentiaire, qui est en grande difficulté. Sur 1 500 emplois nouveaux, 700 sont consacrés aux 35 heures. Une deuxième tranche sera engagée en 2003 et l'ajustement se fera en 2004 en fonction des résultats de 2003. Des heures supplémentaires sont donc prévues jusqu'en 2003, mais l'idéal serait qu'elles disparaissent en 2004. Les négociations continuent sur ce thème avec les organisations professionnelles et le ministère du budget. Je souligne à ce sujet que vous êtes nombreux à demander une programmation pluriannuelle, mais que vous nous reprochez en même temps d'engager les finances futures ! Je vous rappelle qu'il n'est pas possible de faire autrement, compte tenu du temps que requiert la formation. Il est hors de question de réduire celle-ci et le personnel de surveillance, très conscient de cette nécessité, réclame au contraire davantage de formation, notamment continue. Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui au niveau, mais le recrutement doit se poursuivre.

Le protocole établi en 2000 programmait des recrutements anticipés : 251 surveillants, 50 emplois administratifs et 30 techniques. Il prévoyait aussi la revalorisation de trois primes. Tout cela est inscrit dans le budget. Pour le reste des mesures envisagées, les textes seront publiés avant la fin de l'année. Je sais que le personnel trouve le temps long, mais il sait que la discussion budgétaire et la rédaction des textes réglementaires prennent du temps.

En ce qui concerne le taux de consommation des crédits, les critiques sont justifiées. La création de l'Agence, qui sera effective au 1er janvier 2002, permettra de mieux régler les problèmes, avec un nouvel état d'esprit. C'est principalement dans la recherche des terrains que nous perdons du temps. Si au Mans les choses sont allées vite, elles ont été beaucoup plus difficiles à Lyon où la pression foncière est très forte. On connaît par ailleurs l'attachement des élus à garder des terrains au centre ville. Or, nous ne voulons pas d'établissements en pleine campagne, à l'américaine, coupés de tout. Cela oblige les familles à disposer d'une voiture, pose des problèmes d'escorte, sans compter le cadre de vie des surveillants. Les directions régionales et les préfets sont donc chargés parfois de négocier avec les élus pour gagner du temps.

Je prépare également des mandats afin de confier certains dossiers à la CDC, qui les mènera au plus vite. Quant aux crédits d'équipement, je dois rappeler à M. Warsmann que les autorisations de programme ne sont pas comptabilisées en fin d'année, mais que je ne peux ouvrir aucun chantier en leur absence. Toutefois, il est vrai que l'engagement des crédits de paiement pose problème. Trois appels d'offre sont en cours et restent infructueux car les réponses dépassent de 30 % le plafond. Cela devient un véritable problème pour les dépenses publiques.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - C'est quand ils sont déconcentrés auprès des DDE que c'est le pire !

Mme la Ministre - Il est vrai qu'elles sont souvent débordées. Leur seul défaut est d'accepter un travail qu'elles n'ont pas les moyens d'exécuter.

M. le Rapporteur spécial - C'est de l'incompétence !

Mme la Ministre - Nous avons donc prévu de donner des mandats à la CDC, pour décharger les DDE.

Vous avez insisté sur les SAR. Il s'agit aujourd'hui d'un des principaux sujets des discussions qui ont lieu. On parle de dyarchie, de triarchie, mais personne ne sait qui est responsable de quoi. Les greffiers en chef craignent que l'administration de gestion ne se retrouve en marge de l'organisation des juridictions, comme c'est le cas dans le système hospitalier. Le mouvement de déconcentration s'est arrêté face à ce problème, qui est posé par tous les syndicats. Je ne dispose pas encore de réponse. Elle se trouvera dans les résultats des entretiens de Vendôme qui seront publiés fin novembre.

Vous avez évoqué le manque de moyens humains de l'inspection générale. Depuis 1997 pourtant, les effectifs ont doublé. Vous dénoncez le fait qu'on lui demande d'aller au-delà de ses missions principales : l'évaluation et le contrôle des juridictions et les études thématiques. Il est vrai que la loi sur la présomption d'innocence lui demande d'évaluer les problèmes spécifiques qu'elle rencontre sur le terrain et qu'elle nous a très utilement aidés lors des entretiens de Vendôme. Mais on ne sort en rien de son domaine de compétences. En revanche, vous avez raison de demander le regroupement des inspections, puisqu'il y en a quatre indépendantes. Il est nécessaire d'améliorer cette organisation et la réflexion est en cours.

S'agissant du tribunal de grande instance de Paris, j'ai demandé des crédits supplémentaires pour l'acquisition du terrain dans la loi de finances rectificative. Je ne sais pas si je les obtiendrai. C'est un dossier difficile, ouvert depuis dix ans. Je rencontre bientôt M. Delanoë. Nous avons trouvé une solution, mais elle ne donnera pas satisfaction à tout le monde.

M. le Rapporteur spécial - Est-ce l'hypothèse de l'Hôtel-Dieu qui est retenue ?

Mme la garde des Sceaux - Non. En tout état de cause, les travaux vont durer longtemps. Il faudra donc prendre des mesures pour les installations actuelles.

Pour la Cour de cassation, nous allons chercher des surfaces à louer. Dans les locaux actuels, des travaux de sécurité seront nécessaires. En outre, nous manquons de salles d'audience. Il n'est pas possible d'attendre sans rien faire la construction des nouveaux locaux.

M. Canivet est d'accord pour mettre à la disposition les personnels en surnombre afin de résorber les stocks. J'ai, quant à moi, accepté que des primes variables soient versées aux magistrats.

Si une pétition a bien circulé, dans l'émotion générale, je crois que l'effervescence est en train de retomber.

M. le Rapporteur spécial - Il ne faudrait pas que des gens aussi émotifs soient magistrats du siège...

Mme la garde des Sceaux - J'ai trouvé moi aussi qu'il y avait beaucoup trop d'émotion dans cette affaire.

Ce qui a été dit à propos de Borgo s'appuie sur un article de presse sans rapport avec la réalité. Voici ce que le ministre de l'intérieur a réellement déclaré : « La ministre de la justice examine avec attention les demandes de rapprochement concernant les détenus condamnés à des peines définitives. Il s'agit de trois personnes. Des solutions ont pu être trouvées dans le sud-est de la France. Les décisions de libération conditionnelle sont de la seule compétence des juges. » Toutefois, a-t-il reconnu, les difficultés causées aux familles par l'insularité « posent un problème d'équité ». C'est pourquoi il a envisagé la création d'un centre de détention en Corse.

Nous en avions parlé jeudi dernier. La veille, j'avais estimé qu'il fallait revoir l'ensemble de la carte pénitentiaire, ce qui nécessiterait la création de nouveaux centres de détention. Au Mans, j'avais aussi indiqué qu'un même établissement ne pouvait servir à la fois de maison d'arrêt et de centre de détention. Mais on peut imaginer des cités pénitentiaires composées de plusieurs bâtiments : cela permettrait aussi d'améliorer la détention des mineurs ou des femmes.

Cela vaut pour l'ensemble de la République française. Il n'y a donc aucune raison d'en exclure la Corse. En revanche, je n'imagine pas qu'on transforme la maison d'arrêt de Borgo en centre de détention. Il faut un autre bâtiment. Je donnerai mandat à mon administration ainsi qu'au préfet pour étudier si une telle construction est possible.

Il y a 200 condamnés originaires de Corse dans les établissements français, dont certains sont déjà en Corse : on peut en effet purger des petites peines en maison d'arrêt. Rapprocher les détenus de leur domicile permet de mieux gérer les sorties, les fins de peine et les semi-libertés. Le problème n'est en rien de regrouper les huit détenus nationalistes. Ce n'est pas le sujet.

Actuellement, nous ne disposons que d'un centre national pour gérer toutes les détentions. S'il n'y a aucune raison de privilégier les personnes originaires d'une région en particulier, il ne faut pas non plus pénaliser certaines familles. En outre, notre objectif n'est pas de rassembler dans un centre de détention tous les détenus originaires d'une même région. Il arrive d'ailleurs que des détenus, après avoir été rapprochés de leur domicile, soient éloignés de nouveau, pour des raisons de comportement. L'administration pénitentiaire continuera de fonctionner comme cela. Etre détenu dans sa région d'origine ne constituera en rien un droit. Ne caricaturons pas.

Je tiendrai compte aussi de ce que dit le personnel pénitentiaire à propos des menaces qui sont proférées dans certains établissements.

Quant aux délais, personne n'imagine qu'on puisse construire un centre de détention en un an. C'est dans le cadre d'un plan général que le problème se posera.

Voilà ce que j'avais à vous dire sur ce dossier, qui est de ma seule compétence, en priant le président de m'excuser d'avoir répondu si longuement.

M. le Président de la commission - Vous répondez parfaitement. D'ailleurs M. Devedjian est ravi.

M. le Rapporteur spécial - M. Vaillant l'est sans doute moins.

Mme la garde des Sceaux - Je ne crois pas. Je vous ferai transmettre sa déclaration.

Tout en soulignant qu'il s'agit d'un bon budget, Mme Feidt a posé un certain nombre de questions pertinentes. Il faut effectivement insister sur la formation du personnel. A ce propos je souligne que de nombreux pays voisins ont demandé à l'Ecole nationale de la magistrature d'organiser des formations chez eux. Elle a déjà répondu à sept ou huit appels d'offre et doit maintenant ralentir un peu son activité dans ce domaine. J'ai prévu des moyens supplémentaires pour l'École car l'augmentation des effectifs de chaque promotion ne doit pas nuire à la qualité. Nous travaillerons également avec le directeur à la création de nouveaux modules. Certains ont souhaité que le conseil d'administration soit ouvert à des personnalités extérieures. Je n'y suis pas hostile et j'ai demandé au président du conseil d'administration d'examiner avec nous ce qu'il était possible de faire.

L'Ecole des greffes répond à marche forcée à la demande de formation. Je ne peux pas vous répondre tout de suite en ce qui concerne le tronc commun mais je prends note de ce que vous m'avez indiqué. J'estime en tout cas qu'il faut rapprocher les formations de la PJJ et des autres secteurs qui sont actuellement trop cloisonnées. Ce cloisonnement est particulièrement regrettable entre l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire et les autres formations et de ce point de vue les demandes du personnel seront prises en compte. Ainsi il n'est pas normal que l'administration pénitentiaire ne soit pas représentée lorsqu'il y a une réunion des autres services.

Nous n'avons affecté que 8 millions à titre provisoire pour appliquer la réforme du statut des greffiers en chef. Il est inutile en effet de prévoir des crédits plus importants qui ne seraient pas consommés, puisqu'en raison des délais nécessaires pour élaborer les décrets, les mesures d'avancement s'étaleront dans l'année. Mais il faudra être très attentif à l'exécution du budget 2002 pour préparer la montée en charge au budget 2003. Les greffiers ont bien eu satisfaction comme le prévoyait l'accord, même si la procédure en Conseil d'Etat est effectivement lourde.

La présence des magistrats dans les commissions locales de sécurité a effectivement été un point fort des entretiens de Vendôme. Nous allons poursuivre le travail avec les autres ministères en matière réglementaire sur l'ensemble des commissions.

Suite aux récentes catastrophes, nous avons créé des comités de pilotage de l'aide aux victimes et - il est malheureux de le dire - celui de Toulouse a tiré les leçons de l'expérience du Mont-Blanc. Il regroupe des représentants de la justice, de la préfecture, de la mairie et des assureurs, qui sont très présents, de Total Fina Elf et des associations d'aide aux victimes. En deux semaines a été élaborée une convention qui a permis l'indemnisation rapide des victimes, même si celle-ci n'est pas terminée. Les tribunaux sont un peu débordés. J'ai donc accordé quatre postes supplémentaires au ressort de la Cour d'appel réservés à Toulouse ; ces postes ne seront pas pérennisés.

Le dossier de l'Erika m'est moins connu. J'ai rencontré les représentants des cinq tribunaux de grande instance concernés, car outre la recherche des responsabilités, l'un des problèmes est que des plaintes ont été déposées auprès de plusieurs tribunaux de grande instance. Malgré certaines déclarations tonitruantes comme celles de ces comités de pêcheurs bretons disant ne savoir à quelle juridiction s'adresser, on a trouvé une solution et les plaignants ont généralement accepté de se regrouper. De tout cela nous tirons la leçon qu'il faut mettre au point un protocole utilisable pour toute catastrophe.

J'ai été un peu surprise des réactions à mes propos sur les pôles santé. Ils sont aussi nécessaires que les pôles financiers et j'ai donc proposé cette disposition dans la loi actuellement à l'examen en première lecture. Je parle bien de plusieurs pôles. Bien entendu le premier sera constitué à Paris où des magistrats gèrent déjà ce genre de dossiers, mais ultérieurement cela ne suffira pas et d'ailleurs la centralisation à Paris est également un problème pour les prévenus. Accroître le nombre de magistrats dans un domaine spécialisé n'est pas toujours la solution, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Ainsi pour la lutte anti-terroriste j'ai créé un poste supplémentaire au Parquet mais les magistrats du siège m'ont dit que cela n'était pas nécessaire pour eux et qu'ils préféraient travailler en réseau comme ils le font actuellement.

Suite au rapport Bouchet qui est de grande qualité et qui a été très apprécié, je proposerai un projet de loi global sur l'accès au droit. Néanmoins nous y avons déjà consacré 350 millions en deux ans pour répondre aux demandes. Plutôt que de relever les plafonds, je préfère permettre à un plus grand nombre de gens d'accéder à l'aide juridictionnelle. Cela se révèlera utile avec la simplification des procédures de divorce et la composition pénale. Ce que nous voulons c'est permettre l'accès au droit plus qu'accroître l'activité des tribunaux.

M. Gerin n'était pas content ; c'est dommage. C'est quand même un bon budget. Certes les difficultés qu'il souligne sont réelles. Mais sauf à être hostile au principe de la réduction du temps de travail, il ne faut pas présenter sa mise en place comme une mauvaise nouvelle. L'application n'en sera pas parfaite, des discussions sont en cours, mais tout devra être terminé pour la fin de l'année. Il manquera du personnel pour appliquer totalement la réforme au 1er janvier 2002, je l'ai toujours dit.

Il faudra donc recourir à un volant d'heures supplémentaires, tout en s'efforçant d'aboutir le plus vite possible - ce à quoi je vais m'employer avec les organisations professionnelles.

Cela étant, j'ai fait un choix : celui d'accorder le plus à ceux qui ont les conditions de travail les plus difficiles. L'occasion s'offrait de remettre à plat l'ensemble des conditions de travail de tous les personnels, et il fallait en profiter. Certains travaillent beaucoup plus que d'autres et sont soumis à de lourdes contraintes : je pense en particulier aux surveillants pénitentiaires et aux personnels de la PJJ qui ont à surveiller des jeunes difficiles 24 heures sur 24, ou qui doivent faire face à la violence. De plus, ces personnels travaillent souvent dans des établissements vétustes, sous-équipés et à la sécurité insuffisante. Pour eux, pour ces gardiens de la démocratie et ces garants de la bonne exécution des décisions pénales, j'ai décidé de descendre largement en-dessous des 1 600 heures prévues par la loi pour la fonction publique et le fait que d'autres n'obtiennent pas les mêmes avantages n'a pour moi rien de choquant. Toutefois, nous veillerons aussi à prendre en compte les contraintes horaires, par exemple celles des greffiers qui accepteront de travailler le samedi ou le soir pour que le guichet unique soit plus longtemps ouvert.

Cet effort privilégié en faveur du personnel pénitentiaire consommera sans doute au moins 700 postes en 2002, mais j'essaierai d'obtenir d'autres créations en 2003 pour réduire encore le manque de personnel. Vous estimez, Monsieur Gerin, que je n'ai pas assez fait cette année : c'est votre droit mais je voulais éviter tout effet d'annonce, qui n'aurait pu que décevoir les intéressés.

Nul ne peut regretter l'adoption de la loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes. Quoi qu'on dise, les moyens ont suivi même s'il subsiste deux ou trois problèmes que nous nous employons d'ailleurs à résorber. Ainsi, en ce qui concerne la garde à vue, nous travaillons à resserrer les liens entre la police ou la gendarmerie et le Parquet, nous nous attachons à améliorer les méthodes de travail et à redéfinir le type de documents à produire.

Dénonçant la longueur des procédures, vous avez fait état d'une durée de 31 et de 33 mois pour deux affaires précises. Mais celles-ci étaient lourdes et je ne pense pas qu'on puisse sans dommage descendre en-dessous de ces délais : l'élucidation, l'instruction, la mise en état du dossier et l'organisation de l'audience exigent du temps. On peut certes donner la priorité aux personnes en détention provisoire, mais sera-ce juste pour les autres ? N'entretenons donc pas trop d'illusions en la matière.

Pour conforter l'autorité du Parquet sur la police judiciaire et pour améliorer leur travail en commun, M. Vaillant et moi nous employons à définir une organisation et une méthode. Trop souvent, les OPJ mis sur une affaire importante doivent l'abandonner pour une autre, de sorte que les choses traînent. Il faut y remédier.

J'ai enregistré avec déception votre décision de ne pas voter ce budget, Monsieur Gerin. Puis-je espérer vous faire changer d'avis d'ici à la séance publique ?

M. André Gerin - J'ai en fait laissé la décision à la sagesse de la commission.

Mme la garde des Sceaux - Très bien !

En ce qui concerne la délinquance des mineurs, vous avez bien fait de rappeler le rapport de Mme Lazerges et de M. Balduyck. L'ordonnance de 1945 était un texte excellent dans son principe, mais elle a été révisée 18 fois de sorte qu'il n'en reste plus que le triptyque prévention, éducation, sanction. Pour autant, on ne peut raisonnablement soutenir que notre pays serait plus laxiste que ses voisins européens. Ceux-ci refusent même toute extradition de mineurs vers la France en faisant valoir que notre législation est trop sévère. De fait, en Espagne par exemple, les mineurs ne peuvent être incarcérés, et ils ne peuvent être envoyés dans des centres d'éducation renforcée que pour cinq ans au plus, alors que chez nous, un mineur de 13 ans peut être condamné à vingt ans de prison et un mineur de 16 ans à la prison à perpétuité.

Ce qu'il faut améliorer en revanche, plutôt que notre législation, c'est sa mise en _uvre. Notre taux d'élucidation est trop faible et les délais d'exécution des peines trop importants, ce qui nourrit en effet le sentiment d'impunité. Grâce à M. Balduyck, on a pris une initiative intéressante à Tourcoing : le public est informé de la date fixée pour l'audience dès que l'intéressé a été entendu. Avec de telles mesures, ceux qui voient un jeune revenir dans son quartier dès le lendemain de son interpellation cesseraient de penser que la justice en a fini avec lui.

Je pense que la comparution immédiate peut être utile mais, décidée systématiquement, elle risque de mettre à mal les droits de la défense et même ceux des victimes, qui se sentent souvent perdues dans les tribunaux. La meilleure réponse me semble donc être le « temps réel », qui porte le délai à 8 ou 15 jours seulement.

Certains magistrats font valoir que la pression actuelle, concentrée sur la délinquance des mineurs, profite regrettablement aux majeurs, dont certains sont parfois condamnés moins lourdement pour des délits équivalents. Il faut sans doute sanctionner les jeunes délinquants, y compris pour respecter leur dignité, mais il ne faut pas oublier que certains les utilisent, qu'il s'agisse de familles receleuses, de petits malfrats ou de grands mafieux. Trois jeunes ont ainsi récemment volé 700 voitures dans le Sud, mais ce ne sont certainement pas eux qui se sont chargés de leur faire quitter le territoire. La délinquance des mineurs n'est souvent qu'un écran pour des réseaux bien organisés...

Sur le statut des travailleurs sociaux, des négociations sont en cours et je répondrai donc aux questions sur ce sujet par écrit. Je n'ai pas le sentiment que les syndicats aient demandé la mesure à laquelle vous avez fait allusion mais j'entends bien boucler le dossier des indemnités avant la fin de l'année.

Monsieur Michel, je pense vous avoir répondu en ce qui concerne la réduction du temps de travail. Pour ce qui est des tribunaux de commerce, je mène actuellement des discussions avec les élus, y compris les élus consulaires, sur la dizaine de tribunaux de commerce qui posent encore problème. Je souhaite vivement que la loi soit adoptée car il s'agit d'une grande modernisation, mais la commission des lois du Sénat est débordée et il faut faire des choix difficiles.

La carte judiciaire des TGI est un sujet de débats avec les parquetiers, en particulier sur l'organisation des astreintes. La suppression des tout petits TGI ne permettrait de récupérer qu'une quarantaine de postes, cela ne vaudrait pas le coup ! Il est vrai en revanche que ces tribunaux ont des problèmes de fonctionnement et il faudrait sans doute aller plus loin vers la mutualisation des ressources. On voit bien, par ailleurs, à quel point l'annonce de certaines fermetures entraîne une véritable montée au créneau des barreaux, qui excellent dans le lobbying.

Pourtant, il ne faut pas confondre proximité géographique du tribunal et proximité de la justice, on peut très bien organiser cette dernière à partir des maisons de la justice et du droit et des tribunaux d'instance. J'ajoute que l'on serait parfois étonné, y compris dans les grands tribunaux, si l'on appliquait strictement un critère de nombre de dossiers par magistrat... Il serait toutefois inacceptable qu'il n'y ait plus du tout de tribunaux dans certains départements, la population aurait le sentiment d'être abandonnée par la justice qui est la garante de la démocratie.

Vous le voyez, je suis sans doute moins allante sur ce sujet que vous l'auriez espéré.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - En tout cas moins que Mme Guigou quand elle est arrivée au Gouvernement...

Mme la garde des Sceaux - Telle est mon approche.

Sur la loi pénitentiaire, je me demande si l'on peut progresser sans se poser la question de la gestion des établissements, du personnel et de son statut, de la sécurité - contrairement à ce que disent certains journaux, j'y tiens et je crois que l'administration pénitentiaire doit à la société que ceux qu'on lui confie ne puissent s'en aller en utilisant un fax ou un hélicoptère -, des relations des détenus avec les surveillants et entre eux. Il faut tenir compte de tout cela au moment des constructions. Il me semble aussi, Monsieur Devedjian, que la procédure prévue à l'article D 74 n'empêche pas de prendre des décisions sur l'affectation des détenus. En outre, il n'apparaît pas normal que des détenus subissent des conditions lourdes de détention au motif qu'un seul d'entre eux est très dangereux.

Cette réflexion est bien sûr indissociable de celles, qui se poursuivent, sur la sanction, sur la peine, sur le sens de la peine. Il faut arrêter de dire que toute sanction autre que la prison est une alternative à l'emprisonnement. Peut-on vraiment conclure du fait que personne n'est content que le projet n'est pas bon ? Cela ne signifie-t-il pas plutôt que l'on est au milieu du gué et que l'on peut avancer ?

Comme toujours, M. Warsmann s'est contenté de répéter « Quel gâchis ! Quel gâchis ! »

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial - Vous êtes bien sévère, il me disait précisément que vous ressemblez à Alain Juppé qui trouvait que c'était bon signe quand tout le monde était mécontent. (Sourires)

Mme la garde des Sceaux - Pour un peu, je me laisserais démoraliser...

Le Premier ministre n'a pas dit que la baisse du chômage signifiait la fin de la délinquance, mais - et c'est une belle phrase, que je reprends souvent - que la fin de la crise économique, que le fait que le pays aille mieux, n'effaçait pas les stigmates de la crise sociale. Cette crise est bien une réalité. On a construit des ensembles d'habitat dit social, avec 4 000 logements, parce que des entreprises employaient 3 000 personnes à un kilomètre de là et, quand ces entreprises ont disparu, il est normal qu'il y ait eu des problèmes dans ces quartiers. Aujourd'hui, la production de masse est derrière nous, et c'est tant mieux, mais on n'a pas adapté l'habitat à la nouvelle donne et on est incapable de donner du travail aux enfants de ceux que l'on a obligés à habiter là.

Je m'étonne par ailleurs, Monsieur Warsmann, que vous me reprochiez la programmation pluriannuelle que vous avez appelée de vos v_ux. Oui, annoncer la création de 1 200 postes de magistrats suppose bien un effort pluriannuel. C'est ainsi que l'on parviendra à passer, d'ici 2005, de 6 000 à 8 000 magistrats, certains d'entre eux commençant même à trouver que cela fait beaucoup...

J'aimerais aussi que vous cessiez de confondre autorisations de programme et crédits de paiement. Mais, quoi que je dise, vous continuerez à répéter « Quel gâchis ! Quel gâchis ! ».

J'ai déjà répondu sur l'ordonnance de 1945 en indiquant que je souhaite surtout que l'on applique les textes existants. Mais je sais que je ne pourrai vous convaincre.

Peut-être aurai-je plus de chance avec M. Braouezec (Sourires). Il a raison sur les moyens. J'ai déjà répondu également sur la rémunération des avocats et sur l'aide juridictionnelle.

M. Leonetti a parlé à juste titre de la composition pénale de la troisième voie et des non-magistrats. L'aide aux victimes est en grand progrès. Il faudra tenir compte aussi des nouvelles formes que sont la conciliation et la médiation pénales.

Je remercie Mme Lazerges pour sa position courageuse sur l'ordonnance de 1945. Elle a bien fait également d'évoquer les problèmes de la construction des CER, de la recherche des terrains et de la position des élus locaux.

M. André Gerin, rapporteur pour avis - C'est parce qu'elle a parlé des élus locaux en général que j'ai réagi : les positions sont diverses au sein de l'agglomération lyonnaise.

Mme la garde des Sceaux - J'ai du mal à comprendre pourquoi, pour M. Houillon, plus le budget augmente moins nous sommes bons... A moins qu'il ait voulu dire que les magistrats ne travaillaient pas assez et que c'était là que l'on pouvait réaliser des gains de productivité...

Voilà, je crois avoir répondu à vos questions, en étant trop longue sans doute.

M. le Président de la commission des lois - N'en soyez pas désolée : on reproche si souvent à ces réunions d'être un exercice imposé, que je vous suis reconnaissant d'avoir, pendant une heure vingt-cinq, répondu dans le détail à chacun, tout en replaçant les problèmes dans les perspectives globales de la justice.

*

* *

Le rapporteur s'en étant remis à la sagesse de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice pour 2002 concernant les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

ORGANISATIONS SYNDICALES
REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Syndicat Interco-Justice CFDT

Syndicat national FO de la protection judiciaire de la jeunesse (SN-FO-PJJ)

Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire FSU

Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse FEN-FAJ-UNSA

Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée - Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ)

Syndicat national FO des personnels administratifs

Syndicat national FO des personnels de direction

Syndicat national FO des personnels de surveillance

Syndicat national FO des personnels techniques

Union générale des syndicats pénitentiaires CGT

Union syndicale pénitentiaire (USP)

_______________

N° 3324-VI.- Avis de M. André Gerin (commission des lois) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Justice : Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse.


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© Assemblée nationale

() Les à-coups T&D-DAP, janvier 1998.

() Au 1er mai 2001, il existait 67 maisons de la justice et du droit et 56 antennes de justice.

() 35 directions départementales ne disposent d'aucun attaché.

() Le nombre de mesures prononcées par les juridictions pour enfants a augmenté de 19 % entre 1995 et 1999.

() Le compte rendu intégral de cette audition, qui était ouverte au public, sera annexé au Journal officiel (débats parlementaires) du 7 novembre 2001.