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Communiqué de Ban Public : De l’acharnement administratif

Mise en ligne : 15 décembre 2009

Dernière modification : 26 janvier 2011

Texte de l'article :

Monsieur X, 40 ans, est incarcéré depuis 20 ans.

Détenu qualifié de modèle, il fait aujourd’hui les affres d’un acharnement administratif de la direction de BAPAUME.

Le 20 octobre 2009, au retour de la promenade, sa cellule est fouillée, retournée plutôt.

La raison de cette fouille ? Il est suspecté d’utiliser l’ordinateur - dont il dispose en toute légalité - pour se connecter à internet et communiquer avec l’extérieur.

Le modem utilisé serait un modem artisanal constitué d’un téléphone portable et d’une clé 3G SFR.

Son ordinateur, outil de travail pour l’entreprise dont il est employé en CDI et outil de formation pour la préparation de son doctorat en informatique, est saisi et envoyé pour analyse au département informatique de la DISP de LILLE.

Le modem n’est pas retrouvé.

Deux autres personnes incarcérées sont également suspectées de se connecter à internet.

Dans les semaines qui suivent, les choses semblent se tasser.

A tel point que la direction lui indique que « la guerre doit cesser », que de toute évidence il ne sera pas renvoyé devant la commission de discipline et un ordinateur lui est alors remis, ordinateur qu’il ne peut utiliser qu’en atelier.

Mais le 26 novembre, la direction décide de le poursuivre et saisit la commission de discipline.

L’élément matériel retenu est un rapport rendu par le service informatique le 9 novembre, affirmant la présence de connexions internet.

Le rapport est contesté tant par l’intéressé que par un technicien informatique.

A première lecture, un néophyte en déduirait que connexions il y a eu, avec l’aide d’un modem artisanal.

A première lecture, oui.

Mais les contre-explications démontent tout l’argumentaire avancé.

Monsieur X crée des réseaux virtuels pour tester le fonctionnement des programmes qu’il développe.

Il crée des réseaux locaux et simule « aux yeux » de son ordinateur, des connexions internet.

Mais ces connexions sont uniquement locales c’est-à-dire sur son ordinateur mais aucunement vers internet.

Qui plus est, les adresses IP retrouvées sur l’ordinateur ne correspondent pas aux adresses HTTP.

Et les adresses DNS correspondent à des adresses réservées pour les réseaux locaux et non pour l’utilisation de SFR dans le cadre d’un abonnement 3G/3G+, à la différence de ce que conclut le rapport.

En dépit de ses explications, Monsieur X est renvoyé devant la commission de discipline le 4 décembre 2009.

Mais qui y siège ? Un représentant de la direction fait office de juge.

C’est aussi lui qui a décidé de poursuivre et qui a fait l’objet de juge d’instruction.

Deux assesseurs, qui n’ont qu’une voix consultative.

Aucun expert informatique….si ce n’est Monsieur X.

Avant même ses explications, il est présumé coupable, le président de la commission lui demande de dire la vérité.

Puis, point par point, le rapport est démonté.

La légalité de la procédure également.

L’organisation des fouilles en cellule est rapprochée du droit commun des perquisitions prévu par l’article 76 du Code de procédure pénale.

L’absence d’élément matériel est soutenue : pas de modem, pas de connexion, donc pas de manquement ! CQFD.

Rien n’y fait : 10 jours de mitard !

La sanction, au-delà d’être basée sur un défaut d’éléments objectifs, est sévère. Le maximum encouru était de 15 jours.

Un référé suspension est déposé : urgence et doute sérieux sont développés dans la requête.

Pour l’instant, aucune audience n’est prévue.

De toute évidence le TA de Lille ne considère pas que l’urgence soit caractérisée, et que des doutes sérieux existent.

Non, Monsieur X doit être coupable, c’est évident, puisque l’autorité poursuivante (et d’instruction et de jugement : la direction de BAPAUME) – qui a mandaté « l’expert » de sa direction supérieure pour établir le rapport – le dit.

Il fera ses 10 jours de cachot.

Peu importe la violation de la loi, les vices de procédure et les doutes.

Non, il doit être coupable. Une personne en prison est toujours coupable, non seulement de ce qui lui a valu cette peine, mais aussi de ce qui se passe en détention.

Qui plus est, elle est coupable quand elle veut faire valoir ses droits en prison.

Car c’est ce que fait Monsieur X.

Dès qu’une circulaire informatique est publiée, il demande son application immédiate.

Dès qu’une décision est prise sans motif, il conteste. Toujours sans violence, toujours dans la légalité.

Faire valoir le peu de droits qu’il a en détention, de toute évidence cela ne plait pas. Pourquoi ? Car il a raison.

Ban Public dénonce cet acharnement dont fait l’objet Monsieur X.

Ban Public exige qu’une garantie à un procès équitable soit effective en prison.

Que les textes supranationaux et nationaux soient respectés en cas d’accusation.

Qu’une séparation des fonctions d’instruction, poursuite et jugement soit mise en place en prison.

Que les fouilles suivent le régime légal en matière de perquisition.

Le droit ne doit plus s’arrêter aux portes des prisons.