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Premiere_journee_de_prison

Type : Word

Taille : 39 kio

Date : 6-01-2005

A04 La première journée en prison

Publication originale : 1er mai 2002

Dernière modification : 6 avril 2008

Le ministère de la Justice a dénombré 77.832 incarcérations dans l’ensemble de ses établissements situés en métropole au terme de l’année 2003. La personne privée de liberté subit ce qui est désormais appelé le « choc de l’incarcération » lors de son écrou. Etre assimilé à un numéro, subir sa première fouille à nu, découvrir l’enfermement... sont autant d’épreuves pour les « arrivants » ou « entrants ». Ils vont suivre les formalités de la mise sous écrou, être placés en cellule d’attente et rencontrer plusieurs personnes dont le médecin et le directeur de l’établissement. Ils vont se voir retirer la plupart des objets qu’ils ont sur eux, à l’exception de leur alliance et de leur montre.

Texte de l'article :

28 Que se passe-t-il à l’arrivée en prison ?
Quel que soit son statut, tout détenu passe sa première journée en maison d’arrêt. Avant qu’un agent du greffe de l’établissement procède aux formalités de la mise sous écrou, l’arrivant est systématiquement soumis à une fouille intégrale. Un numéro d’écrou est alors attribué au détenu, qui devra le rappeler dans toutes ses correspondances et dans tout acte de la vie quotidienne. Il est ensuite placé en « cellule d’attente » (cellule prévue pour accueillir les arrivants) jusqu’au moment de son affectation dans une cellule ordinaire. Le détenu doit avoir la possibilité de se laver et des vêtements peuvent en principe lui être fournis s’il le demande. Il doit rapidement être mis en mesure d’informer ses proches de son incarcération par courrier. Dans le cas d’un détenu mineur qui ne préviendrait pas sa famille, le chef d’établissement doit avertir lui-même les parents ou le représentant légal, ainsi que les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Article D284 du Code de procédure pénale

Perdre son identité d’homme libre

Le rituel d’admission est nécessairement dégradant, quelle que soit la manière dont il est accompli par les surveillants, que ceux-ci tentent de rassurer devant un désarroi manifeste ou qu’ils traitent le lot d’arrivants comme une nouvelle fournée à dispatcher en détention. Parqué dans une cellule d’attente le plus souvent exiguë, le nouveau venu sera « libéré » pour suivre un parcourt prescrit : conduit au greffe, il devra se soumettre aux formalités anthropologiques (empreintes digitales, photo), répondre aux questions qui permettent au fonctionnaire de remplir sa fiche pénale, recenser tous les objets de valeurs qu’il a sur lui (bijoux, argent, chèques) et ses papiers d’identités qui seront laissés en dépôt à la « caisse » de l’établissement jusqu’à sa sortie. Puis il sera accompagné au « vestiaire » et, là, il verra chacun de ses effets personnels fouillés et inventoriés, et il comprendra vite, devant l’étalage de morceaux de son intimité, qu’en prison l’usuelle distinction entre ce qui relève du privé et du public n’a plus cours. Il sera dessaisi des vêtements et autres objets qu’il n’est pas autorisé à conserver en cellule et ceux-ci seront remisés au vestiaire de l’établissement, sorte de cimetière temporaire de son identité d’homme libre.

Lhuillier (Dominique), Lemiszewska (Aldona) Le choc carcéral, survivre en prison, Bayard, 2001

29 Quelles sont les conditions de détention au « quartier arrivants » ?
Le Code de procédure pénale prévoit que le détenu doit être placé seul en cellule d’attente. Mais au 1er juillet 2003, seuls 75 des 139 établissements ou quartiers de type « maison d’arrêt » disposaient ‘une ou plusieurs « cellules arrivants », ce qui représentait un total de 700 places. En réalité, les détenus partagent souvent cette cellule à deux ou trois, parfois même à six, en raison de la surpopulation des maisons d’arrêt et des risques de suicide accentués dans les premières 48 heures. L’arrivant peut aussi être placé avec un codétenu à sa demande ou si le juge d’instruction le précise.
Article D284 du Code de procédure pénale

30 Qu’est-ce que le registre d’écrou ?
Le registre d’écrou permet de vérifier la légalité de la détention de la personne incarcérée et de veiller à ce que les personnes libérales ne soient pas maintenues en prison. Il est tenu par le chef d’établissement ou par un fonctionnaire chargé du greffe.
Articles 724 et D148 du Code de procédure pénale

31 Qu’est-ce que l’acte d’écrou ?
Un acte d’écrou est dressé pour toute conduite dans un établissement pénitentiaire. Il constate la remise de la personne à l’établissement pénitentiaire, la date et la nature du titre de détention (acte judiciaire qui permet d’incarcérer la personne), ainsi que l’autorité dont émane ce titre. Il est signé par le chef d’établissement et le chef d’escorte. La mise sous écrou s’effectue au greffe de la prison. Il s’agit de vérifier l’identité du détenu (prise de photos et d’empreintes, inscription au livre des entrées t ouverture d’un dossier personnel). La date de la sortie du détenu, ainsi que la décision ou le texte de loi motivant la libération, fera également l’objet d’une mention sur l’acte d’écrou.
Article D149 du Code de procédure pénale

32 Le détenu peut-il se laver dès son arrivée ?
Le détenu doit pouvoir prendre une douche à son arrivée dans l’établissement. Elle peut avoir lieu soit à l’occasion de la fouille réalisée au moment de l’écrou, soit dans les locaux d’hébergement au moment du placement en cellule. En cas d’incarcération nocturne, la douche peut éventuellement être reportée au lendemain matin, mais le détenu doit en être avisé. Une trousse de toilette comprenant des produits d’hygiène corporelle (un rouleau de papier hygiénique, une savonnette, une brosse à dent, un tube de dentifrice...) doit être remise à tout entrant. Les arrivants peuvent conserver les vêtements qu’ils portent sur eux, sauf décision contraire de l’administration pénitentiaire (pour des raisons d’ordre public ou de propreté) ou de l’autorité judiciaire (dans l’intérêt de l’instruction). A leur demande, l’administration peut également leur fournir des sous-vêtements et des vêtements si l’établissement dispose d’un vestiaire.
Articles D284, D348, D357 et D358 du Code de procédure pénale, note administration pénitentiaire 85.17 62 du 26 avril 1985 relative à l’hygiène corporelle des détenus, circulaire JUSE9840034C du 29 mai 1998

Comme dans une basse-cour

En sortant du bureau du juge d’instruction, on a roulé pendant plus d’une heure. Un tas de questions me turlupinait : avec qui je vais me retrouver en cellule, mon codétenu sera-t-il calme ou violent, comment sont les gardiens, est-ce que la nourriture est aussi dégueulasse que l’on dit, est-ce propre... Une fois arrivé à Bonneville (en Haute-Savoie), dans la cellule qui était prévue pour deux, il y avait trois gars, dont un qui dormait par terre. Avec moi qui arrivais, nous étions quatre dans 9m². Quant aux formalités d’écrou, c’est quand ils m’ont pris mes bijoux et en voyant l’insalubrité des locaux que j’ai compris que je ne devais plus compter sur ma fierté et mon image, qu’à présent je pouvais m’asseoir dessus et attendre. Je l’ai compris dès que j’ai passé la porte et que ces messieurs de l’administration pénitentiaire m’ont appelé soit par mon numéro d’écrou, soit par mon nom de famille. J’étais arrivé dans une basse-cour où je ne pouvais compter que sur moi, à voir les cafards, les rats et les détenus qui tapaient aux portes et gueulaient aux fenêtres à toute heure du jour et de la nuit.

Christophe B., maison d’arrêt de Douai Dedans - Dehors, n°33, septembre 2002

33 Quelles personnes le détenu doit-il obligatoirement rencontrer à son arrivée ?
Le jour de son arrivée ou, au plus tard, le lendemain chaque détenu doit être visité par le chef d’établissement pénitentiaire ou par un de ses subordonnés immédiats. Dans le cadre de la prévention du suicide, un entretien individuel doit également être mené par le chef de détention auprès de chaque arrivant. Le gradé remplit une « fiche de signalement » sur la base des propos tenus par le détenu, de son observation personnelle et des éléments contenus dans le dossier individuel. Cette fiche est transmise aux services médical, psychologique, social et intégrée au dossier individuel. Dans « les plus brefs délais », le détenu venant de l’état de liberté doit en outre être soumis à un examen médical, notamment afin de repérer toute maladie contagieuse ou évolutive qui nécessiterait des mesures d’isolement ou des soins urgents. A l’occasion de cet entretien, le détenu peut signaler toute maladie impliquant le suivi d’un traitement. « Dès que possible », le détenu doit par ailleurs recevoir la visite d’un membre du service pénitentiaire d’insertion et de probation (travailleurs sociaux). Il peut signaler à ce service les démarches à effectuer auprès de sa famille (pour obtenir du linge par exemple) ou d’éventuels problèmes de garde d’enfant. Enfin, le détenu doit être informé de la faculté qui lui est donné de recevoir la visite du ministre de son culte. La liste des détenus arrivants qui ont déclaré leur intention de pratiquer leur religion est communiquée à l’aumônier chaque fois qu’il se rend à l’établissement.
Articles D285, D346, D460 du Code de procédure pénale, circulaire JUSE9840034C du 29 mai 1998, circulaire JUSE0240075C du 26 avril 2002

34 Que contient le dossier pénitentiaire ?
Le dossier individuel est constitué pour tout détenu. Ce dossier le suit pendant toute sa détention, même en cas de changement d’établissement. Il contient tous les renseignements concernant son identité, son titre de détention, etc. et se voit complété au fur et à mesure de la période d’incarcération (sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre du détenu, régime de détention auquel il est soumis, travail et activités qu’il effectue, rapports médicaux et rapports du SPIP...).
Article D155 du Code de procédure pénale

35 Qu’est-ce que le dossier « spécial » ou « d’orientation » ?
Un dossier spécial est ouvert pour tout condamné ayant fait l’objet d’une procédure d’orientation, à savoir ceux dont le temps d’incarcération restant à subir est supérieur à un an (trois mois pour les mineurs) au moment de la condamnation. Ce dossier est divisé en quatre parties : judiciaire, pénitentiaire, socio-éducative, personnelle et médicale. La partie judiciaire comprend l’extrait de jugement ou d’arrêt de condamnation et la notice individuelle rédigée par le ministère public. Cette notice comporte des renseignements concernant l’état civil du condamné, sa profession, sa situation familiale, ses moyens d’existence, son degré d’instruction, sa conduite habituelle, sa moralité et ses antécédents judiciaires, l’exposé des faits, les éléments de nature à aggraver ou à atténuer la culpabilité e l’intéressé, ainsi que la liste des coauteurs ou complices éventuels. La partie pénitentiaire du dossier contient les renseignements sur son compte nominatif, ses sanctions disciplinaires, ainsi que toutes les mesures de réinsertion sociale engagées. La troisième partie du dossier contient des éléments ou documents recueillis par les travailleurs sociaux. Dans la dernière partie, sont rassemblés les résultats d’enquêtes, examens et expertises auxquels il a pu être procédé sur la personnalité, l’état médical, psychiatrique et psychologique, la situation matérielle, familiale ou sociale du condamné. Les pièces du dossier qui ont un caractère strictement médical ou social son en principes couvertes par le secret professionnel. Mais la confidentialité n’est de fait pas toujours respectée, de nombreux intervenants ayant accès à ce dossier au sein de la détention.

Articles D75, D155 à D159 et D162 à D165 du Code de procédure pénale, circulaire JUSE9840006C du 19 décembre1998

Confidentialité bafouée

Un surveillant ne cesse de m’insulter et de me menacer verbalement depuis mon arrivée en ces lieux. J’ai été mis en examen pour une affaire de viol. Ce gardien a une fâcheuse tendance à dévoiler les détails de ma procédure et à apporter son propre jugement à mes codétenus de cette maison d’arrêt de Caen, en me qualifiant selon ses propres termes de « sale pointu ». Ne pouvant tolérer de tels propos, même dans ma situation, j’ai avisé la direction de ces lieux. Seul effet de cette démarche : l’agent en question, étant de service à mon étage le lendemain, s’est octroyé le droit, à l’heure de la douche, d’inscrire sur l’étiquette de ma porte de cellule où il y a mon nom « balance ». Quand il est en service de nuit, il prend le plus grand plaisirs à frapper dans la porte de ma cellule et à m’insulter : « alors, enculé de pointu, tu n’es pas encore pendu ? ». Ma plainte a été rejetée par le tribunal administratif. Combien de mes codétenus ont mis fin à leur vie, suite à des acharnements injustifiés, sans solution pour le détenu ?

Paul D., maison d’arrêt de Caen, Dedans - Dehors, OIP, mai 1999

36 Que deviennent les objets en possession du détenu lors de son arrivée en prison ?
La plupart des objets dont le détenu est porteur à son arrivée lui sont retirés pour être conservés par l’administration. Ainsi les détenus ne peuvent-ils conserver leur argent liquide et leurs objets de valeur, à l’exception de leur alliance et de leur montre. Les sommes d’argent sont inscrites au compte nominatif ouvert pour le détenu au moment de l’écrou, sauf s’il demande la consignation ou l’envoi à un tiers. Les détenus pourront utiliser cette somme au cours de leur incarcération pour leurs achats en cantine (magasin de la prison). Si le détenu entrant est porteur de médicaments, le médecin doit en être immédiatement avisé afin de décider de l’usage qui doit en être fait. Les objets et bijoux sont pris en charge par le comptable ou le préposé. Après inventaire, ils sont inscrits sur un registre spécial au compte de l’intéressé pour lui être restitués à sa sortie. L’administration peut refuser de prendre en charge certains objets ou bijoux en raison de leur valeur ou de leur volume. Les détenus sont invités à s’en défaire à leur frais, soit en les envoyant à leur famille, soit en les faisant remettre à un notaire ou toute personne agréée par l’administration pénitentiaire, soit en les vendant par l’intermédiaire d’une personne mandatée à cet effet. Si l’administration pénitentiaire n’est pas en mesure de restituer au moment de la sortie les biens qu’elle avait pris en dépôt, la valeur d’estimation de l’objet perdu doit être remise au détenu ou à ses ayants droit.
Articles D318, D319, D335 à D 337 du Code de procédure pénale

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