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(2008) Interrogations concernant la détention

Mise en ligne : 30 septembre 2008

Texte de l'article :

Il existe beaucoup d’interrogations concernant la détention, non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe.
Aux dires de nombreux codétenus étrangers que j’ai pu rencontrer, tous sont unanimes sur la situation française, comparé à celle d’autres pays comme la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Suisse qui ont un petit plus... celui de l’humanité moins précaire de leur système carcéral. Paradoxalement, les détenu(e)s ont un peu plus de « liberté » sociale et d’aides à la réinsertion : boutiques de cantines, cellules individuelles équipées de douche, internet (surtout en Allemagne), téléphone, parloirs familiaux, etc. Ce peu de liste est déjà une insulte aux méthodes françaises de réinsertion ! Tous les établissements où je suis passé, Fontenay-le-Comte, Bayonne, Tarascon, Draguignan, Poitiers, Angoulême, Bonneville et Aiton, c’est le même moule, le même modèle : celui de l’administratif. Imaginez déjà ce que vous subissez dehors pour obtenir un document auprès d’une préfecture et vous comprendrez ce qui peut résulter en ces lieux, oubliés et tabous encore en 2008 !
L’Etat et les médias nous bassinent avec leurs questions de sécurité, de réinsertion, de peines planchers, et j’en passe et comment répond le Ministère ? Par la construction d’établissements pénitentiaires supplémentaires ! Comment parler de réinsertion lorsque l’on désinsère le pauvre gars, en l’incarcérant, parce qu’il a bu un demi-verre de plus lors de l’enterrement de sa promotion à un poste plus rémunération et que, pendant 3 mois, il va tout perdre et probablement devenir soit un toxicomane médicamenteux ou un haineux de l’injustice aimé pour devenir un nouveau délinquant ? A ma connaissance, les seules choses que l’on apprend en prison, c’est comment réunir un vol de voitures sans se faire remarquer ou encore connaître les rudiments complets d’un trafic de stupéfiants pour s’enrichir sans se lever le matin pour aller pointer à l’usine.
Lorsque dans un établissement comme Aiton, avec près de 300 détenus, vous avez un local scolaire de la taille de 3 cellules avec seulement la possibilité d’apprendre à lire ou à écrire son nom, comment voulez-vous que le détenu veuille s’en sortir ?
La scolarité est une chose, mais il y a pire ; la formation en est une autre beaucoup plus « théâtre » : 10 places tous les 6 mois sur 100 demandes ! Formations organisées et encadrées par des organismes comme GESPA, société du Groupe SUEZ côté en Bourse et qui, au travers de ses formations en prison, bénéficie d’un crédit d’impôts non négligeable lorsque l’on est présent sur un plusieurs sites.
Du social ? Les seules personnes se disant ASSISTANTES SOCIALES (et qui ne le sont pas du tout !) ne sont rien que des conseillères d’insertion et de probation qui travaillent uniquement avec les juges de l’application des peines, rémunérées par l’administration pénitentiaire, et qui jugent, si oui ou non, vous êtes apte à sortir en conditionnelle. J’ai longuement discuté avec ces personnes et je peux vous affirmer qu’ils ont très peu de connaissances en droit et... en social. Si vous avez besoin d’une adresse, en France uniquement... sans problèmes, ils vous la fournissent, mais si vous êtes italien ou espagnol (et que vous parlez peu français) et que vous souhaitez avoir des nouvelles de votre fille ou obtenir un acte de naissance, alors là, accrochez-vous car vous aurez plus de chances d’obtenir une réponse de... Dieu !
En 2008, c’est comme en 1908 avec la télé en plus, si vous avez besoin d’aide, il faut se tourner vers des associations ou vers les gars qui partagent votre cellule 22h/24. Sinon... !?
En une petite décennie, la prison a changé uniquement par son type de détenus. Fini les grands criminels, bonjour les jeunes de 18 ans, complètement perdus et livrés à eux-mêmes. Salutations aux vieillards, oui j’ai bien dit « vieillards », ayant des problèmes d’alcool ou de pensions alimentaires.
Aujourd’hui, le constat est là : le statistique a pris le dessus sur le social. A quand l’emprisonnement pour défaut de paiement de sa facture de téléphone et, est-il vraiment envisageable de changer la prison alors que dehors les familles ont du mal à faire le plein d’essence de leurs voitures et que, pendant ce temps-là, l’Etat se soucie de ficher ceux qui en verse à côté ?

Michel SERCEAU-FILIPEDDU, le 17/09/08