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Mort suspecte et silence assassin

Mise en ligne : 13 août 2002

Texte de l'article :

Le 25 avril 2002 Belgacem Soltani condamné à 9 mois de détention pour « outrage à agent » est retrouvé mort dans sa cellule de la Maison d’arrêt de Tarbes. Il avait 19 ans.

L’Administration pénitentiaire a sobrement conclu à un suicide par pendaison. Pour sa famille et tous ceux qui le connaissaient, l’hypothèse d’un suicide paraît impossible. Sa forte personnalité, son état moral ([v. ses lettres]) ainsi que son temps de réclusion, malgré la dureté du régime qu’il subissait, ne peuvent expliquer un tel acte.

A moins qu’il faille précisément chercher du côté de cette forte personnalité les raisons de ce décès.

Belgacem Soltani avait en effet à plusieurs reprises fait l’objet d’intimidations, de menaces et de violences de la part de certains surveillants : quand bien même ceux-ci auraient eu besoin de recourir à la force pour le maîtriser, RIEN, ne peut expliquer l’état de son [cadavre]. Ce serait, curieusement, à la veille d’un examen médical réclamé par Belgacem Soltani consécutivement à un « accrochage » avec ces gardiens qu’il a été retrouvé mort.

Les quelques éléments d’enquête arrachés par la famille Soltani - qui a porté plainte pour « homicide volontaire avec préméditation » et « non-assistance à personne en danger » - au procureur en charge de l’affaire, comportent à tous le moins de bizarres incohérences, et font état, au mieux, de négligence criminelle ; au pire, elles attesteraient de pratiques barbares absolument intolérables et injustifiables dans un Etat prétendument de droit : la torture et l’assassinat.

Pour Belgacem Soltani il est trop tard, bien que sa mémoire soit vivante pour sa famille et ses ami(e)s. Car le crime commis contre Belgacem Soltani est aussi le silence : celui d’associations de défense des droits de l’Homme qui, alertées sur sa situation, n’ont pas eu le temps ou pas jugé utile d’enquêter et de dénoncer l’acharnement dont il se disait victime ; celui de médecins qui refusent aujourd’hui de pratiquer une contre-autopsie ; enfin, le nôtre, si nous ne nous mobilisons pas pour que toute la lumière soit faite sur les circonstances précises de ce décès.

Sinon autant dire que la douleur d’une famille qui a perdu son enfant, que la mémoire d’un taulard, d’un jeune, d’un beur, et que la vérité surtout, n’ont aucune valeur aujourd’hui en France.

Le silence est une complicité qui tue une seconde fois.

Ban Public

Pièces annexes :
[Témoignage de la famille Soltani et photos de Belgacem]
[Dossier Belgacem Soltani
[Lettre de la Famille Soltani à Me Dana]