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Date : 9-04-2008

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Date : 9-04-2008

(2005) Suivi de la Saisine 2005-55

Mise en ligne : 20 avril 2008

Texte de l'article :

Voir Rapport 2006 : Saisine 2005-55

Saisine n°2005-55

AVIS et RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité

à la suite de sa saisine, le 6 juin 2005,
par Mme Nathalie GAUTHIER, députée du Rhône (décédée le 1er septembre 2006 ; le présent avis sera transmis à son suppléant M. Lilian ZANCHI)

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 6 juin 2005, par Mme Nathalie GAUTHIER, députée du Rhône, des conditions dans lesquelles M. Y.C., détenu à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, a été conduit le 21 juillet 2005 au quartier disciplinaire, suite à son refus de réintégrer sa cellule.
La Commission a sollicité une enquête de l’Inspection des services
pénitentiaires.
Elle a entendu M. Y.C., les surveillants concernés par les faits, et le Dr F., médecin à l’UCSA de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.

LES FAITS
M. Y.C., libérable en 2009, est arrivé à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré en avril 2004, venant du centre de détention de Mauzac. Il souhaitait être transféré dans un centre de détention plus proche de sa famille, et avait pour cela écrit à différentes personnes, notamment Mme B., directrice adjointe à la centrale de Poissy.
Le 21 juillet 2004, M. Y.C., soutenant que lorsqu’un détenu écrit à une autorité, un registre doit lui être présenté pour signature, demandait à le faire pour le courrier qu’il avait adressé à Mme B. Il a déclaré à la Commission avoir fait une première demande en début d’après-midi, et avoir regagné sa cellule, réponse lui ayant été faite qu’il verrait le chef à 15h00.

Vers 15h00, ne voyant rien venir, M. Y.C. a appelé le surveillant N.D. pour renouveler sa demande. Étant sorti de sa cellule, il reconnaît avoir dit : « Je ne rentrerai pas dans la cellule tant que je n’aurai pas vu le chef », alors que M. N.D. lui avait indiqué que le chef était absent.
Le surveillant N.D. a alors fait appel au premier surveillant G., qui est arrivé avec deux collègues. M. G. constatant que Y.C. persistait dans son refus de réintégrer sa cellule, a décidé de le mettre en prévention au quartier disciplinaire. M. Y.C. soutient qu’il a été immédiatement l’objet d’un « balayage », qu’il s’est retrouvé au sol, avec une clé de bras. Il accuse également le surveillant F. de lui avoir heurté la tête contre le sol et de lui avoir fait une torsion du genou.

Les surveillants concernés, et plus précisément le surveillant F., nient toute
violence illégitime et toute injure (M. Y.C. reprochant au surveillant F. de lui avoir dit : « Des négrillons de quarante kilos, on en a maté d’autres »). Pour contester les affirmations de M. Y.C. en ce qui concerne les violences, ils ont soutenu que ce dernier avait vu le médecin le jour même, c’est-à-dire le 21 juillet. Le Dr F., entendu par la Commission, a déclaré l’avoir vu seulement le 22 juillet, « dans le cadre de sa mise en prévention au QD, où il était arrivé le 21 juillet », et que si M. Y.C. avait été vu le 21 juillet par son collègue le Dr C., sa visite aurait été notée et signée, ce qu’a confirmé le Dr C. Or dans une lettre du 10 novembre 2006. Le Dr F. a précisé à la Commission : « Je ne retrouve aucune trace dans le dossier de M. Y.C. d’un examen du Dr C. effectué le 21 juillet ».

Le matin du 22 juillet 2004, le Dr F. a constaté une lésion du ligament latéral interne du genou gauche, qui, après consultation d’un médecin orthopédiste, a été traitée par la mise en place d’une attelle pendant quinze jours.

M. Y.C. a fait délivré au surveillant F. une citation directe devant le tribunal de grande instance de La Rochelle pour coups et blessures de la part d’une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.
Par décision en date du 21 février 2005, le tribunal a fixé à 1500 € le montant de la consignation à effectuer avant le 31 mars 2005. Par décision en date du 20 avril 2006, le tribunal a constaté l’absence de consignation.
Par ailleurs, il est reconnu que M. Y.C. « était un détenu qui ne recherchait
pas le contact avec les surveillants. Il avait une attitude assez distante et
fière ».

AVIS
La Commission relève qu’il n’est pas contesté que les surveillants aient
usé de la force pour exécuter la décision de mise en prévention au quartier disciplinaire de M. Y.C. par les premiers surveillants.
La Commission n’a pas relevé de circonstances susceptibles de l’amener à
douter de l’origine de la blessure médicalement constatée au genou gauche, qui peut être considérée comme consécutive à la contrainte exercée par les surveillants sur la personne de M. Y.C.
La Commission estime qu’un « balayage » reconnu, à supposer qu’il ait été nécessaire, ne devrait pas entraîner de blessure de la nature de celle constatée, s’il est correctement exécuté.
Il convient en effet de rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme (affaire R.L. et M.D. c/ France, arrêt du 19 mai 2004) attache une importance particulière aux blessures qui ont été occasionnées et aux circonstances dans lesquelles elles l’ont été.
La Commission retient d’une part que M. Y.C. n’était pas considéré comme un homme violent, et d’autre part qu’il n’est pas particulièrement robuste.
La Commission estime qu’en l’absence d’une rébellion caractérisée, les surveillants n’ont pas utilisé la force rendue strictement nécessaire par le comportement de M. Y.C.

RECOMMANDATIONS
La Commission, constatant que la mise en prévention au quartier disciplinaire est souvent à l’origine d’incidents, souhaite que les conditions de la mise en prévention au QD soient redéfinies, et ne relèvent pas de la seule décision d’un premier surveillant.
La Commission demande à ce que la mise en oeuvre des gestes techniques professionnels d’intervention fasse l’objet d’un entraînement régulier à leur bonne exécution.

Adopté le 18 décembre 2006

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux.