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CPT Comité pour la Prévention de la Torture

(1996) Rapport du CPT sur sa visite en France du 6 au 18 octobre

Mise en ligne : 21 février 2003

Dernière modification : 31 mai 2007

Texte de l'article :

 Réf. : CPT/Inf (98) 7 [FR] - Date de publication : 14 mai 1998

Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en France du 6 au 18 octobre 1996
Le Gouvernement de la République française a donné son accord à la publication du rapport susmentionné du CPT ainsi que de ses réponses à celui-ci. Les réponses figurent dans le document CPT/Inf (98) 8.

 

TABLE DES MATIERES

 

Copie de la lettre transmettant le rapport du CPT

I. INTRODUCTION

A. Dates de la visite et composition de la délégation

B. Etablissements visités

C. Consultations menées par la délégation

D. Coopération rencontrée lors de la visite

II. CONSTATATIONS FAITES ET MESURES PRECONISEES

A. Etablissements de police et de gendarmerie

1. Mauvais traitements

2. Conditions de détention

a. introduction

b. visites de suivi

c. établissements visités pour la première fois

d. alimentation des personnes gardées à vue

3. Garanties fondamentales contre les mauvais traitements

4. Prise en charge médicale des personnes privées de liberté par les forces de l’ordre

B. Centres de rétention administrative pour ressortissants étrangers

1. Centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de Police de Paris

2. Centre de rétention administrative Marseille-Arenc

3. Autres questions

a. personnel des centres de rétention administrative

b. garanties reconnues aux personnes retenues / maintenues en vertu de la législation relative aux étrangers

C. Etablissements pénitentiaires

1. Mauvais traitements

2. Conditions de détention

a. remarques préliminaires

b. visite de suivi au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"

i. conditions matérielles de détention

ii. activités hors cellule

iii. alimentation des détenus

c. établissements visités pour la première fois

i. introduction

ii. maison d’arrêt de Paris-La Santé

iii. maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne

iv. Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis

3. Services médicaux

a. remarques préliminaires

b. centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"

c. établissements visités pour la première fois

i. maison d’arrêt de Paris-La Santé

ii. Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis

iii. maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne

d. examen médical à l’admission

e. administration des médicaments

f. transfert en milieu hospitalier extérieur

g. rôle des services de santé dans la prévention des mauvais traitements

4. Autres questions

a. contacts avec le monde extérieur

b. discipline

c. mise à l’isolement

d. fouilles

e. système d’appel

f. information des détenus

g. Souricière du Palais de Justice de Paris

D. Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet

1. Introduction

2. Conditions matérielles

3. Traitement des patients

4. Isolement et moyens de contention physique

5. Information des patients et procédures de plainte

6. Sortie des patients

III. RECAPITULATION ET CONCLUSIONS

A. Etablissements de police et de gendarmerie

B. Centres de retention administrative pour ressortissants étrangers

C. Etablissements pénitentiaires

D. Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet

E. Mesures à prendre suite aux recommandations, commentaires et demandes d’information du CPT

ANNEXE I : RESUME DES RECOMMANDATIONS, COMMENTAIRES ET DEMANDES D’INFORMATION DU CPT

ANNEXE II : LISTE DES AUTORITES ET ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES RENCONTREES PAR LA DELEGATION DU CPT

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Copie de la lettre transmettant le rapport du CPT
 

Strasbourg, le 14 avril 1997

Monsieur le Président,

Conformément à l’article 10, paragraphe 1 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, j’ai l’honneur de vous adresser le rapport au Gouvernement de la République française, établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) à l’issue de la visite qu’il a effectuée en France du 6 au 18 octobre 1996. Le rapport a été adopté par le CPT lors de sa 32e réunion qui s’est tenue du 10 au 14 mars 1997.

Je souhaiterais appeler tout particulièrement votre attention sur le paragraphe 215 du rapport dans lequel le CPT demande aux autorités françaises de fournir un rapport intérimaire et un rapport de suivi sur les mesures prises suite à son rapport.

Je reste à votre entière disposition pour toutes les questions que vous souhaiteriez me poser au sujet soit du rapport, soit de la procédure à venir.

Enfin, je vous serais reconnaissant de bien vouloir accuser réception de la présente lettre.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération.

 

Claude NICOLAY
Président du Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants

 

M. Jean-Pierre COCHARD
Président honoraire de la Chambre Sociale
de la Cour de Cassation

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I. INTRODUCTION
A. Dates de la visite et composition de la délégation
1. Conformément à l’article 7 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après "la Convention"), une délégation du CPT a effectué une visite en France du 6 au 18 octobre 1996.

Il s’agissait de la deuxième visite périodique du CPT dans ce pays, la première ayant eu lieu du 27 octobre au 8 novembre 1991 (cf. CPT/Inf (93) 2). Le Comité avait, en outre, effectué deux autres visites en France, respectivement du 3 au 7 juillet 1994 à la Martinique (cf. doc. CPT/Inf (96) 24) et du 20 au 22 juillet 1994 où il a plus particulièrement concentré son attention sur le dépôt de la Préfecture de Police de Paris et sur quelques établissements de police de la capitale et de la région parisienne (doc. CPT/Inf (96) 2).

2. La délégation qui a effectué cette deuxième visite périodique, comprenait les membres du CPT dont les noms suivent :

- M. Claude NICOLAY, Président du CPT (Chef de la délégation) ;

- M. Leopoldo TORRES BOURSAULT, Second Vice-Président du CPT ;

- M. Constantin ECONOMIDES ;

- M. Miklós MAGYAR ;

- Mme Gisela PERREN-KLINGLER ;

- M. Florin STANESCU.

La délégation était assistée par :

- M. Dominique BERTRAND, Chef de la Division de Médecine Pénitentiaire, Institut Universitaire de Médecine Légale, Genève (expert) ;

- Mme Françoise TULKENS, Professeur, Présidente du Département de Criminologie et de Droit Pénal, Université Catholique de Louvain (expert) ;

- M. Roland HERRMANN (interprète).

La délégation était également accompagnée des membres du Secrétariat du CPT suivants :

- Mme Geneviève MAYER, Secrétaire adjointe du CPT ;

- M. Jan MALINOWSKI.

 

B. Etablissements visités
3. Les lieux suivants ont fait l’objet de visites de la délégation :

Etablissements de police :

Marseille :

- Hôtel de police, rue du Commissaire Antoine Becker, 2e arrondissement (visite de suivi)

- Commissariat de police, rue Félix Pyat, 3e arrondissement

- Centre de rétention administrative Marseille-Arenc (visite de suivi)

Montpellier :

- Hôtel de police, avenue du Professeur Grasset

Paris

- Dépôt de la Préfecture de Police (y compris le centre de rétention administrative), Quai de l’Horloge, 1er arrondissement (visite de suivi)

- Brigade de protection des mineurs, Quai de Gesvres, 4e arrondissement

- Vigie et Commissariat spécial, Gare du Nord, 10e arrondissement

- Centre de police, avenue du Maine, 14e arrondissement

- Poste de police et services de la 2e Division de Police Judiciaire, rue de la Goutte d’Or, 18e arrondissement (visite de suivi)

- Commissariats de Sécurité Publique et postes centraux de police des 19e (rue André Dubois) et 20e (avenue Gambetta) arrondissements

Etablissements de Gendarmerie :

- Brigades Territoriales de Gendarmerie à Berre-L’Etang, Marignane et Montpellier

Etablissements pénitentiaires :

- Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis

- Centre Pénitentiaire de Marseille " Les Baumettes" (visite de suivi)

- Maison d’arrêt de Paris-La Santé (y compris la Souricière du Palais de Justice de Paris)

- Maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne

Etablissements de santé :

- Unité pour Malades Difficiles du Centre Hospitalier Spécialisé de Montfavet (visite de suivi)

- Service des Urgences Médico-Judiciaires et Salle Cusco, Hôpital de l’Hôtel-Dieu, Paris (visite de suivi)

- Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police de Paris.

 

C. Consultations menées par la délégation
4. La délégation a mené des consultations avec les autorités au niveau national et avec les responsables au niveau local des établissements visités. Elle a également rencontré des organisations non gouvernementales qui sont actives dans des domaines intéressant le CPT.

La liste des autorités et organisations non gouvernementales rencontrées est reproduite à l’Annexe II du rapport.

D. Coopération rencontrée lors de la visite
5. Comme lors des précédentes visites du CPT en France, les entretiens avec les autorités nationales se sont déroulés dans un esprit de grande coopération. Le CPT tient à remercier, en particulier, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Monsieur Jacques TOUBON, pour le temps qu’il a consacré à un entretien extrêmement fructueux avec sa délégation.

Il souhaite aussi faire référence aux échanges de vues menés avec Monsieur Xavier EMMANUELLI, Secrétaire d’Etat à l’Action Humanitaire d’Urgence, Monsieur Hervé GAYMARD, Secrétaire d’Etat à la Santé et à la Sécurité Sociale, et Monsieur Jean-Marc SAUVÉ, Secrétaire Général du Gouvernement. De plus, la délégation a eu des discussions intéressantes avec des hauts fonctionnaires des Ministères de la Justice, de la Défense, de l’Intérieur et du Ministère du Travail et des Affaires Sociales.

6. Le CPT souligne également l’assistance qu’ont prêtée à la délégation, le Président Jean-Pierre COCHARD, agent de liaison désigné en vertu de l’article 15 de la Convention, ainsi que M. Marc PERRIN DE BRICHAMBAUT, agent de liaison suppléant, Directeur des Affaires Juridiques au Ministère des Affaires Etrangères et M. Yves CHARPENTIER, Sous-Directeur des Droits de l’Homme au Ministère des Affaires Etrangères. Il remercie aussi le Docteur Claude GUBLER, Inspecteur Général des Affaires Sociales de son aide, à l’occasion des difficultés qui ont surgi en matière d’accès aux dossiers médicaux à la maison d’arrêt de Paris-La Santé (cf. paragraphe 8 ci-dessous).

7. Au niveau local, de manière générale, les responsables et le personnel des lieux visités - y compris de ceux n’ayant pas été notifiés au préalable - ont réservé un accueil très satisfaisant à la délégation et ont témoigné d’une bonne, voire excellente, coopération.

A l’évidence, il s’agit là en grande partie du résultat de l’important effort d’information fait par les autorités françaises dans la perspective de cette deuxième visite périodique. Le Premier Ministre de la France, Monsieur Alain Juppé, avait par voie de circulaire (1), rappelé aux membres du Gouvernement, les termes de la Convention, le mandat et les pouvoirs du Comité ainsi que les principales obligations d’un Etat Partie. En application de cette circulaire, des instructions détaillées ont été diffusées peu avant la visite. De plus, les membres de la délégation ont disposé d’un document émanant du Premier Ministre, invitant les autorités civiles et militaires à leur garantir l’accès, de jour comme de nuit, à tout lieu de détention.

Cela étant, il semble que ces instructions n’aient pas toujours eu la diffusion souhaitée. En effet, dans certains établissements de police visités - le Centre de rétention de Marseille-Arenc, la Vigie et le Commissariat spécial de la Gare du Nord à Paris - l’accès aux lieux a été quelque peu retardé et la délégation accueillie avec une certaine réticence initiale. Ces difficultés ont pu être réglées rapidement grâce à l’arrivée d’un fonctionnaire supérieur de police ayant autorité ou suite à des instructions données par téléphone. Néanmoins, à la Gare du Nord, la visite des lieux s’est déroulée dans une atmosphère tendue.

8. Contrairement aux visites précédentes en France, l’accès aux dossiers médicaux de personnes détenues a été source de difficultés. En effet, malgré des informations diffusées le 2 octobre 1996 par le Ministère du travail et des Affaires Sociales ainsi que par le Directeur de l’administration pénitentiaire, les médecins de la délégation se sont vu opposer par les autorités médicales compétentes un refus d’accès aux dossiers médicaux dans deux établissements pénitentiaires, à savoir, au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et à la maison d’arrêt de Paris-La Santé.

Dans le premier établissement, la question a été résolue rapidement avec la coopération des médecins de l’établissement qui ont fourni toutes les informations à caractère médical demandées. Par contre, à Paris, ce n’est qu’après un délai d’une demi-journée - et suite à l’intervention de l’agent de liaison ainsi que d’autres personnes de contact - que les médecins de la délégation ont pu se faire présenter indirectement et de manière anonyme un certain nombre de dossiers médicaux par le médecin responsable de l’U.C.S.A. (unité de consultations et de soins ambulatoires) de la prison. Les médecins de la délégation ont finalement eu un accès direct aux dossiers individuels de patients, après un délai de 24 heures, avec l’assistance du Docteur Gubler qui s’est rendu sur place pour assurer la mise à disposition des informations souhaitées.

9. En vertu de l’article 8 paragraphe 2 (d), de la Convention, une Partie doit fournir "toute ... information dont [elle] dispose et qui est nécessaire au Comité pour l’accomplissement de sa tâche". Le CPT tient à souligner qu’un accès rapide aux dossiers médicaux des personnes qui sont ou ont été privées de liberté est souvent fondamental à l’accomplissement de sa tâche. Certes, la Convention dispose qu’"en recherchant cette information, le Comité tient compte des règles de droit et de déontologie applicables au niveau national" ; toutefois, ce faisant, elle pose simplement des règles de procédure à respecter par le CPT pour avoir accès à l’information nécessaire. Ces règles ne sauraient aboutir à un refus d’accès, ni à un accès qui s’effectuerait dans des conditions telles qu’il équivaudrait à un refus. Dans les cas où la législation ou réglementation nationales constitue un obstacle pour mettre à la disposition du CPT l’information qui lui est nécessaire à l’accomplissement de sa tâche, il appartient à l’Etat de prendre les mesures nécessaires pour qu’il puisse remplir les obligations qu’il a contractées en vertu de la Convention.

Le CPT demande aux autorités françaises de prendre des mesures appropriées afin d’assurer que le Comité ait à l’avenir un accès rapide aux dossiers médicaux des personnes privées de liberté. De telles mesures devraient s’accompagner d’une information idoine des autorités et du personnel de santé publique qui sont, depuis la réforme des soins de santé en milieu pénitentiaire, compétents dans des domaines intéressant le CPT.

10. En ce qui concerne l’accès aux pièces de procédure contenant des informations fondamentales sur la garde à vue des personnes privées de liberté et leur traitement pendant cette période, celui-ci avait été subordonné par les autorités, à l’accord préalable du magistrat compétent (soit le procureur, soit le magistrat instructeur). Afin d’éviter toute difficulté pratique, la délégation a demandé une entrevue avec le Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces du Ministère de la Justice, autorité à l’origine de cette instruction. Suite à cette entrevue, le Directeur a adressé, le 10 octobre 1996, une note à l’attention des Ministres de l’Intérieur et de la Défense précisant que le CPT a accès, sur demande, aux documents directement liés à la détention et notamment aux registres de garde à vue et aux procès-verbaux d’audition, pour les enquêtes préliminaires et de flagrance sous la direction du procureur de la République. Toutefois, s’agissant de personnes gardées à vue dans le cadre d’une commission rogatoire, les termes de la note précitée continuent de subordonner l’accès à de telles pièces à l’accord du magistrat instructeur compétent. Le Comité demande aux autorités françaises de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que le CPT bénéficie d’un accès immédiat et direct aux pièces de procédure comportant des informations nécessaires au Comité pour l’accomplissement de sa tâche.

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II. CONSTATATIONS FAITES ET MESURES PRECONISEES
A. Etablissements de police et de gendarmerie
1. Mauvais traitements
11. Lors de la deuxième visite périodique, la délégation du CPT n’a entendu aucune allégation de torture ou d’autres formes de mauvais traitements de personnes détenues par la gendarmerie ; elle n’a pas non plus recueilli d’autres indices d’un tel traitement.

12. Par contre, une proportion significative des personnes rencontrées par la délégation qui étaient - ou qui avaient été récemment - placées en garde à vue par la police, ont allégué avoir été maltraitées par celle-ci. Le plus souvent, les mauvais traitements allégués auraient été infligés au moment de l’appréhension, alors que la personne était déjà maîtrisée. Toutefois, un certain nombre de personnes ont indiqué que des mauvais traitements leur avaient été infligés au cours d’interrogatoires par des fonctionnaires de police en vue d’obtenir des informations ou une déposition.

De telles allégations de mauvais traitements ont été recueillies surtout à Paris, mais également à Marseille et à Montpellier. Il importe d’ajouter que la majorité des personnes alléguant avoir été maltraitées étaient d’origine maghrébine ou africaine et / ou des personnes appréhendées parce que soupçonnées de détenir de la drogue ou d’en faire du trafic.

Les formes de mauvais traitements allégués consistaient essentiellement en gifles, coups de poings et / ou de pieds, coups de matraque, menottage serré des mains dans le dos pendant des périodes prolongées. Dans quelques cas, il a été fait état d’autres formes de brutalités (par exemple, contraindre une personne menottée dans le dos à se mettre à genoux et tirer les menottes vers le haut ; couvrir la tête d’une personne avec un seau et frapper de façon répétée avec un bâton sur le seau).

13. Pour un certain nombre de personnes rencontrées dans des établissements pénitentiaires / centres de rétention administrative visités, la délégation a recueilli des données à caractère médical compatibles avec leurs allégations de mauvais traitements infligés par la police. A titre d’exemple, quelques cas sont exposés ci-dessous.

A Paris, la délégation a rencontré un détenu à la maison d’arrêt de La Santé qui a allégué avoir été frappé au visage et sur le corps quelques jours auparavant dans un commissariat du 12e arrondissement. Le constat médical d’entrée à la maison d’arrêt comporte les indications suivantes : "hématome de l’oeil gauche ; conduits auditifs externes droit et gauche oedemaciés et hémorragiques" avec la mention "a été frappé lors de son arrestation". Une consultation ORL ultérieure de cet homme précise qu’il présentait aussi une "otorragie droite et rupture du tympan droit". L’examen pratiqué par l’un des médecins de la délégation a montré que cette personne présentait encore les lésions suivantes : une ecchymose violacée jaunâtre d’environ 4 x 5 cm sur la moitié externe de la paupière supérieure et de la paupière inférieure de l’oeil droit ; deux traces ecchymotiques parallèles d’environ 3 x 11 cm sur le bord cubital du tiers proximal de l’avant-bras droit.

Un autre homme, rencontré à la maison d’arrêt de La Santé, a allégué avoir été frappé à coups de poings lors de sa garde à vue deux jours auparavant. A l’examen par un médecin de la délégation, celui-ci présentait : une tuméfaction sensible à la palpation d’environ 3 x 4 cm sur la région temporo-frontale gauche ; une cicatrice rosée-blanchâtre de 2,5 cm sur le tiers externe de la région sourcilière gauche ; une ecchymose de 2 x 3 cm avec une excoriation de 2 x 2 cm sur l’avant-bras droit et une ecchymose de 2 x 2 cm sur le genou droit.

Un troisième détenu, rencontré dans le même établissement, a allégué que quelques trois mois auparavant, lors de son appréhension en région parisienne, alors qu’il venait d’être maîtrisé, un fonctionnaire de police lui aurait frappé la tête sur le sol à plusieurs reprises et ultérieurement alors qu’il était toujours à terre, il aurait été frappé à coups de pied dans les côtes et le sternum. Aux services de la 6ème Division de Police Judiciaire où il aurait été transféré par la suite, il serait resté pendant toute la durée de sa garde à vue (96 heures) à l’exception des périodes d’interrogatoire, menotté à une barre fixée au mur d’un bureau.

Le dossier médical établi à l’entrée en prison mentionne ce qui suit : "aurait été frappé lors de son arrestation avec des coups sur le thorax, hématome à l’oeil gauche, plaie frontale du côté gauche, douleur costale posttraumatique". Un médecin de la délégation a observé que ce détenu présentait encore une cicatrice linéaire transversale d’environ 4 cm dans la région fronto-orbitale gauche. La délégation a eu copie de la plainte que ce détenu a déposé auprès du tribunal compétent pour le traitement subi lors de son appréhension.

A Marseille, un retenu, rencontré au centre de rétention administrative d’Arenc, a allégué que deux jours auparavant, suite à une tentative d’évasion lors de son transfert par des fonctionnaires de police, il aurait été frappé à coups de pieds et de poings après avoir été maîtrisé. A l’examen, il présentait une lésion de la région frontale droite, croûteuse d’environ 1 x 8 cm ; une tuméfaction pariétale droite, d’environ 3 cm douloureuse à la palpation ; une légère tuméfaction de la face externe de l’épaule droite, douloureuse à la palpation et un status post-énucléation de l’oeil droit (la personne a indiqué avoir perdu sa prothèse oculaire lors des mauvais traitements).

Un détenu, rencontré au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes", a allégué qu’environ deux semaines auparavant, lors de sa garde à vue à l’hôtel de police, il aurait été frappé à coups de poings et un fonctionnaire lui aurait sauté à pieds joints sur le pied droit. Le constat de lésions traumatiques établi à son arrivée au centre pénitentiaire mentionne des "ecchymoses du rebord inférieur de la pommette, du bord interne de l’avant-bras droit et de la crête tibiale droite ; oedème du pied droit". Il y est précisé que cette description correspond à un "constat de coups et blessures". Le juge compétent aurait, d’après ce détenu, été informé du traitement subi.

A Montpellier, un détenu, rencontré à la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne, a allégué avoir été frappé au visage lors de sa garde à vue, près de trois mois avant la visite du CPT. Le dossier médical de cet homme consulté à la maison d’arrêt indique qu’à son arrivée, il présentait des "hématomes en lunette ; dermabrasions de la face". Un examen ophtalmologique ultérieur a révélé les lésions suivantes : une ecchymose sous palpébrale inférieure de l’oeil droit ainsi qu’une hémorragie sous-conjonctivale bulbaire oculaire droite. Un membre médecin de la délégation a constaté que ce détenu présentait encore, lors de la visite, sur le côté droit du visage deux cicatrices linéaires obliques blanchâtres, respectivement d’environ 6 cm et 3 cm de long.

Enfin, un autre détenu rencontré dans le même établissement a allégué que, quelques jours auparavant, au cours de son interrogatoire par des fonctionnaires de police à Montpellier, il aurait été frappé à l’aide d’une arme à feu sur le coude droit. Pendant que ce traitement lui aurait été infligé, il aurait eu les mains menottées dans le dos. A l’examen par un médecin de la délégation, il présentait une lésion croûteuse sur la face externe du coude droit d’environ 2 x 2,5 cm.

14. S’agissant de personnes toujours en garde à vue lors de la visite, la délégation a rencontré au centre du police du 14e arrondissement à Paris, trois gardés à vue qui, à l’examen par un médecin de la délégation, présentaient des lésions compatibles avec leurs allégations de mauvais traitements. Ces trois gardés à vue ont déclaré avoir eu les mains menottées de façon serrée pendant plusieurs heures ; ils présentaient tous des marques visibles évocatrices d’un menottage serré autour de leurs poignets. En outre, l’un d’entre eux a allégué avoir été frappé à coups de poing sur le visage pendant son interrogatoire. A l’examen, le médecin de la délégation a constaté que la partie interne de la joue droite était tumescente, lésion compatible avec son allégation.

En outre à la Vigie Gare du Nord, la délégation a observé directement la manière brutale dont un fonctionnaire de police a soulevé du sol une personne interpellée, la tirant par les menottes qui lui maintenaient les bras derrière le dos. Certains fonctionnaires présents ont justifié ce comportement par le fait que, d’après eux, la personne en question "ne faisait que simuler un malaise". Il a semblé à la délégation que l’état de stress psychologique qu’elle a noté chez les fonctionnaires de police à la Vigie Gare du Nord n’était pas totalement étranger à leur attitude.

15. Il convient encore d’ajouter que tant à Paris qu’à Marseille, la délégation a reçu communication dans les établissements pénitentiaires et autres lieux visités, de constats de lésions traumatiques en relation avec des allégations de mauvais traitements par la police, formulées par des personnes qu’elle n’a pas rencontrées. L’un de ces cas mérite d’être plus particulièrement mentionné, compte tenu de la gravité des blessures constatées. Le certificat médical en question établi un peu plus de deux mois avant la visite indique : "fracture des deux branches mandibulaires (condyles) ; ecchymoses dorsales stellaires compatibles avec un coup ou un écrasement par une semelle de soulier". Il y est précisé que les fractures de la mandibule ont été imputées par le patient à des coups portés avec une chaise par des fonctionnaires de police de la 4ème Division de Police Judiciaire à Paris.

16. Dans certains lieux visités, la délégation a eu communication de statistiques établies par le personnel médical. Par exemple, aux Urgences Médico-Judiciaires (UMJ) de l’Hôtel-Dieu à Paris, il a été indiqué que, sur l’ensemble des personnes reçues en consultation, environ 11% présenteraient des lésions traumatiques en relation avec des allégations de violence imputée aux forces de police. A Marseille, la délégation a été informée qu’un constat de lésions traumatiques en relation avec des allégations de violence policière, serait effectué tous les deux à trois jours par l’Unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d’arrêt des Baumettes.

17. La délégation a également eu un entretien avec le Directeur de l’Inspection Générale des Services à la Préfecture de police de Paris. Ce service a notamment fourni des informations statistiques sur le nombre de plaintes déposées contre des fonctionnaires de police pour faits allégués de violence dans l’exercice de leurs fonctions à Paris et dans les trois départements de la petite couronne. Ainsi, en 1994, 245 plaintes ont été déposées ; en 1995, 227 et en 1996, 206 plaintes. En ce qui concerne plus particulièrement les suites judiciaires et administratives données à de telles plaintes, seule l’année 1994 a pu faire l’objet d’une analyse plus détaillée. Sur l’ensemble des plaintes enregistrées, 235 ont fait l’objet d’une procédure judiciaire. 192 d’entre elles ont été classées par le parquet et 9 ont abouti à une condamnation judiciaire ; dans 34 cas, les suites judiciaires n’étaient pas encore connues. De plus, ces plaintes ont abouti au prononcé de 28 sanctions disciplinaires.

18. Dans le rapport qu’il a établi suite à sa première visite en France (cf. paragraphe 11 du document CPT/Inf (93) 2), le CPT avait déjà indiqué aux autorités françaises que le traitement des personnes privées de liberté par la police était pour lui source de préoccupation. A la lumière de l’ensemble des informations ci-dessus exposées, le CPT ne peut que souligner qu’il reste préoccupé par le traitement réservé aux personnes privées de liberté par la police en France et, plus particulièrement, à Paris.

19. Dans ce même rapport (paragraphe 12), le CPT avait insisté sur l’importance d’une formation professionnelle idoine, laquelle est un élément essentiel de toute stratégie de prévention des mauvais traitements. Dans le cadre du dialogue permanent qui s’est établi depuis avec les autorités françaises, le CPT a été informé du contenu des formations professionnelles des membres des forces de l’ordre (cf. notamment rapports intérimaire et de suivi adressés en réponse au rapport précité du CPT). Le CPT a noté avec intérêt que le Haut Conseil de la Déontologie policière a rendu en juin 1996, un avis relatif à la formation à la déontologie dans lequel il a entre autres indiqué que "lorsque les rapports des policiers avec le public étaient à l’origine de problèmes majeurs justement dénoncés et constatés, cela ne paraissait pas ressortir de la responsabilité des écoles mais d’autres causes auxquelles la réalisation d’un guide pratique de déontologie, ainsi qu’une étude sur la formation continue, travaux prochainement engagés, auront pour objet de porter remède". Le CPT a aussi pris connaissance des différentes dispositions de l’Arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d’emploi de la police nationale qui mettent l’accent sur la formation continue des fonctionnaires de police aux différents niveaux.

Le CPT ne peut que se féliciter de ces évolutions. A cet égard, il souhaite souligner que dans la formation professionnelle tant initiale que continue des membres de la police, deux aspects devraient être particulièrement développés à savoir : premièrement, que toute forme de mauvais traitement est un affront à la dignité humaine et, en tant que telle, incompatible avec les valeurs consacrées par les lois de la République française et les instruments internationaux que la France a ratifiés ; deuxièmement, que le recours aux mauvais traitements est une méthode inefficace pour obtenir des preuves fiables dans la répression de la criminalité.

De plus, une attention particulière devrait être accordée à l’art de se comporter envers des - et plus spécialement de parler aux - personnes détenues, c’est-à-dire aux techniques de communication interpersonnelle. La maîtrise de telles techniques permettra souvent aux membres des forces de l’ordre de désamorcer des situations susceptibles autrement de dégénérer en violence.

En conséquence, le CPT recommande aux autorités françaises d’accorder une haute priorité :

- à la réalisation d’un guide pratique de déontologie ;

- à la formation professionnelle initiale et continue du personnel de la police, à tous niveaux. L’aptitude aux techniques de communication interpersonnelle devrait être un facteur déterminant dans le recrutement des fonctionnaires de police et, en cours de formation, l’accent devrait être mis sur l’acquisition et le développement de ces techniques.

20. En ce qui concerne la Gendarmerie Nationale, le CPT a relevé l’importance accordée à l’éthique lors de la formation initiale ainsi que les mesures prises visant à rappeler régulièrement les principes déontologiques et les droits de l’homme dans la formation permanente. Dans ce contexte, le CPT a relevé que le Directeur Général de la Gendarmerie a précisé, lors d’un séminaire des commandants de sections de recherche en 1994, au sujet de leur mission d’enquête qu’ "il vaut mieux ne pas aboutir plutôt que d’utiliser des moyens qui sont critiquables".

21. A plusieurs reprises, le Ministre de l’Intérieur, le Directeur Général de la police nationale ainsi que le Préfet de Police ont adressé des messages aux fonctionnaires de police rappelant leur ferme attachement au respect de la déontologie, des lois de la République et des engagements internationaux contractés par la France. Des sanctions d’une extrême fermeté ont été annoncées à ceux qui s’en affranchiraient. En outre, le rôle primordial des autorités hiérarchiques dans leur mission d’encadrement et de contrôle de l’activité policière à tous les stades a également été mis en exergue.

De tels messages vont dans le sens recommandé au paragraphe 13 du rapport du CPT relatif à sa première visite en France ; le Comité suggère de les réitérer sous une forme adéquate à des intervalles appropriés.

22. Le CPT tient à ajouter qu’il est conscient du fait que l’arrestation d’un suspect est une tâche qui souvent comporte des risques, en particulier quand l’intéressé résiste et / ou s’il s’agit d’une personne dont les fonctionnaires de police ont de bonnes raisons de croire qu’elle peut être armée et dangereuse. Les circonstances d’une arrestation peuvent être telles que l’intéressé - et aussi, parfois, les fonctionnaires eux-mêmes - subissent des blessures sans que cela résulte de l’intention délibérée d’infliger des mauvais traitements. Néanmoins, au moment de procéder à une arrestation, l’usage de la force doit être limité à ce qui est strictement nécessaire. En outre, dès lors qu’une personne est maîtrisée, rien ne saurait jamais justifier que des membres des forces de l’ordre la brutalisent.

Compte tenu des informations recueillies lors de la deuxième visite périodique, le CPT recommande que ces préceptes soient rappelés sous une forme adéquate aux fonctionnaires de police.

23. Il est de plus notoire que l’exposition permanente à des situations de tension, voire de violence, peut entraîner des réactions psychologiques et comportementales disproportionnées. En ce domaine, le CPT souhaite savoir quelles sont les mesures préventives et de soutien mises en oeuvre pour les membres des forces de l’ordre.

24. A l’évidence, l’un des moyens les plus efficaces de prévention des mauvais traitements réside dans l’examen diligent de toutes les plaintes formulées contre des membres des forces de l’ordre et, quand nécessaire, dans l’imposition de sanctions appropriées ; cela aura un effet dissuasif très important.

Le CPT a relevé, dans ce contexte, les informations fournies par les autorités françaises sur les poursuites intentées et les sanctions infligées pour des violences illégitimes et autres mauvais traitements infligés ou tolérés par des fonctionnaires de police. Il a pris note que, d’après les autorités françaises, ces cas restent relativement rares et sont sanctionnés avec rigueur (cf. paragraphe 12 de leur rapport intérimaire ; paragraphes 18 et 19 de leur rapport de suivi ainsi que le paragraphe 17 ci-dessus).

Cela étant, des informations recueillies de diverses sources par sa délégation au cours de la visite de 1996 ont laissé entendre que des certificats médicaux, versés aux dossiers judiciaires de personnes en garde à vue, faisant état de lésions traumatiques ne recevraient pas toujours l’attention voulue, en particulier, s’agissant des circonstances qui peuvent en être à l’origine.

Par ailleurs, la délégation a entendu plusieurs allégations de la part de personnes détenues qui ont indiqué avoir fait état devant le juge d’instruction de mauvais traitements sans que cela eût suscité une réaction particulière.

Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises sur ces deux points ainsi que des informations sur la procédure et la pratique suivies par les autorités compétentes (officier de police judiciaire, ministère public, juge d’instruction) lorsque des pièces versées dans le dossier judiciaire de personnes gardées à vue (certificat médical, fiche d’observation d’un avocat) mentionnent des lésions compatibles avec des allégations de mauvais traitements formulées ou font état de telles allégations.

Plus généralement, il souhaite obtenir pour les années 1995 et 1996 les informations suivantes :

- nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées contre des membres des forces de l’ordre en France et nombre de poursuites pénales / disciplinaires engagées suite à celles-ci ;

- un relevé des sanctions pénales / disciplinaires prononcées suite à des plaintes pour mauvais traitements.

25. L’importance du rôle des médecins dans la prévention des mauvais traitements doit aussi être soulignée. L’efficacité de ce rôle suppose notamment une consignation satisfaisante des données à caractère médical et, dans les cas appropriés, la transmission de ces données à l’autorité compétente.

A cet égard, il a été constaté qu’en général, le contenu des certificats médicaux, établis par des médecins appelés à examiner des personnes en garde à vue, se limitait à indiquer si l’état de santé de la personne était ou non compatible avec la garde à vue.

En ce domaine, le CPT ne peut que réitérer la recommandation formulée au paragraphe 44 de son premier rapport selon laquelle les résultats de toute consultation médicale, de même que les déclarations pertinentes de la personne détenue et les conclusions du médecin, doivent être consignés formellement par le médecin et mis à la disposition de la personne concernée et de son avocat.

26. Dans son premier rapport, le CPT avait souligné l’importance du contrôle des mesures de garde à vue sur leur lieu d’exécution par les autorités judiciaires. Il avait ultérieurement pris note avec satisfaction de la disposition introduite en 1993 dans le Code de procédure pénale (cf. article 41) qui consacre expressément le principe du contrôle des mesures de garde à vue par le Procureur de la République (voir le rapport du CPT établi suite à la visite en Martinique, paragraphe 23 du document CPT/Inf (96) 24). Cela étant, dans certains établissements de police et de gendarmerie visités en 1996, il a été indiqué à la délégation que les visites de membres des parquets demeuraient chose rare.

Le CPT serait reconnaissant d’obtenir les commentaires des autorités françaises à cet égard.

2. Conditions de détention
a. introduction
27. En France, la garde à vue de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ne peut, en principe, excéder 24 heures ; toutefois, sur décision du procureur compétent, le délai de garde à vue peut être porté à 48 heures. La garde à vue peut être prolongée d’encore 48 heures (c’est-à-dire avoir une durée maximale de 4 jours) lorsque l’enquête porte sur la lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupéfiants ; en ces cas, la décision incombe au juge compétent.

Deux autres catégories de personnes peuvent être détenues pour une durée relativement brève dans les locaux des forces de l’ordre. Une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics peut être conduite dans les locaux des forces de l’ordre et y être détenue jusqu’à ce qu’elle "ait recouvré sa raison" ; en outre, dans certaines circonstances, une personne peut être détenue pendant 4 heures au maximum pendant que les membres des forces de l’ordre prennent les mesures nécessaires pour établir son identité.

28. Au vu des constatations faites lors de la visite de 1996, le Comité souhaite rappeler aux autorités françaises les conditions de détention qu’il convient d’assurer aux personnes placées en garde à vue.

Toutes les cellules des forces de l’ordre devraient être propres, d’une taille raisonnable, eu égard au nombre de personnes qu’elles sont censées recevoir, et bénéficier d’un éclairage (suffisant pour lire en dehors des périodes de sommeil) et d’une ventilation adéquats ; les cellules devraient, de préférence, bénéficier de la lumière naturelle. De plus, les cellules devraient être aménagées de façon à permettre le repos (par exemple, un siège ou une banquette fixe) et les personnes obligées de passer la nuit en détention devraient pouvoir disposer d’un matelas et de couvertures propres.

Les personnes détenues par les forces de l’ordre devraient être en mesure de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu, dans des conditions de propreté et de décence, et devraient disposer de possibilités adéquates pour faire leur toilette. Ces personnes devraient avoir accès à de l’eau potable et recevoir de quoi manger, aux heures normales, y compris un repas complet (c’est-à-dire quelque chose de plus substantiel qu’un sandwich) au moins chaque jour. Les personnes placées en garde à vue pour une période prolongée (24 heures ou plus) devraient pouvoir bénéficier, dans la mesure du possible, d’une séance quotidienne d’exercice en plein air.

b. visites de suivi
29. Les conditions matérielles de détention à l’hôtel de police de Marseille avaient été l’objet de remarques critiques dans le rapport du CPT relatif à sa première visite (cf. paragraphe 21, CPT/Inf (93) 2). Lors de la deuxième visite, la délégation a constaté que d’importants travaux de rénovation étaient en cours.

Environ la moitié des cellules individuelles avaient fait l’objet de travaux de réfection (peintures refaites, toilettes remplacées), grâce auxquels elles étaient dans un état d’entretien et de propreté satisfaisant. Toutefois, le projecteur halogène installé dans ces cellules, diffusait une lumière violente, interdisant tout repos. En ce qui concerne les cellules individuelles non refaites, les conditions de détention laissaient encore grandement à désirer. De plus, la soufflerie du système d’aération provoquait un bruit assourdissant dans toutes ces cellules.

S’agissant des cellules de garde à vue collectives, celles-ci n’avaient guère connu de modifications. De manière générale, elles étaient toujours mal entretenues, l’éclairage et l’aération étaient restés médiocres. Les toilettes dont certaines étaient équipées, étaient repoussantes de saleté et dégageaient une forte odeur d’urine.

Il faut ajouter que, depuis la visite de 1991, deux cellules réservées aux mineurs hébergés ont été aménagées ; celles-ci offraient des conditions matérielles d’un niveau nettement supérieur.

Par lettre en date du 7 février 1997, les autorités françaises ont transmis au CPT des informations détaillées sur l’intégralité des travaux de rénovation engagés. Outre la poursuite de la rénovation des cellules individuelles et collectives susvisées, il est en particulier prévu d’aménager un secteur de détention pour les femmes et un pour les mineurs, des installations sanitaires supplémentaires (y compris pour personnes handicapées) ainsi que d’installer un nouveau système de ventilation automatisé / refroidissement d’air et de remettre à neuf les systèmes d’écoulement d’eau. Ces travaux devraient être achevés à la fin du premier semestre 1997.

A l’image de tous les établissements de police visités (à l’exception notable du quartier des femmes du dépôt de la Préfecture de police de Paris), aucun matelas n’était mis à disposition des personnes contraintes de passer la nuit en détention. Des couvertures ont été vues dans certaines cellules de garde à vue ; toutefois, elles étaient sales.

30. Les caractéristiques générales du dépôt de la Préfecture de police de Paris ont été décrites en détail dans les rapports relatifs aux visites en France du CPT en 1991 (cf. paragraphes 27 et suivants du document CPT/Inf (93) 2) et en 1994 (cf. paragraphes 9 à 11, document CPT/Inf (96) 2).

En ce qui concerne les locaux réservés aux détenus de droit commun, la délégation a constaté que le système d’aération avait été amélioré et que le taux d’occupation des cellules avait été quelque peu réduit. Sur ce dernier point, il a été dit à la délégation que des efforts étaient faits afin que les personnes détenues ne restent pas au dépôt plus longtemps que ce qui était strictement nécessaire et qu’elles comparaissent sans délai devant le juge. En conséquence, il semblerait que le nombre de personnes contraintes de séjourner pour une période prolongée dans ces locaux ait diminué ; il a été dit à la délégation que jusqu’à cinquante personnes pouvaient y être détenues pendant la journée et que, la nuit, leur nombre baissait normalement à environ une douzaine (cf. paragraphe 27, document CPT/Inf (93) 2). Il s’agit là d’une évolution intéressante qui devrait permettre de rendre les conditions de détention au dépôt conformes aux critères énoncés par le CPT, notamment en ce qui concerne les taux d’occupation. Cependant, lors de la visite, plusieurs cellules hébergeaient deux détenus et certaines, trois. A cet égard, le CPT tient à rappeler que, vu la taille des cellules (6,75 m²), un hébergement de trois personnes, la nuit, ne peut pas être considéré comme acceptable. De plus, même si un taux d’occupation de deux personnes par cellule la nuit pouvait être admis, un hébergement individuel serait préférable (cf. paragraphe 28 du document précité). L’éclairage artificiel dans la plupart des cellules continuait d’être médiocre et un certain nombre d’entre elles étaient sales et dégageaient une odeur incommodante. Plus généralement, l’atmosphère dans les cellules était toujours oppressante et sombre. En outre, il convient de revoir la question des dispositions prises pour la nuit en ce qui concerne les détenus de sexe masculin au dépôt, y compris les mineurs. Ceux qui y passaient la nuit ne disposaient ni d’un matelas ni de couvertures.

Mise à part la question de la mise à disposition de matelas et de couvertures, la section des mineurs continuait d’offrir des conditions de détention satisfaisantes. Par ailleurs, de même que lors des visites précédentes du CPT au dépôt, les locaux de détention des femmes offraient des conditions de détention adéquates. A cet égard, il faut noter tout particulièrement que, contrairement aux hommes, les femmes détenues disposaient d’un lit et de literie (un matelas, des draps et des couvertures propres).

31. S’agissant des locaux du poste de police de la Goutte d’Or et des services de la 2e DPJ se trouvant dans le même complexe, (paragraphe 24, CPT/Inf (93) 2), les conditions de détention restaient en général adéquates (sous la réserve habituelle de l’absence de matelas et de couvertures pour les personnes contraintes de passer la nuit en détention). Cela dit, le CPT souhaite rappeler que des locaux de garde à vue de dimensions réduites comme les quatre petits locaux de jour des brigades d’enquête (environ 2,50 m²) devraient être réservés à des placements individuels de très courte durée.

c. établissements visités pour la première fois
32. Quant aux établissements de police nouvellement visités en province et à Paris, les locaux de garde à vue présentaient peu ou prou les mêmes caractéristiques partout. Il s’agissait le plus souvent de locaux vitrés ou pourvus d’une grille ; leurs dimensions variaient d’environ 4 m² à 13 m², et ils comportaient un banc. A la brigade de protection des mineurs à Paris, certains locaux de garde à vue étaient de dimensions très réduites (2 m²) et, de ce fait, à la limite de l’acceptable pour être utilisés à des fins de détention quelle qu’en soit la durée.

Seuls les locaux de garde à vue à la 6ème Division de Police Judiciaire à Paris bénéficiaient d’un éclairage naturel satisfaisant. De plus, par endroits seulement, l’éclairage artificiel était adéquat pour les périodes de veille et il était parfois d’une intensité trop vive pour les périodes de repos. La plupart des lieux de détention de la police visités étaient dans un état satisfaisant de propreté et d’hygiène. Cependant, tel n’était pas le cas des cellules de l’hôtel de police de Montpellier ; elles étaient repoussantes de saleté et dégageaient une forte odeur d’urine.

Plusieurs établissements de police visités disposaient aussi de cellules de dégrisement dont les conditions de détention étaient dans l’ensemble satisfaisantes. Elles étaient d’une taille adéquate pour une seule personne, équipées d’une plate-forme recouverte de bois ainsi que d’un W.-C. et disposaient d’un éclairage artificiel (qui, contrairement aux locaux utilisés pour la détention des personnes soupçonnées d’une infraction pénale, n’était pas allumé en permanence) et d’une aération satisfaisants. Cependant, certaines des cellules de dégrisement du Centre de police du 14e arrondissement étaient sales et leur aération laissait à désirer.

Cela étant, dans aucun de ces établissements, des matelas ou couvertures n’étaient fournis aux personnes contraintes de passer la nuit en garde à vue ; ceci était aussi le cas pour les personnes placées en cellule de dégrisement.

33. Quant aux Brigades territoriales de gendarmerie visitées, celle de Berre-L’Etang offrait, à tous points de vue, des conditions de détention acceptables. Par contre, à Marignane et Montpellier, certaines insuffisances ont été relevées.

Les deux chambres de sûreté de la Brigade de Marignane n’étaient pas pourvues d’un éclairage artificiel et l’aération, assurée par un petit tuyau dans le mur, était médiocre. En outre, leur état d’entretien laissait à désirer. Il faut ajouter que ces cellules, de par leur taille (3,45 m²), ne conviennent pas à l’hébergement d’une personne dont la garde à vue se prolonge la nuit.

A Montpellier, l’aération dans les quatre chambres de sûreté était également médiocre. De plus, aucun système de chauffage n’était prévu. A cet égard, il a été avancé à la délégation que personne n’était placé la nuit dans ces cellules, en particulier en hiver. Toutefois, l’examen attentif du registre de garde à vue n’a pas rassuré la délégation sur ce point.

Il importe néanmoins de relever que toutes les cellules des établissements de gendarmerie visités présentaient un avantage de taille par rapport aux locaux de garde à vue de la police, à savoir qu’elles étaient équipées d’une plate-forme de repos, pourvue d’un matelas et de couvertures.

34. Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir les conditions de détention dans les établissements de police et de gendarmerie visités, à la lumière des remarques formulées aux paragraphes 28 à 33 ci-dessus.

* * *

35. Il apparaît clairement des constatations faites par la délégation que la plupart des établissements de police visités peuvent assurer des conditions de garde à vue adéquates pour des séjours de quelques heures. Toutefois, des gardes à vue de 24 à 48 heures dans de tels locaux sont chose fréquente et aux termes du Code de procédure pénale, la garde à vue peut aller jusqu’à 96 heures. Détenir, pendant de telles périodes, des personnes dans des locaux sommairement équipés, sans mettre à leur disposition un matelas et des couvertures ni même toujours leur assurer la possibilité de s’allonger pour dormir, et de surcroît les exposer à un éclairage permanent (parfois de forte intensité) n’est pas acceptable.

En fait, il semble que les conditions de détention dans les établissements de police, même dans ceux récents ou rénovés, reposent sur une conception littérale de la garde à vue laquelle privilégie la nécessité de maintenir physiquement la personne à portée de vue au détriment de considérations liées à des conditions de détention décentes, en particulier lorsque la privation de liberté se prolonge. Cette idée s’impose d’autant plus à l’esprit que, lorsque l’établissement dispose de cellules offrant un minimum de moyens de se reposer, celles-ci ne sont pas utilisées pour les personnes contraintes de passer la nuit en garde à vue , alors même qu’elles sont vides.

Le temps semble venu de réfléchir à l’établissement de normes pour les locaux de détention dans les établissements de police, à l’instar de ce qui a été fait par la Gendarmerie Nationale (cf. annexes 10 et 11 du rapport de suivi des autorités françaises). A cet égard, la délégation a noté avec satisfaction que le Ministre de la Justice avait demandé aux procureurs d’établir un rapport sur les conditions matérielles de la garde à vue en France.

A la lumière de ce qui précède, le CPT recommande aux autorités françaises d’accorder une très haute priorité aux mesures destinées à l’adaptation des conditions matérielles de la garde à vue dans les établissements de police.

d. alimentation des personnes gardées à vue
36. L’alimentation des personnes gardées à vue par la police continue d’être une source de préoccupation pour le CPT. La nourriture proposée consiste toujours en sandwich ou autre nourriture similaire et, dans la capitale, il est apparu que même la fourniture d’un sandwich était aléatoire. De nombreuses personnes rencontrées de manière séparée qui avaient été en garde à vue par la police à Paris ou dans la région parisienne ont affirmé ne s’être rien vu proposer à manger - voire parfois à boire - lors de leur garde à vue, cela même quand elles étaient solvables. Ce n’est qu’en arrivant au dépôt de la Préfecture de Police de Paris qu’elles auraient pu prendre leur premier en-cas depuis leur placement en garde à vue. Il faut ajouter que les explications fournies par les fonctionnaires de police rencontrés à Paris n’ont pas rassuré la délégation sur ce point. Il est clairement apparu que le système en pratique repose sur la "débrouillardise" et la bonne volonté des fonctionnaires de service. A cet égard, il faut rappeler que les autorités françaises ont informé le Comité que les fonctionnaires de police avaient pour instructions permanentes de veiller à ce que les personnes placées en garde à vue puissent se restaurer aux heures habituelles de repas (voir réponse des autorités françaises au rapport du CPT relatif à la visite effectuée en France du 20 au 22 juillet 1994 ; page 27 CPT/Inf (96) 2).

Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre sans délai des mesures pour assurer que toute personne en garde à vue reçoive de quoi manger aux heures normales de repas, conformément aux instructions qu’elles ont édictées.

Quant à la mise à disposition d’un véritable repas au moins une fois par jour, le CPT a appris avec satisfaction que les autorités françaises ont entamé des études au sein du Conseil de l’Equipement et de la Logistique pour parvenir à la conception de couverts correspondant aux impératifs de sécurité et à la nécessité pour les gardés à vue d’avoir une alimentation satisfaisante.

Le CPT souhaite être informé du résultat de ces études.

 

3. Garanties fondamentales contre les mauvais traitements
37. Dans le rapport relatif à sa première visite, le CPT avait relevé un certain nombre de lacunes dans les garanties fondamentales des personnes privées de liberté contre les mauvais traitements (notamment en ce qui concerne le droit pour une personne en garde à vue d’informer un proche ou un tiers de sa détention, le droit à l’accès à un avocat ainsi que le droit à l’accès à un médecin de son choix (en sus de l’accès à un médecin appelé par les forces de l’ordre)). Il avait, en conséquence, formulé une série de recommandations en vue du renforcement de ces garanties.

Depuis, cette question a été au centre du dialogue que le CPT entretient avec les autorités françaises, en particulier suite aux réformes successives du Code de procédure pénale. Si la première réforme de 1993 était de nature à renforcer considérablement la protection des personnes privées de liberté, les modifications apportées ultérieurement ont entraîné des restrictions importantes à deux de ces garanties, à savoir : le droit à l’accès à un avocat et le droit à l’accès à un médecin du choix de la personne en garde à vue.

38. Avant de s’attacher à ces deux questions, on rappellera que le droit d’une personne en garde à vue d’informer un proche ou un tiers de sa situation, a été consacré par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale (article 63.2 du Code de procédure pénale). Ultérieurement, une loi du 24 août 1993 a élargi le cercle de proches / tiers pouvant être informés du placement en garde à vue (c’est-à-dire quelqu’un avec qui la personne gardée à vue vit habituellement, l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et soeurs ou son employeur). En outre, toute restriction à l’exercice de ce droit, doit être porté sans délai à la connaissance du procureur de la République.

De telles dispositions répondent à la recommandation que le Comité avait formulée dans son premier rapport (cf. paragraphe 40, document CPT/Inf (93) 2).

39. Quant au droit à l’accès à un avocat pour une personne en garde à vue, il est, depuis 1993, consacré par le Code de Procédure pénale. Toutefois, en vertu de l’article 63-4 du Code de procédure pénale dans son libellé actuel, ce droit n’est reconnu que "lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue" (2). Ce délai est porté à trente six heures lorsque l’enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs prévue par l’article 450-1 du Code pénal ou certaines autres infractions limitativement énumérées. Il est porté à soixante douze heures lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation (c’est-à-dire, si l’enquête a pour objet une infraction relative au trafic de stupéfiants ou à des actes de terrorisme). Même si un progrès indéniable a été fait depuis la première visite du CPT, il n’en reste pas moins que l’étendue du droit à l’accès à un avocat demeure perfectible.

Le CPT tient à rappeler que, d’après son expérience, la période qui suit immédiatement la privation de liberté est celle où le risque d’intimidation et de mauvais traitements physiques est le plus grand. En conséquence, la possibilité pour les personnes en garde à vue d’avoir accès à un avocat dès le début de leur privation de liberté est une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. L’existence de cette possibilité aura un effet dissuasif sur ceux qui seraient enclins à maltraiter les personnes détenues ; en outre, un avocat est bien placé pour prendre des mesures qui s’imposent si des personnes ont effectivement été maltraitées.

Le CPT reconnaît que, dans le but de préserver le cours de la justice, il peut être exceptionnellement nécessaire de retarder pendant un certain temps l’accès d’une personne à l’avocat de son choix. Néanmoins, cela ne devrait pas avoir pour conséquence le refus total du droit à l’accès à un avocat pendant la période en question. En pareil cas, il convient d’organiser l’accès à un autre avocat indépendant dont on peut être certain qu’il n’entravera pas le cours de la justice.

Quant au contenu du droit à l’accès à un avocat, celui-ci doit comprendre le droit pour la personne en garde à vue de s’entretenir en privé avec l’avocat. Un tel entretien confidentiel entre la personne gardée à vue et l’avocat est prévu par le Code de procédure pénale, bien qu’il soit limité à trente minutes. Les autorités françaises ont informé le CPT que le caractère confidentiel de l’entretien avec l’avocat est strictement respecté et que, le plus souvent, un local spécialement aménagé est mis à la disposition du gardé à vue et de l’avocat. La délégation a effectivement observé que, dans un certain nombre d’établissements de police visités, des locaux avaient été aménagés à cet effet ; toutefois, l’acoustique était parfois (par exemple, à l’hôtel de Police de Marseille) telle qu’elle pouvait permettre d’entendre la conversation à partir de l’extérieur.

De l’avis du CPT, le droit à l’accès à un avocat devrait aussi comprendre le droit pour la personne concernée de bénéficier de la présence d’un avocat pendant tout interrogatoire mené par la police / gendarmerie (que ce soit pendant ou après la période initiale de garde à vue). Bien entendu, le fait qu’une personne détenue ait indiqué qu’elle souhaite la présence d’un avocat ne devrait pas empêcher la police / gendarmerie de commencer à l’interroger sur des questions urgentes avant que l’avocat n’arrive. Le remplacement de l’avocat qui empêcherait le bon déroulement d’un interrogatoire pourrait également être prévu, étant entendu qu’une telle possibilité devrait être étroitement circonscrite et faire l’objet de garanties appropriées.

40. Quant à l’accès à un médecin pour une personne placée en garde à vue, des progrès notables sont intervenus depuis la première visite en France. Le droit d’une personne en garde à vue d’être examinée par un médecin à sa demande ou à la demande d’un membre de sa famille, dès le début de sa garde à vue, est à présent expressément consacré par le Code de procédure pénale, dans son article 63-3. Toutefois, une personne en garde à vue n’est toujours pas en mesure de faire appel à un médecin de son choix, comme le CPT l’avait recommandé.

En ce qui concerne ce dernier point, le CPT souhaite préciser qu’il ne s’agit pas d’offrir une telle possibilité à titre principal, mais bien à titre subsidiaire, si la personne concernée estime que l’intervention du médecin désigné par l’autorité compétente devrait être complétée par un second examen. En outre, rien n’empêcherait qu’un tel examen soit effectué aux frais de la personne en garde à vue. Prévoir le libre choix du médecin amené à effectuer ce second examen constituerait, de l’avis du CPT, la solution la plus simple. Le CPT tient à ajouter qu’il conçoit parfaitement que la présence d’un médecin désigné par l’autorité compétente puisse être requise, dans certains cas, lors de l’examen effectué par le médecin choisi par la personne en garde à vue.

41. Le Ministre de la Justice a informé la délégation qu’il envisageait de proposer en 1997 la création d’un régime légal de la garde à vue destiné à assurer la meilleure protection possible aux personnes privées de liberté.

Le CPT ne peut que se féliciter de cette initiative et recommande qu’à cette occasion les autorités françaises reconsidèrent le droit d’une personne en garde à vue à l’accès à un avocat et à un médecin de son choix, en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 39 et 40 ci-dessus.

42. Le CPT avait aussi souligné dans son premier rapport que les personnes détenues par la police / gendarmerie devraient sans délai être expressément informées de tous leurs droits. Dans le rapport relatif à la visite en Martinique (CPT/Inf (96) 24 ; paragraphe 22), le CPT a relevé que l’article 63-1 nouveau du Code de procédure pénale prévoit que toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée de ses droits et des dispositions relatives à la durée de la garde à vue. Mention de cette information doit être portée au procès-verbal et doit être émargée par la personne en garde à vue. Le refus d’émargement par la personne en garde à vue doit aussi être mentionné. La disposition précitée prévoit, en outre, que ces informations doivent être communiquées à la personne dans une langue qu’elle comprend.

La délégation, qui a effectué la deuxième visite, a constaté que les dispositions de l’article 63-1 du Code de procédure pénale étaient respectées en pratique.

Le Comité avait recommandé dans son premier rapport (paragraphe 46), qu’un document décrivant les droits des personnes en garde à vue soit mis à leur disposition dès le début de leur détention dans un éventail de langues appropriées. Les autorités françaises ont confirmé à la délégation que de tels imprimés avaient été diffusés dans les langues les plus usitées sur l’ensemble du territoire. Elles ont aussi précisé qu’en cas de besoin, il peut également être fait appel à un interprète.

Cela étant, ces imprimés n’ont été vus que rarement dans les établissements de police / gendarmerie visités. Le CPT recommande aux autorités françaises de vérifier la situation à cet égard dans les établissements de police / gendarmerie et de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées.

43. Parmi les recommandations formulées en 1991, figurait l’élaboration d’un code de conduite des interrogatoires (cf. paragraphe 48 du document CPT/Inf (93) 2). A ce jour, un tel code n’a pas encore été élaboré.

Il est indéniable que le Code de procédure pénale énonce des principes procéduraux importants s’agissant de l’interrogatoire des personnes gardées à vue. Le Comité reste néanmoins convaincu de la nécessité d’élaborer un code de conduite des interrogatoires décrivant en détail la démarche à adopter sur un certain nombre de points spécifiques, tels ceux mentionnés à titre d’exemple au paragraphe 48 de son rapport précité. L’existence d’un tel code permettrait notamment de donner une assise plus solide aux enseignements dispensés pendant la formation professionnelle.

Le CPT prend note avec intérêt que le Directeur du Cabinet du Ministère de l’Intérieur s’est déclaré prêt à faire mener une réflexion sur l’élaboration d’un guide pratique des interrogatoires de police. Il ne peut qu’encourager cette initiative et souhaite être informé de tout développement à cet égard.

4. Prise en charge médicale des personnes privées de liberté par les forces de l’ordre
44. Dans son premier rapport, le CPT avait consacré un certain nombre de développements à deux des services médicaux qui prennent en charge à Paris des personnes détenues par la police / gendarmerie : le Service des Urgences Médico-Judiciaires et la Salle Cusco à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu (cf. paragraphes 56 à 62 du rapport susvisé). Ces deux services ont fait l’objet d’une visite de suivi en 1996.

45. En 1991, les conditions matérielles des infrastructures du Service des Urgences Médico- Judiciaires destinées aux personnes en garde à vue n’avaient pas été considérées comme adéquates par la délégation qui avait effectué la visite. Elle avait, notamment, constaté que la salle d’attente unique pour toutes les personnes se présentant ou étant présentées au service engendrait une situation des plus inappropriées (cf. paragraphe 58, doc. CPT/Inf (93) 2). La délégation qui a effectué la deuxième visite périodique a relevé avec satisfaction qu’il existait depuis peu des locaux d’attente et de prise en charge médicale séparés pour les victimes de violence et les personnes en garde à vue. De plus, de nouveaux locaux pour l’accueil et les examens / soins médicaux des gardés à vue étaient en cours d’aménagement. Les travaux initiés avaient pour finalité de créer une entrée réservée aux personnes en garde à vue indépendante de l’accueil du service, ce qui présentera un avantage considérable par rapport à la situation actuelle où visiteurs et patients (quels qu’ils soient) transitent par la même entrée ; une salle d’attente et trois salles de consultation médicale (dont une équipée d’installations adéquates pour des personnes amenées pour suspicion de dissimulation intra-corporelle de stupéfiants). Toutefois, la date de mise en service de ces nouveaux locaux n’était pas connue. Le CPT souhaite obtenir des informations sur ce point.

46. Un point particulier doit encore être soulevé en ce qui concerne l’arrivée des personnes privées de liberté au Service des Urgences Médico-Judiciaires. La délégation a observé que celles-ci étaient extraites des véhicules des forces de l’ordre dans la rue - à hauteur de l’entrée latérale de l’Hôtel-Dieu (apparemment, ces véhicules ne pouvaient plus accéder à la cour intérieure de l’hôpital, réservée au stationnement des voitures du personnel) - et effectuaient un parcours assez long, au vu et au su du public, les mains menottées dans le dos sous l’escorte de plusieurs fonctionnaires de police. Le CPT considère qu’une telle situation n’est pas acceptable et recommande aux autorités françaises de prendre sans délai des mesures pour assurer que les personnes en garde à vue soient amenées au Service des Urgences Médico-Judiciaires dans des conditions qui préservent leur dignité.

De plus, la délégation a constaté que toutes les personnes détenues qui étaient amenées à ce service lors de la visite étaient menottées. Le personnel l’a informée que tel était toujours le cas, ce quand bien même il y avait une contre-indication médicale. Le CPT ne peut que relever la contradiction entre cette pratique du menottage systématique et les dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale (3) : "Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite". Il convient d’ajouter que la circulaire générale de procédure pénale précise en la matière que, sous réserve de circonstances particulières, une personne dont l’état de santé réduit la capacité de mouvement n’est pas susceptible de présenter les risques prévus par la loi.

Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises à cet égard. Plus généralement, il demande aux autorités françaises de lui fournir copie des instructions données, depuis l’entrée en vigueur de l’article 803 précité, aux forces de l’ordre (police et gendarmerie) au sujet du port de menottes et d’entraves des personnes privées de liberté à l’occasion des escortes.

47. Le CPT avait relevé lors de la visite de 1991 que le formulaire médical utilisé par le Service des Urgences Médico-Judiciaires pour les personnes en garde à vue ne comportait pas - à la différence de celui utilisé pour les victimes de violences - une rubrique pour les plaintes. La délégation qui a effectué la deuxième visite périodique a constaté que cette situation a été modifiée. A présent, le rapport médical établi pour les personnes en garde à vue comporte une telle rubrique. Ce rapport est remis sous pli fermé à l’escorte de police qui le transmet à l’officier de police judiciaire en charge de l’enquête. Toute personne en garde à vue pour laquelle un constat de lésions traumatiques a été effectué, est informée par le médecin qu’une copie de ce document est versé à son dossier médical et qu’elle peut en obtenir un exemplaire ultérieurement.

Tout en notant avec intérêt les évolutions intervenues, le CPT tient à rappeler ici la recommandation faite au paragraphe 25 ci-dessus.

48. Quant à la Salle Cusco, locaux et équipement étaient toujours d’un niveau acceptable et certains travaux pour améliorer la sécurité (aménagement d’une évacuation en cas d’incendie, etc.) étaient en cours. Cela étant, les chambres des malades méritent à présent une remise à neuf.

Les conditions de séjour n’étaient pas idéales pour des patients qui étaient hospitalisés pendant des périodes prolongées (par exemple, patients placés sous mandat de dépôt ou patients adressés par des maisons d’arrêt), aucun régime différencié n’étant mis en place en pratique. Le CPT a relevé à cet égard que le rapport de 1995 établi conjointement par l’Inspection Générale des Affaires Sociales et l’Inspection Générale des Services Judiciaires et portant notamment sur les conditions d’hospitalisation des personnes incarcérées, préconise le réaménagement de la Salle Cusco et de la réserver aux gardes à vue et aux prévenus contre lesquels vient d’être délivré mandat de dépôt, le temps nécessaire à leur admission en milieu hospitalier. Le CPT souhaite être informé des suites données à cette proposition.

49. S’agissant de la prise en charge médicale des patients, il est apparu qu’il n’y avait pas de praticien hospitalier spécifiquement attaché à la Salle Cusco. Les médecins spécialistes de l’hôpital se rendaient dans cette unité pour suivre les patients relevant de leur champ d’activité médicale. Le personnel infirmier devait dès lors être attentif à d’éventuelles co-morbidités présentées par les patients et, le cas échéant, faire appel à d’autres médecins spécialistes. Cette question a aussi été évoquée dans le rapport ci-dessus cité.

Le CPT considère qu’il serait souhaitable de prévoir la présence régulière d’un médecin à la Salle Cusco lequel pourrait assurer la supervision générale des patients hospitalisés et être un premier recours pour le personnel infirmier. Il recommande aux autorités françaises de prendre les mesures nécessaires à cet effet.

50. La délégation a également effectué une visite à l’Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de police, qui est un service d’urgence et d’observation psychiatriques notamment pour des personnes interpellées ou en garde à vue dont le comportement laisse présumer des troubles mentaux. D’autres catégories de personnes peuvent aussi y être adressées : personnes devant subir une expertise psychiatrique légale ; prévenus ou condamnés en provenance des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) des établissements pénitentiaires de Paris et de la banlieue.

La durée du séjour est de 48 heures au maximum, le temps pour les médecins de décider si l’état de santé de la personne exige ou non une hospitalisation en institution spécialisée ou d’autres soins psychiatriques. Les infrastructures et chambres des patients n’appellent pas de commentaires particuliers.

51. La délégation a constaté qu’outre le recours à l’isolement, les patients agités pouvaient être soumis à des moyens de contention physique (application de sangles), sur autorisation d’un médecin. Il a été indiqué par le personnel que la durée d’application des moyens de contention physique ne dépassait pas deux heures, le temps pour le traitement médicamenteux administré au patient de produire ses effets. Toutefois, le recours à ces moyens et à l’isolement n’apparaissait pas faire l’objet d’une consignation spécifique dans un registre ad hoc. A cet égard, le CPT renvoie à la recommandation formulée au paragraphe 185 ci-dessous qui s’applique mutatis mutandis.

* * *

52. La réforme du Code de procédure pénale relative au droit à l’accès à un médecin désigné par l’autorité compétente a entraîné un accroissement des examens médicaux dans les établissements des forces de l’ordre. A l’exception notable de l’hôtel de police de Marseille, aucun des établissements des forces de l’ordre visités à Paris et en province n’était doté d’un local adéquat pour effectuer un examen médical.

Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre des mesures afin d’assurer que les examens médicaux des personnes en garde à vue dans les locaux des forces de l’ordre puissent être réalisés dans des conditions matérielles satisfaisantes garantissant notamment la confidentialité des examens.

 

B. Centres de rétention administrative pour ressortissants étrangers
53. D’emblée, le CPT tient à souligner que sa délégation n’a entendu aucune allégation de mauvais traitements physiques de personnes retenues par des membres du personnel des centres de rétention visités.

1. Centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de police de Paris
54. Les conditions de rétention observées en 1991 dans le quartier pour hommes de ce Centre par la délégation du CPT l’avait amenée à communiquer sur-le-champ une observation en vertu de l’article 8, paragraphe 5, de la Convention (voir paragraphe 70, document CPT/Inf (93) 2). Lors de la visite effectuée en 1994, plusieurs modifications avaient été notées qui avaient quelque peu amélioré les conditions matérielles de rétention ; néanmoins, d’importantes déficiences subsistaient (voir paragraphes 15 et 16, document CPT/Inf (96) 2). Comme indiqué par les autorités françaises (cf. doc. CPT/Inf (96) 2), les locaux du centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de police de Paris, avaient été provisoirement fermés en mai 1995 afin d’accélérer la rénovation prévue. La délégation qui a effectué la visite en 1996 a constaté sur place que ces travaux étaient en voie d’achèvement et elle a été informée que la nouvelle capacité des locaux réservés aux hommes serait d’une quarantaine de places (elle était auparavant de 92 places).

55. Les chambres prévues pour les retenus étaient de dimensions acceptables (de 8 à 15 m²) pour le nombre d’occupants prévu (de deux à quatre), en particulier parce qu’il était envisagé de pratiquer une politique de "portes ouvertes" permettant aux retenus de circuler dans le centre de 6h 30 à 23h 30. Ces chambres étaient équipées de lits pourvus de nouveaux matelas ignifugés, de tables ainsi que de chaises et un système d’appel y avait été installé. Les fenêtres des pièces avaient été remplacées et les châssis ouvrants réparés. L’éclairage artificiel comme l’aération étaient d’un niveau satisfaisant. Le système de chauffage avait aussi fait l’objet d’améliorations.

Les nouvelles annexes sanitaires comportaient des lavabos, douches et toilettes en nombre suffisant. De plus, la cuisine du centre de rétention administrative a été entièrement rééquipée et deux réfectoires ont été aménagés.

56. Lors des deux visites précédentes dans ce centre, le CPT avait relevé que les retenus ne pouvaient se livrer à aucune activité, notamment parce qu’il n’existait pas de salle à cet effet. La délégation a constaté avec satisfaction que des salles de séjour avaient été aménagées dans lesquelles des télévisions devaient être installées. A ce stade, la délégation n’a pas pu obtenir de détails supplémentaires quant aux autres types d’activité envisagés. Un nouveau règlement intérieur destiné à régler les différents aspects de la vie quotidienne au centre était en cours d’élaboration.

57. En résumé, les travaux effectués permettront d’assurer des conditions de rétention d’un bon niveau pour des séjours ne dépassant dix jours (4). Certes, en raison l’architecture des lieux, il n’a pas été possible de remédier entièrement à toutes les insuffisances ; ainsi, l’accès à la lumière naturelle reste limité et la cour de promenade n’a pas été agrandie. La politique envisagée de libre circulation des retenus à l’intérieur du centre devrait cependant permettre de compenser dans une large mesure ces inconvénients.

Le CPT se félicite des mesures prises par les autorités françaises pour améliorer les conditions de rétention des hommes au centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de police de Paris. Il souhaite être informé de la date de mise en service des locaux rénovés et obtenir des informations détaillées sur l’ensemble des activités mises à disposition des retenus ainsi que copie du nouveau règlement intérieur.

58. Deux cellules d’isolement avaient été aménagées dans les locaux rénovés du quartier des hommes. De dimensions relativement réduites (un peu moins de 6 m²), elles étaient équipées d’un lit, d’une table et d’un tabouret, fixés à demeure ainsi que de toilettes. L’éclairage artificiel et la ventilation étaient d’un niveau satisfaisant ; l’accès à la lumière naturelle était, comme pour le reste des locaux, limité. S’agissant du recours à ces cellules, le CPT se réserve de revenir sur ce point après réception du nouveau règlement intérieur du centre.

59. En ce qui concerne les locaux de rétention administrative des femmes (situés dans le quartier des femmes de la partie du dépôt réservée aux détenus de droit commun), des travaux de réfection étaient également en cours pour améliorer davantage les conditions matérielles (remise à neuf des chambres à coucher et des salles de séjour). La délégation a été informée qu’il était envisagé de développer des activités à caractère manuel afin de permettre, entre autres, aux femmes ne sachant pas lire de bénéficier d’autres loisirs que simplement regarder la télévision. Le CPT ne peut qu’exprimer sa satisfaction devant ces mesures.

2. Centre de rétention administrative Marseille-Arenc
60. La délégation a été surprise de constater l’étendue de la détérioration des conditions de séjour au centre de rétention Marseille-Arenc. Les locaux d’hébergement étaient très sales et dégradés. L’on trouvait des détritus divers accumulés dans les locaux ; en outre, les toilettes étaient dans un état lamentable, dégageant le plus souvent une odeur écoeurante. L’état des lavabos et douches n’était guère meilleur (sales, avec par endroits de l’eau stagnante parce que le système d’évacuation était bouché). De plus, les annexes sanitaires se trouvant dans les chambres étaient dépourvues de portes. D’après ce que la délégation a compris, l’entretien des locaux reposait, pour une très large part, sur les retenus mêmes. Pour ce faire, ils utilisaient les moyens du bord, c’est-à-dire, se servaient du savon et de la serviette contenus dans la trousse qui leur était remise à l’arrivée et qui étaient destinés en principe à leur hygiène personnelle.

Dans plusieurs chambres, l’éclairage artificiel était hors d’état de fonctionnement. Par ailleurs, dans une chambre, il a été observé que la fenêtre encastrée dans le plafond ne pouvait pas être fermée, ce qui avait notamment pour résultat que l’eau de pluie y pénétrait.

61. La délégation a recueilli des plaintes de la part des retenus selon lesquelles des couvertures supplémentaires (une est remise à l’arrivée) étaient refusées alors que la nuit, en automne, il ferait froid dans les dortoirs. En outre, la délégation a aussi entendu que les repas seraient le plus souvent servis froids et que leur quantité laisserait parfois à désirer.

62. Quant aux activités, les retenus pouvaient se rendre dans une salle de loisirs et une salle à manger comportant une télévision et un jeu de "football de table". Néanmoins, les retenus ne se voyaient offrir aucune promenade en plein air pendant toute la durée de leur séjour, lequel peut aller jusqu’à dix jours. Les fonctionnaires présents ont indiqué qu’une telle possibilité ne pouvait pas être offerte en raison de la localisation du centre. Celui-ci est, en effet, situé sur le toit d’un vieux hangar du port de Marseille.

63. La prise en charge médicale des personnes retenues au centre de Marseille-Arenc a également fortement préoccupé la délégation. Ce centre ne bénéficiait d’aucun encadrement médical spécifique ni de présence infirmière, une des raisons pour laquelle l’infirmerie qui avait été aménagée, n’avait pratiquement jamais servie.

L’accès à un médecin a été décrit comme problématique par les retenus rencontrés, un fait confirmé par le personnel qui a indiqué que les médecins de ville étaient réticents à se rendre au centre. Il leur serait apparemment difficile de recouvrer les honoraires des consultations, la plupart des retenus étant sans ressources (ceux solvables devaient acquitter le tarif de la consultation médicale). De plus, en l’absence de personnel para-médical, il n’existait pas de pharmacie sur place et le personnel de surveillance devait aller acheter les médicaments prescrits ainsi qu’en assurer la distribution auprès des retenus concernés.

La situation décrite ci-dessus entraînait inévitablement des conséquences inacceptables du point de vue de l’éthique médicale. Le registre administratif de main-courante comportait mention nominative des personnes éventuellement porteuses de maladies transmissibles, ceci - d’après les explications reçues - pour permettre au personnel de surveillance "de prendre ses précautions". La délégation a aussi noté qu’un certificat médical concernant un retenu était collé à la porte du bureau de la CIMADE situé dans l’enceinte du centre, apparemment pour permettre au retenu concerné d’aller le chercher.

64. La délégation a également relevé que l’information des retenus laissait à désirer. Elle n’a trouvé nulle part trace d’un règlement intérieur ; d’après les fonctionnaires, celui-ci serait affiché dans la salle commune de loisirs mais les retenus l’arracheraient. De plus, elle n’a pas vu, dans ce centre, la notice en langues étrangères, censée être remise aux retenus à leur arrivée, qui précise leurs droits et devoirs. Cette situation est d’autant plus à déplorer qu’aucun des fonctionnaires présents ne pouvaient s’exprimer dans une langue étrangère. Apparemment, à l’arrivée, les droits sont lus (si nécessaire, en utilisant les connaissances linguistiques d’un autre retenu) et le retenu émarge sur la main courante la rubrique pertinente.

65. Il convient de signaler que le centre comportait une chambre d’isolement dite "geôle" d’environ 7 m², dépourvue de lumière naturelle et dont l’éclairage artificiel était médiocre. Elle était équipée d’un bat-flanc en béton - ne comportant ni matelas ni couvertures - ainsi que d’une annexe sanitaire. A l’instar du reste des locaux, cette geôle était sale.

D’après le règlement intérieur type des centres de rétention administrative, dans sa version de 1994, dont une copie a été remise par les autorités françaises à la délégation, la mise à l’isolement peut être décidée par le personnel d’un centre pour des motifs disciplinaires, en cas d’actes de violence envers des personnes ou de dégradation importantes des locaux ou encore en cas d’agitation. La durée d’un tel placement couvre "la période strictement nécessaire au rétablissement d’un comportement compatible avec la vie en collectivité". L’opportunité du maintien de la mesure "devra en tout état de cause faire l’objet d’un examen périodique toutes les 24 heures". Il peut aussi être mis fin à la mesure si un médecin requis le demande.

Cela étant, à Marseille, les fonctionnaires en charge du centre lors de la visite ont indiqué ne pas disposer d’instructions quant à la procédure à suivre en matière de placement à l’isolement ; d’après eux, les décisions en ce domaine relevaient de leur initiative.

66. A l’entretien de fin de visite, la délégation a fait part de ses graves préoccupations aux autorités françaises sur les constatations faites à Marseille-Arenc. Par lettre en date du 7 février, elles ont indiqué qu’il n’était pas contestable que le bâtiment qui abrite le centre de rétention est vétuste et présente une configuration inadaptée à certains égards, ne permettant notamment pas la promenade à l’air libre des retenus. Le projet de construction d’un nouveau centre avait été envisagé, mais n’a pas pu être retenu pour des raisons techniques et budgétaires. Il est précisé que dans l’attente d’une réfection totale des salles d’hébergement actuellement à l’étude, des travaux d’un montant de 0,75 millions de francs ont été engagés pour améliorer la sécurité et la salubrité des lieux (notamment du point de vue sanitaire).

En ce qui concerne la prise en charge médicale des retenus, il est souligné qu’à présent, il est fait systématiquement appel au service "SOS médecins" et, en cas d’urgence, à celui des marins pompiers de Marseille. Une convention est en train d’être élaborée entre la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale compétente et l’association "Médecins du Monde" visant en particulier à mettre à disposition une équipe d’infirmières bénévoles pour distribuer les médicaments en tant que de besoin. Enfin, une réflexion vient d’être engagée au Ministère de l’Intérieur pour clarifier les règles applicables en matière de financement des soins et harmoniser les procédures applicables dans les différents centres de rétention.

Quant aux autres points soulevés par la délégation relatifs à l’information des retenus sur leurs droits et la procédure à suivre en cas de mise à l’isolement d’un retenu, les autorités françaises ont indiqué que suite aux observations formulées par la délégation lors des entretiens de fin de visite, "il a été rappelé à l’attention des fonctionnaires chargés de la garde du centre de rétention, l’obligation d’observation des prescriptions du règlement intérieur et le Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du Ministère de l’Intérieur a effectué une visite au centre de rétention le 24 octobre 1996". Dans ce contexte, les autorités françaises ont encore indiqué que des instructions vont être prochainement diffusées à tous les préfets rappelant les règles applicables en matière d’accompagnement social des personnes retenues et le rôle de la CIMADE.

67. Le CPT ne peut qu’exprimer sa satisfaction face à la rapidité avec laquelle les autorités françaises ont réagi aux observations formulées par sa délégation. Cela étant, il tient à souligner qu’il n’est pas acceptable que des personnes retenues soient privées de toute possibilité d’exercice en plein air pendant des périodes prolongées. De plus, il considère qu’il y a lieu d’organiser une présence infirmière journalière à l’intérieur du centre de rétention de Marseille-Arenc. Ce personnel infirmier pourrait, outre la distribution des médicaments, assurer les autres tâches qui lui sont normalement dévolues (tenue du registre médical, gestion de l’armoire à pharmacie, gestion des relations avec des médecins et pharmaciens extérieurs) et qui continuent en l’état d’être assurées par les fonctionnaires de police. Qui plus est, cela permettrait de préserver la confidentialité médicale.

Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre sans délai les mesures appropriées à la lumière de ce qui précède.

Le CPT souhaite aussi ajouter qu’il partage l’avis des autorités françaises selon lequel la configuration du centre est inadaptée. Il lui semble que la construction qui avait été envisagée d’un nouveau centre aurait pu constituer une solution appropriée. Il invite les autorités françaises à reconsidérer la possibilité d’aménager un nouveau centre de rétention à Marseille.

3. Autres questions
a. personnel des centres de rétention administrative
68. La privation de liberté en vertu de la législation relative aux étrangers soulève des problèmes spécifiques. Premièrement, il y aura immanquablement des difficultés de communication dues aux barrières linguistiques. Deuxièmement de nombreuses personnes supporteront difficilement le fait d’être privées de liberté alors qu’elles ne sont pas soupçonnées d’une infraction pénale. Troisièmement, des risques de tension entre ressortissants étrangers de différentes nationalités / ethnies peuvent surgir.

Il s’ensuit que le personnel assigné à des tâches de surveillance dans des centres de rétention administrative doit être soigneusement sélectionné et recevoir une formation appropriée. Ce personnel de surveillance devrait posséder des qualifications développées en techniques de communication interpersonnelle. Il devrait être familiarisé avec les différentes cultures des personnes retenues et au moins certains membres du personnel devraient bénéficier de connaissances linguistiques appropriées. De plus, il devrait être enseigné à ce personnel comment reconnaître les éventuels symptômes de stress (notamment traumatique ou lié à un changement d’environnement socio-culturel) et comment prendre les mesures appropriées.

Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir la formation des fonctionnaires de police responsables de tâches de surveillance dans les centres de rétention administrative, à la lumière des considérations ci-dessus développées.

b. garanties reconnues aux personnes retenues / maintenues en vertu de la législation relative aux étrangers
69. Dans son premier rapport, le CPT avait soulevé un certain nombre de questions concernant les garanties des personnes placées dans des centres de rétention administratives et de celles non admises sur le territoire. Les rapports intérimaire et de suivi des autorités françaises comportent un exposé de la législation et réglementation applicables depuis la visite effectuée en 1991 ainsi que des garanties existantes en la matière.

Le CPT a relevé que, dans le cadre des différentes formes de rétention prévues par la loi et en cas de maintien en zone d’attente, les ressortissants étrangers ont droit à l’accès à un conseil, à un médecin ou une autre personne de leur choix ainsi qu’à l’assistance d’un interprète. Ils doivent être informés de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent.

A cet égard, le CPT a déjà fait part des déficiences observées par sa délégation au centre de rétention de Marseille-Arenc en ce qui concerne l’accès à un médecin et à l’information des retenus au sujet de leurs droits (cf. paragraphes 63 et 64 ci-dessus). Plus généralement, le CPT souhaite obtenir des informations sur les mesures pratiques prises dans les différents centres de rétention et zones d’attente existants pour assurer que les personnes retenues / maintenues soient dûment informées de leurs droits et en mesure de les exercer.

70. S’agissant plus particulièrement des personnes maintenues en zone d’attente, le Décret n° 95 -507 du 2 mai 1995 détermine les conditions d’accès du délégué du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés ou de ses représentants ainsi que des associations humanitaires à ces zones. Ce décret précise notamment que les associations humanitaires dont la liste a été fixée par Arrêté du 7 décembre 1995 ont un droit d’accès à chaque zone d’attente une fois par trimestre (article 9 du décret précité) et sont habilitées à s’entretenir confidentiellement avec les personnes maintenues dans cette zone (article 11). De plus, le Ministre de l’Intérieur peut autoriser toute visite supplémentaire sur demande écrite et motivée du président ou d’un membre mandaté de l’association agréée (article 10). Or, le CPT a reçu des communications selon lesquelles, dans la pratique, le droit d’accès ainsi reconnu aux associations humanitaires serait interprété de manière restrictive.

Le CPT serait reconnaissant d’obtenir le point de vue des autorités françaises à cet égard.

71. Dans son premier rapport (paragraphe 80), le CPT a souligné l’importance d’un recours efficace contre toute décision de non-admission afin de notamment protéger les personnes concernées contre un refoulement éventuel vers un Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à des mauvais traitements. Au paragraphe 235 de leur rapport intérimaire et aux paragraphes 123 à 129 de leur rapport de suivi, les autorités françaises ont fourni certains éléments de réponse. Le CPT leur serait toutefois reconnaissant de clarifier la question du recours ouvert aux ressortissants étrangers contre une décision administrative de refus d’entrée prise en vertu de l’article 5 de l’Ordonnance de 1945 modifiée.

L’attention du CPT a également été appelée sur des décisions de juridictions de première instance, saisies de pratiques de consignation à bord de navires de ressortissants étrangers arrivant par voie maritime et qui ont jugé que ces mesures constituaient une voie de fait (notamment au motif que la consignation à bord d’un navire a pour effet de priver les personnes consignées de l’exercice des droits qui leur sont reconnus par l’Ordonnance de 1945). A cet égard, la délégation a recueilli des allégations selon lesquelles de telles pratiques auraient encore cours. Le CPT serait reconnaissant d’obtenir les commentaires des autorités françaises sur cette question.

Plus généralement, il est évident que ce serait une violation des obligations juridiques à la fois nationales et internationales de renvoyer quelqu’un vers un pays où il risque d’être torturé ou de subir des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le CPT souhaite recevoir un exposé détaillé des mesures prises en pratique pour assurer qu’une telle situation ne se produise pas.

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C. Etablissements pénitentiaires
1. Mauvais traitements
72. La délégation n’a entendu aucune allégation de torture et que très peu d’allégations d’autres formes de mauvais traitements de détenus par le personnel pénitentiaire dans les établissements visités.

L’ensemble des observations faites in situ ont convaincu le CPT que la grande majorité du personnel des prisons visitées s’efforçait de traiter les détenus de manière humaine, tâche qui n’était pas toujours rendue aisée par les conditions matérielles qui régnaient dans certains établissements.

73. Les autorités françaises ont spontanément informé la délégation de certaines allégations ainsi que de cas isolés de mauvais traitements survenus dans un passé récent visant deux des établissements visités à savoir, le centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et la maison d’arrêt de Villeneuve-les- Maguelonne.

Lors de la visite au complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis, la délégation a eu connaissance d’allégations d’abus sexuels perpétrés par des fonctionnaires pénitentiaires sur des détenus hébergés dans un quartier réservé des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis. Ces allégations ont été immédiatement portées à la connaissance des autorités françaises.

Malheureusement, des cas de mauvais traitements de détenus surgissent de temps à autre dans tout système pénitentiaire. Il est essentiel que, face à de tels cas, les autorités prennent rapidement les mesures qui s’imposent. A la lumière des informations fournies par les autorités françaises concernant les cas précités, le CPT reste persuadé qu’elles sont fermement engagées dans la lutte préventive et répressive contre les mauvais traitements de détenus.

74. Lors de sa visite au Centre des Jeunes Détenus à Fleury-Mérogis, quelques allégations de la part de jeunes ont été recueillies selon lesquelles il aurait été fait usage de gaz lacrymogène à leur égard. Dans un cas, l’allégation faite a été confirmée par l’examen de dossiers administratifs et du dossier médical du détenu. Il est en effet apparu que, quelques six mois avant la visite, il avait été fait usage de gaz lacrymogène en cellule à l’encontre du jeune en question parce qu’il avait résisté à son transfert au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis. Son dossier médical mentionne notamment que ce gazage au lacrymogène avait entraîné des brûlures cutanées de la face, une hypérémie conjonctivale gauche et une baisse de l’acuité visuelle.

Il faut aussi ajouter que la délégation a entendu certaines allégations au sujet de l’utilisation de gaz lacrymogène en cellule au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis.

Le CPT considère, pour sa part, que le recours au gaz lacrymogène pour maîtriser un détenu récalcitrant n’agissant pas de concert avec d’autres détenus est injustifiable. Les fonctionnaires pénitentiaires devraient avoir été formés à d’autres techniques de contrôle d’un tel détenu. Plus généralement, le CPT tient à ajouter que seules des circonstances exceptionnelles pourraient justifier l’utilisation de gaz comme moyen de contrôle à l’intérieur des locaux de détention.

Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre des mesures en conséquence au complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis ainsi que, le cas échéant, dans les autres établissements pénitentiaires.

75. Enfin, il convient de mentionner le problème d’actes d’agression entre détenus lequel a surtout retenu l’attention de la délégation au Centre de Jeunes Détenus et à la maison d’arrêt pour hommes à Marseille. Dans ces deux établissements, des membres du personnel ont indiqué être préoccupés par l’étendue de ce problème.

Le CPT tient à souligner que l’obligation de prise en charge des détenus incombant aux autorités pénitentiaires englobe la responsabilité de les protéger contre d’autres détenus qui pourraient leur porter préjudice. Il importe en particulier que le personnel de surveillance soit attentif aux troubles et soit à la fois résolu et formé de manière appropriée pour intervenir.

Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises à ce sujet.

2. Conditions de détention
a. remarques préliminaires
76. Dans son rapport relatif à sa première visite périodique (paragraphes 98 et suivants, CPT/Inf (93) 2), le CPT avait soulevé la question du surpeuplement qu’il avait constaté dans deux établissements pénitentiaires visités (le centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et la maison d’arrêt de Nice) et qui était apparemment le reflet d’une situation chronique affectant les prisons françaises dont en particulier les maisons d’arrêt.

A cet égard, les autorités françaises ont, lors de la deuxième visite périodique, informé la délégation que les mesures législatives et réglementaires adoptées au cours de cette décennie en vue de réduire la population carcérale (par exemple, l’augmentation du recours à la peine de travail d’intérêt général, l’institution du référé-liberté en 1993, les mesures prises en matière de libération conditionnelle) portaient à présent leurs fruits. De plus, l’ouverture entre mai 1990 et septembre 1992 de l’ensemble des établissements "13000" aurait également joué un rôle à cet égard. Ces établissements ont absorbé la croissance de la population pénale enregistrée ces dernières trois années en France, permettant ainsi aux effectifs des établissements classiques de se stabiliser.

77. En 1996, parmi les établissements visités, un fonctionnait en dessous de sa capacité officielle (à savoir le Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis) ; les autres connaissaient un taux d’occupation supérieur à leur capacité officielle, toutefois pas dans les proportions constatées dans les prisons visitées en 1991, ci-dessus mentionnées.

Au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis, la politique instaurée d’un numerus clausus permettait d’éviter toute surpopulation excessive ; à Villeneuve-les-Maguelonne, comme dans tous les autres établissements 13 000, le taux d’occupation ne dépasse jamais 120% en raison de clauses financières figurant dans le marché. A Marseille, il a été indiqué qu’outre l’incidence des mesures à caractère général précitées, les politiques de régulation des flux entre maisons d’arrêt et centres pénitentiaires, comme les politiques criminelles menées par les juridictions de Marseille et d’Aix, auraient également permis de réduire les effectifs des détenus.

Cependant, certains responsables locaux rencontrés, tout en se félicitant d’avoir atteint - ou presque - "un rythme de croisière", ont qualifié l’ampleur de la baisse des effectifs d’exceptionnelle, résultant principalement de mesures de grâce collective.

Par ailleurs, certains établissements pénitentiaires en France continuent de connaître des taux d’occupation élevés. Par exemple, d’après les indications chiffrés communiquées par les autorités françaises, la maison d’arrêt de Nice comptait au 1er octobre 1996, 675 détenus pour 342 places (soit un taux d’occupation de 197%) ce, en dépit de la politique active de désencombrement menée.

78. A cet égard, le CPT a pris note des objectifs du Programme Pluriannuel de la Justice (PPJ), défini par la loi du 6 janvier 1995, qui visent d’ici l’an 2000 à accroître les capacités d’accueil de l’administration pénitentiaire pour lutter contre la surpopulation carcérale (construction de 4 390 nouvelles places de prison qui représenteront un accroissement de près de 3 000 places, compte tenu de la fermeture concomitante de certains établissements vétustes) et à mettre en oeuvre une nouvelle politique pénale en développant le milieu ouvert (cf. préface du rapport d’activité 1995 de l’Administration Pénitentiaire). En outre, les autorités françaises ont informé la délégation que le projet de loi relatif à la détention provisoire, en cours d’examen (5), devrait aussi permettre de contribuer à la réduction de la population carcérale.

79. Le CPT ne peut que saluer les développements intervenus depuis sa première visite et recommande aux autorités françaises de poursuivre activement la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures destinées à lutter contre la surpopulation carcérale, y compris de celles visant à limiter le nombre de personnes envoyées en prison.

b. visite de suivi au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"
i. conditions matérielles de détention
80. Cet établissement avait fait l’objet d’importantes critiques dans le premier rapport du CPT(/Inf (93) 2). Plus particulièrement, les conditions matérielles de détention constatées dans les bâtiments A et B de la maison d’arrêt pour hommes étaient telles qu’elles avaient fait l’objet d’une observation communiquée sur-le-champ par la délégation, en vertu de l’article 8, paragraphe 5 de la Convention (cf. paragraphes 91 à 93 du rapport précité). Par la suite, les autorités françaises ont informé le CPT de toute une série de mesures destinées à remédier aux déficiences relevées.

81. En 1996, la capacité théorique de l’établissement était fixée à 1550 détenus, une capacité correspondant à peu près à celle de 1991. Lors de la visite, la population carcérale totale du centre pénitentiaire s’élevait à 1733 détenus, ce qui constituait une amélioration sensible par rapport à la première visite (où la population carcérale se chiffrait à 2156 détenus).

Grâce au taux actuel d’occupation de l’établissement, le nombre de détenus par cellule dans les bâtiments A et B était de deux personnes, un objectif que le CPT avait recommandé d’atteindre au paragraphe 101 de son premier rapport. Toutefois, la délégation a constaté que les cellules restaient équipées de trois lits superposés. Le CPT se doit de rappeler que les cellules des bâtiments A et B, de par leur taille (elles mesurent généralement 9,75 m²), peuvent à la rigueur être d’une dimension acceptable pour deux détenus mais qu’au-delà, l’espace de vie devient très médiocre (paragraphe 92, CPT/Inf (93) 2).

82. Les autorités françaises avaient informé le CPT, dans leurs rapports intérimaire et de suivi, d’importants travaux de rénovation à réaliser dans le cadre du schéma directeur de la maison d’arrêt de Marseille "Les Baumettes". Un montant de 49 millions de francs a été déjà affecté à la réalisation de diverses opérations visant à améliorer les conditions matérielles de détention.

83. Aux bâtiments A et B, environ 250 cellules ont été rénovées sur un total de 550 devant faire l’objet de travaux. Les cellules rénovées offraient de bonnes conditions matérielles : elles ont été équipées d’un évier et d’une paillasse, d’une penderie, d’un miroir et d’un système d’appel lumineux. De plus, les prises électriques avaient été changées. Un cloisonnement partiel, sur une hauteur de deux mètres, des toilettes situées dans les cellules a été réalisé. Ceci constitue certainement une amélioration par rapport à la situation observée en 1991 ; néanmoins, un encloisonnement total des toilettes à l’exemple des bâtiments C et D serait de loin préférable.

La délégation a été informée qu’une tranche supplémentaire de 100 cellules serait rénovée en 1997. Sur ce point, il faut ajouter que les cellules non rénovées étaient en très mauvais état, à l’image de la description donnée dans le premier rapport du CPT. Un seul aspect positif peut être relevé, à savoir : la mise en place d’une forme partielle de cloisonnement des toilettes.

Enfin, dans ces deux bâtiments, d’autres opérations d’envergure ont été menées telles la réfection des toitures avec l’installation d’un système d’ouverture des verrières et - point très positif - la rénovation intégrale des douches.

84. Quant aux bâtiments C et D, les conditions de détention continuaient d’être acceptables, voire même bonnes au D, bien que dans celui-ci des dégradations commençaient à être visibles (par exemple, infiltration d’eau).

85. Dans son premier rapport, le CPT avait recommandé que les petites cours de promenade adjacentes aux bâtiments A et B soient remplacées par des infrastructures plus adéquates (paragraphe 109 dudit rapport). Comme annoncé précédemment par les autorités françaises, ces petites cours ont été supprimées. En outre, les cours du bâtiment A ainsi que la cour du côté sud du bâtiment B ont été réaménagées ; celle du côté nord devrait l’être en 1997. Dans le cadre de ces travaux, il convient de mentionner que des douches ont été installées dans ces aires de promenade. La délégation a également été informée qu’une étude était menée en vue de l’aménagement d’un abri contre les intempéries pendant les promenades ; un tel projet mérite réalisation.

Toutefois, le CPT regrette que les autorités françaises n’aient pas été en mesure de donner suite à sa suggestion d’offrir aux détenus placés à l’isolement au bâtiment D de meilleurs espaces de promenade que les cours réduites situées sur la terrasse du toit de celui-ci. Parmi les détenus placés à l’isolement rencontrés, un certain nombre ont indiqué préférer renoncer à toute promenade.

86. Les conditions d’hygiène à la maison d’arrêt pour hommes avaient également fait l’objet de commentaires et de recommandations du CPT (cf. paragraphes 111 à 114 de son premier rapport). Outre la rénovation susvisée des batteries de douches des bâtiments A et B, la délégation a appris avec satisfaction que, comme suggéré par le CPT, la fréquence des douches avait été augmentée. Celle-ci, d’après le directeur et le personnel était fixée à trois fois par semaine et - dans la mesure du possible - tous les jours, en été (à noter que les détenus travailleurs avaient accès aux douches quotidiennement).

Par ailleurs, la délégation a été informée que les draps étaient changés toutes les deux semaines et les couvertures, nettoyées deux fois par an. En outre, tous les détenus se voyaient remettre les produits d’entretien nécessaires. Ceux dont l’état d’indigence était connu, bénéficiaient en sus d’un renouvellement systématique des produits de première nécessité pour l’hygiène corporelle.

En revanche, il n’y avait toujours pas d’arrangement spécifique pour permettre aux détenus d’assurer l’entretien de leurs vêtements personnels. Comme en 1991, le lavage des vêtements s’effectuait dans les cellules ou leur échange se faisait lors des visites. Sur ce point, les autorités françaises avaient indiqué, dans leur rapport intérimaire, que l’administration pénitentiaire développait une politique d’installations de stations de lavage à disposition des détenus pour éviter les inconvénients du lavage et séchage en cellule. Cette politique est essentiellement destinée aux maisons d’exécution de peines ; toutefois, des études devaient être effectuées pour l’installation de tels dispositifs dans les maisons d’arrêt.

87. S’agissant des conditions à la maison d’arrêt pour femmes, le CPT avait relevé dans son premier rapport, que certaines cellules présentaient des lacunes comparables à celles relevées dans les bâtiments A et B de la maison d’arrêt pour hommes (cf. paragraphe 116). Lors de la visite de 1996, 54 cellules avaient été rénovées. Aux termes des prévisions, 108 devraient encore faire l’objet de travaux, dont cinquante cellules en 1997. Les cellules rénovées étaient bien équipées (lit, armoire, lavabo, toilettes et bidet) et avaient été pourvues d’un système d’appel.

Toutefois, la délégation a noté avec déception que toutes les cellules rénovées étaient vides. Cette question a été portée à l’attention du directeur lequel a indiqué qu’il veillerait à la mise en service rapide de ces cellules. Le CPT souhaite recevoir confirmation sur ce point.

88. Le CPT relève avec satisfaction qu’en janvier 1996, une unité "mère-enfant" dotée d’une crèche a été ouverte à la maison d’arrêt pour femmes. Les locaux d’hébergement étaient constitués de quatre appartements, composés chacun deux cellules communicantes. Ceux-ci étaient de bonnes dimensions, bien aménagés et éclairés. L’ensemble de l’unité était en très bon état d’entretien et de propreté.

ii. activités hors cellule
89. La question des activités hors cellule à disposition des détenus - hommes et femmes - avait retenu l’attention du Comité lors de la première visite (paragraphes 108 et 116 du rapport y relatif). Il avait recommandé qu’un examen approfondi des moyens destinés à améliorer les programmes d’activités au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" soit entrepris sans délai et que des programmes plus étoffés soient introduits au fur et à mesure que le surpeuplement diminue.

Lors de la visite, l’établissement offrait 242 postes de travail dans le cadre du service général pénitentiaire et 145 postes dans les ateliers en concession, soit à peu près à un quart de la population détenue ; une situation comparable à celle constatée en 1991.

Cependant, environ un tiers de la population suivaient hebdomadairement l’une ou l’autre des formes d’enseignement et de stages professionnels offerts, ce qui représente un grand progrès par rapport à 1991. En effet, d’importants efforts ont été faits pour intensifier les programmes de réinsertion sociale et professionnelle.

L’établissement offrait aussi diverses formes d’activités sociales et culturelles (peinture sur soie / tissus, musique, atelier d’écriture, couture, cuisine, bibliothèque, bricolage / jardinage, etc.), auxquels participaient surtout les femmes. D’après les statistiques fournies, quasiment toutes les femmes suivaient l’une ou l’autre des activités offertes chaque semaine. Apparemment, ces activités (à l’exception de la bibliothèque) ne suscitaient que peu d’intérêt chez les hommes. Par contre, une grande proportion de la population masculine prenait part aux activités sportives qui étaient proposées hebdomadairement (volley, gymnastique / musculation, boxe, mini-foot, etc.).

90. En somme, dans le domaine des activités, des progrès ont été réalisés. Néanmoins, il reste toujours que beaucoup de détenus passent la plus grande partie de la journée en cellule, en ne disposant que de peu de possibilités pour s’occuper.

iii. alimentation des détenus
91. Lors de sa première visite au centre pénitentiaire, le CPT avait relevé qu’à la maison d’arrêt pour femmes, il y avait de réelles difficultés pour servir des repas chauds aux détenues. A présent, des chariots chauffants permettent d’assurer que les repas soient maintenus à la température voulue jusqu’à réception par leurs destinataires.

92. Le CPT avait aussi indiqué au paragraphe 168 de son rapport établi suite à la visite précitée, qu’un réexamen des régimes alimentaires spéciaux s’avérait nécessaire. Dans leur réponse, les autorités françaises avaient assuré que les repas fournis par la cuisine des "Grandes Baumettes" répondaient aux normes requises et qu’une diététicienne était en cours de recrutement pour satisfaire à la remarque spécifique du CPT sur les régimes alimentaires.

93. En ce domaine, il semble que la situation n’ait pas évolué aussi positivement que les autorités françaises l’ont souhaité. En effet, des membres du personnel médical ont fait part à la délégation de toute une série de préoccupations concernant l’alimentation des détenus. Apparemment, les conditions de travail et d’hygiène à la cuisine du centre pénitentiaire étaient telles que le visa médical prévu par le cahier des charges était refusé. De plus, la quantité de nourriture distribuée n’était pas considérée comme suffisante. Quant aux régimes alimentaires spéciaux, ceux-ci ne pouvaient pas être préparés convenablement et leur variété était limitée (seuls trois régimes étaient proposés). Finalement, la distribution des repas à la maison d’arrêt pour hommes a été qualifiée d’inadéquate : ceux-ci étaient conditionnés dans des barquettes en aluminium ne permettant pas de préserver leur température.

Dans ce contexte, la direction de l’établissement a indiqué que plusieurs mesures étaient prévues dans le cadre des travaux de rénovation à effectuer. La cuisine desservant le centre pénitentiaire devrait être modernisée et installée dans des locaux plus adéquats. Des monte-charges devraient aussi être installés dans les bâtiments A et B, ce qui permettra une meilleure distribution des repas.

* * *

94. Compte tenu des développements qui précédent, le CPT recommande aux autorités françaises :

- de veiller à ne pas dépasser le taux d’occupation de deux détenus par cellule aux bâtiments A et B de la maison d’arrêt pour hommes ;

- d’accorder une haute priorité aux travaux de rénovation entrepris au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes", en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 83 à 85 ci-dessus ;

- de poursuivre leurs efforts afin de développer les activités dans ce centre pénitentiaire ;

- de réexaminer sans délai la question de l’alimentation des détenus et de prendre les mesures qui s’imposent.

En outre, il invite à nouveau les autorités françaises à examiner la possibilité d’offrir un meilleur espace de promenade aux détenus placés à l’isolement.

Le CPT souhaite être informé des suites données au projet visant à mettre à disposition des détenus à Marseille, comme dans les autres maisons d’arrêt, des stations de lavage pour le nettoyage de leur linge personnel.

c. établissements visités pour la première fois
i. introduction
95. La délégation du CPT a visité trois établissements pénitentiaires pour la première fois : les maisons d’arrêt de Paris - La Santé et de Villeneuve-les-Maguelonne ainsi que le Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis.

96. La maison d’arrêt de Paris-La Santé est le seul établissement pénitentiaire situé dans la capitale. C’est un établissement datant du XIXe siècle qui se compose de deux bâtiments distincts : le "quartier bas" en forme de Croix de Saint-André et le "quartier haut" en forme de trapèze.

Possédant une capacité théorique de 1249 places (une capacité dite "opérationnelle" de 1340) l’établissement comptait lors de la visite, 1425 détenus, tous des hommes. Environ 60% étaient prévenus et 40% condamnés ; plus de deux tiers de la population carcérale était de nationalité étrangère.

97. La maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne est l’un des 25 établissements construits au cours des années 1990 dans le cadre du programme 13.000. Elle a une capacité théorique de 600 places et une capacité maximale ("nombre de lits") de 778 places. Au moment de la visite, l’établissement comptait 697 détenus (40 % de prévenus et 60 % de condamnés) dont environ 300 étaient des ressortissants étrangers. Comme pour la plupart des établissements du "programme 13.000", certains services à la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne ont été sous-traités au secteur privé.

98. Le Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis fait partie du complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis. Il est séparé des autres établissements qui constituent le complexe (les maisons d’arrêt pour hommes et pour femmes) mais il partage avec eux certaines installations et certains services. Au moment de la visite, le Centre de Jeunes Détenus avait une capacité théorique de 480 places et il comptait 398 détenus. La plupart de ces derniers avaient de 18 à 21 ans ; cependant près de 25 % avaient moins de 18 ans (une douzaine de détenus étaient âgés de 13 à 16 ans). Les prévenus représentaient environ 70 % des détenus et 40 % d’entre-eux étaient de nationalité étrangère.

ii. maison d’arrêt de Paris-La Santé
99. D’emblée, il convient d’indiquer qu’il s’agit d’un établissement très vétuste qu’il avait été question de fermer à l’époque où la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis a été ouverte. Lorsque la décision fut acquise de maintenir l’établissement en service, un bilan des importantes dégradations et des travaux à effectuer a été réalisé. Un certain nombre de travaux ont déjà été effectués. Parmi ceux-ci, figure la rénovation du quartier bas et de la Division A du quartier haut. Des études ont été également lancées au titre du programme pluriannuel de la rénovation de la prison.

100. Le quartier bas regroupait plusieurs secteurs de détention réservés essentiellement aux détenus réputés dangereux notamment du fait de l’infraction pour laquelle ils étaient prévenus ou condamnés (par exemple, terrorisme), à un certain nombre de détenus travailleurs, à ceux ayant demandé à être isolés ou qui ont été séparés du reste de la population carcérale pour leur protection (Division 1 et les deux étages de la Division 2) ainsi qu’aux détenus considérés comme étant des personnalités particulières (hébergés dans une partie de la Division 3). Il comportait également l’unité des entrants, le quartier disciplinaire / d’isolement ainsi que les services médicaux.

Les cellules de ce quartier mesuraient toutes un peu plus de 7 m² et étaient réservées, en règle générale, à la détention individuelle. Toutefois, à la Division 1, les détenus travailleurs étaient pour la plupart placés à deux par cellule. A la Division des entrants (qui accueillait les personnes écrouées de jour comme de nuit), les cellules étaient toutes destinées à être occupées par deux à trois personnes. Le séjour dans cette dernière division ne dépassait pas en principe le temps nécessaire à l’établissement du dossier et à l’affectation dans l’établissement. Cependant, il ne semblait pas exclu que trois personnes puissent se voir contraintes de partager une même cellule, la nuit.

De l’avis du CPT, une cellule de 7 m² est en principe adéquate pour l’hébergement d’une personne. Utiliser des cellules de cette taille pour des placements prolongés de deux détenus n’est guère souhaitable ; elles n’offrent, en effet, qu’un espace de vie réduit pour deux personnes. De plus, héberger, ne serait-ce que pendant une nuit, trois personnes dans de telles cellules n’est pas acceptable.

101. Grâce aux travaux effectués, les cellules du quartier bas étaient en bon état d’entretien et dans un état de propreté satisfaisant. Elles étaient correctement équipées (lit, matelas, armoire) et bénéficiaient généralement d’un assez bon accès à la lumière naturelle et d’un éclairage artificiel correct. Les toilettes, cependant, n’étaient pas cloisonnées quand bien même la cellule était destinée à être occupée par plus qu’un détenu.

102. Le quartier haut était composé de quatre divisions (A, B, C, D) qui regroupait la plus grande majorité de la population carcérale, y compris la quasi-intégralité des détenus étrangers. Les cellules des quatre divisions étaient généralement de dimensions similaires, quelque peu supérieures à 13 m². Elles étaient prévues pour héberger entre deux à quatre occupants. De l’avis du CPT, des cellules de cette taille ne devraient pas héberger plus de trois personnes.

103. A la Division A (hébergeant des ressortissants étrangers d’Europe de l’Ouest et des détenus travailleurs), les conditions matérielles de détention étaient correctes. Déjà rénovée dans les années 1980, cette division connaissait lors de la visite des travaux de remise en état des cellules. Toutefois, il convient de noter que les toilettes n’étaient que partiellement cloisonnées par un muret, ce qui est loin d’être satisfaisant pour des cellules collectives.

104. Quant aux Divisions B, C et D, les cellules étaient dans un état de dégradation très avancé, comme les bâtiments mêmes dont le gros oeuvre était attaqué. Leur équipement était à l’identique (lits vétustes, matelas / couvertures sales et usés). En particulier, le lavabo et les toilettes des cellules (camouflées derrière un rideau de fortune) étaient délabrés et insalubres - sans même évoquer l’odeur se dégageant des toilettes.

En outre, les cellules étaient infestées par des poux et d’autres vermines ; la présence de rongeurs n’était pas non plus exceptionnelle. C’était là une plaie contre laquelle l’établissement avait beaucoup de mal à lutter ; le problème des rongeurs, en effet, était aigu dans l’arrondissement de Paris où se situe la maison d’arrêt. Quant aux douches desservant ces divisions, la situation n’était guère meilleure, en dépit de certains travaux ponctuels. A leur état de dégradation et d’insalubrité, s’ajoutait celui de leur saleté.

En résumé, les conditions matérielles de détention dans les divisions B, C et D étaient misérables et comportaient des risques pour la santé des détenus.

105. Dans l’ensemble de l’établissement, les dispositions prises pour permettre aux détenus d’assurer la propreté de leur cellule et leur hygiène corporelle n’étaient pas satisfaisantes. Les produits nécessaires à l’entretien des cellules n’étaient pas fournis. En outre, les produits d’hygiène corporelle de base n’étaient disponibles qu’en quantité insuffisante. Les détenus se voyaient contraints de cantiner pour ces objets, et ceux qui étaient sans ressources devaient compter sur les autres détenus. A cet égard, le Directeur de l’établissement a indiqué vouloir faire figurer cette question parmi les priorités de fin d’année.

De plus, comme à Marseille, de nombreux détenus devaient laver leur linge en cellule ou dans les douches. Quant à l’accès aux douches, celui-ci était prévu deux fois par semaine et les détenus travailleurs y avaient accès tous les soirs. Le CPT comprend que, compte tenu de la faiblesse des infrastructures sanitaires et la capacité limitée en eau de l’établissement, une augmentation de la fréquence des douches n’est pas envisageable pour la population carcérale en général. Toutefois, il considère que, eu également égard aux conditions d’hygiène très précaires prévalant dans certaines divisions de l’établissement, des efforts particuliers devraient être faits pour que les détenus puissent se présenter dans un état préservant la dignité humaine lorsqu’ils sont convoqués devant un magistrat.

106. Quant aux activités, seulement 412 détenus bénéficiaient d’un travail, essentiellement au Service Général ainsi que dans le cadre d’ateliers de concession. De plus, parmi ces détenus, 200 travaillaient en cellule.

En ce qui concerne les activités éducatives et de formation, l’établissement proposait un certain nombre de programmes pédagogiques portant essentiellement sur la scolarité de base, l’alphabétisation / la lutte contre l’illettrisme, l’enseignement du français comme langue étrangère. Les statistiques communiquées par la direction de l’établissement et portant sur l’année 1995 montrent que ces activités hors cellule ont bénéficié pour l’année de référence à un nombre plutôt réduit de détenus (environ 600 détenus). Il convient d’ajouter qu’un peu plus de deux cents détenus avaient suivi en cellule des cours individuels par correspondance. L’entretien avec le responsable de l’encadrement socio-éducatif de la maison d’arrêt n’a pas mis en évidence d’amélioration notable pour l’année 1996 : par exemple, lors de la visite, la scolarité de base et l’apprentissage du français pouvaient être assurés pour approximativement 70 détenus. Quant à la formation professionnelle (initiation à l’informatique, élaboration d’un projet professionnel avec utilisation de la micro-informatique, réinsertion de détenus étrangers dans le cadre de projets de retour au pays), celle-ci était à un stade embryonnaire ne touchant qu’un très petit nombre de détenus. Les insuffisances dans le domaine des activités éducatives et de formation ont du reste été mises en évidence dans le dernier rapport annuel d’activités en date de la maison d’arrêt de Paris-La Santé.

Il importe cependant de noter que des efforts avaient été faits, les dernières années, pour améliorer l’accès à la bibliothèque en créant des bibliothèques de proximité dans chaque division de détention. Plus de 800 détenus étaient à présent inscrits à ces bibliothèques qui proposaient des livres, périodiques et des cassettes.

La situation concernant l’exercice en plein air était relativement satisfaisante Trois heures de promenade par jour étaient offertes, dans quatre cours assez spacieuses (cf. toutefois paragraphe 155 ci-dessous). Cependant, les activités sportives stricto sensu étaient réduites, faute d’infrastructures adéquates et de personnel suffisant. Un seul moniteur de sport était employé (lequel d’ailleurs devait aussi consacrer une partie de son temps aux activités sportives du personnel) et l’établissement ne disposait que de quelques locaux où des activités de musculation / tennis de table / yoga pouvaient être pratiquées. En outre, le nombre de détenus pouvant accéder à ces activités était restreint, d’où des délais d’attente importants.

En somme, les programmes d’activités mis à disposition étaient d’un niveau très modeste et la grande majorité des détenus passaient la part la plus importante de la journée en cellule, livrés à l’oisiveté.

* * *

107. Il appert de ce qui précède que les conditions de détention dans plusieurs parties de la maison d’arrêt de Paris-La Santé laissaient grandement à désirer ; dans les divisions B, C et D, celles-ci pourraient être qualifiées d’inhumaines et de dégradantes.

Le CPT recommande aux autorités françaises :

- de prendre sans délai des mesures afin d’assurer que les conditions matérielles de détention aux Divisions B, C et D atteignent le niveau de celles des autres secteurs de détention ;

- plus généralement, d’accorder une haute priorité à la poursuite de l’ensemble des travaux de rénovation prévus dans cet établissement. Dans ce contexte, il demande aux autorités françaises de revoir la question de l’encloisonnement des toilettes, en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 101 et 103 à 104 ;

- d’assurer qu’à l’unité des entrants, les cellules de 7 m² n’hébergent pas plus de deux personnes la nuit ;

- de faire des efforts pour que les détenus travailleurs ne soient pas placés à deux par cellule de 7 m², sauf dans des cas exceptionnels où il serait inopportun de laisser un détenu seul ;

- de faire des efforts pour réduire à trois personnes le taux d’occupation des cellules aux Divisions A, B, C et D du quartier haut ;

- de veiller à ce que les détenus disposent des produits nécessaires pour assurer l’entretien de leur cellule et leur hygiène corporelle ;

- d’assurer que les détenus puissent se présenter dans un état préservant la dignité humaine lorsqu’il sont convoqués devant un magistrat ;

- d’intensifier leurs efforts en vue du développement des activités à disposition des détenus. Une attention particulière devrait être donnée, dans ce contexte, à l’aménagement d’infrastructures sportives adéquates et à la mise à disposition d’un personnel suffisant pour assurer les activités sportives.

iii. maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne
108. La plupart des 697 détenus que comptait cet établissement au moment de la visite étaient hébergés soit individuellement dans des cellules de 10 m², soit à deux dans des cellules de 15 m². Certaines cellules étaient utilisées pour y placer deux détenus (les cellules de 10 m²) ou pour trois détenus (les cellules de 15 m²) ; bien que non idéal, l’espace de vie offert à ces derniers pouvait encore être considéré comme acceptable. Toutes les cellules comportaient des installations sanitaires (un W.-C. bien cloisonné et un lavabo) et elles bénéficiaient d’une aération et d’un éclairage (y compris un bon accès à la lumière du jour) satisfaisants ; de plus, elles étaient convenablement équipées (lits, armoires, table et chaises).

Des efforts particuliers étaient faits pour placer les mineurs dans un environnement matériel approprié. A cet effet, des travaux de rénovation de l’unité de 23 cellules, où ils étaient hébergés, étaient en cours afin de créer une atmosphère accueillante et chaleureuse. De plus, la délégation a été informée qu’il était prévu de transformer les cellules doubles de l’unité en salles communes et d’activités.

109. Les détenus avaient accès pendant quelque quatre heures par jour à des cours assez grandes, en plus des six heures hebdomadaires de sport en salle (musculation) et en plein air (football, basket-ball). Des installations sportives en salle supplémentaires (à la construction desquelles avaient participé une quinzaine de détenus) devaient prochainement être mises en service (tennis, volley-ball, basket-ball).

Quant aux autres activités proposées, un nombre important de détenus avaient accès à des activités éducatives, y compris à une formation professionnelle rémunérée liée au secteur du bâtiment. Cependant, la formation professionnelle dispensée dans l’établissement ne conduisait pas à l’acquisition d’une qualification reconnue. De plus, les possibilités de formation professionnelle n’était pas pleinement exploitées parce que les personnes soumises à une interdiction de rester sur le territoire français et celles qui avaient déjà suivi une formation (cela concernait surtout les récidivistes) étaient exclues de telles activités. Quant aux mineurs, la délégation a été informée que l’on était en train de développer les activités qui leur étaient proposées afin de pouvoir les occuper la plus grande partie de la journée (de 8 h à 17 h) à des activités hors cellule.

La situation était nettement moins positive en ce qui concernait le travail. La délégation a été informée qu’environ 90 détenus avaient un emploi dans le cadre du service général pénitentiaire (entretien et nettoyage, blanchisserie, etc.). Des ateliers (par exemple, d’emballage et de manutention, de soudure) pouvaient aisément employer jusqu’à 160 détenus par équipes de demi-journées. Or, la délégation a été informée que, lors de la visite, un total de 20 détenus avaient un travail sur une base quotidienne dans les ateliers. La direction de l’établissement a indiqué que l’entreprise privée qui exploitait les ateliers s’était vu infliger récemment une amende contractuelle de 800.000 Frs pour n’avoir pas assuré le niveau convenu d’emploi pour les détenus.

A cet égard, le CPT tient à souligner qu’assurer un travail adéquat aux détenus condamnés constitue un élément fondamental du processus de réinsertion et que, dans l’intérêt de leur bien-être psychologique, les prévenus devraient dans la mesure du possible se voir aussi proposer un travail. Il s’ensuit que la situation de l’emploi au sein d’un établissement pénitentiaire ne devrait pas être dictée exclusivement par les forces du marché.

Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir le programme d’activités à la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne, à la lumière des développements qui précèdent.

iv. Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis
110. Dans l’ensemble, les conditions matérielles de détention au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis étaient acceptables. Il était de règle que les cellules (qui mesuraient environ 10 m²) soient occupées par un détenu. Il existait aussi des cellules plus grandes (21 m²) pour les cas où il n’était pas jugé souhaitable de laisser seul un détenu ; ces cellules pouvaient accueillir de deux à trois détenus. L’éclairage et l’aération étaient satisfaisants et les cellules étaient convenablement meublées (lits, tables, armoires et chaises). En outre, toutes les cellules comportaient des sanitaires ; toutefois, les toilettes n’étaient que partiellement cloisonnées (y compris dans les cellules collectives).

Certaines cellules étaient en mauvais état, surtout en raison d’infiltrations d’eau, et l’état d’entretien des douches utilisées par la plupart des détenus laissait quelque peu à désirer. Il convient d’ajouter que l’emplacement de ces dernières (très éloignées des cellules) était loin d’être idéal.

Le CPT recommande d’améliorer le cloisonnement des installations sanitaires dans les cellules collectives. Il invite aussi les autorités françaises à revoir les conditions matérielles de détention dans l’établissement à la lumière des autres remarques formulées ci-dessus.

111. Lors de la visite, les ateliers de l’établissement étaient fermés ; des travaux de déflocage de l’amiante étaient en cours. Il en résultait que quelque 120 à 150 postes de travail / formation professionnelle qualifiante étaient provisoirement perdus. Toutefois, une cinquantaine de détenus suivaient de leur plein gré un enseignement élémentaire et secondaire ; de plus, tous les détenus de moins de 16 ans étaient assujettis à l’enseignement scolaire obligatoire. En outre, huit détenus suivaient une formation professionnelle dans le domaine culinaire, et vingt détenus avaient la possibilité de travailler en cellule. Parmi les autres activités proposées, figuraient entre autres de sport (tant en plein air - football, basket - qu’en salle - musculation, escalade, basket-ball-) et des activités culturelles.

En conséquence, les détenus les plus chanceux passaient environ 6 h 1/2 par jour en dehors de leur cellule en semaine (et les détenus de moins de 16 ans, 7 h 1/2). En revanche, les détenus qui n’avaient pas d’activités particulières (c’est-à-dire près de la moitié de la population de l’établissement au moment de la visite) bénéficiaient en moyenne d’à peine plus de quatre heures par jour hors cellule (la promenade quotidienne et deux heures de sport par semaine).

112. S’il y avait aussi peu d’activités hors cellule lors de la visite, cela était manifestement dû en partie à la fermeture temporaire des ateliers de l’établissement. De plus, le personnel avec lequel la délégation s’est entretenue a indiqué que la brièveté de la durée moyenne du séjour dans l’établissement (de l’ordre de quatre mois et demi) était un autre obstacle de taille qui empêchait d’organiser des programmes socio-éducatifs adéquats pour les jeunes gens concernés. Cela étant, ces facteurs n’expliquent qu’en partie la situation observée.

La délégation du CPT a eu la nette impression que le personnel ne s’investissait pas pleinement dans l’organisation d’un régime actif pour les jeunes détenus. A cet égard, il convient de souligner que le personnel affecté dans les établissements pour mineurs devrait être soigneusement sélectionné ; plus précisément, il devrait être capable de guider et de motiver les jeunes. Les jeunes détenus devraient bénéficier d’un programme complet d’activités éducatives, de loisirs ainsi que d’autres activités motivantes susceptibles de stimuler leurs potentialités d’insertion / réinsertion sociale et qui leur fassent passer huit heures ou plus hors de leur cellule ; l’éducation physique devrait constituer un élément important de ce programme.

Le CPT recommande de revoir, à la lumière des remarques formulées ci-dessus, le programme d’activités dont bénéficient les détenus au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis. En outre, il souhaite savoir si les ateliers de l’établissement ont maintenant été remis en service.

3. Services médicaux
a. remarques préliminaires
113. Depuis la visite effectuée en 1991, la prise en charge sanitaire des détenus a fait l’objet d’une importante réforme résultant de la loi n° 4-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. En particulier, l’organisation des soins de santé somatiques en milieu pénitentiaire a été transférée du service pénitentiaire au service public hospitalier (sauf en ce qui concerne des établissements pénitentiaires du programme 13 000 comme la maison d’arrêt de Villeneuve-Les-Maguelonne où ce domaine reste concédé à des groupements privés). Lors de la deuxième visite périodique, la mise en place de ce nouveau dispositif de prise en charge sanitaire dans les établissements visités était encore en phase de réalisation.

La réforme a également eu des incidences sur le dispositif de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire. L’on rappellera que, depuis 1986, ce dispositif était déjà confié au secteur public hospitalier dans le cadre de la mise en place de secteurs psychologiques en milieu hospitalier (création des services médico-psychologiques régionaux : "SMPR"). La réforme précitée, sans modifier les principes fondamentaux applicables, a conduit à deux séries de mesures visant pour les premières à conforter l’assise et le rôle du dispositif de soins psychiatriques au sein de l’organisation sanitaire, pour les secondes à dégager les moyens financiers nécessaires au développement de ce dispositif. Ceci c’est, entre autres, concrètement traduit, par l’établissement de protocoles d’accord dits "complémentaires" fixant les modalités d’interventions psychiatriques en milieu pénitentiaire.

114. Les modalités d’application de la loi précitée ont été fixées par le décret n° 94-926 du 27 octobre 1994 et précisées dans une circulaire du 8 décembre 1994. Cette circulaire comporte des grilles de référence indicatives en ce qui concerne notamment les effectifs en personnels médicaux des services de santé dans les établissements pénitentiaires. A priori, les normes ainsi dégagées semblent au CPT être d’un niveau plutôt modeste, en particulier en ce qui concerne les effectifs en médecins généralistes : par exemple, dans les maisons d’arrêt, 0,6 médecin généraliste pour 300 à 400 détenus ; 1,05 pour 600 à 700 détenus et 1,5 pour 900 à 1 000 détenus, et dans les centres pour peines, 0,4 médecin généraliste pour 300 à 400 détenus ; 0,7 pour 600 à 700 détenus.

Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises à ce sujet.

b. centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"
115. Dans le rapport relatif à sa visite de 1991, le CPT avait recommandé que le poste vacant de médecin chef soit pourvu sans délai et que les effectifs du personnel soignant de l’établissement soient examinés en vue de leur renforcement (paragraphe 168 ; doc. CPT/Inf (93) 2). Les autorités françaises l’ont informé, dans leur rapport intérimaire, qu’un médecin chef à plein temps avait été recruté le 24 février 1992.

Le médecin chef était secondé par un praticien hospitalier à temps plein ; un autre praticien, également à temps plein devait prendre ses fonctions début novembre 1996. De plus, cette équipe comptait parmi ses effectifs, un médecin à plein temps se consacrant exclusivement à l’infection au VIH et au SIDA. Quant à l’odontologie, les soins étaient assurés par un dentiste à plein temps et deux dentistes à temps partiel (chacun exerçant à 40%).Les effectifs en personnel soignant s’élevaient à 16,5 infirmiers à temps complet (contre dix en 1991) ; à ce chiffre, il faut ajouter une infirmière à temps complet se consacrant exclusivement à la prise en charge des détenus présentant une infection au VIH ou un SIDA.

Des consultations dans diverses spécialités étaient organisées (annuellement, 1400 vacations de 3,5 heures sont budgétisées pour différentes spécialités médicales). En ce qui concerne les soins psychiatriques, comme par le passé, ceux-ci étaient dispensés par le SMPR de l’établissement (cf. paragraphe 119 ci-dessous).

116. La situation actuelle en personnel médical et soignant constitue une évolution très positive par rapport à celle observée en 1991. Cela dit, les prestations kinésithérapeutiques demeuraient très limitées ; elles étaient assurées par le kinésithérapeute affecté à mi-temps à la Prison Hôpital des Baumettes (PHB). Celui-ci avait, en conséquence, la charge à la fois des patients séjournant au PHB et de l’ensemble des détenus nécessitant une rééducation. Par ailleurs, la situation en personnel de secrétariat médical est apparue relativement critique ; l’UCSA (Unité de consultations et de soins ambulatoires) ne disposait que d’une secrétaire à plein temps pour la gestion de l’ensemble des dossiers médicaux, ce qui imposait au personnel médical et soignant des tâches administratives supplémentaires.

117. La délégation a été préoccupée par la question de la permanence soignante, la nuit, au centre pénitentiaire. Depuis juillet 1996, il n’y a plus de présence infirmière au centre pénitentiaire de 19 h à 7 h (seuls la PHB et le SMPR connaissaient un système de garde nocturne pour leur secteur d’activité). Le CPT avait déjà abordé ce point au paragraphe 182 du rapport relatif à sa première visite ainsi qu’au paragraphe 54 du rapport relatif à sa visite à la Martinique en 1994 (document CPT (96) Inf 24). Les autorités françaises avaient, à cet égard, répondu qu’ "en principe et sauf dans les établissements de plus de 1 000 détenus, il n’est pas prévu d’organiser une présence soignante la nuit. La réponse médicale aux appels provenant de l’établissement pénitentiaire est assurée par le médecin de garde ou d’astreinte de l’établissement de santé ou par le médecin du système de garde libérale".

Comme il l’avait déjà indiqué dans une lettre adressée aux autorités françaises peu avant la deuxième visite périodique, le CPT considère que l’existence de systèmes d’astreinte ou d’appel à un service d’urgences ne rend en aucun cas superfétatoire la nécessité d’une présence permanente dans des locaux pénitentiaires (a fortiori de ceux de grande capacité comme le centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"), d’une personne en mesure de fournir les premiers soins et bénéficiant, de préférence, d’une qualification reconnue d’infirmier. Une telle mesure permettrait d’assurer une intervention à la fois immédiate et appropriée en cas d’urgence auprès des détenus.

118. Du point de vue des infrastructures de soins au centre pénitentiaire, la situation s’était considérablement améliorée depuis 1991. L’UCSA a été entièrement rénovée en été 1996. L’ensemble, bien que non encore entièrement fonctionnel, était à tous points de vue adéquat. En outre, l’infirmerie située au bâtiment B était en cours de réfection lors de la visite. Quant au bâtiment D, un budget a été provisionné pour l’année 1997 afin d’y installer une infirmerie complète aux lieu et place de l’actuelle salle de consultations.

Les locaux de l’infirmerie de la maison d’arrêt pour femmes, bien que propres et assez correctement équipés, étaient plus désuets. Apparemment, il existait des projets en vue de l’aménagement d’une infirmerie plus moderne à l’intention des détenues, mais aucun budget ni calendrier n’avaient encore été fixés à cet égard.

119. Au paragraphe 170 du rapport relatif à sa première visite, le CPT avait fait état de certaines préoccupations concernant les locaux du SMPR. Il a noté avec satisfaction que les cellules des patients avaient été rénovées et rééquipées en 1993. Néanmoins, ces travaux n’avaient pas remédié à toutes les insuffisances (par exemple, pas de système d’appel dans les chambres ; pas d’aménagement matériel pour permettre aux patients limités / ralentis sur le plan fonctionnel d’accéder au niveau supérieur des lits superposés dont certaines chambres étaient équipées ; douches non fonctionnelles). Des travaux avaient débuté le 1er septembre 1996 (dont l’achèvement est prévu pour février 1997) qui visaient un réaménagement et une rénovation complète du SMPR. La délégation a, en conséquence, appelée l’attention de la direction de l’établissement sur ces différentes questions afin qu’il puisse en être tenu compte.

Dans son rapport précité, le CPT avait aussi appelé l’attention sur les ressources quelque peu limitées en personnel du SMPR. Sur ce point, il convient de mentionner que l’effectif médical et soignant a été augmenté (2,5 postes de médecin et 7 postes paramédicaux supplémentaires), une augmentation qui permettra un accroissement des activités / traitements offerts dont la qualité avait fait l’objet d’une appréciation positive de la part de la délégation qui avait effectué la visite en 1991.

120. La PHB servait déjà en 1991 essentiellement d’infirmerie de dégagement (cf. paragraphe 169 du rapport du CPT précité). Lors de la visite, l’avenir de cette structure était incertain. En conséquence, le CPT s’abstiendra d’une analyse approfondie. Il note simplement que sa délégation a constaté que, contrairement à la situation observée en 1991, la PHB était dans un état de propreté satisfaisant, ce qui était louable vu la vétusté des lieux.

121. Au vu de ce qui précède, le CPT recommande aux autorités françaises :

- de renforcer de façon substantielle le service de kinésithérapie de l’UCSA du centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et, plus généralement, de prendre en compte les autres remarques formulées au paragraphe 116 en ce qui concerne le personnel de cette unité médicale ;

- d’assurer qu’une personne en mesure de fournir les premiers soins, bénéficiant, de préférence, d’une qualification reconnue d’infirmier, soit toujours présente dans les locaux du centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes".

Le CPT souhaite également obtenir des informations sur la mise en oeuvre des projets d’aménagement d’une infirmerie au bâtiment D et à la maison d’arrêt pour femmes ainsi que sur les décisions prises en ce qui concerne la Prison Hôpital des Baumettes.

c. établissements visités pour la première fois
i. maison d’arrêt de Paris-La Santé
122. L’équipe médicale de l’UCSA de la maison d’arrêt de Paris-La Santé se composait d’un médecin chef à plein temps, de deux médecins généralistes à mi-temps chacun ainsi que cinq internes assurant ensemble l’équivalent de six gardes de 24 heures par mois. Un tel effectif en médecins généralistes est loin d’être généreux pour un établissement qui héberge plus de 1 400 détenus.

Le service d’odontologie disposait d’un poste de dentiste à plein temps et, à compter de mars 1997, un deuxième poste à plein temps renforcera ce service ; ceci devrait permettre de solutionner le problème relevé des délais d’accès aux soins dentaires. L’équipe médicale de l’UCSA était secondée par onze infirmiers dirigés par un cadre infirmier. Néanmoins, il n’y avait aucun kinésithérapeute affecté au service de santé qui ne pouvait dès lors pas offrir de soins de rééducation.

Des consultations spécialisées étaient organisées hebdomadairement en radiologie, en cardiologie, en maladies infectieuses, etc. Toutefois, l’UCSA ne disposait pas des services d’un consultant en chirurgie.

123. A la différence du centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes", une garde médicale à la maison d’arrêt était organisée 24 heures sur 24. Cela étant, l’accès au médecin de garde, la nuit, aux cellules a été présenté comme un problème important. Compte tenu du nombre restreint de surveillants assurant le service de nuit, les délais d’intervention auprès des détenus nécessitant des soins seraient très longs. A cet égard, le cas d’un détenu décédé en 1995 en cellule avant que le médecin de garde n’ait pu se rendre auprès de lui a été mentionné à la délégation. Le médecin chef de l’UCSA a indiqué avoir déposé plainte auprès du ministère public suite à cet incident.

124. Quant aux infrastructures, l’UCSA était, lors de la visite, installée de manière provisoire au quartier bas avec une infirmerie décentralisée au quartier haut. Des travaux étaient en cours aux deuxième et troisième étages de la sixième Division du quartier bas en vue d’aménager les locaux qui accueilleront l’UCSA, en principe, au printemps 1997. En conséquence, le CPT ne formulera pas de commentaires sur les installations provisoires vues par sa délégation, si ce n’est qu’elles étaient dans un état d’entretien et de propreté satisfaisant. Il tient à ajouter qu’il a semblé à sa délégation - en l’état des travaux en cours et plans architecturaux à l’appui - que l’UCSA disposera de locaux performants et fonctionnels pour assurer les soins médicaux des détenus séjournant à la maison d’arrêt de Paris-La Santé.

125. Le SMPR de la maison d’arrêt était localisé dans la Division 4 du quartier bas et disposait de 51 cellules (trente trois patients y séjournaient lors de la visite). Les effectifs en personnel médical étaient d’un niveau que l’on peut considérer comme adéquat (deux praticiens hospitaliers à temps plein, trois à temps partiel, un psychiatrique vacataire assurant 84 heures mensuelles, deux psychiatres attachés effectuant cinq vacations hebdomadaires, un assistant et un interne). Une équipe de neuf psychologues (dont trois affectés à l’antenne spécialisée en toxicomanie) assurait le service de psychologie.

A l’inverse, les effectifs de l’équipe soignante - ne s’élevant qu’à trois infirmières - étaient pour le moins modestes. Une telle situation avait, entre autres, des répercussions négatives sur les possibilités de soins infirmiers (distribution de médicaments, participation aux actions thérapeutiques) et la permanence des soins les fins de semaine, jours fériés et la nuit. En l’état, pendant ces périodes, l’intervention en cas d’urgence médicale était effectuée par le médecin généraliste de garde de l’UCSA ; à cet égard, il faut encore souligner qu’aucun système d’astreinte extérieur - par exemple téléphonique - d’un médecin psychiatre n’avait été organisé.

En outre, le SMPR ne disposait pas de personnel en nombre suffisant pour pouvoir proposer une gamme variée d’activités ergo et socio-thérapeutiques. Lors de la visite, l’équipe en place ne comptait qu’un animateur poterie assurant trois vacations hebdomadaires.

La situation ci-dessus décrite a été mise en évidence dans divers documents émanant du SMPR. Le rapport de gestion 1995 de ce service a notamment souligné que les effectifs ".... en personnel non médical sont insuffisants pour assurer un fonctionnement correct du service, eu égard aux besoins des patients et aux textes réglementaires ....". Il est également précisé dans ce rapport que le protocole complémentaire concernant les prestations psychiatriques dispensées aux établissements pénitentiaires, siège d’un service médico-psychologique régional, prévoit notamment pour ce SMPR la création de trois postes d’infirmiers supplémentaires, d’un poste d’ergothérapeute et d’un demi-poste d’arthérapeute.

126. Les installations, notamment les lieux de séjour et d’activités des patients, étaient similaires aux autres divisions du quartier bas décrites ci-dessus (cf. paragraphes 100 et 101) ; elles n’offraient pas un environnement adapté à la mise en oeuvre de programmes variés d’activités thérapeutiques faisant appel à une gamme complète de traitement (psycho-socio-ergo thérapeutiques). Là encore, la délégation a été informée qu’un projet de rénovation et de réaménagement des locaux était prévu par le protocole complémentaire précité qui devrait répondre aux objectifs de soins.

127. Le CPT recommande aux autorités françaises :

- de prendre d’urgence des mesures pour garantir à la maison d’arrêt de Paris-La Santé l’accès sans délai du médecin de garde, la nuit, aux détenus nécessitant des soins ;

- d’assurer la présence régulière d’un consultant en chirurgie et d’un kinésithérapeute à l’UCSA de l’établissement ;

- d’organiser une permanence infirmière au SMPR de la maison d’arrêt ;

- de mettre en oeuvre sans délai les termes du protocole complémentaire susmentionné relatifs à la création de postes d’infirmiers, d’ergothérapeute et d’arthérapeute au SMPR ;

- de mettre en place au SMPR des programmes variés d’activités thérapeutiques qui fassent appel à une gamme complète de traitement (psycho-socio-ergo thérapeutiques).

Le CPT souhaite également être informé des suites que les autorités françaises entendent donner au projet de rénovation et réaménagement des locaux du SMPR.

ii. Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis
128. Au Centre de Jeunes Détenus, les services de santé étaient assurés par l’UCSA du complexe pénitentiaire, dans le cadre d’une unité décentralisée. Cette dernière comptait un médecin coordinateur, responsable de l’unité, (exerçant son activité à mi-temps) ainsi que deux médecins totalisant trois jours de présence hebdomadaire. Un dentiste effectuait des consultations au rythme de quatre demi-journées par semaine, ce qui impliquait un certain délai d’attente (deux à trois semaines) pour les soins non urgents. Quant aux soins infirmiers, ceux-ci étaient assurés par deux infirmières présentes à plein temps, tous les jours ouvrables.

Il convient d’ajouter que les jeunes détenus avaient aussi accès à des consultations spécialisées ainsi qu’à des prestations kinésithérapeutiques.

129. Vu la capacité de l’établissement et l’âge des détenus, l’effectif en personnel médical pour les soins somatiques peut être décrit comme à la rigueur acceptable. Il serait cependant souhaitable d’augmenter la fréquence des consultations dentaires et de prévoir un renforcement du personnel infirmier.

130. Pendant la nuit et les fins de semaine, il pouvait être fait appel au personnel de garde au service de santé central du complexe pénitentiaire. A cet égard, la délégation a entendu des allégations selon lesquelles le délai d’intervention de ce personnel de garde pouvait être long. Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises à cet égard.

131. Les soins psychiatriques et psychologiques incombaient au personnel du SMPR du complexe pénitentiaire. Il est à regretter que cette équipe ne comptait pas d’intervenant spécialisé en psychiatrie infanto-juvénile. Le CPT considère qu’il serait souhaitable de s’assurer le concours d’un tel spécialiste au Centre de Jeunes Détenus (un aspect d’ailleurs mis en exergue dans le guide méthodologique accompagnant la circulaire relative à la prise en charge sanitaire des détenus).

En outre, la délégation a été préoccupée par l’accès des jeunes détenus placés au quartier disciplinaire aux soins psychiatriques. Elle a observé, registres et dossiers médicaux à l’appui, qu’entre mai et octobre 1996, sur huit jeunes placés dans ce quartier et qui avaient été signalés par le personnel de surveillance pour consultation au psychiatre, seuls trois ont bénéficié d’une consultation. Il faut ajouter que pour deux d’entre eux, le délai entre la demande de consultation et le moment où celle-ci a eu lieu était important.

Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir la question de l’accès aux soins psychiatriques pour les jeunes détenus placés au quartier disciplinaire.

132. Quant aux infrastructures, les locaux de l’unité médicale du Centre de Jeunes Détenus étaient bien équipés et propres. Des travaux de réaménagement étaient prévus dans un proche avenir pour assurer une séparation stricte entre le secrétariat médical de l’unité et le bureau des surveillants.

iii. maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne
133. Comme déjà indiqué, la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne n’était pas visée par la réforme du dispositif de santé. Cependant, les autorités françaises ont précisé à la délégation que les recommandations d’ordre fonctionnel contenues dans les textes d’application de la loi de 1994 s’appliquent également dans de tels établissements du programme 13 000. Il y est notamment veillé lors de l’élaboration du cahier des charges des marchés de fonctionnement.

134. L’équipe médicale en charge des soins se composait de trois médecins généralistes intervenant tous les jours de la semaine (les fins de semaine, un système de médecin d’astreinte était en place) et de deux psychiatres présents tous les jours de la semaine (trois demi-journées et deux journées complètes). Deux dentistes étaient employés chacun à mi-temps, assurant ainsi des soins dentaires tous les jours ouvrables. Des consultations spécialisées étaient organisées à un rythme mensuel et s’agissant de la cardiologie, un spécialiste intervenait sur demande. Du point de vue para-médical, l’unité médicale bénéficiait de l’assistance de deux psychologues totalisant un temps plein et d’un kinésithérapeute présent deux après-midi par semaine.

L’équipe médicale était secondée par cinq infirmiers effectuant les soins tous les jours ouvrables ; de plus une permanence infirmière dans l’établissement était mise en place en dehors de ces périodes et la nuit.

En résumé, les effectifs en personnel médical / soignant du service médical peuvent être considérés comme étant d’un niveau satisfaisant.

135. Quant aux infrastructures, les cabinets de consultation médicale et dentaire, le local des soins infirmiers, etc. étaient bien équipés et propres.

d. examen médical à l’admission
136. Dans le rapport relatif à la première visite, le CPT avait exprimé différentes préoccupations au sujet de l’examen médical des détenus, nouveaux arrivants, et avait formulé des recommandations à cet égard (cf. paragraphes 177 à 179, doc. CPT/Inf (93) 2). Dans tous les établissements visités en 1996, les détenus entrants dans le système pénitentiaire bénéficiaient d’une consultation / examen médical dans les 24 heures de leur arrivée. Au Centre de Jeunes Détenus la délégation a cependant observé que l’examen médical d’entrée était de nature sommaire.

137. La question du dépistage de l’infection au VIH avait aussi retenu l’attention du CPT en 1991. Au cours de cette deuxième visite périodique, la délégation a constaté que, dans les établissements visités, un tel test était proposé sur un mode volontaire aux détenus, lors de l’examen médical d’admission. Conformément au guide méthodogique accompagnant la circulaire de 1994, un dispositif d’information / conseil personnalisé et de dépistage dans des conditions de confidentialité analogues à celles existant en milieu libre a été mis en place, par le biais des CDAG ("Consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH").

e. administration des médicaments
138. Le CPT avait dans son rapport relatif à la première visite (paragraphe 183) formulé des commentaires au sujet du système des fioles utilisées pour l’administration de certains médicaments, lesquelles contenaient le produit actif en suspension dans un liquide. Il a pris note avec intérêt à cet égard que le guide méthodologique de 1994 précise qu" en aucun cas, il ne doit être procédé à la dilution d’un médicament qui n’est pas destiné à cet usage". De plus, ce guide pose le principe de l’administration des médicaments par le personnel infirmier.

Cependant, la délégation a relevé qu’au centre pénitentiaire de Marseille "les Baumettes", dans un certain nombre de quartiers de détention et au SMPR, les médicaments psychotropes continuaient d’être distribués dans des fioles, par le personnel de surveillance. Quant au SMPR de Paris-La Santé, la délégation a cru comprendre que les médicaments pouvaient encore être distribués par le personnel de surveillance, vu les effectifs réduits en personnel infirmier. Le CPT souhaite obtenir les commentaires des autorités françaises sur ces questions.

f. transfert en milieu hospitalier extérieur
139. La situation n’était pas - voire pas du tout- satisfaisante dans certains établissements visités en ce qui concerne les consultations et demandes d’hospitalisations en milieu extérieur.

Au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes", le délai d’attente pour obtenir une consultation ambulatoire extérieure variait d’un mois et demi à trois mois. Ce problème était apparemment lié à des difficultés d’escorte. En outre, l’établissement était confronté à un important problème en ce qui concerne les hospitalisations extérieures, du fait de l’incendie ayant ravagé l’Unité des Consignés de l’hôpital Sainte Marguerite de Marseille.

Au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis, il a aussi été fait état de délais d’attente - dans un degré toutefois nettement moindre qu’à Marseille - pour les consultations ambulatoires extérieures, délais aussi liés à l’insuffisance des escortes policières.

A la maison d’arrêt de Paris-La Santé, le personnel médical du SMPR a souligné les difficultés de transfert rapide de détenus nécessitant une hospitalisation urgente dans un établissement psychiatrique approprié ; à noter que des difficultés similaires, cependant d’ordre moins important, ont été mises en évidence au SMPR de Marseille.

140. Le CPT tient à souligner que lorsqu’un transfert ou une consultation spécialisée en milieu hospitalier extérieur est nécessaire pour des patients détenus, ceci doit être fait dans des délais et des conditions qui tiennent pleinement compte de leur état de santé. Il recommande aux autorités françaises de prendre les mesures qui s’imposent dans les établissements susvisés.

141. Au cours de divers entretiens avec des médecins à Paris et à Marseille, la délégation a été informée que, lors des consultations de patients effectués dans un hôpital civil extérieur, les membres des forces de l’ordre chargés de l’escorte restaient présents pendant la consultation médicale. En outre, il n’était pas exclu, semble-t-il, que le patient détenu puisse rester menotté pendant la consultation médicale.

142. En ce qui concerne les hospitalisations, l’attention de la délégation a été appelée sur le fait qu’à Marseille, en raison de la fermeture de l’Unité des Consignés, les patients détenus hébergés en chambre ordinaire à l’hôpital Sainte-Marguerite étaient attachés à leur lit. En outre, pendant les examens médicaux et les soins administrés en chambre, les membres des forces de l’ordre restaient présents si le personnel médical ou soignant demandait que l’entrave soit ôtée au patient.

143. De l’avis du CPT, la présence de membres des forces de l’ordre pendant des consultations médicales en milieu hospitalier ou pendant l’administration de soins aux patients hospitalisés n’est pas conforme à l’éthique médicale.

S’agissant des mesures de sécurité mises en oeuvre, le CPT tient à dire que des détenus envoyés dans un hôpital pour y recevoir un traitement ne doivent pas être attachés à leur lit ou à d’autres éléments du mobilier afin d’assurer la sécurité. D’autres mesures de sécurité peuvent et doivent être prises. A cet égard, le CPT ne peut que souligner l’urgence qu’il y a à mettre en oeuvre le projet d’aménagement retenu d’une nouvelle unité hospitalière sécurisée à Marseille.

Quant au port de menottes pendant les consultations médicales extérieures, le CPT ne peut que faire référence à nouveau aux termes de l’article 803 du Code de procédure pénale et de la circulaire générale de procédure pénale qui mettent l’accent sur le caractère exceptionnel du recours à une telle mesure de sécurité.

144. Au vu de ce qui précède, le CPT recommande aux autorités françaises de :

- veiller à ce que toute consultation médicale de même que tous les examens et soins médicaux effectués dans des établissements hospitaliers civils se fassent hors de l’écoute et - sauf demande contraire du personnel médical ou soignant relative à un détenu particulier - hors de la vue des membres des forces de l’ordre ;

- assurer qu’à l’hôpital Sainte Marguerite, des patients détenus ne soient pas attachés à leur lit pour des raisons de sécurité et de vérifier que de telles pratiques n’aient pas cours dans d’autres hôpitaux civils du pays susceptibles d’accueillir des détenus ;

- donner une haute priorité à la réalisation du projet d’aménagement retenu d’une nouvelle unité hospitalière sécurisée à Marseille.

Le CPT souhaite également obtenir les commentaires des autorités françaises au sujet de la question du port des menottes pendant des consultations médicales en milieu hospitalier civil.

g. rôle des services de santé dans la prévention des mauvais traitements
145. La délégation a constaté que certains services de santé des établissements visités remplissaient un rôle en matière de prévention des mauvais traitements. Ainsi, au centre pénitentiaire de Marseille "les Baumettes" et à la maison d’arrêt de Paris-La Santé, lorsqu’un détenu entrant présentait des lésions, un examen médical détaillé était effectué et un certificat médical constatant les lésions traumatiques était rédigé avec remise d’une copie au détenu concerné. Par contre, au Centre de Jeunes Détenus à Fleury-Mérogis, la délégation a pu observer que les lésions constatées à l’arrivée chez un détenu ne faisaient l’objet que de mentions succinctes dans son dossier médical ; en particulier les origines de telles lésions n’étaient pas indiquées.

En cas de lésions constatées chez un détenu alléguant avoir subi des mauvais traitements par le personnel de surveillance, à Marseille et à Paris, la même procédure que celle ci-dessus décrite était suivie. De plus, des mesures appropriées étaient prises pour informer la direction de l’établissement afin qu’elle puisse ouvrir une enquête interne. En cas de violence entre co-détenus, l’approche était variable dans ces établissements ; à la maison d’arrêt de Paris-La Santé, un constat de lésions traumatiques n’était fait qu’à la demande du détenu.

146. Dans l’optique de la prévention des mauvais traitements, le CPT considère que tout dossier médical établi à l’occasion de l’examen médical d’admission (ou d’un détenu retournant dans l’établissement) devrait contenir i) un compte-rendu des déclarations faites par le détenu qui sont pertinentes pour l’examen médical (y compris sa description de son état de santé et ses éventuelles allégations de mauvais traitements), ii) un relevé des constatations médicales objectives fondées sur un examen approfondi, et iii) les conclusions du médecin à la lumière de i) et ii). La même approche doit être suivie suite à un épisode violent en prison, quelle qu’en soit l’origine.

En outre, l’approche visant à informer sous une forme appropriée une autorité compétente en cas de lésions en relation avec des allégations de mauvais traitements mériterait de ne pas être limitée aux seules hypothèses où ces allégations visent des membres du personnel pénitentiaire. Elle pourrait englober les situations où ces allégations concernent des membres des forces de l’ordre ainsi que des violences entre détenus.

Le CPT recommande aux autorités françaises de tenir compte des remarques ci-dessus formulées.

4. Autres questions
a. contacts avec le monde extérieur
147. Les règles régissant la durée des visites ont été exposées au paragraphe 131 du rapport du CPT relatif à la première visite. Dans les établissements visités, le rythme des visites était identique à celui exposé dans ledit rapport et que le CPT avait considéré comme adéquat. En ce qui concerne, la possibilité d’aménager l’application des règles en matière de visite pour les détenus dont les familles vivent très loin de la prison, la délégation a relevé que la pratique des "parloirs doubles" mensuels était mise en oeuvre dans la mesure du possible.

148. Pour ce qui est des conditions matérielles de déroulement des visites, le CPT avait noté, lors de la visite de 1991, des insuffisances au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes". Des travaux ont été effectués pour y remédier. Par ailleurs, la salle d’attente des familles était en cours de rénovation lors de la visite. Dans les autres établissements visités, les conditions matérielles dans lesquelles les visites se déroulaient, étaient très correctes. Il faut, en particulier, signaler qu’à la maison d’arrêt pour femmes à Marseille et à celle de Paris-La Santé, des aménagements avaient été opérés pour permettre aux détenus qui avaient des enfants, de les rencontrer dans un cadre agréable, propice au maintien des relations familiales.

149. Lors des visites précédentes effectuées en France (en 1991 et en 1994), le CPT avait relevé qu’il y avait une prohibition totale des contacts téléphoniques dans les maisons d’arrêt. Le Comité regrette que, dans le cadre du projet de loi en cours d’élaboration relatif au contrôle des correspondances des détenus émises par la voie des télécommunications, la possibilité d’accès au téléphone pour les prévenus n’ait pas été retenue (pour des arguments tenant au bon déroulement des instructions judiciaires ainsi que des impératifs de sécurité).

Il va de soi que, dans l’intérêt des instructions judiciaires, il peut être nécessaire d’interdire à un prévenu des contacts avec le monde extérieur pendant un certain temps (article 145-3 du Code de Procédure pénale). De plus, dans certains cas, le magistrat instructeur pourrait soumettre les contacts téléphoniques à un contrôle approprié. Toutefois, interdire à tout prévenu pendant toute la période de détention provisoire de tels contacts est, de l’avis du CPT, injustifié. L’on ne peut du reste que noter qu’une telle approche s’éloigne de celle suivie dans d’autres pays européens.

Le CPT recommande aux autorités françaises de reconsidérer l’interdiction généralisée de l’accès au téléphone pour les prévenus.

150. Au paragraphe 134 de son premier rapport, le CPT avait invité les autorités françaises à étudier la possibilité de créer des locaux qui permettraient aux détenus de recevoir, à des intervalles appropriés, des visites prolongées favorisant la poursuite de relations familiales et affectives (y compris sexuelles) avec leurs proches. Lors de la visite de 1996, la délégation a cru comprendre que l’administration pénitentiaire menait une réflexion sur la possibilité d’autoriser de telles visites. Le CPT souhaite obtenir des informations des autorités françaises à cet égard.

Dans ce contexte, le CPT voudrait souligner que permettre aux détenus de maintenir des relations affectives avec leurs proches contribuerait à préserver leur bien-être psychologique et, partant, à alléger la tension inhérente à la privation de liberté, en particulier lorsque celle-ci se prolonge.

b. discipline
151. La matière disciplinaire a fait l’objet d’une réforme de fond en 1996. Le décret du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus a notamment eu pour objet de définir de manière plus précise les fautes disciplinaires et les sanctions pouvant être infligées. En outre, il prévoit que la décision relative à la sanction disciplinaire doit être prononcée en présence du détenu et qu’elle lui est notifiée sans délai par écrit, avec l’indication des motifs de la décision. A cette occasion, le détenu est informé des voies de recours qui lui sont ouvertes. Ce décret a aussi renforcé le caractère contradictoire de la procédure disciplinaire : une enquête préalable au sujet des faits est à présent obligatoire ; une convocation écrite et motivée devant la commission de discipline doit être adressée au détenu et celui-ci dispose d’un délai ne pouvant être inférieur à trois heures pour préparer sa défense.

Lors de l’audience devant la commission, le détenu présente ses explications écrites ou orales. Il peut au cours de celle-ci se faire assister d’un interprète s’il ne maîtrise pas la langue française ; à noter néanmoins que cette possibilité n’est pas étendue à la phase au cours de laquelle il prépare sa défense. De plus, les nouvelles dispositions ne prévoient pas que le détenu puisse se faire assister par un conseil.

Le CPT salue les progrès intervenus en ce domaine depuis la première visite effectuée en France. Toutefois, il considère que les dispositions actuelles pourraient être utilement complétées sur certains points. En particulier, il est d’avis que dans certains cas au moins (notamment lorsque les faits reprochés revêtent un caractère de particulière gravité susceptible d’entraîner les sanctions disciplinaires les plus sévères), le détenu concerné devrait être en droit de bénéficier de l’assistance d’un conseil au cours de la procédure disciplinaire. En outre, le bénéfice de l’assistance d’un interprète ne devrait pas être limité à l’audience devant la Commission.

Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir la procédure disciplinaire, à la lumière des remarques ci-dessus formulées.

152. Il faut ajouter que la délégation a constaté que des efforts restaient à faire pour assurer la mise en oeuvre intégrale de la nouvelle procédure disciplinaire, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour le détenu concerné de préparer sa défense. Ainsi, elle a eu la très nette impression que la durée du délai prévue pour permettre au détenu de prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés et de constituer sa défense était interprétée de manière restrictive (c’est-à-dire au maximum trois heures) et qu’il ne disposait pas toujours de tous les éléments nécessaires comme par exemple, la mise à disposition du texte régissant la procédure disciplinaire.

Le CPT tient aussi à souligner dans ce contexte que, dans certains des établissements où sa délégation a assisté à des audiences de la Commission disciplinaire, le climat n’était guère propice à la sérénité des débats. Cette remarque vaut tout particulièrement pour les audiences disciplinaires au Centre de Jeunes Détenus à Fleury-Mérogis ; le climat y était vindicatif et, parfois, empreint de raillerie vis-à-vis du détenu. Il importe toutefois de souligner qu’à l’inverse, au centre pénitentiaire de Marseille, la qualité des débats s’était sensiblement améliorée (cf. paragraphe 138 du rapport relatif à la première visite).

Le CPT recommande aux autorités françaises de veiller à l’entière mise en oeuvre des dispositions du décret du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus et de vérifier le déroulement des audiences disciplinaires au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis.

153. A l’occasion de la réforme précitée, la Direction de l’Administration pénitentiaire a aussi reprécisé les normes matérielles que doivent présenter les cellules disciplinaires (table, tabouret / chaise, lit avec literie ou bat-flanc fixés à demeure ; toilettes / lavabo, fenêtre sécurisée permettant l’accès à la lumière naturelle, éclairage artificiel). Dans tous les établissements visités, les cellules disciplinaires répondaient à ces normes s’agissant du mobilier. Toutefois, aux maisons d’arrêt de Paris-La Santé et de Villeneuve-Les-Maguelonne comme au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis, l’accès à la lumière naturelle était limité, voire très limité. En outre, à la Santé, les cellules étaient sales et en mauvais état d’entretien. Le CPT recommande de remédier à ces inconvénients.

Au quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Paris-La Santé, la délégation a vu également deux cellules, l’une dite de "force", l’autre de "sécurité", équipées uniquement d’un matelas posé à même le sol et d’un W.-C.. Elle n’a pu obtenir aucune information précise sur l’utilisation de ces cellules. Le CPT souhaite obtenir des informations détaillées sur les cas dans lesquels il peut y être fait recours.

154. La Direction de l’administration pénitentiaire a également précisé le régime du placement en cellule disciplinaire. Elle a notamment rappelé le droit de chaque détenu placé au quartier disciplinaire à un exercice en plein air d’une heure par jour ainsi que l’absence de restriction quant à la correspondance écrite. Parmi les objets et articles remis de plein droit à de tels détenus, figurent les livres et journaux, les articles d’enseignement, le "nécessaire de correspondance" et les produits et objets nécessaires à l’hygiène corporelle. En outre, le règlement du quartier disciplinaire doit être affiché dans celui-ci et une copie doit être remise à chaque détenu. La délégation a observé que ces prescriptions étaient respectées en pratique, sauf en ce qui concernait parfois la mise à disposition du règlement du quartier disciplinaire aux détenus.

155. Toutefois, aucun des établissements pénitentiaires visités n’offraient aux détenus placés en cellule disciplinaire des aménagements satisfaisants pour l’exercice en plein air. La situation, à cet égard, était particulièrement mauvaise dans les maisons d’arrêt de Paris-La Santé et de Villeneuve-Les-Maguelonne. Dans le premier cas, l’exercice en plein air s’effectuait dans des cours en "camembert" sordides ; dans le second, les détenus se promenaient à l’intérieur de boxes en béton dont le toit était percé de deux carrés laissant pénétrer l’air frais et la lumière naturelle.

Le CPT recommande aux autorités françaises de revoir les aires de promenade aux maisons d’arrêt de Paris-La Santé et de Villeneuve-Les-Maguelonne réservées aux détenus placés au quartier disciplinaire, en vue d’aménager des infrastructures plus adéquates, capables d’offrir un véritable exercice en plein air.

156. Lors du séjour au quartier disciplinaire, les détenus bénéficient d’un suivi médical. A cette fin, un médecin se rend deux fois par semaine au quartier disciplinaire. Cependant, les conditions dans lesquelles les détenus pouvaient s’entretenir avec le médecin ne permettaient pas de préserver la confidentialité médicale. L’entretien, dans les établissements visités, avait lieu sur le pas de la porte de la cellule, à travers la grille interne fermée et pouvait être entendu par toute personne présente dans le quartier disciplinaire. En outre, de telles circonstances n’offraient pas les conditions adéquates pour effectuer un examen médical approprié. Il y a lieu de remédier à cette situation.

157. Enfin, la délégation a observé qu’au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis, il était fait un recours important à la sanction du placement en cellule disciplinaire. Elle a, en effet, relevé que du 1er janvier au 31 octobre 1996, il y avait eu près de 250 placements de jeunes détenus au quartier disciplinaire. Le CPT invite les autorités françaises à revoir la situation à cet égard au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis.

Plus généralement, le CPT s’interroge sur la pratique visant à placer des jeunes détenus dans le quartier disciplinaire du complexe pénitentiaire plutôt que dans un quartier distinct.

c. mise à l’isolement
158. Le CPT accorde une attention particulière aux détenus placés dans des conditions s’apparentant à une mise à l’isolement. Il tient à rappeler que le principe de proportionnalité demande à ce qu’un équilibre soit trouvé entre les exigences de la cause et la mise en oeuvre du régime d’isolement, qui est une mesure pouvant avoir des conséquences très néfastes pour la personne concernée. La mise à l’isolement peut, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. En tout état de cause, elle devrait être de la durée la plus brève possible.

159. La délégation a visité les quartiers d’isolement au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" ainsi que dans les maisons d’arrêt de Paris-La Santé et de Villeneuve-les-Maguelonne. Elle y a rencontré un certain nombre de détenus placés à l’isolement depuis de longues, voire très longues périodes.

Du point de vue matériel, les conditions étaient restées bonnes au quartier d’isolement du centre pénitentiaire de Marseille. De plus, à la maison d’arrêt de Paris-La Santé, les cellules d’isolement pouvaient être décrites comme correctes (cf. également paragraphes 100 et 101). A Villeneuve-les-Maguelonne, elles appellent la même critique quant à l’accès à la lumière naturelle que les cellules disciplinaires (cf. paragraphe 153).

En ce qui concerne le régime de détention, qui selon le Code de procédure pénale est un régime ordinaire, la délégation a constaté que les activités restaient limitées (lecture, télévision, voire d’éventuelles activités éducatives / de formation en cellule). C’est à Marseille que la délégation a constaté pour certains détenus isolés, une situation un peu meilleure, impliquant des activités sportives ou de loisirs en petits groupes. Quant aux contacts humains, ceux-ci restaient réduits, se résumant à d’éventuelles visites de proches ou d’autres personnes autorisées (représentant du culte, etc.) et aux quelques rapports quotidiens avec les gardiens.

En ce qui concerne l’exercice en plein air, selon l’établissement pénitentiaire, une à trois heures de promenade étaient autorisées par jour, toutefois dans des conditions pas ou peu satisfaisantes.

160. Le CPT avait souligné dans son rapport relatif à la première visite, que l’état mental et physique d’un détenu placé à l’isolement devait faire l’objet d’une attention particulière. Au paragraphe 380 de leur rapport intérimaire, les autorités françaises ont indiqué que les visites médicales de détenus mis à l’isolement étaient effectuées deux fois par semaine et qu’un médecin est appelé, en outre, chaque fois que l’état de santé d’un tel détenu l’exige. Le médecin dès lors qu’il estime que la santé physique ou mentale du détenu risque d’être affectée, doit en aviser le chef d’établissement par écrit.

Dans ce contexte, les autorité françaises ont informé la délégation d’un projet de décret (dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 1er décembre 1996) qui devrait préciser à nouveau les termes de l’accès à un médecin et de l’évaluation à effectuer en ce qui concerne l’état de santé du détenu.

161. Quant aux autres garanties, il a semblé à la délégation, à l’examen des dossiers pertinents, que la procédure de prolongation des mesures de mise à l’isolement était expéditive. Il lui a aussi semblé que sa mise en oeuvre variait régionalement. Ainsi, à Marseille, toute proposition de prolongation était notifiée en temps utile au détenu alors qu’à la maison d’arrêt de Paris-La Santé, la délégation a entendu des allégations de détenus placés à l’isolement que tel n’était plus le cas. Il importe d’ajouter que ces allégations étaient crédibles, puisqu’à l’inverse de Marseille, la délégation n’a pas trouvé trace de mentions / rubriques indiquant que le détenu avait été informé de la proposition de prolongation de la mesure de mise à l’isolement. De plus, la délégation n’a guère trouvé trace dans les dossiers examinés de rapports adressés à la Commission d’application des peines ni d’avis que celle-ci aurait pu formuler, conformément aux dispositions pertinentes du Code de procédure pénale. Par ailleurs, la délégation n’a vu, dans le cadre de la procédure de prolongation, que des certificats médicaux stéreotypés extrêmement sommaires.

162. Au vu de ce qui précède, le CPT recommande aux autorités françaises :

- de revoir l’exécution des mesures d’isolement afin de renforcer les activités mises à disposition des détenus et de leur assurer un contact humain approprié ;

- d’assurer que la mise à l’isolement soit de la durée la plus brève possible ; à cet égard, le réexamen trimestriel du placement à l’isolement devrait être l’occasion d’une évaluation complète fondée, le cas échéant, sur un rapport d’observation médico-social ;

- de veiller à ce que tout détenu pour lequel une décision de prolongation de la mise à l’isolement est prise soit informé par écrit des motifs de la mesure (étant entendu que les informations qui lui sont communiquées pourraient ne pas inclure des données que des impératifs de sécurité justifient raisonnablement de ne pas porter à la connaissance de l’intéressé).

Il souhaite aussi savoir si le décret annoncé par les autorités françaises est entré en vigueur et, dans l’affirmative, en recevoir copie.

163. Durant cette deuxième visite périodique, l’attention de la délégation a aussi été appelée sur la mise à l’isolement judiciaire, c’est-à-dire décidée par un magistrat instructeur. Selon les dispositions du Code de procédure pénale (article 145-3), le juge d’instruction peut prescrire à l’encontre d’une personne placée en détention provisoire, une interdiction de communiquer (sauf avec son avocat) pour une période de 10 jours, renouvelable. Il est précisé à l’article 145-3 qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter du placement en détention provisoire, un permis de visite à un membre de la famille peut seulement être refusé par le juge d’instruction en vertu d’une décision écrite et motivée au regard des nécessités de l’enquête. Un tel refus de délivrance d’un permis de visite peut faire l’objet d’un recours. A cet égard, la délégation a rencontré plusieurs détenus au centre pénitentiaire de Marseille et à la maison d’arrêt de Paris-La Santé qui ont indiqué avoir été privés de visites de leurs proches pendant des périodes prolongées allant jusqu’à quelques mois.

Le CPT reconnaît que, dans l’intérêt de l’instruction judiciaire, il peut parfois être nécessaire d’interdire tout contact entre une personne détenue et sa famille. Néanmoins, une telle situation ne devrait pas durer pendant une période prolongée. Si l’on estime qu’il y a un risque permanent de collusion, il vaudrait mieux autoriser les visites mais sous surveillance stricte. Le CPT souhaite recevoir les commentaires des autorités françaises à cet égard.

164. Sous la présente section, le CPT souhaite soulever un point spécifique qui a préoccupé sa délégation à la maison d’arrêt de Paris-La Santé. Elle a observé que les détenus ayant entamé une grève de la faim étaient placés au quartier d’isolement de l’établissement. Selon le Directeur, il s’agit d’un usage établi pour s’assurer que lesdits détenus ne s’alimentent pas à l’insu des autorités pénitentiaires.

Le CPT ne peut qu’exprimer sa perplexité devant une telle approche. Il tient à dire qu’un quartier d’isolement n’est pas en principe un lieu approprié pour le placement de personnes en grève de la faim. Le CPT souhaite recevoir les explications des autorités françaises sur ce point.

d. fouilles
165. La délégation a fait certaines observations préoccupantes à cet égard.

A la maison d’arrêt de Paris-La Santé, les conditions matérielles dans le local dit "cabines arrivants", destiné à héberger les détenus le temps nécessaire à leur fouille et à l’organisation du mouvement vers les cellules, étaient intolérables. Ce local comportait 10 "cages" d’1,49 m², sans aucun équipement permettant de s’asseoir, et de plus sales. La délégation a trouvé qu’entre cinq à sept détenus pouvaient être placés dans une cage (alors que d’autres étaient vides). De plus, la fouille à corps des détenus était effectuée dans le couloir où ces cages se trouvaient, au vu et au su des gardiens présents et d’autres détenus.

En outre, aux quartiers disciplinaires de La Santé et de Fleury-Mérogis, la délégation a observé que les détenus étaient contraints de se déshabiller dans le couloir, devant la porte de la cellule disciplinaire pour subir la fouille à corps.

166. Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre sans délai des mesures afin que la fouille à corps des détenus à la maison d’arrêt de Paris-La Santé et au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis soit effectuée dans des conditions respectant la dignité humaine. Il recommande en outre de mettre sans délai hors service les "cabines arrivants" à la maison d’arrêt de Paris-La Santé et d’aménager des aires d’attente adaptées. Ces aires devraient être équipées au moins d’un banc.

e. système d’appel
167. Dans le rapport relatif à la première visite, le CPT avait soulevé la question des systèmes d’appel. Dans deux établissements visités - le centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et la maison d’arrêt de Paris-La Santé - la situation était similaire à celle décrite dans le premier rapport. Dans le premier, là où un système d’appel existait il n’était pas toujours en état de fonctionnement ; dans le second, il n’y avait qu’un nombre réduit de cellules disposant d’une forme de système d’appel.

En résumé, la plupart des détenus nécessitant de l’aide alors qu’ils sont enfermés en cellule, restent contraints pour appeler l’attention d’un surveillant, de crier, frapper contre la porte ou glisser un papier sous celle-ci. Le CPT avait déjà appelé l’attention sur les risques que l’absence d’un système d’appel pouvait engendrer pour les détenus.

Le CPT ne peut que réitérer sa recommandation selon laquelle toutes les cellules doivent être équipées d’un système d’appel. Il recommande également de veiller au bon fonctionnement du système d’appel dans les cellules qui en sont équipées.

f. information des détenus
168. La délégation a recueilli une impression très positive du centre d’accueil et d’observation mis en place au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes". Il a notamment pour vocation d’informer tout détenu à son arrivée sur le fonctionnement de la détention (droits et obligations des détenus, déroulement de la vie quotidienne dans l’établissement, discipline, possibilités de travail et de formation).

169. Cela étant, la délégation a constaté qu’il y avait de manière générale matière à amélioration s’agissant de l’information donnée aux détenus, notamment étrangers, sur les règles régissant le fonctionnement de la détention. Il n’y avait que peu de notices en langues étrangères, et dans un éventail limité. Le CPT invite les autorités françaises à remédier à cette situation.

g. Souricière du Palais de Justice de Paris
170. La Souricière du Palais de Justice a été décrite au paragraphe 160 du rapport du CPT relatif à sa première visite. Pour mémoire, ce lieu sert de transit pour des détenus des prisons de la Santé, Fresnes et Fleury-Mérogis qui doivent se rendre au Palais de Justice.

La délégation a relevé avec satisfaction que les cellules destinées aux hommes avaient été rénovées. Toutefois, elle a observé que ces cellules, qui mesuraient à peine plus de 3 m², pouvaient être utilisées pour y placer trois, voire quatre détenus. Même si ces cellules ne sont utilisées que pour des périodes de relative courte durée (quelques heures), un tel taux d’occupation n’est pas acceptable.

171. Dans son rapport précité, le CPT avait recommandé que des mesures soient prises pour que les détenus transférés à la Souricière reçoivent de quoi manger, aux heures normales, y compris un repas complet dans le courant de la journée. Force a été de constater qu’en dépit des instructions données par les autorités françaises (cf. paragraphe 435 de leur rapport intérimaire), la situation était similaire à celle observée en 1991 : les détenus transférés au Palais de Justice avant l’heure du petit déjeuner, et rentrant le soir après l’heure du dîner, n’avaient pour tout repas de la journée qu’un sandwich et un fruit fournis par la prison d’origine.

En conséquence, le CPT recommande de revoir sans délai la question des repas mis à disposition des détenus transférés à la Souricière.

 

D. Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet
1. Introduction
172. L’Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet avait fait l’objet d’une première visite du CPT en 1991. La description générale des catégories de patients pris en charge par l’Unité et des infrastructures de celle-ci faite dans le rapport relatif à cette visite (cf. CPT/Inf (93) 2, paragraphes 187 et 188) restait valable en octobre 1996.

173. Le CPT tient à souligner d’emblée que la délégation qui a effectué la visite en 1996 n’a entendu aucune allégation et n’a recueilli aucun autre indice de mauvais traitements des patients par le personnel à l’Unité pour Malades Difficiles de Montfavet. Plus généralement, les relations entre les patients et le personnel de l’Unité semblaient détendues et de nature constructive.

174. Le rapport relatif à la visite de 1991 contenait un certain nombre de critiques concernant les conditions matérielles et le traitement des patients dans l’Unité. Dans leur réponse à ce rapport, les autorités françaises avaient appelé l’attention sur diverses améliorations qui avaient été - ou qui allaient être - apportées aux conditions de séjour dans l’Unité, à la lumière des remarques du CPT (cf. CPT/Inf (93) 2, pages 98 à 104).

Les informations recueillies par la délégation qui a effectué la visite de 1996 ont montré que des progrès considérables avaient été réalisés en vue de répondre aux préoccupations exprimées par le CPT. Néanmoins, il restait encore matière à amélioration s’agissant de certains aspects de l’établissement.

2. Conditions matérielles
175. Les conditions matérielles de base au pavillon "Les Tilleuls" réservé aux femmes, restaient, pour l’essentiel, d’un niveau adéquat. Des efforts étaient faits, en outre, pour créer une atmosphère plaisante et chaleureuse (par exemple, affiches, photographies d’excursions faites par les patients), conformément à la recommandation du CPT demandant qu’un environnement thérapeutique différencié soit mis en place. Cependant, les chambres demeuraient assez impersonnelles ; seules quelques patientes étaient autorisées à conserver des objets personnels dans leur chambre.

176. Quant aux pavillons pour hommes, à savoir "Esquirol A, B et C", les salles utilisées pour les activités et le séjour des patients pendant la journée offraient aussi un environnement plus stimulant et plus propice à la réadaptation qu’en 1991. Cela était particulièrement vrai s’agissant des pavillons "Esquirol A et B".

Cependant, les dortoirs à quatre lits et les chambres individuelles laissaient encore beaucoup à désirer. Leur mobilier se limitait à des lits fixés à demeure (et, au pavillon "Esquirol B", des tables de chevet), le seul autre équipement consistant en un W.-C. partiellement cloisonné ; aucun effort n’avait été fait pour décorer ou personnaliser les chambres. Au pavillon "Esquirol A", l’environnement anonyme des chambres était exacerbé par l’absence flagrante d’intimité due aux grandes fenêtres qui donnaient sur le couloir extérieur. La situation au pavillon "Esquirol B" était légèrement meilleure, les fenêtres étant plus petites et en partie recouvertes de rideaux.

En outre, à l’exception d’un baladeur et, semble-t-il, d’un peu de lecture, les patients ne pouvaient conserver aucun objet personnel dans les dortoirs/chambres.

177. Lors de la visite de 1991, il était déjà prévu de mettre en service un nouveau pavillon, "Les Chênes Verts" (cf. paragraphe 191 du rapport du CPT relatif à la visite de 1991, ainsi que page 104 du document CPT/Inf (93) 2). Au moment de la visite de 1996, ce projet semblait sur le point d’aboutir ; la délégation a été informée qu’un appel d’offres allait être lancé prochainement. La mise en service des "Chênes Verts" permettra de rénover progressivement les actuels pavillons pour hommes.

Le CPT recommande d’accorder une haute priorité à la mise en service du nouveau pavillon "Les Chênes Verts" et à la rénovation subséquente des actuels pavillons pour hommes.

Dans l’attente, le CPT recommande de prendre des mesures pour améliorer l’accès des patients à leurs objets personnels, et pour créer un environnement plus stimulant dans les chambres/dortoirs des patients de sexe masculin, à la lumière des remarques ci-dessus formulées.

Le CPT tient aussi à souligner à quel point il importe de permettre aux patients, dans des cas appropriés, d’avoir accès à leur chambre pendant la journée ; une telle possibilité existait dans le pavillon pour femmes mais pas dans les pavillons pour hommes.

3. Traitement des patients

178. Depuis la visite de 1991, le personnel infirmier avait été renforcé (et des aides-soignants supplémentaires avaient permis aux infirmiers de dégager plus de temps pour se consacrer aux soins) permettant ainsi de s’approcher - sans toutefois l’atteindre - du ratio souhaitable de deux postes d’infirmiers pour un patient (cf. paragraphe 196, 1er alinéa du rapport relatif à la visite de 1991). En outre, les infirmiers bénéficiaient maintenant d’un soutien psychologique et certains d’entre-eux avaient pu suivre une formation continue, notamment dans le domaine de la gestion de la violence.

179. Le CPT est particulièrement satisfait de constater que des réunions du personnel avaient maintenant lieu régulièrement (avec la participation de psychiatres, de psychologues, d’infirmiers et du travailleur social) afin d’évaluer les besoins de chaque patient en matière de traitement/thérapie et sa réaction au traitement prodigué. Ces échanges étaient encore enrichis par la contribution de la Commission du Suivi Médical (cf. aussi paragraphe 191), qui voyait au moins tous les six mois, et souvent à intervalles plus courts, chaque patient soigné dans l’Unité. A de telles occasions, le personnel évaluait les progrès du patient et faisait des suggestions concernant la démarche à adopter.

180. Certaines améliorations avaient aussi été apportées à l’équipement/aux infrastructures destinés aux activités. Il convient de faire référence en particulier aux nouveaux équipements sportifs à disposition des patients hommes. En outre, la délégation a été informée qu’il était prévu de couvrir l’actuelle piscine afin qu’elle puisse être utilisée toute l’année.

181. Les progrès évoqués aux paragraphes précédents avaient conduit à une nette amélioration de la qualité des soins prodigués aux patients. Un grand nombre de ces derniers participaient à des activités individuelles et collectives, y compris à des excursions. De plus, la délégation a été informée que l’on insistait maintenant particulièrement sur le soutien psychologique des patients. Il convient aussi de relever qu’aucun indice de surmédication n’a été recueilli.

Plus généralement, le bruit et l’absence d’activités suivies observés pendant la visite de 1991 avaient fait place à un environnement plus stimulant et plus positif. Le personnel a fait remarquer que le nombre d’incidents violents avait diminué et les patients avec lesquels la délégation s’est entretenue se sont montrés satisfaits de leur situation dans l’Unité.

Le CPT invite les autorités françaises à persévérer dans leurs efforts visant à renforcer les effectifs à l’Unité pour Malades Difficiles de Montfavet, à promouvoir la formation continue du personnel, et à développer des programmes de réadaptation pour les patients de l’établissement.

182. Le CPT tient aussi à souligner qu’il serait souhaitable de réunir toutes les informations d’ordre thérapeutique concernant un patient donné (actuellement, elles sont réparties dans un certain nombre de fichiers). Cela facilitera la mise en oeuvre de programmes individuels de réadaptation.

4. Isolement et moyens de contention physique
183. Le pavillon "Esquirol C" continuait d’être utilisé, entre autres, pour la mise à l’isolement des patients de sexe masculin qui étaient perturbés et/ou agressifs. Les conditions matérielles dans les cellules d’isolement n’avaient pas changé depuis la première visite (cf. CPT/Inf (93) 2, paragraphe 194) ; elles continuaient d’offrir un environnement que l’on ne peut que qualifier de non-thérapeutique. Le CPT recommande de prendre sans délai des mesures pour améliorer les conditions matérielles de ces cellules ; plus précisément, il faudrait prendre des mesures pour améliorer l’accès à la lumière du jour.

184. Sur les quatre patients placés à l’isolement lors de la visite, un seul faisait l’objet de cette mesure depuis une période prolongée (un peu plus de deux semaines) ; les trois autres n’étaient à l’isolement que depuis quelques heures (l’un d’entre-eux, nouvellement admis, était en observation). Aucun indice du recours à l’isolement de longue durée n’a été relevé.

Le patient qui était à l’isolement depuis deux semaines disposait de lecture et avait obtenu de quoi écrire. Cependant, la délégation a appris avec préoccupation qu’il n’était autorisé qu’à une demi-heure de promenade par jour, ce qui semblait être le cas de toutes les personnes placées à l’isolement. Le CPT recommande de prendre sans délai des mesures pour garantir à toute personne placée dans une cellule d’isolement au moins une heure par jour de promenade en plein air.

185. Le placement d’un patient dans une cellule d’isolement se faisait sous l’autorité d’un médecin et les informations concernant le placement étaient consignées dans un formulaire individualisé placé ensuite dans l’un des dossiers du patient. Cependant, il n’existait aucun registre centralisé de tous ces placements.

Le CPT recommande que tout recours à l’isolement (ou à tout moyen de contention physique) soit consigné dans un registre spécifiquement établi à cet effet. Les éléments à consigner devraient comprendre : l’heure de début de la mesure ainsi que l’heure à laquelle elle a pris fin, les circonstances dans lesquelles le cas s’est produit, les raisons ayant dicté la mesure en question et un compte-rendu des blessures éventuellement subies par des patients ou des membres du personnel.

186. En ce qui concerne les moyens de contention physique, la délégation a été informé qu’ils étaient très rarement utilisés dans l’Unité. La délégation n’a recueilli aucune information laissant supposer le contraire.

Comme indiqué ci-dessus, tout recours à de tels moyens devrait être consigné dans un registre spécifique (cf. paragraphe 185).

187. Enfin, le CPT tient à faire remarquer qu’il y a une nette tendance dans la psychiatrie moderne à éviter de recourir à l’isolement des patients violents ou difficiles à gérer pour d’autres raisons.

5. Information des patients et procédures de plainte
188. La délégation a été informée que les personnes hospitalisées à l’Unité pour Malades Difficiles recevaient maintenant à leur arrivée un exemplaire de la brochure remise à l’admission au Centre hospitalier spécialisé de Montfavet. Il s’agit là d’un progrès par rapport à la situation observée en 1991. Néanmoins, de l’avis du CPT, la spécificité des patients admis dans l’Unité pour Malades Difficiles ainsi que les règles qui y prévalent nécessitent la communication d’informations particulières.

Le CPT tient donc à réitérer sa recommandation selon laquelle il convient d’élaborer et de remettre à chaque patient admis un livret d’accueil expliquant les règles de l’Unité et les droits des patients.

189. Les patients pouvaient porter à l’attention de la Commission du Suivi Médical toute éventuelle plainte à l’occasion de l’examen de leur cas particulier (cf. paragraphe 191). En outre, ils avaient accès de manière confidentielle à toute personne ou autorité qu’ils estimaient appropriée. A cet effet, les patients disposaient d’une boîte aux lettres dont le facteur avait les clés.

Néanmoins, le CPT considère que le livret d’accueil mentionné au paragraphe 188 devrait expliquer clairement les différentes possibilités ouvertes aux patients de porter plainte.

6. Sortie des patients
190. L’admission dans l’Unité pour Malades Difficiles est en principe temporaire, car il s’agit de gérer de manière adéquate des patients en phase aïgue de leur maladie et pour lesquels des mesures de sûreté particulière sont nécessaires (cf. paragraphe 187 du rapport du CPT relatif à la visite de 1991). A cet égard, le CPT a constaté avec intérêt que, ces dernières années, la durée moyenne de séjour dans l’Unité pour Malades Difficiles avait diminué, le but poursuivi étant de transférer les malades aussitôt que leur placement dans des conditions de sûreté particulières ne s’imposait plus.

191. La Commission du Suivi Médical - composée d’un psychiatre du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet mais sans autres liens avec l’Unité pour Malades Difficiles, et de deux autres psychiatres, l’un de Montpellier et l’autre de Marseille - réexamine la nécessité du placement au moins tous les six mois ; à cette occasion, elle s’entretient avec le patient, avec le psychiatre responsable de celui-ci ainsi qu’avec les autres membres du personnel qui sont impliqués dans le traitement dudit patient. La Commission peut proposer des modifications au protocole thérapeutique suivi et elle peut décider de réexaminer le cas à des intervalles plus rapprochés (par exemple, tous les mois).

192. Lorsque la Commission estime qu’un patient devrait quitter l’Unité pour Malades Difficiles (généralement pour être transféré dans l’hôpital d’origine ou dans un établissement local approprié), qu’elle en ait pris l’initiative ou que ce soit à la suite de la demande formulée par le psychiatre traitant, par le patient concerné ou par un tiers, l’aval du préfet est requis.

A cet égard, la délégation a été informée que le transfert s’effectuait normalement dans un délai de deux à trois mois suivant la proposition de sortie faite par la Commission, mais qu’il pouvait y avoir des délais beaucoup plus longs, surtout en raison de la réticence de certains hôpitaux à réadmettre leurs patients. A titre d’exemple, lors de la visite, deux patients attendaient d’être transférés depuis très longtemps, l’un d’entre-eux depuis près d’un an. La situation était d’autant plus grave que les deux patients appartenaient à des environnements sociaux éloignés (respectivement de Corse et d’outre-mer). La délégation a été approchée par l’un des patients concernés qui manifestait un degré d’anxiété compréhensible du fait de sa situation. Le personnel du Centre hospitalier de Montfavet était en train de faire des efforts pour résoudre ces problèmes.

Le CPT recommande aux autorités françaises de prendre des mesures appropriées pour s’assurer qu’un patient ne séjourne pas plus longtemps que ne l’exige son état de santé dans un établissement destiné aux malades psychiatriques difficiles.

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III. RECAPITULATION ET CONCLUSIONS
A. Etablissements de police et de gendarmerie
193. Lors de cette deuxième visite périodique en France, la délégation du CPT n’a entendu aucune allégation de torture ou d’autres formes de mauvais traitements de personnes détenues par la gendarmerie ; elle n’a pas non plus recueilli d’autres indices d’un tel traitement.

Par contre, une proportion significative de personnes rencontrées par la délégation qui étaient - ou avaient été récemment - placées en garde à vue par la police ont allégué avoir été maltraitées. Le plus souvent, les mauvais traitements allégués auraient été infligés au moment de l’appréhension, alors que la personne appréhendée était déjà maîtrisée. Toutefois, un certain nombre de personnes ont indiqué que des mauvais traitements leur avaient été infligés au cours d’interrogatoires par des fonctionnaires de police en vue d’obtenir des informations ou une déposition.

Les allégations de mauvais traitements par la police ont été recueillies surtout à Paris, mais également à Marseille et à Montpellier. La majorité des personnes les ayant formulées étaient d’origine maghrébine ou africaine et/ou des personnes appréhendées parce que soupçonnées de détenir de la drogue ou d’en faire du trafic. Les formes de mauvais traitements allégués consistaient essentiellement en gifles, coups de poings et/ou de pieds, coups de matraque, menottage serré des mains dans le dos pendant des périodes prolongées. Dans quelques cas, il a été fait état de brutalités plus graves. Pour un certain nombre de personnes rencontrées, la délégation a recueilli des données à caractère médical compatibles avec leurs allégations de mauvais traitements.

194. Dans le rapport qu’il a établi suite à sa première visite périodique en France (octobre/ novembre 1991), le CPT avait déjà indiqué aux autorités françaises que le traitement des personnes privées de liberté par la police était pour lui source de préoccupation. A la lumière de l’ensemble des informations recueillies lors de la deuxième visite périodique, le Comité a souligné qu’il restait préoccupé par le traitement réservé aux personnes privées de liberté par la police en France et, plus particulièrement, à Paris.

S’agissant notamment des allégations de mauvais traitements formulées au moment de l’appréhension, le CPT est conscient du fait que l’arrestation d’un suspect est une tâche qui souvent comporte des risques, en particulier quand l’intéressé résiste et / ou s’il s’agit d’une personne dont les fonctionnaires de police ont de bonnes raisons de croire qu’elle peut être armée et dangereuse. Les circonstances d’une arrestation peuvent être telles que l’intéressé - et aussi, parfois les fonctionnaires eux-mêmes - subissent des blessures sans que cela résulte de l’intention délibérée d’infliger des mauvais traitements. Néanmoins, au moment de procéder à une arrestation, l’usage de la force doit être limité à ce qui est strictement nécessaire. En outre, dès lors qu’une personne est maîtrisée, rien ne saurait jamais justifier que des membres des forces de l’ordre la brutalisent. Le Comité a recommandé que ces préceptes soient rappelés aux fonctionnaires de police.

Le CPT a, à nouveau, insisté sur l’importance d’une formation professionnelle idoine - laquelle est un élément essentiel de toute stratégie de prévention des mauvais traitements - et a formulé des recommandations en ce domaine. Le CPT a salué le fait qu’à plusieurs reprises le Ministre de l’Intérieur et des responsables de haut rang de la police avaient adressé des messages aux fonctionnaires de police rappelant leur ferme attachement au respect de la déontologie, des lois de la République et des engagements internationaux contractés par la France, et annonçant des sanctions d’une extrême fermeté à ceux qui s’en affranchiraient. Le Comité a suggéré que de tels messages soient réitérés sous une forme adéquate à des intervalles appropriés.

Dans son rapport, le CPT a aussi évoqué les mesures préventives et de soutien mises en oeuvre pour les membres des forces de l’ordre, l’examen des plaintes pour mauvais traitements formulées contre ceux-ci, le rôle des médecins dans la prévention des mauvais traitements ainsi que le contrôle des mesures de garde à vue sur leur lieu d’exécution par les autorités judiciaires.

195. S’agissant des conditions matérielles de détention, la délégation a constaté que, dans certains établissements de police visités par le passé, des améliorations étaient intervenues. Toutefois, les conditions matérielles laissaient encore à désirer - par exemple, absence de matelas pour les personnes contraintes de passer la nuit en détention, accès à la lumière naturelle / éclairage artificiel souvent inadéquat, état de propreté parfois non satisfaisant. Des insuffisances comparables ont été constatées dans des établissements de police visités pour la première fois.

Certes, la plupart des établissements de police visités pouvaient assurer des conditions de détention adéquates pour des séjours de quelques heures. Toutefois, des gardes à vue de 24 à 48 heures étaient chose fréquente (et aux termes du Code de procédure pénale, la garde à vue peut aller jusqu’à 96 heures). Le CPT a souligné que détenir, pendant de telles périodes, des personnes dans des locaux sommairement équipés, sans mettre à leur disposition un matelas et des couvertures, ni même toujours leur assurer la possibilité de s’allonger pour dormir, et de surcroît les exposer à un éclairage permanent (parfois de forte intensité) n’est pas acceptable. En fait, il semble que les conditions de détention dans les établissements de police, même dans ceux récents ou rénovés, reposent sur une conception littérale de la garde à vue laquelle privilégie la nécessité de maintenir physiquement une personne à vue au détriment de considérations liées à des conditions de détention décentes.

Le CPT considère que le temps est venu de réfléchir à l’établissement de normes pour les locaux de détention dans les établissements de police. En conséquence, il a recommandé aux autorités françaises d’accorder une très haute priorité aux mesures destinées à l’adaptation des conditions matérielles de la garde à vue dans de tels établissements.

196. L’alimentation des personnes gardées à vue par la police continue d’être pour le CPT une source de préoccupation. A la lumière des faits constatés lors de la deuxième visite, il a recommandé aux autorités françaises de prendre sans délai des mesures pour assurer que toute personne en garde à vue reçoive de quoi manger aux heures normales de repas, conformément aux instructions qu’elles ont édictées à cet égard.

197. Les cellules des établissements de gendarmerie visités présentaient un avantage de taille par rapport aux locaux de garde à vue de la police, à savoir elles étaient toutes équipées d’une plate-forme de repos, pourvue d’un matelas et de couvertures. Cela étant, dans deux brigades, des insuffisances ont été constatées concernant l’aération, l’éclairage et les dimensions de certaines cellules.

198. En ce qui concerne les garanties fondamentales contre les mauvais traitements, les réformes du Code de Procédure pénale intervenues en 1993 dans le domaine du droit d’une personne en garde à vue d’informer un proche ou un tiers de sa situation répondent aux recommandations formulées par le Comité à cet égard dans son premier rapport. De plus, la consécration par le Code de Procédure pénale du droit à l’accès à un avocat pour une personne en garde à vue, constitue un progrès indéniable par rapport à la situation antérieure. Il n’en reste pas moins que l’étendue de ce droit demeure perfectible. Il ne s’applique toujours pas dès le tout début de la garde à vue et son contenu est très limité (se bornant à un bref entretien confidentiel). Le CPT a traité en détail dans son rapport des améliorations souhaitables en ce domaine. S’agissant de l’accès à un médecin pour une personne placée en garde à vue, ce droit est à présent aussi expressément consacré par le Code de Procédure pénale. Toutefois, une personne en garde à vue n’est toujours pas en mesure de faire appel à un médecin de son choix, comme le CPT l’avait recommandé par le passé.

Le Ministre de la Justice a informé le CPT qu’il envisageait de proposer en 1997 la création d’un régime légal de la garde à vue destiné à assurer la meilleure protection possible aux personnes privées de liberté. Le Comité a recommandé qu’à cette occasion, les autorités françaises reconsidèrent le droit d’une personne en garde à vue à l’accès à un avocat et à un médecin de son choix, à la lumière de ses remarques.

199. Dans le contexte des garanties fondamentales, le CPT a souligné une fois de plus l’importance qu’il y a à assurer que toutes les personnes en garde à vue soient informées sans délai et expressément de tous leurs droits et il a rappelé l’intérêt de l’élaboration d’un code de conduite des interrogatoires de police. Le Comité a également recommandé de prendre des mesures afin d’assurer que les examens médicaux des personnes en garde à vue dans les locaux des forces de l’ordre puissent être réalisés dans des conditions matérielles satisfaisantes, garantissant notamment la confidentialité des examens.

B. Centres de rétention administrative pour ressortissants étrangers
200. La délégation du CPT n’a entendu aucune allégation de mauvais traitements physiques de personnes retenues par des membres du personnel des centres de rétention visités.

201. Les conditions de rétention observées en 1991 au quartier pour hommes du centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de police de Paris avaient suscité de sérieuses critiques de la part du CPT, critiques qui n’avaient pas pu être entièrement levées lors de la visite qui y avait été effectuée en 1994. La délégation qui a effectué la visite en 1996 a constaté sur place que les travaux, entrepris en 1995, étaient en voie d’achèvement et qu’ils permettront d’assurer des conditions de rétention d’un bon niveau pour des séjours ne dépassant pas dix jours.

202. Toutefois, les conditions de séjour au centre administrative de rétention de Marseille-Arenc laissaient grandement à désirer. Les conditions matérielles étaient médiocres et les ressortissants étrangers ne se voyaient offrir aucune promenade en plein air pendant toute la durée de leur séjour. De plus, aucun encadrement médical spécifique, ni présence infirmière n’étaient prévus ; outre les difficultés d’accès à un médecin, cette situation entraînait inévitablement des conséquences inacceptables du point de vue de l’éthique médicale. Enfin, la délégation a relevé que l’information des retenus sur leurs droits et obligations n’était pas satisfaisante et qu’il y avait matière à clarification quant à la procédure à suivre pour le placement à l’isolement de retenus.

La délégation a fait part de ses graves préoccupations en ce qui concerne le centre de rétention administrative de Marseille-Arenc lors de l’entretien de fin de visite. Ultérieurement, les autorités françaises ont informé le CPT d’une série de mesures destinées à améliorer la sécurité et la salubrité au centre de rétention de Marseille-Arenc ainsi que la prise en charge médicale des personnes retenues ; des dispositions ont également été prises en ce qui concerne l’information des retenus sur leurs droits et la procédure à suivre en cas de mise à l’isolement d’un retenu. Cela étant, les autorités françaises ont indiqué qu’il n’était pas contestable que le bâtiment abritant ce centre présente une configuration inadaptée.

Le CPT a exprimé sa satisfaction face à la rapidité avec laquelle les autorités ont réagi aux observations de la délégation. Le Comité a toutefois souligné qu’il n’était pas acceptable que des personnes retenues soient privées de toute possibilité d’exercice en plein air pendant des périodes prolongées et qu’il y avait lieu d’organiser une présence infirmière journalière à l’intérieur du centre. Il a en conséquence recommandé aux autorités françaises de prendre sans délai des mesures appropriées sur ces deux points. Plus généralement, le CPT a invité les autorités françaises à reconsidérer l’aménagement d’un nouveau centre de rétention à Marseille.

203. D’autres questions ont encore été abordées par le CPT au sujet de la privation de liberté en vertu de la législation relative aux étrangers. Le Comité a surtout souligné que le personnel assigné à des tâches de surveillance dans des centres de rétention administrative doit être soigneusement sélectionné et recevoir une formation appropriée.

C. Etablissements pénitentiaires
204. La délégation n’a entendu aucune allégation de torture et très peu d’allégations d’autres formes de mauvais traitements de détenus par le personnel pénitentiaire dans les établissements visités. L’ensemble des observations faites in situ ont convaincu le CPT que la grande majorité du personnel des prisons visitées s’efforçait de traiter les détenus de manière humaine, tâche qui n’était pas toujours rendue aisée par les conditions matérielles qui régnaient dans certains établissements.

205. Les autorités françaises ont spontanément informé la délégation de certaines allégations ainsi que de cas isolés de mauvais traitements survenus dans un passé récent visant le centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" et la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne. Par ailleurs, la délégation du CPT a immédiatement informé les autorités françaises d’allégations, portées à sa connaissance, d’abus sexuels perpétrés par des fonctionnaires pénitentiaires sur des détenus hébergés dans un quartier réservé des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis. A la lumière des informations fournies par les autorités françaises sur les cas précités, le CPT reste persuadé qu’elles sont fermement engagées dans la lutte préventive et répressive contre les mauvais traitements des détenus.

206. Au Centre de Jeunes Détenus à Fleury-Mérogis, quelques allégations d’usage de gaz lacrymogène par des membres du personnel pénitentiaire à l’encontre de jeunes ont été recueillies par la délégation. Le CPT a souligné à cet égard que le recours au gaz lacrymogène pour maîtriser un détenu récalcitrant n’agissant pas de concert avec d’autres détenus est injustifiable. Les fonctionnaires pénitentiaires devraient avoir été formés à d’autres techniques de contrôle d’un tel détenu. Plus généralement, seules des circonstances exceptionnelles pourraient justifier l’utilisation de gaz comme moyen de contrôle à l’intérieur des locaux de détention. Le CPT a recommandé aux autorités françaises de prendre des mesures en conséquence au complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis ainsi que, le cas échéant, dans les autres établissements pénitentiaires.

207. Pour ce qui est des conditions de détention, le CPT a en premier lieu salué les développements intervenus depuis sa première visite dans la lutte contre la surpopulation carcérale et il a recommandé aux autorités françaises de poursuivre activement la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures en ce domaine, y compris celles visant à limiter le nombre de personnes envoyées en prison.

Les conditions de détention au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes" -qui avaient suscité d’importantes critiques dans le rapport du CPT relatif à sa première visite - ont été améliorées de manière significative. Cette évolution positive résultait pour une large part de la réduction sensible du taux d’occupation de l’établissement (en particulier dans les bâtiments A et B de la maison d’arrêt pour hommes). Cependant, elle était aussi due aux travaux de rénovation d’envergure menés pour améliorer les conditions matérielles dans les cellules de ces bâtiments et de la maison d’arrêt pour femmes. En outre, des efforts avaient été faits pour mettre à la disposition des détenus, hommes et femmes, un plus large éventail d’activités hors cellule. Le CPT a recommandé aux autorités françaises d’accorder une haute priorité aux travaux entrepris dans cet établissement et de poursuivre leurs efforts afin de développer les programmes d’activités.

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires visités pour la première fois en 1996, le CPT a surtout été préoccupé par la situation observée à la maison d’arrêt de Paris-La Santé. En effet, les conditions de détention dans plusieurs parties de cet établissement laissaient grandement à désirer et celles dans les divisions B, C et D du quartier haut pourraient être qualifiées d’inhumaines et de dégradantes. Les détenus dans ces dernières divisions passaient la part la plus importante de la journée en cellule, livrés à l’oisiveté, dans des conditions matérielles misérables comportant des risques pour la santé. Le CPT a, en conséquence, recommandé de prendre sans délai des mesures afin de remédier à la situation constatée dans les trois divisions précitées et d’accorder une haute priorité à la poursuite de l’ensemble des travaux de rénovation prévus dans cette maison d’arrêt. Diverses autres recommandations destinées à améliorer les conditions de détention ont été formulées.

208. Quant aux soins de santé, le CPT a considéré qu’à l’exception notable de la maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne, il y avait matière à amélioration en ce qui concerne les effectifs des services de santé des établissements visités. Le Comité a formulé un certain nombre de recommandations et commentaires en ce domaine. En ce qui concerne les infrastructures des services de santé, celles-ci étaient soit d’un niveau satisfaisant, soit en voie de réaménagement.

Les informations recueillies par la délégation du CPT lors de la visite de 1996 ont amené le Comité à prêter une attention particulière à la question des transferts de détenus en milieu hospitalier extérieur pour une consultation ambulatoire ou un traitement. Il a en particulier recommandé d’assurer que lorsqu’un tel transfert est nécessaire, ceci soit fait dans des délais et conditions qui tiennent pleinement compte de l’état de santé des détenus. Le CPT a également recommandé aux autorités françaises de veiller à ce que des détenus envoyés dans un hôpital pour y recevoir un traitement ne soient pas attachés à leur lit ou à d’autres éléments du mobilier pour assurer la sécurité ; d’autres mesures de sécurité peuvent et doivent être prises.

209. Le Comité a aussi abordé toute une série d’autres questions intéressant son mandat (par exemple, les contacts des détenus avec le monde extérieur, le régime disciplinaire, la mise à l’isolement, les fouilles des détenus).

Le CPT a, une fois de plus, demandé aux autorités françaises de reconsidérer l’interdiction généralisée de l’accès au téléphone pour les prévenus. En revanche, le Comité a salué les progrès intervenus dans le domaine disciplinaire depuis la récente réforme de 1996 ; il a cependant considéré que les dispositions actuellement en vigueur pourraient être utilement complétées sur certains points. Le CPT a aussi formulé d’autres recommandations visant notamment à améliorer les conditions matérielles dans les cellules disciplinaires et les infrastructures destinées à l’exercice en plein air pour les détenus placés au quartier disciplinaire dans certains établissements visités. Quant à l’isolement, le CPT s’est vu contraint de réitérer en substance un certain nombre de recommandations qui figuraient dans son premier rapport au sujet des activités à disposition des détenus isolés et de la nécessité de leur assurer un contact humain approprié. Il s’est, de même, à nouveau attaché à la question des garanties offertes à de tels détenus. Par ailleurs, la question des fouilles a appelé l’attention du CPT dans deux établissements, à savoir à la maison d’arrêt de Paris- La Santé et au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis ; il a recommandé que des mesures soient prises sans délai afin que, dans ces lieux, les fouilles à corps des détenus soient effectuées dans des conditions respectant la dignité humaine.

D. Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet
210. La délégation du CPT n’a entendu aucune allégation, ni recueilli aucun autre indice de mauvais traitements de patients par le personnel de l’Unité pour Malades Difficiles. Les relations entre les patients et le personnel de l’Unité lui ont semblé détendues et de nature constructive.

211. Depuis la visite de 1991, des progrès considérables avaient été réalisés en ce qui concerne les conditions matérielles et le traitement des patients. Néanmoins, il restait matière à amélioration par exemple, s’agissant de l’accès des patients (hommes et femmes) à leurs objets personnels et de la mise en place d’un environnement plus stimulant dans les chambres et dortoirs des pavillons réservés aux hommes. Le CPT a par ailleurs recommandé d’accorder une haute priorité à la mise en service du nouveau pavillon "Les Chênes Verts".

Les effectifs en personnel infirmier avaient été renforcés depuis 1991 et diverses autres mesures avaient été prises tant en ce qui concerne le personnel (par exemple en matière de formation continue, notamment dans le domaine de la gestion de la violence) que l’évaluation des besoins des patients en matière de traitement et de thérapie. Certaines améliorations avaient aussi été apportées à l’équipement et aux infrastructures destinés aux activités des patients. Tous ces progrès ont conduit à une nette amélioration de la qualité des soins prodigués aux patients. Le CPT a invité les autorités françaises à persévérer dans leurs efforts visant à renforcer davantage les effectifs en personnel, à promouvoir la formation continue et à développer les programmes de réadaptation pour les patients.

212. S’agissant de l’isolement et des moyens de contention physique, le CPT a recommandé que des mesures soient prises sans délai pour améliorer les conditions matérielles des cellules d’isolement du pavillon Esquirol C et pour garantir à toute personne placée en cellule d’isolement au moins une heure de promenade par jour.

213. Le CPT a abordé d’autres questions, à savoir : l’information des patients, les procédures de plainte ainsi que la sortie des patients. Le Comité a en particulier réitéré sa recommandation selon laquelle un livret d’accueil spécifique exposant les règles de l’Unité, les droits des patients et les différentes possibilités permettant de porter plainte, devrait être élaboré et remis à chaque patient admis.

E. Mesures à prendre suite aux recommandations, commentaires et demandes d’information du CPT
214. Les différents recommandations, commentaires et demandes d’information formulés par le CPT sont résumés dans l’ Annexe I de ce rapport.

215. Pour ce qui concerne plus particulièrement les recommandations du CPT, eu égard à l’article 10 de la Convention, le CPT demande aux autorités françaises de :

i) fournir, dans un délai de six mois, un rapport intérimaire comportant des informations sur la manière dont il est envisagé de mettre en oeuvre les recommandations du CPT, ainsi que, le cas échéant, un exposé des mesures d’ores et déjà entreprises (N.B. le CPT a indiqué l’urgence de certaines de ces recommandations) ;

ii ) fournir, dans un délai douze mois, un rapport de suivi comportant un exposé complet des mesures entreprise pour mettre en oeuvre les recommandations du CPT.

Le CPT espère qu’il sera également possible aux autorités françaises de fournir dans le rapport intérimaire sollicité des réactions aux commentaires formulés dans ce rapport qui sont résumés dans l’Annexe I, tout comme des réponses aux demandes d’information.

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ANNEXE I
RESUME DES RECOMMANDATIONS, COMMENTAIRES ET DEMANDES D’INFORMATION DU CPT
A. Coopération

- le CPT demande aux autorités françaises de prendre des mesures appropriées afin d’assurer que le Comité ait à l’avenir un accès rapide aux dossiers médicaux des personnes privées de liberté. De telles mesures devraient s’accompagner d’une information idoine des autorités et du personnel de santé publique qui sont, depuis la réforme des soins de santé en milieu pénitentiaire, compétents dans des domaines intéressant le CPT (paragraphe 9) ;

- le Comité demande aux autorités françaises de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que le CPT bénéficie d’un accès immédiat et direct aux pièces de procédure comportant des informations nécessaires au Comité pour l’accomplissement de sa tâche (paragraphe 10).

B. Etablissements de police et de gendarmerie

1. Mauvais traitements

a. recommandations

- accorder une haute priorité à la réalisation d’un guide pratique de déontologie pour les fonctionnaires de police (paragraphe 19) ;

- accorder une haute priorité à la formation professionnelle initiale et continue du personnel de la police. L’aptitude aux techniques de communication interpersonnelle devrait être un facteur déterminant dans le recrutement des fonctionnaires de police et, en cours de formation, l’accent devrait être mis sur l’acquisition et le développement de ces techniques (paragraphe 19) ;

- rappeler sous une forme adéquate aux fonctionnaires de police qu’au moment de procéder à une arrestation, l’usage de la force doit être limité à ce qui est strictement nécessaire et que dès lors qu’une personne est maîtrisée, rien ne saurait jamais justifier qu’elle soit brutalisée (paragraphe 22) ;

- que les résultats de toute consultation médicale, de même que les déclarations pertinentes de la personne détenue et les conclusions du médecin, soient consignés formellement par le médecin et mis à la disposition de la personne concernée et de son avocat (paragraphes 25 et 47).

b. commentaires

- réitérer sous une forme adéquate à des intervalles appropriés des messages tels ceux adressés par le Ministre de l’Intérieur et des responsables de haut rang de la police aux fonctionnaires de police rappelant leur ferme attachement au respect de la déontologie, des lois de la République et des engagements internationaux contractés par la France, et annonçant des sanctions d’une extrême fermeté à ceux qui s’en affranchiraient (paragraphe 21).

c. demandes d’information

- les mesures préventives et de soutien mises en oeuvre pour les membres des forces de l’ordre (paragraphe 23) ;

- commentaires des autorités françaises au sujet des deux points soulevés au paragraphe 24 en ce qui concerne l’attention portée aux certificats médicaux versés aux dossiers judiciaires de personnes en garde à vue faisant état de lésions traumatiques ainsi qu’aux allégations de mauvais traitements formulées devant un juge d’instruction ( paragraphe 24) ;

- la procédure et la pratique suivie par les autorités compétentes (officier de police judiciaire, ministère public, juge d’instruction) lorsque des pièces versées dans le dossier judiciaire de personnes gardées à vue (certificat médical, fiche d’observation d’un avocat) mentionnent des lésions compatibles avec des allégations de mauvais traitements formulées ou font état de telles allégations (paragraphe 24) ;

- nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées en 1995 et 1996 contre des membres des forces de l’ordre en France et nombre de poursuites pénales/disciplinaires engagées suite à celles-ci ; un relevé des sanctions pénales / disciplinaires prononcées au cours de cette même période suite à des plaintes pour mauvais traitements (paragraphe 24) ;

- commentaires des autorités françaises au sujet des visites de membres des parquets dans les établissements de police et de gendarmerie (paragraphe 26).

2. Conditions de détention

a. recommandations

- revoir les conditions de détention dans les établissements de police et de gendarmerie visités, à la lumière des remarques formulées aux paragraphes 28 à 33 (paragraphe 34) ;

- accorder une très haute priorité aux mesures destinées à l’adaptation des conditions matérielles de la garde à vue dans les établissements de police (paragraphe 35) ;

- prendre sans délai des mesures pour assurer que toute personne en garde à vue reçoive de quoi manger aux heures normales de repas, conformément aux instructions édictées (paragraphe 36).

b. demandes d’information

- le résultat des études menées au sein du Conseil de l’Equipement et de la Logistique pour parvenir à la conception de couverts correspondant aux impératifs de sécurité et à la nécessité pour les gardés à vue d’avoir une alimentation satisfaisante (paragraphe 36).

3. Garanties fondamentales contre les mauvais traitements

a. recommandations

- reconsidérer le droit d’une personne en garde à vue à l’accès à un avocat et à un médecin de son choix, en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 39 et 40 (paragraphe 41) ;

- vérifier dans les établissements de police et de gendarmerie la situation en ce qui concerne la mise à la disposition d’imprimés, dans les langues les plus usitées, décrivant l’ensemble de droits des personnes en garde à vue et, prendre, le cas échéant, les mesures appropriées (paragraphe 42).

b. commentaires

- l’acoustique des locaux destinés aux entretiens entre les personnes en garde à vue et les avocats était parfois (par exemple, à l’hôtel de police de Marseille) telle qu’elle pouvait permettre d’entendre la conversation à partir de l’extérieur à (paragraphe 39).

c. demandes d’information

- tout développement relatif à l’élaboration d’un code de conduite des interrogatoires de police (paragraphe 43).

4. Prise en charge médicale des personnes privées de liberté par les forces de l’ordre

a. recommandations

- prendre sans délai des mesures pour assurer que les personnes en garde à vue soient amenées au Service des Urgences Médico-Judiciaires dans des conditions qui préservent leur dignité (paragraphe 46) ;

- prévoir la présence régulière d’un médecin à la Salle Cusco lequel pourrait assurer la supervision générale des patients hospitalisés et être un premier recours pour le personnel infirmier (paragraphe 49) ;

- assurer que les examens médicaux des personnes en garde à vue dans les locaux des forces de l’ordre puissent être réalisés dans des conditions matérielles satisfaisantes garantissant notamment la confidentialité des examens (paragraphe 52).

b. commentaires

- les chambres des malades à la Salle Cusco méritent à présent une remise à neuf (paragraphe 48).

c. demandes d’information

- la date de mise en service des nouveaux locaux d’accueil et d’examens / soins médicaux des gardés à vue au Service des Urgences Médico-Judiciaires (paragraphe 45) ;

- commentaires des autorités françaises au sujet des remarques formulées au paragraphe 46 relatives au menottage (paragraphe 46) ;

- copie des instructions données, depuis l’entrée en vigueur de l’article 803 du Code de procédure pénale, aux forces de l’ordre (police et gendarmerie) au sujet du port de menottes et d’entraves des personnes privées de liberté à l’occasion des escortes (paragraphe 46) ;

- suites données à la proposition visant à réaménager la Salle Cusco et à la réserver aux gardes à vue et aux prévenus contre lesquels vient d’être délivré mandat de dépôt, le temps nécessaire à leur admission en milieu hospitalier (paragraphe 48).

C. Centres de rétention administrative pour ressortissants étrangers

a. recommandations

- prendre sans délai des mesures afin d’assurer que les personnes retenues au centre de rétention administrative de Marseille-Arenc se voient offrir une heure au moins d’exercice en plein air chaque jour et organiser une présence infirmière journalière à l’intérieur du centre (paragraphe 67) ;

- revoir la formation des fonctionnaires de police responsables de tâches de surveillance dans les centres de rétention administrative à la lumière des considérations développées au paragraphe 68 (paragraphe 68).

b. commentaires

- les autorités françaises sont invitées à reconsidérer la possibilité d’aménager un nouveau centre de rétention à Marseille (paragraphe 67).

c. demandes d’information

- la date de mise en service des locaux rénovés du centre de rétention administrative du dépôt de la Préfecture de police de Paris et des informations détaillées sur l’ensemble des activités mises à disposition des retenus ainsi que copie du nouveau règlement intérieur (paragraphe 57) ;

- mesures pratiques prises dans les différents centres de rétention et zones d’attente existants pour assurer que les personnes retenues/maintenues soient dûment informées de leurs droits et en mesure les exercer (paragraphe 69) ;

- le point de vue des autorités françaises sur les communications reçues par le CPT selon lesquelles en pratique le droit à l’accès aux zones d’attente reconnu aux associations humanitaires agréées serait interprété de manière restrictive (paragraphe 70) ;

- clarifications au sujet du recours ouvert aux ressortissants étrangers contre une décision administrative de refus d’entrée prise en vertu de l’article 5 de l’ordonnance de 1945 modifiée (paragraphe 71) ;

- commentaires des autorités françaises sur la question des pratiques de consignation à bord de ressortissants étrangers arrivant par voie maritime (paragraphe 71) ;

- exposé détaillé des mesures prises en pratique pour assurer qu’une personne ne soit pas renvoyée vers un pays où elle risque d’être torturée ou de subir des peines ou traitements inhumains ou dégradants (paragraphe 71).

D. Etablissements pénitentiaires

1. Mauvais traitements

a. recommandations

- prendre des mesures au complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis ainsi que, le cas échéant, dans les autres établissements pénitentiaires en ce qui concerne le recours au gaz comme moyen de contrôle, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 74 (paragraphe 74).

b. demandes d’information

- commentaires des autorités françaises au sujet du problème d’actes d’agression entre détenus (paragraphe 75).

2. Conditions de détention

remarques préliminaires

a. recommandations

- poursuivre activement la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures destinées à lutter contre la surpopulation carcérale, y compris de celles visant à limiter le nombre de personnes envoyées en prison (paragraphe 79).

centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"

a. recommandations

- veiller à ne pas dépasser le taux d’occupation de deux détenus par cellule aux bâtiments A et B de la maison d’arrêt pour hommes (paragraphe 94) ;

- accorder une haute priorité aux travaux de rénovation entrepris, en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 83 à 85 (paragraphe 94) ;

- poursuivre les efforts afin de développer les activités dans ce centre pénitentiaire (paragraphe 94) ;

- réexaminer sans délai la question de l’alimentation des détenus et prendre les mesures qui s’imposent (paragraphe 94).

b. commentaires

- des dégradations commençaient à être visibles au bâtiment D du centre pénitentiaire (paragraphe 84) ;

- les autorités françaises sont invitées à examiner la possibilité d’offrir un meilleur espace de promenade aux détenus placés à l’isolement ( paragraphe 94).

c. demandes d’information

- confirmation de la mise en service des cellules rénovées à la maison d’arrêt pour femmes (paragraphe 87) ;

- suites données au projet visant à mettre à la disposition des détenus à Marseille, comme dans les autres maisons d’arrêt, des stations de lavage pour le nettoyage de leur linge personnel (paragraphe 94).

maison d’arrêt de Paris-La Santé

a. recommandations

- prendre sans délai des mesures afin d’assurer que les conditions matérielles de détention aux divisions B, C et D du quartier haut atteignent le niveau de celles des autres secteurs de détention (paragraphe 107) ;

- accorder une haute priorité à la poursuite de l’ensemble des travaux de rénovation prévus dans cet établissement. Dans ce contexte, la question de l’encloisonnement des toilettes est à revoir, en tenant compte des remarques formulées aux paragraphes 101 et 103 à104 ( paragraphe 107) ;

- assurer qu’à l’unité des entrants, les cellules de 7m² n’hébergent pas plus de deux personnes la nuit (paragraphe 107) ;

- faire des efforts pour que les détenus travailleurs ne soient pas placés à deux par cellule de 7m², sauf dans des cas exceptionnels où il serait inopportun de laisser un détenu seul (paragraphe 107) ;

- faire des efforts pour réduire à trois personnes le taux d’occupation des cellules aux divisions A, B, C et D du quartier haut (paragraphe 107) ;

- veiller à ce que les détenus disposent des produits nécessaires pour assurer l’entretien de leur cellule et leur hygiène corporelle (paragraphe 107) ;

- assurer que les détenus puissent se présenter dans un état préservant la dignité humaine lorsqu’ils sont convoqués devant un magistrat (paragraphe 107) ;

- intensifier les efforts en vue du développement des activités à disposition des détenus. Une attention particulière devrait être donnée, dans ce contexte, à l’aménagement d’infrastructures sportives adéquates et à la mise à disposition d’un personnel suffisant pour assurer les activités sportives (paragraphe 107).

maison d’arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne

a. recommandations

- revoir le programme d’activités, à la lumière des développements contenus au paragraphe 109 (paragraphe 109).

centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis

a. recommandations

- améliorer le cloisonnement des installations sanitaires dans les cellules collectives (paragraphe 110) ;

- revoir le programme d’activités, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 112 (paragraphe 112).

b commentaires

- les autorités françaises sont invitées à revoir les conditions matérielles de détention dans l’établissement, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 110 (paragraphe 110).

c. demandes d’information

- les ateliers de l’établissement ont-ils maintenant été remis en service (paragraphe 112) ?

3. Services médicaux

remarques préliminaires

a. demandes d’information

- commentaires des autorités françaises sur les grilles de référence indicatives pour les effectifs en personnels médicaux des services de santé dans les établissements pénitentiaires (paragraphe 114).

centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"

a. recommandations

- renforcer de façon substantielle le service de kinésithérapie de l’UCSA et, plus généralement, prendre en compte les autres remarques formulées au paragraphe 116 en ce qui concerne le personnel de cette unité médicale (paragraphe 121) ;

- assurer qu’une personne en mesure de fournir les premiers soins, bénéficiant de préférence d’une qualification reconnue d’infirmier, soit toujours présente dans les locaux du centre pénitentiaire (paragraphe 121).

b. demandes d’information

- informations sur la mise en oeuvre des projets d’aménagement d’une infirmerie au bâtiment D et à la maison d’arrêt pour femmes ainsi que sur les décisions prises en ce qui concerne la Prison Hôpital des Baumettes (paragraphe 121) ;

- commentaires des autorités françaises sur le fait que dans un certain nombre de quartiers de détention et au SMPR, les médicaments psychotropes continuaient d’être distribués dans des fioles par le personnel de surveillance (paragraphe 138).

maison d’arrêt de Paris-La Santé

a. recommandations

- prendre d’urgence des mesures pour garantir l’accès sans délai du médecin de garde, la nuit, aux détenus nécessitant des soins (paragraphe 127) ;

- assurer la présence régulière d’un consultant en chirurgie et d’un kinésithérapeute à l’UCSA de l’établissement (paragraphe 127) ;

- organiser une présence infirmière au SMPR de l’établissement (paragraphe 127) ;

- mettre en oeuvre sans délai les termes du protocole complémentaire concernant les prestations psychiatriques dispensées aux établissements pénitentiaires relatifs à la création de postes d’infirmiers, d’ergothérapeute et d’arthérapeute au SMPR (paragraphe 127) ;

- mettre en place au SMPR des programmes variés d’activités thérapeutiques qui fassent appel à une gamme complète de traitement (psych-socio-ergothérapeutiques) (paragraphe 127).

b. commentaires

- l’effectif en médecins généralistes attribué à l’UCSA est loin d’être généreux pour un établissement qui héberge plus de 1400 détenus (paragraphe 122).

c. demandes d’information

- suites données au projet de rénovation et réaménagement des locaux du SMPR (paragraphe 127) ;

- commentaires des autorités françaises en ce qui concerne la distribution de médicaments par le personnel de surveillance du SMPR (paragraphe 138).

Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis

a. recommandations

- revoir la question de l’accès aux soins psychiatriques pour les jeunes détenus placés au quartier disciplinaire (paragraphe 131).

b. commentaires

- il serait souhaitable d’augmenter la fréquence des consultations dentaires et de prévoir un renforcement du personnel infirmier (paragraphe 129) ;

- il serait souhaitable de s’assurer le concours d’un intervenant spécialisé en psychiatrie infanto-juvénile ( paragraphe 131) ;

- la délégation a observé que l’examen médical d’entrée des jeunes détenus était de nature sommaire (paragraphe 136).

c. demandes d’information

- commentaires des autorités françaises au sujet des allégations selon lesquelles le délai d’intervention la nuit et les fins de semaine du personnel de garde au service central de santé du complexe pénitentiaire pouvait être long (paragraphe 130).

transfert en milieu hospitalier extérieur

a. recommandations

- prendre les mesures qui s’imposent dans les établissements visés au paragraphe 139 afin d’assurer que lorsqu’un transfert ou une consultation spécialisée en milieu hospitalier extérieur est nécessaire pour des patients détenus, ceci soit fait dans des délais et des conditions qui tiennent pleinement compte de leur état de santé (paragraphe 140) ;

- veiller à ce que toute consultation médicale de même que tous les examens et soins médicaux effectués dans des établissements hospitaliers civils se fassent hors de l’écoute et - sauf demande contraire du personnel médical ou soignant relative à un détenu particulier - hors de la vue des membres des forces de l’ordre (paragraphe 144) ;

- assurer qu’à l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille, des patients détenus ne soient pas attachés à leur lit pour des raisons de sécurité et vérifier que de telles pratiques n’aient pas cours dans d’autres hôpitaux civils du pays susceptibles d’accueillir des détenus (paragraphe 144) ;

- donner une haute priorité à la réalisation du projet d’aménagement retenu d’une nouvelle unité hospitalière sécurisée à Marseille (paragraphe 144).

b. demandes d’information

- commentaires des autorités françaises au sujet de la question du port des menottes pendant les consultations médicales en milieu hospitalier civil (paragraphe 144).

rôle des services de santé dans la prévention des mauvais traitements

a. recommandations

- tenir compte des remarques formulées au paragraphe 146 (paragraphe 146).

4. Autres questions

a. recommandations

- reconsidérer l’interdiction généralisée de l’accès au téléphone pour les prévenus (paragraphe 149) ;

- revoir la procédure disciplinaire, à la lumière des remarques formulées au paragraphe 151 (paragraphe 151) ;

- veiller à l’entière mise en oeuvre des dispositions du décret du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus et vérifier le déroulement des audiences disciplinaires au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis (paragraphe 152) ;

- remédier aux inconvénients d’ordre matériel dans les cellules disciplinaires des établissements visités exposés au paragraphe 153 (paragraphe 153) ;

- revoir les aires de promenade aux maisons d’arrêt de Paris-La Santé et de Villeneuve-les-Maguelonne réservées aux détenus placés au quartier disciplinaire, en vue d’aménager des infrastructures plus adéquates, capables d’offrir un véritable exercice en plein air (paragraphe 155) ;

- revoir l’exécution des mesures d’isolement afin de renforcer les activités mises à disposition des détenus et de leur assurer un contact humain approprié (paragraphe 162) ;

- assurer que la mise à l’isolement soit de la durée la plus brève possible ; à cet égard, le réexamen trimestriel du placement à l’isolement devrait être l’occasion d’une évaluation complète fondée, le cas échéant, sur un rapport d’observation médico-social (paragraphe 162) ;

- veiller à ce que tout détenu pour lequel une décision de prolongation de la mise à l’isolement est prise soit informé par écrit de la mesure (étant entendu que les informations qui lui sont communiquées pourraient ne pas inclure des données que des impératifs de sécurité justifient raisonnablement de ne pas porter à la connaissance de l’intéressé) (paragraphe 162) ;

- prendre sans délai des mesures afin que la fouille à corps des détenus à la maison d’arrêt de Paris-La Santé et au quartier disciplinaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis soit effectuée dans des conditions respectant la dignité humaine (paragraphe 166) ;

- mettre sans délai hors service les "cabines arrivants" à la maison d’arrêt de Paris-La Santé et aménager des aires d’attente adaptées. Ces aires devraient être équipées au moins d’un banc (paragraphe 166) ;

- équiper toutes les cellules d’un système d’appel et veiller au bon fonctionnement du système d’appel dans les cellules qui en sont équipées (paragraphe 167) ;

- revoir sans délai la question des repas mis à disposition des détenus transférés à la Souricière du Palais de Justice de Paris (paragraphe 171).

b. commentaires

- le règlement du quartier disciplinaire n’était parfois pas mis à disposition des détenus qui y étaient placés (paragraphe 154) ;

- il y a lieu de remédier à la situation constatée en ce qui concerne les conditions d’entretien / examen médical dans les quartiers disciplinaires des établissements visités (paragraphe 156) ;

- les autorités françaises sont invitées à revoir la situation en ce qui concerne le recours au placement en cellule disciplinaire au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis (paragraphe 157) ;

- le CPT s’interroge sur la pratique visant à placer des jeunes détenus dans le quartier disciplinaire du complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis plutôt que dans un quartier distinct (paragraphe 157) ;

- les autorités françaises sont invitées à remédier à la situation observée en ce qui concerne l’information donnée aux détenus, notamment étrangers, sur les règles régissant le fonctionnement de la détention (paragraphe 169) ;

- un taux d’occupation de trois, voire quatre détenus par cellule d’à peine plus de 3m² à la Souricière du Palais de Justice de Paris n’est pas acceptable (paragraphe 170).

c. demandes d’information

- informations sur la réflexion menée par l’administration pénitentiaire au sujet de la possibilité d’autoriser des visites prolongées favorisant la poursuite de relations familiales et affectives (y compris sexuelles) (paragraphe 150) ;

- les cas dans lesquels il peut être fait recours à la cellule dite de "force" et à celle de "sécurité" du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Paris-La Santé (paragraphe 153) ;

- le décret annoncé par les autorités françaises devant préciser les termes de l’accès à un médecin et l’évaluation de l’état de santé d’un détenu placé à l’isolement, est-il entré en vigueur ? Dans l’affirmative, une copie est souhaitée (paragraphe 162) ;

- commentaires des autorités françaises sur l’avis du CPT selon lequel si, dans l’intérêt d’une instruction judiciaire, il peut parfois être nécessaire d’interdire tout contact entre une personne détenue et sa famille, une telle situation ne devrait pas durer pendant une période prolongée. Si l’on estime qu’il y a un risque permanent de collusion, il vaudrait mieux autoriser de telles visites mais sous surveillance stricte (paragraphe 163) ;

- explications de la part des autorités françaises sur l’usage établi à la maison d’arrêt de Paris-La Santé selon lequel les détenus ayant entamé une grève de la faim sont placés au quartier d’isolement (paragraphe 164).

E. Unité pour Malades Difficiles du Centre hospitalier spécialisé de Montfavet

a. recommandations

- accorder une haute priorité à la mise en service du nouveau pavillon "Les Chênes Verts" et à la rénovation subséquente des actuels pavillons pour hommes et, dans l’attente, prendre des mesures pour améliorer l’accès de patients à leurs objets personnels ainsi que pour créer un environnement plus stimulant dans les chambres/dortoirs des patients de sexe masculin (paragraphe 177) ;

- prendre sans délai des mesures pour améliorer les conditions matérielles des cellules d’isolement du pavillon "Esquirol C" et, plus précisément, l’accès à la lumière du jour (paragraphe 183) ;

- prendre sans délai des mesures pour garantir à toute personne placée dans une cellule d’isolement au moins une heure par jour de promenade en plein air (paragraphe 184) ;

- consigner dans un registre spécifiquement établi à cet effet tout recours à l’isolement (ou à tout moyen de contention physique). Les éléments à consigner devraient comprendre : l’heure de début de la mesure ainsi que l’heure à laquelle elle a pris fin, les circonstances dans lesquelles le cas s’est produit, les raisons ayant dicté la mesure en question et un compte-rendu des blessures éventuellement subies par des patients ou des membres du personnel (paragraphes 51 et 185).

- élaborer un livret d’accueil expliquant les règles de l’Unité, les droits des patients ainsi que les différentes possibilités de porter plainte et le remettre à chaque patient admis (paragraphe 188) ;

- prendre des mesures appropriées pour s’assurer qu’un patient ne séjourne pas plus longtemps que ne l’exige son état de santé dans un établissement destiné aux malades psychiatriques difficiles (paragraphe 192).

b. commentaires

- le CPT tient à souligner à quel point il importe de permettre aux patients, dans des cas appropriés, d’avoir accès à leur chambre pendant la journée (paragraphe 177) ;

- les autorités françaises sont invitées à persévérer dans leurs efforts visant à renforcer les effectifs à l’Unité pour Malades Difficiles, à promouvoir la formation continue du personnel et à développer des programmes de réadaptation pour les patients de l’établissement (paragraphe 181) ;

- il serait souhaitable de réunir toutes les informations d’ordre thérapeutique concernant un patient donné (paragraphe 182).

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ANNEXE II
LISTE DES AUTORITES ET ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES RENCONTREES PAR LA DELEGATION DU CPT
 

I. AUTORITES NATIONALES

La délégation du CPT a rencontré :

- M. Jacques TOUBON, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

- M. Xavier EMMANUELLI, Secrétaire d’Etat à l’Action Humanitaire d’Urgence

- M. Hervé GAYMARD, Secrétaire d’Etat à la Santé et à la Sécurité Sociale

Elle a également rencontré les représentants suivants des autorités nationales :

Secrétariat Général du Gouvernement

- M. Jean-Marc SAUVÉ, Secrétaire Général du Gouvernement

Ministère de la Justice

Direction de l’Administration pénitentiaire

- M. Gilbert AZIBERT, Directeur de l’Administration Pénitentiaire

- M. Philippe MAITRE, Chef de l’Inspection des Services Pénitentiaires

- Mme Anne GRIMAUD-SCHAFFNER, Chef du Bureau de l’Action Sanitaire

- Mme Isabelle PINET, Chef du Bureau de l’Individualisation et des Régimes de Détention

Direction des Affaires Criminelles et des Grâces

- M. Marc MOINARD, Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces

- M. Laurent LE MESLE, Sous-Directeur des Affaires Pénales Générales et des Peines

- Mme Magali INGALL-MONTAGNIER, Chef du Bureau de la Police Judiciaire

Service des Affaires Européennes et Internationales

- Mme Nadine BERTHELEMY-DUPUY, Bureau des Droits de l’Homme

Ministère de la Défense

- M. Gérard ALIX, Directeur Adjoint du Cabinet Civil et Militaire du Ministre de la Défense

- Lieutenant Colonel Pierre TOURNIER, Direction Générale de la Gendarmerie Nationale

- M. Guy ROGEL, Sous-Direction des Affaires Juridiques et Administratives, Direction de l’Administration Générale

ainsi que d’autres représentants de ce Ministère

Ministère des Affaires Etrangères

Direction des Affaires Juridiques

- M. Marc PERRIN DE BRICHAMBAUT, Directeur des Affaires Juridiques (agent de liaison suppléant de la France auprès du CPT)

- M. Jean-François DOBELLE, Directeur-Adjoint des Affaires Juridiques

- M. Yves CHARPENTIER, Sous-Directeur des Droits de l’Homme

- Mlle Michèle DUBROCARD, Sous-Direction des Droits de l’Homme

Ministère de l’Intérieur

- M. Michel BESSE, Directeur du Cabinet du Ministre de l’Intérieur

- M. Denis TROMEUR, Conseiller Technique à la Direction Générale de la Police Nationale

- Mme Frédérique DOUBLET, Chef du Bureau du Droit Comparé et du Droit International, Direction des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques

Préfecture de Police de Paris

- M. Lionel BEFFRE, Chef de Cabinet du Préfet de Police de Paris

- M. Yves LUCET, Directeur de l’Inspection Générale des Services.

Ministère du Travail et des Affaires Sociales

- Docteur Claude GUBLER, Inspecteur Général des Affaires Sociales

- Mme Martine COURTOIS, Adjointe du Chef du Secteur des Affaires Européennes, Division des Relations Internationales

* * *

- M. Jean-Pierre COCHARD, Président honoraire de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation (agent de liaison de la France auprès du CPT).

 

II. ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

- Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT)

- Association Nationale des Visiteurs de Prisons (ANVP)

- Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers (ANAFE)

- Comité Inter-Mouvement auprès des Evacués (CIMADE)

- Ligue Française des Droits de l’Homme.

--------------------------------------------------------------------------Notes
1. Circulaire du 25 mars 1996, Journal Officiel de la République Française du 27 mars 1996, pp 4668- 4669.

2. Il est à préciser néanmoins que, sous l’empire de la législation actuelle, le mineur de 16 ans est autorisé à s’entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue.

3. Cette disposition est applicable à toute escorte de personne, qu’elle soit gardée à vue, déférée, détenue provisoire ou condamnée.

4. Article 35 bis de l’Ordonnance de 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

5. ce projet est devenu la loi du 30 décembre 1996