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Circulaire AP, 18 octobre 2002 - Prévention de l’alcoolisme

Mise en ligne : 8 mai 2003

Dernière modification : 9 août 2010

Texte de l'article :

Prévention de l’alcoolisme

AP 2002-11 RH/18-10-2002
NOR : JUSE0240157C

POUR ATTRIBUTION
Directeurs régionaux des services pénitentiaires - Directeur régional chargé de la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer - Directeur de l’ENAP - Directeur du service de l’emploi pénitentiaire

- 18 octobre 2002 -

Sommaire :
I. - LES ACTIONS DE PREVENTION, DE FORMATION ET D’INFORMATION
1. Le rôle de I’Ecole nationale d’administration pénitentiaire
2. Le rôle des directions régionales et des chefs d’établissements
3. Prévention de l’alcoolisme et gestion des mess
II. - LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES ET LEURS MODALITES D’APPLICATION
1. Les dispositions réglementaires
2. Les procédures de contrôle
3. La situation administrative de l’agent écarté de ses fonctions en raison d’un état d’ébriété
4. Conséquences à tirer en cas d’ébriété
5. Conséquences du caractère personnel de la faute de l’agent en état d’ébriété
III. - L’ORIENTATION DES AGENTS EN CAS DE PRESOMPTION DE MALADIE ALCOOLIQUE
1. Rôle du chef de service et entretien avec l’agent
2. Rôle du chef de service et orientation vers une personne qualifiée
3. Rôle du chef de service et accompagnement de l’agent dans son parcours professionnel

Textes sources :
CPP - articles D. 219 et D. 220
Code du travail - articles L. 321-1, L. 231-1-1 et L. 232-2
Code de la santé publique - article L. 3321-1
Décret n° 82-453 du 28 mai 1982

La gestion de l’alcoolisme dans le milieu professionnel suppose un investissement particulier des responsables de service. En effet, relèvent de leurs compétences, d’une part, l’aide à l’agent dans une démarche de soins pour que ce dernier conserve la capacité d’exercer ses fonctions et, d’autre part, les exigences de sécurité collective spécifiques à l’administration pénitentiaire.
Compte tenu du caractère particulièrement sensible de cette question, il est apparu nécessaire de déterminer une politique de prévention de l’alcoolisme.
Aussi, la présente note rappelle-t-elle la nécessité d’informer chaque agent des risques engendrés par la maladie alcoolique, les règles en vigueur et leurs sanctions, et enfin les possibilités d’orientation et de soins. Elle précise également la conduite à tenir en cas de présomption d’alcoolisation excessive ou de manifestation de maladie alcoolique concernant un agent dans l’exercice de ses fonctions.

I. - LES ACTIONS D’INFORMATION, DE PREVENTION ET DE FORMATION

En raison des conséquences physiques et psychologiques de l’alcool sur l’organisme, de l’évolution potentielle de la prise d’alcool occasionnelle vers la dépendance alcoolique, de la complexité à traiter la maladie alcoolique et des risques spécifiques qu’entraîne cet état en milieu pénitentiaire, il est de l’intérêt de tous de contribuer à prévenir les risques d’alcoolisation des personnels pénitentiaires.
Ces risques peuvent concerner tous les agents, quels que soient leur grade, leur fonction et leur lieu de travail, et peuvent avoir un retentissement direct sur les capacités professionnelles d’observation, de réaction et de vigilance, et ainsi mettre en danger les individus ou la collectivité.
Les facteurs de risque peuvent être augmentés, à l’administration pénitentiaire, par l’exercice des fonctions dans un milieu professionnel difficile ; c’est pourquoi, il est essentiel de développer des actions de sensibilisation et de prévention tant dans le cadre de la formation initiale que dans celui de la formation continue.

1. Le rôle de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire

L’Ecole nationale d’administration pénitentiaire doit développer des actions de sensibilisation et de prévention sur le risque alcool.
Ces actions doivent s’adresser à toutes les catégories de personnels, en formation initiale et continue, et ont pour premier objectif de sensibiliser, informer et responsabiliser chacun quant à sa consommation d’alcool, seul ou en groupe, et sur le rôle de prévention qu’il peut exercer en raison de sa profession.
Elles sont à mettre en place avec l’ANPA (Association nationale de prévention de l’alcoolisme) et ses représentants locaux ou des organismes de formation reconnus pour leur compétence en ce domaine et le service social du personnel, la médecine de prévention et les psychologues affectés en direction régionale.
Ces formulations doivent comporter un volet sur la sécurité routière, le taux d’alcoolémie et les risques encourus, pour soi-même et autrui, en conduisant après s’être alcoolisé.
Les personnels d’encadrement doivent également être formés aux mesures à prendre en cas d’alcoolisation excessive d’un agent tant sous l’aspect réglementaire que sous l’aspect médico-social et accompagnement psychologique.

2. Le rôle des directions régionales et des chefs d’établissements

Des actions de sensibilisation aux risques que peut faire encourir l’usage d’alcool et l’évolution de la maladie alcoolique seront à mettre en place progressivement par les chefs d’établissement dans l’ensemble des sites pénitentiaires tant dans le cadre privilégié des CHSS que dans celui de la formation continue, ou de rencontres organisées avec les partenaires institutionnels et locaux. Ces actions devront permettre aux agents de s’informer mais également de communiquer sur ce thème et les questions qu’il soulève.
Elles devront contribuer à une meilleure prise en charge individuelle et collective des personnels souffrant de conduites addictives.
Le médecin de prévention du site devra être sollicité par le chef d’établissement pour participer à l’élaboration et la mise en oeuvre de ce programme, de même que l’assistant social et le psychologue du personnel.
Les directions régionales veilleront à aider les chefs d’établissement dans la réalisation de ce programme en initiant des temps d’échange sur les initiatives locales, en encourageant la mise en place des temps de formation continue adaptés aux besoins formulés par les responsables locaux et en leur facilitant l’accès aux informations sur la problématique alcoolique (échanges d’expériences, documents, personnes ressources...). Ils veilleront aussi à ce que les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) puissent y être associés, soit sur les sites où ils interviennent habituellement, soit dans le cadre de la direction régionale ou de formations extérieures.

3. Prévention de l’alcoolisme et gestion des mess

La politique de mise en conformité des mess avec la réglementation applicable aux restaurants administratifs doit continuer activement. En l’occurrence, les mess doivent se limiter à une vente de boissons non alcoolisées et de boissons alcoolisées du 2e groupe (art. L. 3321-1 du code de la santé publique), c’est-à-dire les boissons fermentées non distillées telles que le vin, la bière, le cidre, le poiré, les vins doux naturels, et disposer de la licence II correspondante. Ces boissons ne doivent être servies qu’en accompagnement du repas.
De même, à l’occasion de cérémonies ou fêtes traditionnelles, pouvant être organisées aux mess, après autorisation du chef de service, seules des boissons non alcoolisées ou relevant du 2e groupe pourront être servies.

II. - LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES ET LEURS MODALITES D’APPLICATION

1. Les dispositions réglementaires
L’article L. 232-2 du code du travail, applicable dans la fonction publique, interdit à toute personne "d’introduire ou de distribuer, et à tout chef d’établissement, directeur, [...], à toute personne ayant autorité [...], :
- de laisser introduire ou de laisser distribuer [...], pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques, autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel, non additionnées d’alcool [...] ;
- de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d’ivresse."
Tous les locaux de l’administration, selon les termes de l’article 3 du décret du 28 mai 1982 susvisé, sont concernés par ce texte.
Cependant, s’agissant de la détention, l’article D. 220 du code de procédure pénale ajoute qu’il est strictement interdit d’y consommer de l’alcool ou d’y paraître en état d’ébriété.

2. Les procédures de contrôle

Les interdictions absolues édictées par les articles L. 232-2 du code du travail et D. 220 du code de procédure pénale, dont dépend la sécurité collective, doivent être connues de toutes les personnes ayant accès en détention et, notamment, de l’ensemble des agents des services déconcentrés. Il appartient donc aux responsables de service de veiller à leur information et d’assurer le respect de ces prescriptions.
A cette fin, des procédures de contrôle peuvent être établies.
C’est ainsi que tout agent ayant des troubles caractérisés du comportement qui apparaissent liés à une alcoolisation aiguë ou chronique doit être écarté ponctuellement du service. Le responsable hiérarchique a donc l’obligation de constater l’incapacité de l’agent à exercer ses fonctions, de le placer, dans la mesure du possible, avec une tierce personne, en salle de repos, de prendre attache auprès d’un médecin et, enfin, d’organiser, selon l’avis médical, son rapatriement à son domicile ou son transfert à l’hôpital.
Il peut ordonner un alcootest afin d’apprécier l’état de l’agent et l’empêcher, le cas échéant, de prendre son service afin de prévenir ou faire cesser une situation dangereuse. Le fait de présenter des signes manifestes d’ébriété et le refus de se soumettre à l’épreuve de l’alcootest sont de nature à justifier des poursuites disciplinaires (CE, 17 février 1995, Hardouin).
Les règlements intérieurs des sites pénitentiaires pourront être, en tant que de besoin, modifiés afin d’y insérer des dispositions relatives aux modalités de contrôle de l’alcoolémie.
L’autorité hiérarchique n’est en revanche pas habilitée à faire pratiquer, de sa propre autorité, une prise de sang pour l’évaluation du taux de l’alcool dans le sang.

3. La situation administrative de l’agent écarté de ses fonctions en raison d’un état d’ébriété

Le fonctionnaire écarté de ses fonctions en raison de son état d’ébriété demeure en position d’activité.
Mais l’absence de service fait entraîne une retenue sur la rémunération de ce dernier conformément à l’article 20 du titre 1 du statut général. Cette retenue s’analyse comme une simple mesure comptable à l’égard de laquelle l’administration ne dispose que d’une compétence liée. Elle s’effectue suivant la règle dite du trentième indivisible. Celle-ci consiste à procéder à une retenue égale à un trentième du traitement indiciaire mensuel, mais aussi des allocations, primes et indemnités (à l’exception des avantages familiaux).

4. Conséquences à tirer en cas d’ébriété
Outre des mesures préventives ou curatives (action de sensibilisation collective, orientation vers les services compétents), des mesures administratives particulières peuvent être prises selon l’état de santé de l’agent concerné.
S’agissant de cas qui relèveraient du domaine médical, l’administration a la faculté de saisir le comité médical en vue du placement de l’agent en CLM ou CLD d’office (articles 34 et 35 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986). Si l’agent est susceptible d’être considéré comme un danger grave, imminent et vital pour lui ou des tiers, le médecin de prévention ou les services de secours doivent être appelés pour le prendre en charge.
Le chef de service est, par ailleurs, en droit d’engager à l’encontre de l’agent une procédure disciplinaire (CE, 22 décembre 1965, Vialle) dont l’effet dissuasif ne doit pas être négligé.

5. Conséquences du caractère personnel de la faute de l’agent en état d’ébriété
Un état d’imprégnation alcoolique est une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions (CE, 9 octobre 1974, Commune de Lusignan).
En effet, tout fonctionnaire exerce une mission de service public et se trouve de ce fait soumis à un devoir d’exemplarité. Un tel devoir s’impose a fortiori aux agents des services pénitentiaires en charge d’une mission régalienne de sécurité publique. Vous noterez à cet égard qu’outre l’article D. 220 déjà cité, l’article D. 219 du code de procédure pénale dispose que "les membres du personnel doivent, en toute circonstance, se conduire et accomplir leur tâche de telle manière que leur exemple ait une bonne influence sur les détenus et suscite leur respect".
En conséquence, un agent victime d’un accident, causé par son état d’imprégnation alcoolique, durant ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou entre le lieu du travail et du domicile, ne bénéficie pas du régime des accidents de service.
Enfin, je vous rappelle que l’existence d’une faute personnelle détachable du service exonère l’administration de toute obligation de protection statutaire et notamment de la prise en charge des frais d’avocat de l’agent mis en cause devant les juridictions civiles ou pénales à raison de faits commis en état d’ébriété.

III. - L’ORIENTATION DES AGENTS EN CAS DE PRESOMPTION DE MALADIE ALCOOLIQUE
Outre les mesures immédiates à prendre lorsqu’un agent présente des troubles caractérisés du comportement apparaissant liés à une alcoolisation aiguë ou chronique, il convient d’essayer de prévenir l’évolution de l’alcoolisme en milieu professionnel par divers moyens, et avec l’aide des services compétents en la matière.

1. Rôle du chef de service et entretien avec l’agent
Il est essentiel de ne pas attendre une évolution aggravée en terme de dépendance, ou un risque de dangerosité pour lui ou pour les autres, chez un agent souffrant de problème d’alcool pour intervenir, et lui proposer un soutien adapté. Lorsque certains signes laissent à penser qu’un agent a des difficultés à maîtriser sa consommation d’alcool, il convient d’aborder directement la question avec lui, et de lui expliquer les raisons motivant cet entretien et l’effet attendu. Cet entretien doit se dérouler dans un climat de confiance, avoir pour objectif l’incitation au soin, tout en situant les obligations professionnelles et les limites à respecter.

2. Rôle du chef de service et orientation vers une personne qualifiée

Pour autant, les causes pouvant conduire un individu à une alcoolisation excessive sont complexes, et souvent empreintes d’une grande souffrance ; aussi, il est difficile pour l’agent d’y remédier seul, ou trop rapidement, ou en simple réaction à un avertissement ou une sanction, et il peut avoir besoin d’un appui extérieur spécifique. En ce sens, le chef de service doit lors de l’entretien avec l’agent lui proposer de rencontrer une personne qualifiée (médecin de prévention, psychologue du personnel, assistant social...) qui pourra l’aider, et l’orienter si nécessaire vers un spécialiste. Cette personne qualifiée, ainsi que le médecin de prévention du site, sera prévenue par le chef de service de la proposition faite à l’agent lors de l’entretien et l’agent sera informé de cette démarche.

3. Rôle du chef de service et accompagnement de l’agent dans son parcours professionnel

L’agent qui est dans un processus de soins pour remédier à son problème d’alcoolisme ou qui revient d’une période d’absence après des soins doit à la fois ne pas être mis dans des situations incompatibles avec son état et à la fois ne pas faire l’objet d’une discrimination professionnelle.
Le chef de service, après concertation avec sa hiérarchie, et avec l’avis du médecin de prévention et de toute personne qualifiée, veillera à ce que l’agent puisse remplir ses fonctions de façon adaptée compte tenu de l’évolution de son état. Il veillera également, dans la limite de ses compétences et du cadre professionnel, à ce que le personnel environnant et l’agent travaillent dans des conditions favorables au respect et à l’équilibre personnel de chacun.
Cette note doit faire l’objet d’une diffusion élargie à l’ensemble des agents, et aux partenaires directement concernés par son application, médecins de prévention, psychologues et assistants sociaux du personnel. Cette diffusion pourra être l’occasion de réunions d’information sur les questions complexes et délicates que peut poser l’alcool dans le cadre professionnel et sur l’accompagnement des personnes souffrant de dépendance alcoolique.
L’accent sera mis sur la prévention des risques que fait encourir, pour l’individu, le groupe et l’institution, une alcoolisation excessive ponctuelle ou chronique. Cependant, le nécessaire rappel des règles ne peut être dissocié d’une prise en compte attentive des difficultés auxquelles chacun est parfois confronté dans l’exercice de ses fonctions, et de la mise en oeuvre de réponses adaptées en terme d’information, de formation, de communication et de soutien.
J’attache une importance particulière à la mise en oeuvre de cette circulaire et vous demande de me faire connaître sous ce timbre, avant le 15 mai 2003, les mesures prises ou en cours d’élaboration concernant la prévention de l’alcoolisme au travail, ainsi que vos éventuelles observations.

Pour le garde des sceaux, ministre de la justice,
Par délégation :
Le préfet, directeur de l’administration pénitentiaire, D. LALLEMENT
© Ministère de la justice - Février 2002