15410 articles - 12266 brèves

Une profession de foi - Mohamed Rouhabi

Mise en ligne : 11 juillet 2003

Dernière modification : 3 août 2003

Texte de l'article :

Une profession de foi.

Par Mohamed ROUABHI

Contre une intermittence de la mémoire.
Pour un combat contre le mensonge d’Etat.

J’ai lu avec beaucoup d’attention les coups de colère des uns, qu’ils soient associés ou non à des regroupements syndicaux, ou encore qu’ils parlent en leur propre nom. J’ai remarqué beaucoup d’émotion et parfois de la colère dans les divers communiqués, ainsi qu’une soudaine solidarité des intermittents entre eux, un événement récent qui mérite d’être souligné, qu’il soit opportun ou calculé, peu importe.

Aucune méprise n’est à faire sur le sens de mon intervention. Je ne souhaite aucunement m’inscrire dans les différents mouvements téléguidés par les petits responsables locaux des cellules du SFA, ni signer les appels ou les pétitions en faveur d’une quelconque magnanimité de l’Etat, geste qui témoigne d’un incroyable manque de dignité. Et même si mon cœur de fils d’ouvrier métallurgiste bat au rythme du combat de tous les travailleurs pour leurs droits et leur liberté, ce ne sera JAMAIS à n’importe quel prix.

Je suis un franc-tireur, je parle et m’exprime librement et sans contrainte, et c’est parce que je ne me reconnais pas dans le collectif qui a pris en charge la représentativité des intermittents, que je souhaite faire entendre mon analyse singulière et la rendre publique, afin que d’autres voix puissent également mettre un terme au discours univoque.
Je n’ai jamais chaussé des gants pour ménager les sensibilités des uns et des autres et je préviens tout de suite que ce qui suit n’en prendra pas le chemin.

Vous avez donc choisi de vous engager dans un bras de fer avec l’Etat français en ne proposant visiblement qu’une seule et unique alternative : la révision et la renégociation des nouvelles directives qui vont régir le statut des intermittents et leur régime ASSEDIC.

Nous voilà donc au cœur du problème.

Je me souviens de l’appel qui avait été fait dans la presse par une poignée de directeur de CDN, de constituer des équipes artistiques permanentes dans les Centres Dramatiques, moyen le plus sûr d’anéantir les compagnies qui peinent aujourd’hui à trouver des coproductions parmi le gang des CDN poids lourds, compagnies indépendantes qui ne sont par exemple, à quelques rares exceptions, jamais représentées au Festival In d’Avignon, la grande Fashion Parade estivale des institutionnels qui se rendent à leur marché provençal dans cette citadelle indomptable, imperméable à l’environnement misérable qui entoure ce fief de l’art dramatique et de l’hypocrisie - les milliers d’habitants des cités populaires de la périphérie d’Avignon qui ne viennent pas voir les spectacles - et plus encore, qui demeurent insensibles à la mentalité raciste et xénophobe de cette partie de la France la plus réactionnaire, jadis en zone libre.

Je me souviens aussi d’un été où je participais à un spectacle du Festival et où un jeune Marocain avait été exécuté dans le dos par la police à quelques mètres des remparts, pour n’avoir pas répondu à une sommation, le soir, en pleine ouverture de la Cour d’Honneur : personne n’a entendu parler de ce crime car il se passait des choses plus importantes qui allaient marquer l’histoire du théâtre français.
 
  Habitant dans ce pays depuis fort longtemps et acteur impliqué violemment dans des prises de positions concernant la situation des sous-citoyens - les jeunes d’origines étrangères, les marginaux, les travailleurs étrangers, les sans-papiers, les détenus - , et mettant ma pratique du théâtre au service encore utopique d’un théâtre militant et politique, je constate une fois de plus avec un certain recul, la grande amnésie qui frappe tous les gens "de gauche", tous ceux qui ont perdu foi en leurs convictions il y a un an lorsqu’ils ont appelé sans réserve et d’une manière inconséquente à voter au deuxième tour des élections présidentielles pour le candidat Jacques Chirac, celui qui possède l’ouïe et l’odorat toujours aussi sensibles.

Mes chers camarades intermittents, vous avez été de ceux-là, même si vous étiez loin d’être les seuls, sous prétexte qu’il n’y avait pas d’autres solutions envisageables pour sauver la République et la Démocratie, qu’il fallait sortir la Marseillaise et les grands mots, louer le Zénith, faire preuve enfin d’un zèle démesuré qui dépassa de très loin la mobilisation de la droite entre les deux tours, et que les quelques voix qui s’élevèrent alors à l’époque - j’en étais - pour dénoncer cet aveuglement et le dangereux chemin dans lequel notre société allait être précipitée, furent traités de tous les noms et n’eurent pas même droit à la parole dans les médias, qui eux aussi curieusement, se mirent à hurler avec les loups. J’étais alors vice-président des Ecrivains Associés du Théâtre et je démissionnais aussitôt de cette association qui censura dans le forum de son site Internet toutes les interventions à caractère politique, arguant que les auteurs devaient se préoccuper d’écrire et non pas de dire ce qu’ils pensaient des restes du monde. Mais mes chers camarades auteurs sachant user du paradoxe comme de la litote, sommèrent alors tout le monde de voter Chirac dans un grand élan de solidarité nationale.
 
 Nous avions beau mettre en garde tous ceux qui allaient commettre l’irréparable, mais c’était peine perdue : vous alliez nous faire vivre par votre vote inconscient, ce qui est aujourd’hui devenue une régression totale en matière de libertés publiques et privées, de droits fondamentaux du citoyen, d’une mise en œuvre brutale à tous les modes de la répression par une police omniprésente qui possède à présent des droits illimités pour pratiquer son exercice violent de cette soi-disant "démocratie" que vous avez voulu protéger.

Ne dîtes pas que vous ne saviez pas. Ne dîtes pas que vous regrettez.
Dîtes plutôt que vous avez oublié.

Mais comme d’habitude, et tous gouvernements confondus, cette terreur et ce nettoyage à sec se pratiquent toujours contre les mêmes, bien qu’on ait élargi un peu plus le cercle des moins que rien aux putes, aux gitans, aux mendiants et autres espèces nuisibles à la bonne couleur et à la bonne odeur de la France.

Mais où étaient les intermittents pendant ce temps ?

Comment la voix de ceux qui à présent descendent dans la rue pour défendre leurs droits spécifiques, s’est fait entendre pendant ces derniers mois, où Monsieur Sarkozy a établi une liaison régulière entre la France et le continent africain pour déporter tout les trente jours un petit convoi de nègres, où des dizaines de lois scélérates ont été votées au parlement pour un peu plus anéantir ceux qui n’ont déjà presque rien, sans qu’aucun de nos artistes n’ouvre la bouche ?

Où étaient les intermittents ? A compter leurs heures de gloire ?

Ceux qui ont pris l’avion et ceux qui attendent encore les menottes aux poignets dans les centres de rétentions administratifs, ne valent-ils vraiment rien pour que nous puissions à ce point oublier qu’ils sont avant tout des travailleurs à qui on ôte le droit de travailler et de vivre dans un pays soi-disant libre, à l’image des déclarations puantes de monsieur Alain Ollivier, directeur du Centre Dramatique de Saint-Denis, en mars 2001 dans le journal l’Humanité, homme de théâtre et de forfaiture à qui j’ai eu l’occasion de répondre sans détours dans une lettre rendue publique ?

Avez-vous bougé le petit doigt et vous êtes-vous préoccupés des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été incarcérés depuis que vous avez laissé mettre en place la doublette Perben/Sarkozy au gouvernement, qui par la même occasion a pratiquement interdit l’accès des prisons aux artistes et aux compagnies qui travaillaient avec les détenus en milieu carcéral ?

Nous avons atteint en moins d’un an le chiffre de détenus le plus grand depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. La justice d’en haut punit la France d’en dessous à des peines très lourdes et ce pays est devenue une grande prison où l’on incarcère pêle-mêle des étrangers qui ignorent leurs droits, des malades incurables, des chauffards, des pauvres, des adolescents paumés, des militants de mouvements sociaux. Pour dégager un peu de place, on laisse sortir Mr. Papon, vieux ministre tortionnaire qui en l’espace de 20 ans à expédié dans les flammes des centaines de Juifs et noyé dans la Seine des dizaines de travailleurs français musulmans.

A part quelques compagnies qui courageusement et presque anonymement ont milité et collaboré avec des hommes et des femmes licenciés abusivement par leur entreprise, et qui ont réalisé des spectacles d’une grande dignité en s’impliquant directement dans la vie sociale de leur cité, qu’a-t-on vu de si marquant dans nos grands théâtres la saison passée, qui ait évoqué la politique ultra-libérale dans laquelle l’économie française s’est engouffrée et le mépris avec lequel elle jette des centaines de famille dans la précarité et la misère ?

Même s’il faut rendre hommage au travail d’Ariane Mnouchkine et du Théâtre du Soleil, qui d’autre a manifesté son indignation et sa colère pour dénoncer les conditions inhumaines dans lesquelles étaient parqués les candidats à l’exil dans le ghetto de Sangatte, à part le socialiste Pierre Arditi qui témoigna sur une chaîne du service public de son admiration pour le " courage " et la " responsabilité " du Ministre de l’Intérieur ?

La liste est longue des démissions des artistes et de ceux qui travaillent avec eux, lorsqu’il s’agît de prendre position, d’assumer ses responsabilités et d’exprimer sa solidarité quand des événements aussi graves viennent perturber la marche nonchalante du petit monde du spectacle.

Alors, comment espérer aujourd’hui impliquer notre public dans nos combats pour maintenir en vie un régime bancal, quand par ailleurs nous nous foutons éperdument de ce qui se passe dans la rue, dans les prisons, les cités et les commissariats de police ?
Comment faire croire que nous ne sommes pas des privilégiés, alors que le grand luxe dont nous faisons état et qui n’échappe à personne, est celui de fermer les yeux sur la France qui brûle ses indigents, et de croire encore qu’on peut faire du théâtre ou du cinéma en ne s’impliquant jamais dans la vie sociale ?

Vous maintenez une grandiose hypocrisie quand vous parlez de la télévision ou du cinéma. J’entends dire et je lis que les intermittents veulent préserver leur statut lorsqu’ils travaillent pour les sociétés qui produisent les émissions les plus indignes de l’histoire de la télévision. Alors je me demande à quoi nous tenons le plus : à nos droits ou à la propagation de la bêtise ?

Notre petit monde est complice de la médiocrité et du mensonge des fictions télévisées et de leurs réalisateurs et scénaristes couards et hypocrites qui dépeignent dans leurs œuvres audiovisuelles une société française monochrome où sont toujours absents le Noir, le Jaune et le Gris, quoiqu’on en dise et malgré les " Fatou la Malienne " qui versent dans le doux paternalisme post-colonial. Nous participons tous à l’évacuation de l’imaginaire et de la pertinence, nous nous fourvoyons dans le mensonge et la bonne conscience, nous perdons chaque jour un peu plus de notre liberté et de notre créativité, lorsque nous acceptons de participer à l’élaboration et à la propagation de la connerie.

Alors qu’est-ce qu’il nous reste à défendre vraiment ?

Où se trouve le danger, réellement ?

Et quels droits défendons-nous quand nous disons que nous sommes obligés d’éclairer le plateau du Bigdil pour faire vivre nos familles ? Dans quel monde voulons-nous vivre vraiment ? Va-t-on accepter encore un système qui tient prisonnier chacun d’entre nous dans l’obligation de faire de la merde pour vivre, ou serons-nous un jour capable de faire encore des sacrifices pour exiger et imposer, car nous en avons la force et les moyens, une pratique de l’art, de la culture, du divertissement et du spectacle, qui soit non pas assujetti à un statut professionnel et à des lois qui de toute façon ne pourront jamais modifier les règles du monde marchand, en inventant une troisième voie et en nous fiant aux armes dévastatrices que nous possédons qui sont l’imaginaire et le non-conformisme ?
 
Incapables de posséder une étique de notre métier et nous contentant de la quantité au détriment de la qualité, enfermés dans un corporatisme qui exclut toute possibilité de fédération interprofessionnelle, manipulés sans cesse dans les actions légitimes par des représentants syndicaux de la SFA-CGT qui se cachent derrière un discours antédiluvien aux méthodes douteuses, qui refusent systématiquement les prises de paroles différentes et les initiatives nouvelles et singulières, nous ne sommes absolument pas en mesure d’organiser des forums de réflexion et des actions révolutionnaires en matière de lutte. Allier l’intelligence, l’agressivité, l’invention, l’imaginaire et le refus de toute forme d’autorité et de récupération, est la seule voie possible pour mettre fin aux terribles contradictions dont nous sommes prisonniers.

Nous nous sommes coupés volontairement de la rue et des gens pendant des années durant, pour ne plus nous regarder que dans notre propre miroir, reflet pâle d’un monde qui n’existe que le temps d’un contrat à durée déterminée, et pour nous faire les bâtisseurs d’une culture du loisir et du divertissement qui a atteint des sommets dans l’art du dégoût. Mais cela ne suffit pas ! Il nous faut encore avoir le culot de traiter les gens de débiles et de moutons quand ils regardent les conneries que nous éclairons, que nous sonorisons, que nous assistons, que nous écrivons et que nous réalisons !

Voilà bien là le comble du paradoxe enfin atteint !

J’entends dire par des directeurs de Centres Dramatiques qu’ils se fichent de savoir qu’ils auront 4 ou 400 personnes dans leur salle, car ce qu’ils font, même s’ils le font pour 2 spectateurs, c’est déjà une bonne chose. Comment peut-on supporter encore ce genre de discours ? N’est-ce pas là donner à ceux qui croient que nous sommes des nantis, une raison de plus pour vouloir notre peau ?

Pourquoi toujours fermer sa gueule et ne jamais dire tout haut ce que j’entends toujours autour de moi, chuchoté dans le creux de l’oreille ? Pour préserver quoi et ménager qui ?

Pourquoi cultivons-nous un tel besoin d’hypocrisie et pourquoi sommes-nous incapables de balayer devant notre porte ? Pourquoi refusons-nous de nous poser les vraies questions, et pourquoi hurlons-nous à l’assassinat lorsqu’on veut fermer tel ou tel lieu ou remettre en cause telle ou telle loi ?
Sortons de ce mutisme et cessons de fermer les yeux sur ce qui ne va plus dans le fonctionnement de l’audiovisuel, du cinéma et de l’art vivant en France et de leur mode de subventionnement.

Que l’on se demande pourquoi il existe un Théâtre à Gennevilliers puisque personne n’y met plus les pieds, si ce n’est pour permettre à des intermittents de faire leurs heures et à son directeur ses points retraite. La population qui vit autour de ce théâtre n’a que faire d’un art qui ne s’adresse jamais à elle et qui ne vient jamais éclairer un petit bout de son chemin de croix. C’est de cette manière que nous perdons du terrain sur la vie sociale et que le gouffre entre le monde du spectacle et la rue s’agrandit peu à peu.

Qu’on se demande d’où vient cette soudaine solidarité des intermittents du spectacle vivant avec les intermittents de la télévision et du cinéma, alors que les uns sont les premiers à rendre responsable les autres du déficit des ASSEDIC à l’origine de la signature de la nouvelle loi.

A quoi jouez-vous ?

Et pour couronner le tout, lorsque des intermittents sous influence parlent de leur action devant des caméras de télévision, - habilement briefés par un responsable syndical - ils veulent parler le langage du peuple et déclarent que sans eux, il n’y aurait pas de tirage en direct du " Millionnaire " ni de " Qui veut gagner des Millions ? " !
Nous sommes encore dans le mépris et le cynisme et si sauver le régime de l’intermittence, c’est sauver le job de Jean-Pierre Foucault ou d’Endémol Productions, alors je serai leur premier fossoyeur.

Mais mon point de vue n’est certainement pas celui de l’ensemble de cette profession qui a pris le parti de jouer le jeu du pouvoir en s’installant sur un terrain qu’il ne connaît pas, dans un duel avec un ennemi surpuissant et pervers qui a déjà à son actif des milliers de cadavres de salariés. Il n’y a jamais eu de solidarité dans ce milieu et chacun jouera en sous-main pour défendre son bout de gras. L’Etat le sait, tout le monde le sait, mais chacun fait semblant de ne rien voir. Et tout le monde s’en accommode car une fois de plus les malins sont plus fort que les vilains.

Nous laissons passer là une occasion de nous défendre avec des moyens qui échappent totalement au langage et à la grammaire d’un pouvoir puissant qui fera ce qu’il voudra quand il le voudra et qui ne se pliera jamais à la volonté de quelques-uns. Nous nous trompons d’arme et nous nous trompons de bataille.

La lutte ne se fait pas sur la forme avant de se faire sur le fond.
Et c’est là le plus douloureux des combats, car il est contre nous-mêmes.
Au quinzième siècle, un samouraï nommé Yagyu, grand maître du sabre écrivait : " Je ne sais pas comment surpasser les autres. Tout ce que je sais, c’est comment me surpasser. "

Alors oui, je suis un privilégié et je revendique ce titre. Et nous devons déjà nous définir tous en tant que privilégiés car le premier des privilèges est celui ne pas faire ce métier pour faire de l’argent.

Mon privilège aujourd’hui est de pouvoir dire ce que je veux, quand je veux, où je veux, et surtout, comme je le veux. C’est de pouvoir encore rêver et faire rêver, de pouvoir encore être libre d’ouvrir ma bouche et si je fais ce métier, ce n’est pas pour avoir ma tronche dans Libération, ni pour espérer un jour profiter de ma retraite pour faire tout ce qu’on m’aura empêché de faire pendant ma putain de vie.

Je vis dans un endroit que je ne peux pas oublier, au milieu de gens qui ne sont pas invisibles, et j’ai une responsabilité face à çà. Je ne me coupe pas en deux quand je travaille et quand je rentre chez moi. Je n’ai pas un double discours. C’est la même personne qui parle. Alors forcément, mon métier, je l’exerce au milieu des autres et au milieu du monde, jamais à sa périphérie.
Voilà ce qui doit devenir notre grande force et qui n’est pour le moment qu’une grande faiblesse.

Au sein de ma compagnie, j’ai toujours tout partagé avec mes camarades techniciens, artistes et administrateurs et jamais l’un d’entre eux n’a participé à une création, que s’il n’était absolument convaincu du sens de ce que nous allions entreprendre. Comme tout le monde, j’ai truandé les ASSEDIC, premier coproducteur de mes spectacles, car la plupart des incestueux Centres Dramatiques sonnent la faillite des petites compagnies en ne copulant souvent qu’en famille.

 Il faut s’organiser à la base, avec chaque individu, en renforçant la solidarité avec tous les salariés exploités de tous les secteurs d’activités, les citoyens abandonnés et méprisés par l’Etat et les pouvoirs publics, et agir directement et sans attendre. Nous n’avons que faire de cette pseudo démocratie parlementaire, des discours technocratiques et peureux des faux leaders syndicaux, pantins de bois qui négocient sur le dos des travailleurs.

Il n’y a rien à négocier, il y a tout à changer.

Soyons souverains et décidons nous-mêmes de ce que nous voulons. Arrêtons de travailler tous en même temps pour ces salaires de merde, cette retraite qui ne viendra jamais, cette société qui flique chaque citoyen.
Arrêtons d’avaler les crachats que nous lance ce gouvernement à chaque fois que nous ouvrons la bouche.
Il n’y a malheureusement rien à attendre non plus de ceux qui ont eu la bassesse de courber l’échine et de mettre un genou à terre pour réclamer un geste magnanime du Président de la République ou de son pleutre de Premier Ministre, à l’image de ce lamentable appel paru dans le quotidien Libération du 3 juillet 2003, " Monsieur Raffarin, faites un geste ".
Mais le geste, mes chers camarades, il le fait tous les jours en se levant de son fauteuil : n’avez-vous pas encore vu ce majeur ganté qui s’agite sous votre nez depuis plus d’un an !

Qui peut encore croire aux gesticulations de ces bouffons et d’un Ministre de la Culture coaché par le pit-bull Sarkozy qui comme par hasard, rend visite au commissariat de police d’Avignon, trois jours avant le début du festival et l’annonce de l’arrivée d’intermittents radicaux déterminés à stopper la grand messe du théâtre ?

Le seul discours qui parvient aux oreilles de l’Etat est-il celui de l’argent et du profit ? Alors pas d’hésitation, mettons un sérieux coup de cutter aux bourses de ces commerçants qui profitent d’une manière odieuse de la venue des intermittents dans leur ville en augmentant leurs tarifs, en louant des taudis à des prix exorbitants, en regardant de travers le client aux cheveux longs et au visage percé, en votant le nettoyage des trottoirs par les petits nazis de la police municipale, quand des dizaines de vagabonds ou de mendiants viennent chaque année chercher un peu de bon temps et quelques pièces dans la Cité des Papes.

Qui peut encore croire que ces poujadistes s’intéressent à autre chose qu’à leurs bénéfices et sont solidaires des petites compagnies qui crèvent la dalle toute l’année pour venir pratiquer leur art dans des conditions souvent indignes ?

Qui peut encore écouter ceux qui veulent semer la mauvaise conscience chez les travailleurs, en refusant d’utiliser des moyens radicaux tel que la grève générale et le blocage de tous les spectacles ou en usant d’arguments économiques et fallacieux pour justifier le bon déroulement du Festival ? Si la grève n’est pas votée à l’unanimité et si malgré la mobilisation, des lieux symboliques continuent à fonctionner, alors nous verrons déferler les Compagnons Républicains Sécurisants pour défendre le droit du travail de quelques-uns contre le droit de grève de tous les autres. Partout en France et dans le monde marchand où des travailleurs ont refusé de se plier aux injonctions de leurs employeurs ou de l’Etat, une seule réponse : violence policière et répression brutale des insoumis.
Quoiqu’en dise Monsieur Faivre d’Arcier qui n’a mis que trois jours pour retourner sa flanelle, les flics seront au rendez-vous des barricades s’il y a le moindre incident, car il est totalement dépassé par les événements et incapable de prendre une décision ferme face aux tutelles, qui ne laisseront pas des " casseurs " foutre en l’air leurs vacances.

Allons, ouvrez les yeux et arrêtez encore de croire que cette association de malfaiteurs que vous avez élus travaille pour votre bien et pour une construction juste et équitable de notre société, avec ou sans art !
Arrêtez de croire que le dialogue est encore possible avec ces maîtres du mensonge, de la menace et de la manipulation.

Nous ne pouvons plus revenir en arrière et il nous faut faire un vrai bond en avant.
C’est notre seule chance et demain il sera trop tard pour réclamer quoi que ce soit.

Comme il l’a déjà fait hier avec l’audiovisuel, demain l’Etat français jugera bon de tailler les veines de la création contemporaine en commençant par le bas et ceux qui ont une grande gueule qui crache dans la soupe qu’on leur sert. Ils auront l’appui de tous ceux qui, aujourd’hui, militent pour leurs droits spécifiques en se fichant pas mal de maintenir l’ignorance et la bêtise qu’ils entretiennent complaisamment en collaborant à la fabrication d’une télévision malsaine et d’un art de propagande sous prétexte de sauver leur gamelle.
Si nous nous isolons dans un discours technocratique pour mener notre petit combat pour nos petits droits auxquels le public et la majorité des citoyens ne comprennent rien, sans l’inscrire dans un grand mouvement national et international de lutte pour nos libertés et les droits fondamentaux de chaque individu, en défendant d’une manière unilatérale tous ceux que l’Etat opprime et écrase, nous sommes morts, et morts nous rejoindrons le cimetière des âmes crédules.

Et l’Etat récompensera ses moutons.
Pour après mieux leur trancher la gorge.

Lorsqu’on vous demandera de voter une nouvelle fois la solidarité nationale pour sauver la Démocratie et la République, ne faites pas comme aujourd’hui : ne perdez pas une deuxième fois la mémoire.

Mohamed ROUABHI.
Drancy, sept juillet deux mille trois.

mohamed@lesacharnes.com