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Les décès en prison

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TA-Versailles-18-05-2004-0101135

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Date : 10-10-2016

CAA_Versailles_02_02_2006_04VE02573

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Date : 10-10-2016

CE_17_12_2008_292088

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Date : 10-10-2016

CE, 17/12/2008, n°292088 (Pourvoi de CAA Versailles, 02/02/2006, n°04VE02573, sur appel de TA Versailles, 18/05/2004, n°0101135)

Responsabilité pour faute de l’Etat du fait du décès d’un jeune détenu survenu après l’inhalation de gaz de combustion dégagés lors d’un incendie allumé par un codétenu

Publication originale : 17 décembre 2008

Dernière modification : 14 octobre 2016

[...] en incarcérant trois jeunes gens dans une cellule de 9 m2 en méconnaissance de la réglementation concernant l’emprisonnement individuel des détenus de moins de 21 ans, l’administration a fait courir à M. Z. un risque spécial qui l’a privé d’une chance de survie ; [...]

Texte de l'article :

  Les faits :

Un jeune homme, détenu depuis le 12 juillet 1996 à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, est décédé le 23 juillet 1996 à la suite de l’inhalation massive des gaz de combustion dégagés lors de l’incendie qu’avait allumé, dans le but de changer de cellule, un des deux autres détenus qui partageaient sa cellule.

Ses parents demandaient la condamnation de l’État pour faute.

Ils faisaient notamment valoir que leur fils, jeune majeur incarcéré pour la 1ère fois, n’aurait pas dû être incarcéré dans la même cellule qu’un individu dangereux, que le fait que le surveillant de nuit ne soit pas en possession des clefs sur lui avait retardé les secours portés à leur fils, que les matelas dans la cellule n’étaient pas ignifugés et que les secours extérieurs n’avaient pas pu accéder rapidement sur les lieux de l’incendie faute d’avoir été guidés dans la maison d’arrêt par du personnel pénitentiaire.

 Le raisonnement du TA :

Le Tribunal Administratif (TA) de Versailles a tout d’abord indiqué que « il résulte des dispositions combinées des articles 716, D58, D59, et D85 du code de procédure pénale, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, que la dérogation à la règle de l’emprisonnement individuel, en raison de l’encombrement des locaux, qui permet au chef d’établissement de désigner les détenus pouvant être placés ensemble, ne s’applique pas aux détenus âgés de moins de 21 ans ; que le ministre de la Justice, sollicité par une mesure d’instruction, n’a pas fait état de motifs justifiant l’encellulement de M. Z. avec deux autres détenus ; que, par suite, l’administration pénitentiaire a commis une faute en ne plaçant pas M. Z. dans une cellule individuelle ».

Il a néanmoins ajouté par la suite que les trois hommes avaient tous donné leur accord avant d’être incarcérés dans la même cellule.

Ensuite, le TA a expliqué qu’il ne fallait pas plus de quelques minutes dans ce type d’incendie pour mourir asphyxié et que quoi qu’il arrive, les victimes n’auraient pu être sauvées, sauf si elles étaient restées près de la fenêtre.

Par ailleurs, le TA a relevé que si les matelas ne possédaient pas de housse ignifugée, c’est parce que les détenus l’avaient enlevée, ce qui n’est donc pas la faute de l’administration pénitentiaire, que de plus, le matelas correspondait aux normes les plus élevées en vigueur.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le TA a estimé qu’une seule faute était imputable à l’administration pénitentiaire, expliquant qu’en « incarcérant trois jeunes gens dans une cellule de 9 m2 en méconnaissance de la réglementation concernant l’emprisonnement individuel des détenus de moins de 21 ans, l’administration a fait courir à M. Z. un risque spécial qui l’a privé d’une chance de survie ».

Le TA a évalué le préjudice à 15 000€.

 Le raisonnement de la CAA :

Le Ministre de la Justice a relevé appel du jugement devant la Cour Administrative d’Appel de Versailles (CAA), de même que les parents du défunt, estimant que l’administration pénitentiaire avait commis une multitude de fautes ayant conduit au décès de leur fils, et non une seule. Les parents souhaitaient donc obtenir réparation de l’intégralité de leur préjudice, moral et économique puisque le jeune homme contribuait de par son travail à la vie de la famille, et non uniquement réparation du préjudice lié à une perte de chance de survie.

La CAA a indiqué que le décès trouvait son origine directe dans le comportement du détenu ayant allumé l’incendie.

Elle en a déduit que «  c’est à tort que le tribunal a retenu que le seul fait d’avoir placé trois personnes dans une même cellule permettait d’imputer directement à l’administration la perte d’une chance de survie pour l’une d’entre elles ».

Par la suite, la CAA a expliqué que « le danger provoqué par la combustion des matelas en mousse, tant à raison de la nature des fumées dégagées que de l’extrême rapidité de l’embrasement, était connue de l’administration pénitentiaire, de même que la fréquence des incidents provoqués par des détenus enflammant leur matelas ; que l’administration ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que les housses ignifugées, amovibles, les équipant étaient, comme en l’espèce, systématiquement ôtées par les détenus, dès lors qu’il lui appartenait, dans ces conditions, d’équiper l’ensemble des matelas de housses inamovibles en sus des housses amovibles, comme elle le faisait déjà dans les quartiers de sécurité ».

Expliquant par ailleurs que le fait que le surveillant de nuit ne puisse pas accéder rapidement au matériel de lutte contre l’incendie avait retardé de cinq minutes au moins la mise en œuvre des moyens propres à permettre l’ouverture de la cellule totalement enfumée par les objets en feu, la CAA a indiqué qu’il s’ensuivait que la responsabilité de l’Etat était engagée à raison de la perte d’une chance de survie du défunt.

La CAA a donc entièrement confirmé le jugement de première instance.

 Le raisonnement du CE :

Le Conseil d’Etat (CE), a relevé que même s’il n’existait pas de faute lourde en l’espèce, c’était tout de même à bon droit que la CAA avait estimé que la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée en raison notamment de la rapidité du décès à cause de la combustion des matelas. Il a donc rejeté le pourvoi.