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Collectif de Défense des Familles et Proches de Personnes Incarcérées

N°4 - Courrier de détenus

Mise en ligne : 23 septembre 2002

Texte de l'article :

Parloir
Chaque matin, la sonnerie exacte. Il faut se lever, regarder l’aube, grise presque toujours, terre émergée, comme une dormeuse de la nuit. Toi, tu dors sagement dans ton lit, bouche livrée. Tu dors sagement en amie mais tu plonges dans tes rêves. Derrière les barreaux, des lumières mais je les vois comme un feu sur l’eau. A la merci de l’orage et des vagues de pleurs de mon amie. Le feu s’éteint sur le lac et claque la porte du parloir. Tu es là… Comme tout cela émerge… Il faut aller, se faire une raison. Quitter encore ces précaires cloisons. A tirer son rideau entre l’horreur et nous. Elle s’installe en nous sournoisement, comme une maladie. Aussi faut-il veiller sans axe, faire attention. C’est cela la prison. Mais les murs se craquellent déjà. La sonnerie est plus forte et vibre jusqu’à l’explosion.
Guy Corbeau incarcéré à Hôpital Pénitentiaire de Fresnes.

France, Pays des Droits de l’Homme
Il y a un mois, je vous avais fait des courriers relatant le cas de deux détenus qui rencontraient de gros problèmes de détention suite à leur déplacement ici, sans raison, et qui souffraient de l’isolement dû au manque de visite. Malheureusement, ces deux courriers ont été interceptés lors de leur sortie au parloir par un ami détenu. Cela m’a valu un passage au prétoire et la condamnation à 15 jours de mitard dont 7 ferme, pourtant il n’y avait que tentative car les deux courriers avaient été pris dans le placard du collègue qui devait me les sortir. Il me fut reproché violemment de parler de votre association, il me fut même demandé : « combien ces gens là, vous payent-ils pour faire un nouvel adhérent » et ceci par le chef de détention lui-même. Il me dit aussi voir d’un mauvais œil les conseils et adresses que je donnais, de m’occuper de mes affaires et d’arrêter de faire des courriers pour ceux qui ne savent pas lire. Vous avez même des pouvoirs insoupçonnés car une personne qui attendait depuis des années son transfert et qui moisissait ici a été transférée deux jours après que la direction ait appris que j’avais communiqué votre adresse (dans les courriers saisis, cela prouve que certains cas ne sont pas clairs). Je vais vous relater mon passage au mitard. Depuis quelques mois je fais de la tension, le jour de ma mise au cachot pas de traitement, je signale au surveillant que j’ai très mal à la tête (tension 23) le soir pas de repas –sans doute oublié- samedi matin je ne tiens pas debout, je sonne on me réponds sèchement : « le médecin passera dans la journée », un infirmier vient prendre ma tension, 27. Ils disent alors que je dois sortir immédiatement, les surveillants refusent – ils n’ont pas d’ordre – les infirmiers partent et reviennent ave les pompiers qui signalent aux surveillant que ce n’est pas possible de laisser au cachot une personne dans cet état. Le dimanche, quoique moins pénible se passe dans la souffrance. Le lundi matin j’ai de nouveau 27 de tension, elle demande une sortie immédiate, les surveillants refusent. Mes urines sont couleur café. Trente minutes plus tard, après l’intervention de l’infirmière et de deux infirmiers on me laisse regagner mon dortoir. Dans les jours qui suivirent on me supprima mes coups de téléphone et ‘on vient de me signifier la suppression de 10 jours de remise de peine supplémentaire et 22 jours sur les remises normales, soit 32 jours pour 7 jours de mitard. Plus de trois semaines plus tard j’attends un traitement pour mes calculs et les examens promis. Je suis conditionnable, mon reliquat de peine et de 15 mois et j’ai cinq enfants, travail, logement etc…j’attends, . Merci pour le soutien apporté à tous. Je continuerai à vous aider mais de façon plus sérieuse et efficace dès ma sortie. A bientôt pour la suite car il y encore à dire. Très amicales salutations.
Philippe M. incarcéré à CD Liancourt

Force et détermination
Une fois de plus les appareils politiques n’ont rien compris à ce qui c’est passé le 21 avril, à cette profonde envie de changement, non pas avec le score du FN, mais à travers les 30 % d’abstention. Pour seul appel au désarroi des démunis un seul slogan : « l’insécurité », une seule réponse : « la tolérance zéro ». Tandis que l’on continue à appliquer la tolérance tout court pour la criminalité en col blanc. A ce rythme, notre pire cauchemar finira par devenir réalité.

La situation politique n’a pas été sans influence sur ma situation, après m’avoir refusé une première permission, ajournée la seconde, la Juge d’application des peines (JAP) avait décidé de m’accorder 3 jours pour le 10 mai, j’avais prévenu ma famille et mes amis, certains venant de ris et de Nantes, et nous nous faisons tous une joie de nous revoir. Mais deux jours avant ma sortie j’ai été convoqué par le directeur de la prison qui m’a informé que suite à un appel du parquet, la JAP avait décidé de reporter ma permission à la date du 21 juin. Le motif de cette décision était que les élections doivent se passer de manière sérieuse, « or vous savez pourquoi il a été condamné » déclaration du proc. Bref, grosse déception, surtout pour ma famille, moi j’avais un pressentiment vu le contexte politique. Bref, comme d’habitude l’institution joue à ce petit jeu pervers qui use les nerfs et les familles. C’est là que tu t’aperçois que ceux qui t’aiment et te soutiennent, subissent autant la détention que nous, même si les murs ne sont pas là. Comme l’écrivait Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rends plus fort ».
Force et détermination,
Yves P. Militant anti-faschiste incarcéré à Salon de Provence