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Evaluation et parcours d’execution de peine

Type : Word

Taille : 105.5 kio

Date : 21-06-2016

Évaluation et parcours d’exécution de peine

Mise en ligne : 21 juin 2016

« Désormais on condamne au nom de la morale et on surveille au nom du risque ». C’est ce que le contrôleur général des lieux de privation de liberté appelle le « changement de paradigme » de notre système pénal : la « dangerosité » du délinquant devient le critère principal sur lequel se fondent toutes les décisions le concernant. Dans ce contexte, la prison devient un gigantesque lieu d’observation et d’évaluation des détenus dans le but d’ « individualiser » leur « parcours » de détention. De nombreux fichiers et grilles d’évaluation (logiciel GIDE, « livret du détenu » puis « cahier électronique de liaison »), programmes (« parcours d’exécution de peine ») et instances (« commission pluridisciplinaire unique (CPU) ») ont été peu à peu élaborés à cette fin. Mais dans une prison peu tournée vers la préparation à la sortie (pénurie de leviers d’insertion, manque de possibilités thérapeutiques, programme de prévention de la récidive encore peu développés…), l’analyse de la « dangerosité criminologique » ou des facteurs favorisant la délinquance a tôt fait d’être abandonnée pour la gestion de la « dangerosité pénitentiaire ». Le recueil d’informations réalisé par l’administration continue de s’inscrire dans une perspective d’anticipation des incidents et de neutralisation de tout ce qui pourrait venir déranger l’ordre carcéral, loin d’une dynamique d’accompagnement des personnes dans la préparation de leur sortie ou d’une meilleure prise en compte de leurs difficultés et besoins. En l’absence de rattachement à la recherche et à des méthodes éprouvées, elle se livre à un recueil « illimité » d’informations sur les détenus (selon les termes de la CNIL), dans le but illusoire de tout savoir pour tout prévoir. En outre, « la question de l’accès des personnes détenues à ces données (toujours discutées en dehors d’elles) et leur durée de conservation n’apparaissent pas aujourd’hui dans la clarté », alerte le contrôleur général. Pour autant, une grande visibilité et un partage des informations par différents types de professionnels peuvent aussi permettre de réduire l’opacité du fonctionnement carcéral et d’assurer au détenu une meilleure « traçabilité » de ses demandes et des réponses qui lui sont faites. C’est alors le manque de réflexion éthique sur ce qu’il s’agit d’observer et pourquoi donc il convient de s’alarmer, a fortiori au vu de l’étalage de jugements de valeur sur les personnes détenues observé dans le cadre de certaines « évaluations ».

Texte de l'article :

Qu’est-ce que la « notice individuelle « du détenu ?

En théorie, l’administration dispose de nombreuses informations sur la personnalité du détenu dès son arrivée. Elles lui sont transmises par le magistrat ayant décidé de l’incarcération, dans le document appelé la « notice individuelle ».

Pour les prévenus, cette notice doit être communiquée à l’établissement en même temps que le titre de détention, c’est à dire dès la mise à l’écrou. Elle précise les « faits ayant motivé la poursuite de la personne », ses « antécédents judiciaires » et sa « personnalité ». Pour les condamnés, la notice doit être parvenue à l’établissement « dans les plus brefs délais possible ». Elle peut donc arriver plusieurs jours après le début de l’incarcération. Elle n’est en outre pas obligatoire en cas de condamnation à une peine inférieure ou égale à trois mois de prison. Cette notice contient les « renseignements concernant l’état civil du condamné, sa profession, sa situation de famille, ses moyens d’existence, son degré d’instruction, sa conduite habituelle, sa moralité et ses antécédents » ainsi que l’ « exposé des faits qui ont motivé la condamnation et les éléments de nature à aggraver ou atténuer la culpabilité de l’intéressé et la liste de ses coauteurs ou complices éventuels ». En cas de peine prononcée de plus de deux ans (plus de six mois pour les mineurs), doivent être également adressées au greffe la copie de la décision de condamnation et du réquisitoire définitif ainsi qu’une copie des enquêtes de personnalité et des expertises psychiatriques ou autre examens médicaux éventuellement réalisés dans le cadre de la procédure.
Articles D.32-1, D.48-5-3, D.55-1, D.77 et D.158 du Code de procédure pénale.

Comment sont observés et « évalués » les détenus par l’administration pénitentiaire ?


Depuis une circulaire de 1952, les personnels de surveillance doivent tenir un « cahier d’observations », ainsi que mentionner leurs interventions sur divers registres : « cahiers de consignes », « cahier de nuit », « cahier des audiences aléatoires », « registre des fouilles », etc. Avec l’informatisation de ces registres, qui ne fait pas nécessairement disparaître les cahiers pour autant, et le développement de procédures de partage d’informations avec d’autres professionnels, l’administration cherche à centraliser les données recensées sur chaque détenu, dans le but d’ « évaluer » en permanence son comportement et surtout sa « dangerosité pénitentiaire ». Cette notion a été définie dans une note de 2008 comme le « risque de trouble à l’ordre public éventuel » que peut causer le détenu « au sein de l’institution carcérale ». Ces données et conclusions, recensées sur différents supports papier et informatique, doivent servir à prendre des décisions sur l’affectation en cellule et le régime de détention de l’intéressé. Dès son arrivée au sein d’un établissement (depuis l’état de liberté ou après un transfert), le détenu intègre ainsi une « période d’observation ». Elle « ne peut excéder trois semaines » à l’issue desquelles les informations relatives à sa « personnalité », son « état de santé » et sa « dangerosité » doivent être consignées par écrit. Dès l’ « audience arrivant », au cours de laquelle il est reçu par le chef d’établissement, son adjoint ou un officier, plusieurs documents sont renseignés : une « grille sur la dangerosité et la vulnérabilité du détenu », une autre sur les risques suicidaires et enfin le logiciel GIDE. Ces documents sont remplis sur la base des propos tenus par le détenu et les éléments contenus dans son « dossier individuel ». Dans le cadre du programme d’application des règles pénitentiaires européennes (RPE) développé dans certains établissements, les détenus du quartier « arrivants » rencontrent différents professionnels, sous forme d’entretiens individuels et/ou de séances d’information. Le personnel d’insertion et de probation, le personnel du service médical (UCSA) et, le cas échéant, du service psychiatrique (SMPR), le responsable de l’enseignement et le responsable de la formation professionnelle doivent tous « consigner leurs observations » dans un « livret de suivi ». Dans la pratique, la « période d’observation »n’est pas systématique dans tous les établissements et en toute situation (notamment en période de forte surpopulation). Et surtout, il n’en résulte pas nécessairement de véritable suivi une fois la personne affectée en détention ordinaire. L’ensemble des informations recueillies et des évaluations réalisées sont par la suite actualisées au cours de la détention, notamment avec les nombreuses observations effectuées par le personnel de surveillance et après examen régulier par la « commission pluridisciplinaire unique (CPU) ».
Articles D.155 et D.285 du Code de procédure pénale ; note DAP du 14 mai 2007 relative à la mise en œuvre du programme de prévention du suicide des personnes détenues ; note DAP du 7 novembre 2008 relative à l’évaluation de la dangerosité et de la vulnérabilité des personnes détenues ; note du 15 juin 2009 relative à la prévention du suicide des personnes détenues ; DAP, Référentiel d’application des RPE, mars 2011.

Que contient le « dossier individuel » du détenu ?


Depuis 1958, l’administration pénitentiaire doit constituer et tenir « à jour » pour chaque détenu un « dossier individuel comprenant des informations de nature pénale et pénitentiaire ». Pour tous les détenus, une « cote spéciale » du dossier doit contenir « tous les renseignements tenus à jour, utiles à déterminer l’existence d’un éventuel risque suicidaire ». Outre les documents communiqués par l’autorité judiciaire au moment de l’incarcération, la partie « judiciaire » de ce dossier contient « toutes autres pièces et documents relatifs à l’exécution des peines, notamment ceux qui concernent les victimes ». La partie « pénitentiaire » du dossier contient « tous les renseignements tenus à jour » sur le « comportement » du détenu « en détention,au travail et pendant les activités, et sur les décisions administratives prises à son égard », notamment les « sanctions disciplinaires prononcées » ainsi que « toutes les mesures visant à encourager les efforts des détenus en vue de leur réinsertion sociale ». Les renseignements « relatifs au compte nominatif » (compte « bancaire » pénitentiaire du détenu) sont également tenus à jour par le service comptable dans cette partie du dossier. Une troisième partie du dossier contient les éléments destinés aux personnels du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Elle doit leur permettre de « suivre l’évolution » du détenu, de « mieux individualiser sa situation pénale et la préparation de sa libération » et de « renseigner l’autorité judiciaire ». Dans cette partie du dossier individuel, les documents « couverts par le secret professionnel » ne peuvent être consultés « que par un membre du SPIP ». En cas de transfert, ils doivent être transmis « sous pli fermé » au « service compétent » de la prison de destination. Enfin une « cote d’observation » rassemble les « pièces et documents contenant le résultat des enquêtes, examens et expertises auxquels il a pu être procédé sur la personnalité, l’état médical, psychiatrique ou psychologique, la situation matérielle, familiale ou sociale du condamné » à tout stade de la procédure judiciaire. En outre, les « différentes appréciations ou avis émis à l’égard du condamné » ainsi que les « rapports de synthèse de l’observation » rédigés au cours de son incarcération sont joints au dossier.
Articles 724-1 et D.155 à D.167 du Code de procédure pénale.

Qu’est-ce que la grille d’évaluation du potentiel de dangerosité et de vulnérabilité du détenu ?


Depuis une note de 2008 émanant de l’ « état-major de la sécurité » de la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), les chefs d’établissement ou leurs représentants doivent remplir une « grille d’évaluation du potentiel de dangerosité et de vulnérabilité » pour chaque détenu, dès son arrivée en détention. Cette grille est intégrée au cahier électronique de liaison (CEL) mis en place à partir de 2009 dans la plupart des établissements, bien qu’elle ne soit pas prévue par le texte qui encadre le CEL (voir questions relatives au CEL). Elle se découpe en six rubriques comprenant chacune une série d’items qui doivent être cochés par « oui », « non » ou « ne sais pas ». La première rubrique concerne les « risques liés à la condamnation et la prévention », à savoir au type d’infraction commise. La seconde mentionne les « risques liés aux antécédents » (incarcérations antérieures, antécédents d’agression physique sur codétenus ou sur personnel, antécédents d’évasion, classement DPS (détenu particulièrement signalé) ou signalement par la cellule de renseignement de l’établissement). La troisième fait état des « risques liés à des troubles comportementaux » (addictions, « suivi psychologique antérieur ou en cours », hospitalisations psychiatriques, antécédents de tentatives de suicide ou d’ « automutilations graves »). La quatrième relève les « éléments d’environnement social » (« instabilité » dans l’emploi ou le logement avant incarcération, absence de visite au parloir, et les mentions « nie les faits objets de la condamnation » et « accepte l’incarcération »). La cinquième rubrique recense des causes de « vulnérabilité », telles que « handicap physique », « affaire médiatisée », « crime sur enfant » ou « profession ciblée en détention ». Enfin, la dernière rubrique reprend des « éléments complémentaires » (soutien financier extérieur, procédure d’éloignement du territoire, demande d’extradition). Sur la base des données renseignées, la « classification du détenu » doit être décidée : « ordinaire ou faibles risques détectés », « vulnérabilité en détention », « risques auto-agressifs », « risques hétéro-agressifs », « risques liés à la sécurité » (principalement risques d’évasion). En théorie, la décision de classification « ne se déduit pas du simple remplissage de la grille » mais est un « acte de responsabilité du chef d’établissement, après avoir pris connaissance des avis en commission pluridisciplinaire ». D’ailleurs, la pertinence de certains items de la grille, comme la négation des faits reprochés ou les problèmes psychologiques, pour connaître de la « dangerosité » pénitentiaire ou criminologique, peut être largement mise en doute. La grille doit être « réactualisée » lors des changements d’établissement ou de bâtiment, ainsi qu’à l’occasion de l’élaboration du dossier d’orientation pour une affectation des condamnés en établissement pour peines, et éventuellement « tous les six mois ». Dans la pratique, la grille n’est ni systématiquement remplie ni nécessairement mise à jour en cas de changement.
Note DAP du 7 novembre 2008 sur l’évaluation de la dangerosité et de la vulnérabilité des personnes détenues.

Qu’est-ce que le logiciel GIDE ?

Depuis 1991, l’administration pénitentiaire a fait le choix de « dématérialiser » en partie les informations contenues dans le dossier individuel du détenu, à savoir de passer du papier à l’informatique. Depuis 2003, le logiciel utilisé dans tous les établissements à cette fin s’appelle GIDE pour « Gestion informatisée des détenus en établissement ». En tant que « traitement automatisé de données à caractère personnel », le logiciel GIDE est soumis à la loi informatique et libertés. Ce nouveau logiciel est bien plus que la simple version informatisée du dossier individuel. En effet, il peut être rempli et consulté par un nombre très étendu de personnes dans la mesure où l’un de ses objectifs affichés est le partage d’informations. Ensuite, le « cahier électronique de liaison » (CEL) qui lui est intégré peut contenir un grand nombre d’informations sur le comportement et la personnalité du détenu : dans son avis sur le CEL, la CNIL a estimé que, « faute de pouvoir limiter la nature des données recueillies, ce qui serait contraire à l’esprit du CEL, son objet même étant de pouvoir centraliser toutes les informations relatives au quotidien du détenu », il convient d’ « être attentif à la finalité du recueil de chacune de ces données ainsi qu’au nombre et à la qualité des destinataires, chaque donnée devant être recueillie pour une finalité précise et transmise à certains destinataires dûment habilités et pour l’exercice de missions déterminées ».Le dossier « informatisé » dans GIDE suit le détenu dans tous les établissements où il se trouve transféré sans qu’aucune donnée ne soit jamais effacée. En pratique, certaines données se trouvent encore à la fois dans le logiciel et dans la version papier du dossier individuel.
Loi 78-17 du 6 janvier 1978 ; décret du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement ; CNIL, délibération n° 2011-021 du 20 janvier 2011 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’État portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion des personnes écrouées dénommé « Gestion informatisée des détenus en établissement » (GIDE) (avis n° 10024143), 8 juillet 2011.

Que contient le logiciel GIDE ?


GIDE comporte principalement six parties appelées « modules ». &le premier module (« greffe ») concerne la « mise à exécution par le greffe pénitentiaire des décisions judiciaires ordonnant une incarcération et la gestion des formalités de l’écrou » : il s’agit en fait du cahier électronique de liaison (CEL), module intégré le plus récemment à GIDE. Le troisième module (« comptabilité ») concerne la « gestion du compte nominatif des personnes détenues » et contient des informations gérées par la comptabilité de l’établissement. Le quatrième module (« détention ») est relatif à la « gestion de l’effectif, des procédures disciplinaires, des fouilles, de l’isolement, des consignes, des régimes de détention et des visites ». C’est dans ce module que sont intégrées toutes les données concernant l’affectation en cellule, les fouilles des locaux et fouilles corporelles, les procédures d’isolement, les procédures disciplinaires, les permis de visites et les rendez-vous parloir pris et effectués, et enfin les « consignes, comportements, régimes « (CCR). Les CCR sont des observations sur le comportement du détenu (parfois subjectives, comme « agressif », objectives, comme « fumeur », relatives au régime alimentaire ou peuvent également porter sur des événements le concernant (« tentative de suicide », « incitation à mouvement collectif », etc.), C’est à partir des CCR que sont prises nombre de décisions concernant la vie du détenu. Elles sont généralement prises en compte dans le cadre des enquêtes disciplinaires. Le cinquième module (« SPIP/PJJ ») concerne la « gestion éducative et socioculturelle par les agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation et du service de la Protection judiciaire de la jeunesse ». Enfin, le sixième module (« atelier-travail-formation » ou « ATF ») concerne la « mise en œuvre des activités de réinsertion dans les domaines socioculturel et sportif, du travail, de l’enseignement et de la formation professionnelle ». En 2012, « GIDE » était utilisé dans l’ensemble des établissements, à l’exception de quelques prisons d’outre-mer. Pour pallier l’ « obsolescence technique », les « difficultés d’évolution », les « coûts de fonctionnement et de maintenance élevés », ainsi que les « faiblesses sécuritaires » de GIDE, ce logiciel doit être remplacé dès 2013 par un autre logiciel appelé GENESIS (Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité), qui regroupera plusieurs applications informatiques utilisées par les services du ministère de la Justice (GIDE, Gestion centralisée de la population pénale, Gestion régionale de la population pénale, Fichier national des détenus, etc.).
Décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), Journal officiel, 8 juillet 2011 ; ministère de l’Economie et des finances, projets annuels de performance, annexe au projet de loi de finance 2012, octobre 2011.

Qu’est-ce que le cahier électronique de liaison (CEL) ?


Le cahier électronique de liaison est une application informatique accessible depuis les postes informatiques des établissements pénitentiaires, qui vise à rassembler toutes les observations des différents professionnels sur le comportement des détenus, ainsi que sur les interventions et décisions prises. Il a pour objectif de « faciliter la mise en œuvre du parcours de détention, la prévention des comportements à risques » et une meilleure gestion des liens entre le détenu et l’administration. Il est issu de logiciels conçus et expérimentés localement dès 2004 (logiciel AMIENS à la maison d’arrêt du même nom et logiciel PEP à Joux-la-Ville). Le logiciel AMIENS a été modifié par le surveillant qui l’avait conçu, et développé au sein de la maison d’arrêt de Douai sous le nom de Logiciel de suivi comportemental (LOSC). Il a ensuite donné naissance au CEL, que la direction de l’administration pénitentiaire a décidé d’implanter dans tous les établissements par une note du 24 décembre 2008. Ces expérimentations et cette généralisation ont eu lieu sans consultation de la CNIL, en violation de la loi informatique et libertés. Il a fallu attendre 2011 pour que l’administration se tourne vers la CNIL sur un projet de décret venant enfin encadrer l’usage du CEL. Mais des évolutions du fichier sont intervenues localement, en parallèle de la rédaction par les services du ministère de la Justice du décret qui devait en prévoir le contenu, ce qui explique que la nomenclature décrite dans le texte ne corresponde pas toujours à la réalité. Nombre de rubriques ou d’items qui ne sont pas prévus par le décret sont pourtant présents dans le CEL, ce qui est contraire à la loi informatique et libertés. Dans sa dernière version, le CEL est divisé en plusieurs « fonctionnalités ». Le plus souvent, le logiciel propose des « items » que le personnel est invité à cocher le cas échéant, mais dans certaines rubriques, les « observations » libres peuvent être rédigées. Fin 2012, tous les établissements n’étaient pas encore dotés du CEL et, lorsqu’il était implanté, tous les services ou personnels ne l’utilisaient pas. Il arrive souvent que les soignants et des personnels de l’Éducation nationale refusent de le renseigner, notamment pour préserver le secret médical ou leur indépendance vis-à-vis de l’administration pénitentiaire. Les personnels de surveillance l’utilisent nécessairement, ais ils peuvent délaisser certaines rubriques. Au total, l’utilisation du logiciel est très variable d’un établissement à l’autre.
Décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), publié au Journal officiel le 8 juillet 2011 ; délibération CNIL n° 2011-021 du 20 janvier 2011 ; Conseil d’État, 4 juin 2012, section française de l’OIP.

Dans quelles parties du CEL sont enregistrées les données sur la personnalité du détenu ?


Le CEL contient deux « fonctionnalités » relatives à la personnalité du détenu. La première intitulée « informations générales et profil » est divisée en plusieurs fiches à remplir à l’arrivée du détenu, puis au cours de la détention, qui peuvent être éditées en une seule et même « fiche de liaison ». La fiche « détention » contient notamment une photographie, des informations relatives à l’état civil et à la catégorie pénale du détenu ainsi que des items relatifs à ses antécédents disciplinaires, son classement au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) et au « recueil de sécurité » de l’établissement. Les fiches « UCSA/SMPR », « SPIP/PJJ » et « ULE » (unité locale d’enseignement) doivent en théorie être renseignées par les personnels concernés de ces services dès l’arrivée du détenu. La fiche « UCSA/SMPR » concerne les antécédents d’hospitalisation d’office, les soins nécessités, les régimes alimentaires particuliers, l’aptitude au sport et au travail, et autres rubriques qui doivent toutes être cochées par « oui », « non » ou « ne sait pas »… La fiche « SPIP/PJJ » concerne la situation sociale et criminologique : revenus, logement, prestations sociales avant incarcération, ainsi que certaines observations libres sur le « vécu de la peine », l’ « intéressé et son délit », les relations avec l’extérieur, etc. La fiche « ULE » renseigne le niveau d’enseignement du détenu. Une autre fiche « travail-formation-scolaire » recense les demandes d’activités formulées par le détenu. La fiche « relations avec les autres » contient des mentions sur le comportement et la situation sociale du détenu, telles que « refus des promenades », « pas de visites aux parloirs », « se plaint, déprime, s’isole, ne s’exprime pas, refuse toute activité ». Peuvent également être renseignées par le personnel pénitentiaire des fiches « indigence » et « culte ». Ces mentions sont en théorie limitativement prévues par le décret de juillet 2011, mais certaines figurent dans le CEL sans être prévues, ou ne correspondent pas exactement au texte (par exemple, la mention « propension à exercer un leadership par des moyens négatifs » est souvent présente dans le logiciel mais mais n’est prévue par aucun texte). Enfin, dans nombre de versions, figure une rubrique « comportement-respect du règlement intérieur » qui n’est prévu par aucun texte. Elle recense différents types d’incidents (« violences graves », « coups et bousculades », « évasion ou tentatives d’évasion », « racket », « humiliation, coups isolés, rixes », etc.) qui peuvent être reprochés à l’intéressé.
La deuxième fonctionnalité du CEL relative à la personnalité du détenu comporte les « observations » libres des personnels sur l’intéressé. Le décret permet en effet à tous les personnels habilités de consigner des « observations », sans plus de précisions. Un très grand nombre de personnels (pénitentiaires, soignants, d’enseignement, des groupes privés, etc.) peuvent y inscrire quelques phrases relatives à des événements ou au comportement du détenu. En principe, les « propos discriminants, insultants », ainsi que les « jugements de valeur sont proscrits », mais ces derniers s’avèrent très fréquents en pratique. Les commentaires relatifs à l’état de santé du détenu, relevant en principe du secret médical, ne sont pas rares non plus. Les observations doivent être validées par un gradé, qui doit en principe y répondre dans le cadre du CEL. Sous réserve de validation par le gradé, elles sont enregistrées et classées en deux catégories, « publique » ou « confidentielle », qui définissent le nombre de personnels qui peuvent y avoir accès.
Décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), publié au Journal officiel le 8 juillet 2011 ; note DAP du 25 février 2011 sur l’utilisation du cahier électronique de liaison (CEL).

Quelles sont les autres fonctionnalités du CEL ?


Outre celles enregistrant les données sur la personnalité du détenu, le CEL contient de nombreuses autres fonctionnalités. L’une d’elles recense les « audiences » au cours desquelles le détenu est reçu par le personnel, ainsi que les différents examens lors des commissions pluridisciplinaires uniques (CPU). La date et l’objet sont notés, ainsi qu’un compte rendu libre comportant nombre d’informations relatives à la personnalité du détenu et, dans certains cas, à sa situation sanitaire. Une autre fonctionnalité recense les « requêtes » du détenu : leur date, leur objet, les réponses qui y sont apportées et dans quel délai. Cette fonctionnalité est reliée aux « bornes de saisie des requêtes » installées dans un nombre croissant d’établissements. Le décret ne prévoit pour sa part que le renseignement de certaines requêtes du détenu (« demande d’accès à une activité ou à une formation, demande de rendez-vous avec les services médicaux, sans précision du motif, demande de l’état du compte ; par indication oui ou non, souhait de rencontrer un représentant pour l’exercice du culte »), mais en pratique les données recensées sont beaucoup plus larges. La fonctionnalité « suivi des convocations » permet d’enregistrer toutes les convocations du détenu pour des entretiens ou des activités, et sa présence ou son absence. Elle n’est pas non plus prévue dans le décret. La fonctionnalité « suivi des correspondances » permet d’enregistrer la date ainsi que l’expéditeur ou le destinataire extérieurs de tout courrier, mandat ou appel téléphonique échangés avec le détenu, ainsi que, pour chacun d’entre eux, de noter librement des observations. Le décret ne prévoit que le recueil d’ « informations sur certains expéditeurs et destinataires des courriers postaux pour la mise en œuvre du Code de procédure pénale ». Ces restrictions paraissent être ignorées en pratique, même si l’utilisation de cette fonctionnalité semblait encore rare fin 2012. Enfin, la fonctionnalité « traçabilité des mutations de cellule » permet d’enregistrer l’auteur, la date et les motifs des changements de cellule décidés, ainsi que le nom des co-cellulaires.
Décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), publié au Journal officiel le 8 juillet 2011 ; note DAP du 25 février 2011 sur l’utilisation du cahier électronique de liaison (CEL).

Qui peut renseigner le logiciel GIDE et accéder à ses données ?


Seuls des « agents » ou des « personnels » travaillant dans l’établissement peuvent consulter et renseigner le logiciel GIDE, ce qui signifie que les bénévoles, les aumôniers intervenant dans l’établissement ou les détenus ne peuvent en aucun cas y accéder. Un certain nombre de règles définissent quelles données sont accessibles à quels types de personnels. Peuvent accéder à l’ « ensemble des informations et données » tous les personnels de direction de l’administration pénitentiaire, qu’ils soient en poste à la direction centrale, dans une direction interrégionale ou dans un établissement. Il en va de même pour les membres de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) de chaque établissement. Les autres agents ayant accès aux données doivent être « individuellement désignés » et « spécialement habilités » par le chef d’établissement. Les agents du greffe peuvent accéder aux données du module de GIDE relatif au greffe ainsi qu’aux « données relatives aux autres missions qui leur sont confiées ». Les agents du SPIP et de la PJJ peuvent accéder aux données des modules « détention » et « SPIP/PJJ » de GIDE, sans restriction. Les personnels de surveillance peuvent accéder aux données du CEL, à l’exception de celles concernant la « prise en charge pluridisciplinaire »et de certaines informations concernant la détention (« déjà incarcéré, récidive légale, réitération, extradition ou procédure d’éloignement »). Les agents de l’Education nationale et ceux du Pôle emploi peuvent accéder aux données du module « atelier-travail-formation » de GIDE. Les agents scolaires peuvent en outre accéder à la fonctionnalité « observations » du CEL et aux données relatives au « niveau d’instruction » du détenu recueillies dans le module « SPIP/PJJ » de GIDE. Les personnels des groupements privés peuvent accéder aux fonctionnalités « requêtes » et « observations » du CEL et à la partie du module « atelier-travail-formation » de GIDE concernant les « activités sportives, socioculturelles, d’enseignement, de formation professionnelle, d’insertion professionnelle et de travail des détenus ». Enfin, les personnels soignants peuvent accéder à l’ensemble des données du CEL. Les observations pouvant être enregistrées dans le CEL peuvent émaner de l’ensemble des professionnels de l’établissement, y compris les personnels de santé, de l’Education nationale et des « agents des groupements privés chargés de missions de service public dans le cadre de la gestion déléguée « , du moment que ces personnels sont « spécialement habilités par le chef d’établissement pénitentiaire ». Le logiciel dispose d’une fonctionnalité permettant de garder en mémoire l’identité du rédacteur de chaque donnée ainsi que sa date d’inscription ou de modification. En aucun cas le détenu ne peut s’opposer à ce que les données le concernant soient collectées.
Articles 4, 5, 8 et 10 du décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), Journal officiel du 8 juillet 2011.

Comment est contrôlé l’accès des personnes à GIDE ?


La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a estimé que le logiciel GIDE devrait être « entouré de garanties strictes » en termes d’ « habilitations, de justification de l’accès aux données et enfin de traçabilité ». Elle estime ainsi que les personnes participant à la commission pluridisciplinaire unique (CPU) « ne pourront avoir connaissance des données sensibles contenues dans le CEL que dans la mesure où l’ordre du jour de la CPU établi par le chef d’établissement implique une telle consultation », que les agents de la PJJ qui ont un contact direct avec un mineur ou un jeune majeur placé en détention peuvent consulter les données renseignées dans le CEL, mais « uniquement celles qui concernent ce dernier », ou encore que les personnels des groupements privés agissant dans le cadre de la gestion déléguée « ne devraient pouvoir consulter que les requêtes qui les concernent directement » et que la rédaction de leurs observations devraient s’effectuer « par l’intermédiaire d’un cadre de l’administration pénitentiaire habilité ». La Commission souligne par ailleurs que le dispositif technique ne garde aucune trace des simples consultations du logiciel, en l’absence d’inscription ou de modification de données. Tout au plus, celui-ci permet à son administrateur de savoir qui est connecté et à quel moment. En dépit de ces recommandations, quatre niveaux d’accès ont été fixés par catégories de personnels, du plus restreint au plus large : personnels non cadres et non membres de la CPU, personnels cadres et non membres de la CPU, personnels non cadres et membres de la CPU, personnels cadres et membres de la CPU. Ce système d’ « habilitations générales » peut en suite être personnalisé au seind echaque établissement pour assurer le respect des dispositions du décret, mais rien ne permet de s’assurer que ces principes soient respectés en pratique. Par exemple, dans le système d’habilitations générales, les personnels non cadres et non membres de la CPU ont accès à la « fiche de liaison », qui reprend les observations (y compris d’ordre personnel ou médical) notées par les divers personnels au cours de la détention, alors que le décret ne permet pas une telle consultation par les personnels de surveillance.
Note DAP du 25 février 2011 sur l’utilisation du cahier électronique de liaison (CEL) ; CNIL, délibération n° 2011-021 du 20 janvier 2011 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’État portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion des personnes écrouées, dénommé « Gestion informatisée des détenus en établissement » (avis n° 10024143), 8 juillet 2011.

Qui peut recevoir des données du logiciel GIDE ?


Outre les personnels ayant directement accès à tout ou partie du logiciel GIDE, nombre d’autorités ou de personnes peuvent se voir communiquer des données qui en sont extraites « dans le cadre de leurs attributions ». Il s’agit notamment des autorités judiciaires et des « agents individuellement désignés et spécialement habilités par le chef de juridiction », du préfet, de l’avocat du détenu (pour ce qui concerne les procédures disciplinaires et l’isolement), des maires (pour l’état civil et les démarches administratives), des autorités de police ou de gendarmerie (pour les permissions de sortir et les prélèvements biologiques destinés à permettre l’identification par les empreintes génétiques), du service du casier judiciaire national, des juridictions et gouvernements étrangers, des services de Sécurité sociale, des caisses d’allocations familiales, etc. Dans son avis, la CNIL a demandé que « seuls les personnels individuellement désignés et spécialement habilités » de ces services puissent se voir communiquer des données, mais le texte n’a mis en œuvre une telle restriction que pour certains d’entre eux. Par exemple, n’importe quel officier de police ou de gendarmerie peut se voir communiquer les données relatives au lieu de détention, au lieu de déroulement d’une permission de sortir, ou encore l’identité de la personne accueillant le permissionnaire.
Article 6 du décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement ; CNIL, délibération n° 2011-021 du 20 janvier 2011.

Pendant combien de temps le dossier du détenu et les données de GIDE sont-ils conservés ?


A la libération définitive ou décès du détenu, son dossier est conservé au greffe de l’établissement « pendant la durée nécessaire à son utilisation courante ». Une circulaire fixe ce délai à dix années pour le dossier individuel du détenu. A l’issue de cette durée « nécessaire », le dossier de certaines personnes est systématiquement conservé : détenus d’une maison centrale, détenus particulièrement signalés et détenus « médiatiques ». Tout autre dossier présentant un « intérêt intrinsèque » est également conservé. Pour les autres, seuls certains d’entre eux sont conservés, selon une méthode d’échantillonnage définie par la circulaire, et les autres dossiers sont détruits.
Quant aux données inscrites sur le logiciel GIDE, elles demeurent enregistrées tout le temps de la détention, puis en principe, deux ans après la levée définitive de l’écrou. La CNIL a estimé que, eu égard à la « sensibilité » des données du CEL, celles-ci devraient « à tout le moins » être « versées dans la base archives dès la levée d’écrou définitive de la personne concernée », mais cette disposition n’a pas été intégrée dans le décret. La CNIL relève également certaines entorses à la règle des deux ans de conservation du dossier après la levée d’écrou. D’une part, l’ensemble des données sont conservées pendant une durée de huit ans à l’issue des deux ans de conservation réglementaire « dans une base d’archives intermédiaires », accessible uniquement aux services centraux de l’administration pénitentiaire « pour la gestion des recours contentieux des détenus et de leurs ayants droit ». Les données concernant les détenus sortis en libération conditionnelle, dont le suivi dure plus de deux ans, sont pour leur part conservés pendant « un mois après la date de fin du suivi pour « permettre de saisir le juge de l’application des peines en cas de violation par le condamné des obligations auxquelles il est astreint ». Enfin, des règles spécifiques s’appliquent aux données concernant des détenus évadés : elles sont conservées jusqu’à ce qu’ils soient repris par les forces de l’ordre ou, à défaut, pendant quatre-vingt-dix-neuf ans après l’évasion. A l’issue de la période de conservation par l’administration, toutes les données sont imprimées et versées aux archives départementales.
Articles D. 164 et D. 166 du Code de procédure pénale ; article 7 du décret du 6 juillet 2011 ; délibération CNIL n° 2011-021 du 20 janvier 2011 ; circulaire du 11 décembre 2007 sur la gestion des archives des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire ; note du 7 août 2009 sur la procédure d’archivage des données du CEL.

Comment le détenu doit-il être informé de l’existence du logiciel GIDE ?


Dans tous les cas, le détenu doit en principe être informé « dès l’enregistrement des données « de l’ « identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant », de la « finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées », des « destinataires ou catégories de destinataires des données » et enfin de ses droits d’accès et de rectification des données. Si les données sont enregistrées par recueil d’information auprès du détenu, celui-ci doit se voir en outre informé du « caractère obligatoire ou facultatif des réponses » et des « conséquences éventuelles, à son égard, d’un défaut de réponse ». Dans ses observations communiquées à la CNIL, le ministère de la Justice a fait savoir que le droit d’information des détenus s’effectuait « par affichage » et que, pour le CEL en particulier, l’administration « pouvait envisager une information individuelle du détenu lors du premier entretien arrivant ». En pratique, ces différentes informations sont très rarement assurées, et les affiches, quand elles peuvent être lues par les détenus, ne contiennent pas toutes les informations légales. Au total, nombre de détenus ne sont même pas informés de l’existence du logiciel GIDE et du CEL. Le détenu est en droit d’obtenir auprès du chef d’établissement, s’il ne les a pas obtenues automatiquement, les informations prévues par la loi et celles portant sur les « catégories de données à caractère personnel traitées ». Il lui suffit d’adresser un courrier avec un justificatif d’identité (il est conseillé de garder une copie de ce courrier avec mention de la date d’envoi).
Article 32 et 39 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; CNIL, délibération n° 2011-021 du 20 janvier 2011.

Le détenu peut-il prendre connaissance des données le concernant ?


Toute personne peut demander « directement auprès du directeur de l’établissement pénitentiaire » la communication, « sous une forme accessible », des « données à caractère personnel qui la concernent » figurant dans GIDE, ainsi que « toute information disponible quant à l’origine de celles-ci ». Il lui suffit d’adresser un courrier au directeur avec un justificatif d’identité (il est conseillé de garder une copie de ce courrier avec mention de la date d’envoi). Une copie de ces données personnelles doit en principe être communiquée en retour à la personne, sous réserve éventuellement du « paiement d’une somme qui ne peut excéder le coût de la reproduction ». Seules les données concernant la « sécurité publique » ne sont pas accessibles directement auprès du chef d’établissement (données concernant les « dates prévues des transferts et extractions », les « prescriptions d’origine judiciaire ou pénitentiaire relatives à la prise en charge et au régime de détention du détenu », la « désignation des locaux de l’établissement » et la « description des mouvements des détenus »). La demande de communication de ces données doit être signée et adressée à la CNIL avec un justificatif d’identité et la mention d’une adresse postale à laquelle il pourra être répondu. La CNIL désigne un de ses membres pour « mener les investigations utiles » dont il doit informer le requérant. S’il constate, « en accord avec le responsable du traitement », que « la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique », les données peuvent alors « être communiquées au requérant ». En principe, la CNIL dispose d’un délai de quatre mois pour notifier le résultat de ses investigations au demandeur. Ce délai peut être porté à cinq mois si le responsable du logiciel interrogé par la CNIL estime que « le traitement de la demande nécessite des investigations complexes », dont il doit néanmoins justifier. En pratique, cette procédure s’avère souvent bien plus longue, notamment du fait de la surcharge du « service du droit d’accès indirect » de la CNIL.
Articles 39 et 41 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; articles 86 et 87 du décret 2005 -1309 du 20 octobre 2005 pris pour application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

Le détenu peut-il obtenir une rectification des données le concernant ?


Tout détenu « justifiant de son identité » peut en théorie « exiger du responsable » d’un logiciel ou autre traitement informatique « que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel » le concernant, si elles sont « inexactes, incomplètes, équivoques, périmées » ou « dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite ». Lorsque l’intéressé en fait la demande, le responsable du traitement doit « justifier, sans frais pour le demandeur, qu’il a procédé aux opérations exigées ». S’il obtient une modification de l’enregistrement, l’intéressé est également « en droit d’obtenir le remboursement des frais correspondant au coût de la copie » de ses données. Pour les données concernant la sécurité publique, la demande doit être adressée à la CNIL, qui agit selon la même procédure que pour la demande de communication de données. C’est elle-même qui est censée faire « procéder aux modifications nécessaires » et en informer le détenu, dans le même délai de quatre à cinq mois. En pratique, la large interprétation que fait l’administration pénitentiaire des données d’accès direct (car elles concernent la « sécurité publique »), couplée aux délais d’intervention de la CNIL, rend tout à fait illusoire l’exercice du droit de rectification.
Articles 40 et 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; articles 86 et 87 du décret 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour application de la loi du 6 janvier 1978.

Que faire en cas de refus opposé à de demandes d’information, de communication ou de rectification des données de GIDE ?


Tout refus de réponse aux demandes d’information, de communication ou de rectification des données peut être contesté devant le juge administratif, à moins que l’administration ne prouve que la ou les demandes étaient « manifestement abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique ». Rien ne s’oppose à ce qu’il en aille de même en cas d’absence de réponse ou de dépassement important du délai de quatre ou cinq mois par la CNIL. Par ailleurs, le Code pénal considère comme une infraction passible d’une amende le fait pour le responsable du traitement informatisé « de ne pas informer la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant », comme la loi le prévoit. Est également considéré comme une infraction pénale le fait de « ne pas répondre aux demandes d’une personne physique justifiant de son identité », concernant les « informations relatives aux finalités du traitement, aux catégories de données à caractère personnel traitées et aux destinataires ou aux catégories de destinataires auxquelles les données sont communiquées » et la « communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l’origine de celles-ci ».Une plainte peut donc être déposée par la personne détenue dans ces différents cas auprès du parquet du lieu d’incarcération. Néanmoins, si le parquet n’engage pas de poursuites, aucune plainte avec constitution de partie civile ne pourra être déposée, l’infraction n’étant ni un délit ni un crime. Enfin, en cas de violation de la loi informatique et libertés, et notamment dans les cas de refus d’information, d’accès aux données ou de rectification de celles-ci, une « plainte » peut être adressée à la CNIL. Son « service des plaintes » peut se rapprocher du responsable du traitement pour obtenir des explications sur les violations en cause. En cas de besoin, la CNIL dispose d’un certain nombre de pouvoirs d’investigation (dont la possibilité de venir procéder à des contrôles sur place). Elle peut aussi adresser à l’administration un avertissement, une mise en demeure, voire une sanction, et enjoindre un certain nombre de mesures, ou encore saisir le juge administratif en référé. Toutefois, de telles mesures demeurent très exceptionnelles.
Articles 11, 39, 40, 45 et 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Toutes les informations sur le détenu peuvent-elles être recensées dans les différentes bases de données informatiques de l’administration pénitentiaire ?


La loi informatique et libertés prescrit que les « traitements de données à caractère personnel », tels que le logiciel GIDE, ne doivent recenser des données que « pour des finalités déterminées, explicites et légitimes », et sous réserve que ces données soient « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ». Enfin, elles doivent être « exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ». La CNIL a estimé dans un avis que la finalité du logiciel GIDE était effectivement « déterminée, explicite et légitime ». Elle a cependant insisté sur la nécessité d’ « être particulièrement attentif » à la finalité du recueil des données du cahier électronique de liaison (CEL), à cause de la « sensibilité de celle-ci ». Elle a constaté que l’objet du CEL était de « centraliser toutes les informations relatives au quotidien des détenus » et que par conséquent sa mise en œuvre soulève « plusieurs remarques, notamment sur le point de savoir si la quête d’informations relatives au quotidien des détenus » et que par conséquent sa mise en œuvre soulève « plusieurs remarques, notamment sur le point de savoir si la quête d’ informations peut trouver ses limites, plus spécialement dans le contexte particulier de la privation de liberté qui rend difficile la préservation de la vie privée et donc des données personnelles ». En effet, la loi informatique et libertés et la convention européenne des droits de l’homme protègent la vie privée, et il n’est pas exclu que l’étendue illimitée du type de données recueillies sur les détenus puisse être considérée comme attentatoire à leur vie privée. En outre, l’exactitude des données est souvent sujette à caution, notamment dans le cas des « observations » mentionnées dans le CEL, dans les appréciations portées sur les détenus lors des commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) ou encore, notamment dans la rubrique « Consignes-comportement-régimes » du logiciel GIDE, qui laissent souvent une grande place aux considérations à l’emporte-pièce.
Article 8 de la CEDH ; articles 1 et 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; délibération CNIL n° 2011-021 du 20 janvier 2011.

Quelles informations sont couvertes par le secret professionnel ?


Deux catégories de personnels intervenant en prison sont tenues au secret professionnel. D’une part, les agents du SPIP ne peuvent en aucun cas révéler les « renseignements recueillis par voie de confidence auprès des personnes prises en charge ». D’autre part, l’ensemble des personnels soignants sont soumis au secret médical qui couvre toutes les informations concernant la personne soignée. Les informations concernées ne peuvent donc en théorie pas être partagées avec d’autres catégories de personnels, et notamment les personnels de surveillance et de direction, que ce partage ait lieu à travers des écrits et logiciels ou à l’oral, dans le cadre de la CPU. En pratique, les agents du SPIP, y compris les « psychologues PEP », sont souvent amenés à échanger des informations avec d’autres services pénitentiaires. De même, les personnels soignants sont sollicités par l’administration pour participer aux commissions pluridisciplinaires uniques et pour renseigner la fiche « UCSA/SMPR » du cahier électronique de liaison, voire inscrire des « observations » dans la fonctionnalité prévue à cet effet. Selon les textes, les personnels soignants ont accès au CEL en totalité (mais pas aux autres fonctions de GIDE). Cependant, il n’existe aucune obligation pour eux de divulguer des informations couvertes par le secret médical. Même dans le cas de « risque sérieux pour la sécurité des personnes », les informations transmises « dans les plus brefs délais » à la direction ne doivent pas trahir le « secret médical » (voir la partie « La médecine générale »). Nombre de personnels soignants refusent à l’heure actuelle de renseigner le CEL et même pour certains de participer aux CPU, ou en tout cas d’y divulguer des informations médicales. En pratique, la fiche « UCSA/SMPR » est ainsi très souvent remplie par le gradé assurant l’audience arrivants ou, parfois, par les surveillants affectés à l’UCSA.
Articles L. 1110-4, L. 6141-5 et R. 4127-4 du Code de la santé publique ; article D. 581 du Code de procédure pénale ; décret du 6 juillet 2011.

Qu’est-ce que la commission pluridisciplinaire unique ?


Une commission pluridisciplinaire unique (CPU) remplace désormais toutes les commissions de professionnels qui se réunissaient auparavant dans les établissements pénitentiaires (commission « prévention du suicide », commission « indigence », « commission pluridisciplinaire d’exécution des peines », etc.). Théoriquement, la CPU a été mise en place pour que les différents services de la prison travaillent conjointement au « parcours d’exécution de peine » des condamnés. En réalité, sa compétence est bien plus large puisqu’elle examine la situation de chaque détenu, même prévenu, pour donner son avis sur son régime de détention en fonction de son comportement, sa personnalité, son état de santé et sa « dangerosité » supposée. Tous les membres de la CPU sont désignés ou convoqués par le chef d’établissement ou son représentant, qui en est également le président. Les membres permanents prévus par la réglementation sont le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), le responsable du secteur de détention du détenu dont la situation est examinée, le représentant du service du travail, le représentant du service de la formation professionnelle, le représentant du service d’enseignement. D’autres personnes peuvent être convoquées par le chef d’établissement « en fonction de l’ordre du jour ». Un membre du service de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), un représentant de l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ou du service médicopsychologique régional (SMPR) ainsi que le psychologue en charge du parcours d’exécution de la peine (ce dernier étant rattaché au chef d’établissement et non au service médical) peuvent ainsi assister aux réunions avec voix consultative en cas de délibération. En pratique, le chef d’établissement peut prévoir d’autre membres permanents ou d’autres personnes convoquées. Le détenu dont la situation est examinée peut « éventuellement » être présent lors de la réunion de la commission qui le concerne, « soit à sa demande soit à celle des membres qui la composent ». Mais ce n’est pas un droit, et cette possibilité est peu utilisée en pratique. La CPU doit se tenir « au moins une fois par mois ». Les membres de la commission et les personnes entendues par elle sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations qui présentent un caractère confidentiel dont ils ont connaissance dans le cadre de l’exercice de leurs missions.
Articles D. 90, D. 91 et D. 285 du Code de procédure pénale ; circulaire du 14 avril 2011 relative à l’encellulement individuel des personnes détenues ; note DAP du 24 septembre 2008 ; recommandation Rec (2006) 2 du Conseil de l’Europe sur les règles pénitentiaires européennes.

Qu’est-ce que le parcours d’exécution de peine ?


Le parcours d’exécution de peine (PEP) est en principe la finalité de la période d’observation et d’évaluation des personnes détenues. Défini à partir des éléments recueillis lors de la période d’observation auprès de l’ « ensemble des services appelés à connaître de la situation de la personne détenue », ainsi que des « souhaits exprimés par elle », il doit décrire l’ « ensemble des actions qu’il est envisagé de mettre en œuvre au cours de sa détention afin de favoriser sa réinsertion ». Selon les règles pénitentiaires européennes, un tel projet est censé prévoir un « travail », un « enseignement », d’ « autres activités » et une « préparation à la libération » (règle 103.4), ainsi qu’un système de « congé pénitentiaire » (permissions de sortir, règle 103.5). En réalité, en France, les possibilités de mettre en œuvre des actions d’insertion étant souvent réduites (peu de travail pénitentiaire et de formations, travail de préparation de la sortie limité, voire inexistant…), le contenu des PEP est souvent relativement creux. Dès sa généralisation en 2000 à l’ensemble des établissements pour peine, le PEP poursuit un triple objectif : « donner plus de sens à la peine privative de liberté », « améliorer l’individualisation administrative et judiciaire de la peine » et « définir des modalités de prise en charge et d’observation permettant une meilleure connaissance du détenu ». Au fil de sa mise en place, la démarche a eu néanmoins tendance à se réduire à un processus d’observation et de gestion des détenus à des fins d’évitement des incidents. Depuis la loi pénitentiaire de 2009, le Code de procédure pénale prévoit qu’un PEP doit être mis en œuvre « pour chaque personne détenue condamnée ». En réalité, sa mise en œuvre demeure rare en maison d’arrêt. Le PEP doit être établi par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, « en concertation » avec le condamné et « après avis de la commission pluridisciplinaire unique ». Il est en suite censé être actualisé tout au long de la détention dans les mêmes conditions, soit à la demande du détenu, soit, à défaut, de façon automatique « au moins une fois par an ». En général, il y a dans chaque établissement pour peines un personnel gradé désigné par le chef d ’établissement comme « référent PEP » et un « psychologue PEP » placé « sous l’autorité du chef d’établissement ». Ce dernier peut conseiller les personnels dans le suivi du détenu, voire réaliser des « bilans psychologiques afin d’apporter un éclairage sur la personnalité de certains détenus ». Les souhaits exprimés par le détenu et les observations émises par les différents personnels doivent être « consignés par écrit » dans le PEP. Il en va de même pour les « modalités de prise en charge » du détenu, à savoir notamment le régime de détention auquel il est soumis (voir parties « Affectation des détenus en cellule » et « Régimes différenciés »). Concrètement, chaque examen de la situation du détenu en CPU fait l’objet d’une synthèse, et l’ensemble des données recueillies sur celui-ci dans le cadre du PEP doivent intégrer un « livret individuel » ou « livret de suivi » ou « livret du détenu », selon les appellations, qui suit le condamné tout au long de sa peine (y compris après transfert). En pratique, le livret a été intégré au cahier électronique de liaison (CEL) dans les établissements qui l’ont mis en œuvre. Il est accessible aux « agents publics » de l’établissement (y compris les personnels de santé ou de l’Education nationale), ainsi qu’aux personnels des groupes privés, et constitue un document administratif communicable au détenu. En particulier, l’ensemble des « évaluations et bilans » dont il fait l’objet, notamment en CPU, doivent en principe lui être communiqués « selon les modalités à déterminer localement ». Le projet d’exécution de peine initial et ses « modifications ultérieures » doivent être « portés à la connaissance du juge de l’application des peines ». Ce dernier « définit » également le parcours d’exécution de peine des condamnés à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour un crime faisant encourir un suivi socio-judiciaire.
Articles 706-53-13, 717-1A, 717-1, D. 88 à D. 92 du Code de procédure pénale ; circulaire DAP du 21 juillet 2000 sur la généralisation du projet d’exécution de peine aux établissements pour peines ; DAP, Référentiel d’application des RPE, mars 2011.

Qu’est-ce que le diagnostic à visée criminologique (DAVC) ?


Un autre outil d’évaluation avec des finalités différentes a été élaboré pour les seuls conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Ils réalisaient déjà leur propre évaluation de la situation de la personne à son arrivée en détention, mais utilisaient à cette fin des outils et méthodes assez divers. Depuis mars 2012, un « diagnostic à visée criminologique » est censé être utilisé par tous les conseillers, mais nombre d’entre eux s’y refusent, notamment en raison du manque de garanties apportées au secret professionnel des CPIP dans le cadre de son utilisation. Le DAVC intègre le logiciel APPI (Application des peines, probation et insertion) qui est une base de données utilisée par les SPIP et les magistrats judiciaires en vue notamment de « faciliter l’évaluation de la situation des personnes placées sous-main de justice, prévenues ou condamnées, pour la détermination ou l’exécution des décisions de l’autorité judiciaire relatives à leur insertion ou leur probation ». La situation de chaque détenu doit en principe faire l’objet d’une évaluation par le conseiller d’insertion et de probation en charge de son suivi, à travers des « entretiens individuels et à partir des pièces judiciaire transmises par le magistrat ». L’évaluation réalisée avec le DAVC débute « dès le premier entretien » et doit en principe se faire en milieu fermé dans un délai d’un mois. « Dans la mesure du possible », la personne suivie doit « être étroitement associée à l’élaboration du DAVC ». Pour autant, aucune rubrique du DAVC n’est réservée au point de vue du détenu, alors que les règles européennes relatives à la probation insistent sur la nécessité d’une participation active des intéressés à l’évaluation, « ce qui implique que leurs avis et souhaits personnels soient dûment pris en compte » (règles 67 et 68). En cours de détention, le diagnostic peut être « actualisé ponctuellement » et il doit l’être en particulier après toute « évolution significative » de la personne « ayant une incidence sur les conditions et les modalités de sa prise en charge ». Concrètement, le CPIP doit remplir cinq rubriques : la « situation pénale et le respect des obligations », l’ « appropriation de la condamnation et la reconnaissance de l’acte commis », l’ « inscription dans l’environnement social et familial, et les capacités au changement », la « situation médicale et sa compatibilité avec le projet d’insertion », la « conclusion du diagnostic ». Chacune de ces rubriques comporte plusieurs champs qui sont pour la plupart librement renseignés par le personnel du SPIP, parmi lesquels on relève notamment le « positionnement (du condamné) par rapport à la loi », la « place de la victime dans le discours », les « capacités personnelles au changement » (motivation à évoluer, capacité à agir, capacité relationnelle…), ainsi que des questions sur la situation sociale (liens familiaux, environnement social, hébergement, emploi, droits sociaux, surendettement éventuel…). La partie sur la situation médicale vise à rassembler des informations sur d’éventuels soins engagés, volontairement ou dans le cadre d’une obligation, sur la base des éléments « fournis par la personne elle-même » ou résultant de « pièces judiciaires dont le SPIP est destinataire ». Elle doit permettre d’identifier si la personne rencontre une problématique médicale nécessitant que l’intervention du SPIP soit réalisée « en lien étroit avec les partenaires de santé ». A la fin de l’évaluation, le CPIP doit procéder à la « conclusion du diagnostic » par la mise en lumière des éléments relatifs à la personne et son environnement social, pouvant « constituer des freins ou au contraire des atouts » en termes d’insertion et de prévention de la récidive, et par la hiérarchisation des « différents axes de travail identifiés ». Les « modalités de suivi adaptées au profil criminologique de la personne », c’est-à-dire concrètement le type de suivi qui doit être assuré par le SPIP, doivent être décidées sur cette base. Saisie pour avis en 2011 (alors qu’APPI était utilisé depuis 2005), la CNIL a estimé que « certains champs » du DAVC « se caractérisent par l’imprécision de leur intitulé et la subjectivité des données qui peuvent y être renseignées », et a recommandé que les champs en question fassent l’ « objet de consignes précises d’utilisation ».
Articles R. 57-4-1 à R. 57-4-10 du Code de procédure pénale et 39 de la loi du 6 janvier 1978 ; circulaire DAP du 8 novembre 2011 relative au diagnostic à visée criminologique ; délibération CNIL n° 2011-232 du 21 juillet 2011 portant avis sur le projet de décret en Conseil d’État portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Application des peines, probation et insertion » (APPI) ; recommandation CM/Rec (2010) sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation, 20 janvier 2010.

Qui a accès au DAVC ?


Le DAVC et ses modifications doivent systématiquement être validés par le cadre du SPIP, qui peut entériner les conclusions du CPIP, lui demander un « complément d’information » ou d’ « envisager » une autre conclusion, ou encore « définir lui-même » une autre conclusion. Le DAVC est ensuite automatiquement transmis au magistrat mandant (juge de l’application des peines principalement), au même titre que tout rapport semestriel réalisé par le SPIP. Le juge peut alors « faire toute observation utiles et notamment un commentaire partagé sur la modalité de prise en charge arrêtée par le SPIP ». Peuvent également accéder au DAVC toute une série d’autorités judiciaires et de personnels pénitentiaires : procureurs de la République, juges d’instruction, juges des libertés et de la détention, ensemble des personnels d’insertion et de probation, personnels de surveillance affectés dans les SPIP, « individuellement désignés et spécialement habilités à cet effet par le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire »… Dans son avis de juillet 2011, la CNIL a demandé à cet égard que soient définis « plus strictement encore les profils d’accès en fonction du besoin d’en connaître de chaque catégorie de destinataire ». Enfin, comme pour les autres fichiers contenant des données personnelles, le détenu dispose d’un droit d’accès aux données du DAVC, qui « doivent lui être communiquées à sa demande » et dont il peut demander la rectification en saisissant le procureur de la République du lieu de détention ou de suivi du dossier. A cet égard, chaque SPIP est censé afficher une note informant les personnes de « leurs droits en la matière ».
Articles D. 575 et R. 57-4-5 du Code de procédure pénale ; circulaire DAP du 8 novembre 2011 relative au diagnostic à visée criminologique ; délibération CNIL n° 2011-232 du 21 juillet 2011.

Qu’est-ce qu’un programme de prévention de la récidive (PPR) ?


Parmi les actions qui peuvent être proposées par le SPIP suite à son évaluation, figure depuis 2007 la participation à un « programme de prévention de la récidive ». Il s’agit de groupes de parole destinés à des personnes condamnées pour le même type d’infractions. Chaque PPR est animé par deux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), qui doivent bénéficier de la supervision d’un « psychologue régulateur » (celui-ci n’assiste pas aux séances du groupe). Selon la direction de l’administration pénitentiaire, 190 programmes de prévention de la récidive ont été mis en place en 2011 par 67 services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Sachant qu’un groupe de parole ne peut dépasser un effectif de 12 participants, ce sont au maximum 2280 personnes sous main de justice (milieu ouvert et milieu fermé) qui ont pu accéder à ce dispositif en 2011, soit une proportion infime des 65699 personnes détenues et 173 063 personnes suivies en milieu ouvert au 1er janvier 2012 (sans compter que ce ne sont pas à ces chiffres mais à ceux du flux de personnes ayant été sous main de justice au cours de l’année 2011 qu’il conviendrait de se référer). En outre, si seuls 67 SPIP sur 103 ont effectué un PPR en 2011, cela signifie que, dans 36 services départementaux, aucun PPR n’a pu être proposé. Parmi le PPR réalisés en 2011, 60 concernaient les infractions à caractère sexuel, 48 les violences familiales et conjugales, 17 les « autres violences » et 20 les délits routiers (chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2012). Un PPR se déroule en 10 à 15 séances d’une à deux heures, au cours desquelles les participants sont invités à s’exprimer à chaque fois sur un nouveau thème, tel que la connaissance de « loi et l’interdit », les « idées ayant précédé le passage à l’acte », « la chaîne délictuelle » (ce qui s’est passé avant, pendant et après les faits), la « victime »… Des thèmes spécifiques tels que la « parentalité » ou le « rapport homme/femme » peuvent aussi être abordés dans certains groupes. La méthode a été conçue de manière empirique dans un SPIP dès 1999, puis expérimentée dans d’autres services à la demande de la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) en 2007, et enfin formalisée dans un « référentiel » publié en 2009.
Note DAP, Référentiel relatif aux programmes de prévention de la récidive, 17 décembre 2009 ; note DAP, Mise en place de programmes et de groupes de parole de prévention de la récidive, 17 octobre 2007 ; note DAP, Développement des programmes de prévention de la récidive, 16 juillet 2007.

En quoi un PPR se distingue-t-il d’une thérapie de groupe ?


La DAP inscrit ces groupes de parole dans le cadre de sa mission de prévention de la récidive, la loi pénitentiaire énonçant que l’administration pénitentiaire doit préparer la sortie de la personne détenue, « afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir l’accomplissement de nouvelles infractions ». Elle rattache également ce nouveau mode de prise en charge aux recommandations du Conseil de l’Europe, préconisant la mise en œuvre de « programmes d’intervention qui consistent à apprendre aux délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle, à les amener à mieux se connaître et à mieux se contrôler, à reconnaître et à éviter les situations qui précèdent le passage à l’acte et à leur donner la possibilité de mettre en pratique des comportements prosociaux ». Les PPR se distinguent de groupes thérapeutiques qui peuvent être animés par des psychologues : le référentiel de la DAP indique à cet égard que « la pédagogie utilisée est à visée éducative et d’inspiration cognitivo-comportementale : cognitive parce qu’elle vise à faire prendre conscience aux participants de l’écart existant entre leurs pensées et la réalité ; comportementale en ce qu’elle recherche une modification du comportement par l’apprentissage et non par l’exploration des causes profondes, comme en thérapie ». En pratique, la frontière entre les deux est plus ou moins claire selon les professionnels, mais cette problématique se retrouve également dans le cadre de leurs entretiens individuels, qui se déroulent pour leur part hors de la présence d’un autre professionnel et d’autres détenus.
Note DAP, Référentiel relatif aux programmes de prévention de la récidive, 17 décembre 2009 ; note DAP, Mise en place de programmes et de groupes de parole de prévention de la récidive, 17 octobre 2007 ; note DAP, Développement des programmes de prévention de la récidive, 16 juillet 2007.

La participation à un PPR peut-elle être obligatoire ?


La loi pénitentiaire de novembre 2009 a instauré une « obligation d’activité » à l’égard de toute personne condamnée, « tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui sont proposées par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation ». Dans le décret d’application, il est précisé que la personne détenue remplit cette obligation lorsqu’elle participe à un programme de prévention de la récidive. L’on peut en déduire que si elle ne remplit pas cette obligation autrement (travail, formation, enseignement, activité culturelle ou sportive), la participation à un PPR peut lui être imposée. Cette possibilité apparaît toute théorique puisque le détenu pourra toujours invoquer une activité sportive et que la situation de nombreux établissements serait plutôt d’être dans l’incapacité de proposer des activités à tous les détenus. En outre, le référentiel sur le PPR indique clairement que, en milieu fermé, « il n’est pas possible d’imposer ou de contraindre à participer au PPR ». Le détenu auquel le CPIP propose une participation à un PPR n’est dès lors en aucun cas tenu d’accepter. Néanmoins, il est indiqué que « la présentation du PPR aux personnes détenues ne doit pas être faite comme pour une activité pour laquelle la personne a le choix ou non de s’inscrire, mais comme un élément de prise en charge qui répond aux besoins identifiés de la personne s’inscrivant dans son parcours d’exécution de peine ». En clair, le professionnel estime que le détenu a besoin de participer à un PPR et il va se charger de l’en convaincre. S’il accepte de participer, le détenu s’engage en revanche à être présent à chacune des séances. En tout état de cause, la participation à un PPR ne peut s’inscrire dans le cadre d’une obligation de soin qui serait imposée à un détenu, le PPR n’étant pas un groupe thérapeutique. Concrètement, le SPIP effectue une présélection des personnes en fonction de la thématique du PPR qu’il va mettre en œuvre (violences, infractions de nature sexuelle, etc.) et du parcours d’exécution de peine. Par exemple, en milieu fermé, « un PPR peut être davantage orienté sur les détenus proches d’un aménagement de peine ou au moment de leur arrivée en centre de détention ». Les personnels de direction et de détention « peuvent être associés au repérage », une présélection pouvant même être effectuée par l’intermédiaire des outils informatiques (GIDE, APPI…). Les personnes ainsi repérées seront ensuite sélectionnées en réunion d’équipe du SPIP, en fonction notamment de la nature de l’infraction et la durée de l’incarcération (qui doit être compatible avec celle du groupe de parole). Un équilibre est également recherché dans la composition du groupe, notamment au niveau des capacités d’expression des personnes, ou alors en limitant par exemple le nombre de personnes dans un « déni total » des faits à une ou deux maximum par groupe. La participation à un PPR s’inscrivant nécessairement dans le projet d’exécution de peine (PEP), la commission pluridisciplinaire unique (CPU) doit « être informée du nom des personnes retenues par le SPIP pour participer à un PPR », notamment « afin de recueillir d’éventuelles remarques ou contre-indications (coordination avec les autre activités auxquelles participent les détenus par exemple) ». La CPU peut également demander à ce que « le cas d’une personne soit examiné pour participer à un PPR », mais la décision finale relève exclusivement du SPIP. Enfin, les personnes détenues « retenues » sont informées, généralement dans le cadre d’un entretien individuel. Dans ce cadre, il doit être rappelé aux futurs participants que « la participation au PPR n’entraîne pas ipso facto de réduction de peine supplémentaire (RPS) ou de droits quant à un éventuel aménagement de peine ».
Article 27 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; article R. 57-9-1 du Code de procédure pénale ; note DAP, Référentiel relatif aux programmes de prévention de la récidive, 17 décembre 2009.

Les échanges tenus dans le cadre d’un PPR sont-ils confidentiels ?


Le « référentiel PPR » indique que « la confidentialité doit être absolue s’agissant des propos tenus au sein du groupe vis-à-vis des personnes extérieures au groupe. Tous les participants doivent s’y engager » à l’occasion de la première séance, lorsqu’ils signent le « contrat d’engagement » qui leur est remis. Quant aux règles s’appliquant aux personnels, les CPIP animateurs du groupe « s’engagent vis-à-vis du participant à ce que le contenu même des séances ne soit transmis à aucune personne extérieure au SPIP ». Les propos tenus ne peuvent donc être divulgués ni au chef d’établissement ni aux personnels de surveillance ou encore aux autorités judiciaires, à une exception près : lorsqu’une personne révèle avoir avoir commis une autre infraction que celle pour laquelle elle est condamnée. Il convient alors que le CPIP animant le PPR de « demander à la voir individuellement à la fin du groupe et de l’informer du fait que tout citoyen a l’obligation de révéler un délit ou un crime ». Le CPIP référent doit pour sa part « inciter et accompagner la PPSMJ à révéler ces faits à l’autorité judiciaire. A défaut, le SPIP doit porter à la connaissance du parquet les faits révélés lors d’une séance. Il convient ensuite de retravailler avec le groupe sur le thème de la responsabilité de chacun, de la limite de la confidentialité et du respect de la parole de l’autre ». Ces règles de confidentialité doivent avoir été exposées aux participants lors de la première séance, et l’exception portant sur la révélation d’une infraction doit également « apparaître dans le contrat » d’engagement. S’agissant des échanges entre professionnels du SPIP, le référentiel précise que les propos tenus dans les séances de groupe ne peuvent être relatés nominativement : « L’ensemble du SPIP doit pouvoir avoir accès, en respectant l’anonymat des participants, aux séances de régulation » ou de « débriefing » qui font suite aux séances du groupe. Dans ce cadre, les personnels animateurs ne peuvent relater « qui a dit quoi » dans le groupe, mais ils peuvent évoquer le cas d’un participant à son CPIP référent, à condition d’en avoir informé préalablement le probationnaire : « les animateurs peuvent avoir besoin de transmettre une information de façon nominative (par exemple, si un participant au PPR évolue dans son discours par rapport aux faits) au personnel chargé du suivi individuel. Il est dans ce cas préférable d’en informer au préalable le participant au PPR ». Sur les conditions de participation au PPR en détention, le SPIP doit assurer une organisation matérielle permettant de garantir au mieux la confidentialité des échanges : « salle permettant de respecter cette confidentialité, discrétion vis-à-vis des participants lors des mouvements en détention »…
Note DAP, Référentiel relatif aux programmes de prévention de la récidive, 17 décembre 2009.