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Saisine 2001 suite au meutre d’un détenu

Mise en ligne : 20 juillet 2004

Texte de l'article :

Saisine de M. Noël Mamère, député de la Gironde - 30 mars 2001 -

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie à la suite du meurtre commis à la maison d’arrêt de Gradignan, dans la nuit du 15 au 16 mars 2001, par le détenu M. Y. sur la personne de M. L. dont il partageait la cellule.

O LES FAITS
La victime qui devait subir un reliquat de peine avait été invitée par le juge de l’application des peines à se constituer prisonnier le vendredi 15 mars 2001 au matin, la commission d’application des peines devant se réunir ce jour-là et lui remettre, pour bonne conduite lors de la détention initiale, la quasi-totalité de la peine à subir. La décision rendue conforme aux prévisions, il ne restait à ce détenu qu’un jour à subir. Il devait donc être libéré le lendemain.
Faute de place dans une cellule « arrivant » , il fut placé dans lacellule 210 où se trouvait déjà un autre détenu entré dans la nuit mais qui devait, dans l’après-midi, prendre une autre affectation.
Fut alors placé avec lui le détenu M. Y., qui sortait du quartier disciplinaire. Il avait été sanctionné pour des violences graves exercées dans la nuit du 23 au 24 février sur son codétenu d’alors.
Sur la foi du tableau tenu manuellement et sans consultation du système de gestion informatisé GIDE (gestion informatisée des détenus en établissement), M. Y. fut de retour en détention un jour avant la fin de la sanction prononcée à son encontre.
Son affectation à la cellule 210 avait été décidée par un chef de service pénitentiaire stagiaire, entré trois ans plus tôt dans l’administration. Il a déclaré que les règles pour l’affectation en cellule n’étaient pas enseignées à l’école nationale de l’administration pénitentiaire et qu’elles découlaient de la pratique. Sont pris en compte, d’une part, des éléments objectifs relatifs au régime alimentaire, au traitement médicamenteux en cours, au fait de fumer ou non, à la demande de travail, à la nationalité, à la qualification des faits s’il s’agit d’une agression sexuelle..., d’autre part, les impressions recueillies au cours d’un entretien. Ce chef de service avait vu M. Y. au quartier disciplinaire plusieurs fois ; il ne créait alors aucune difficulté. Lorsqu’il a décidé de son affectation, il ne connaissait ni les conditions de son arrestation ni son passé psychiatrique ni les faits commis en prison.
Outre les faits déjà commis en détention, M. Y. s’était fait remarquer à un double titre. D’abord, pour sa violence. Le 16 octobre 2000, il s’était introduit de force dans l’ancien domicile de son amie, avait exercé des violences sur le nouvel occupant des lieux, tiré avec une arme à feu sur les policiers et avait dû être maîtrisé par le groupe d’intervention de la police nationale (G.I.P.N.).
Ensuite par sa personnalité. Lors de son arrestation, il fut examiné le 17 octobre par un psychiatre commis par les enquêteurs et qui conclut à "un état pathologique caractérisé par un délire de persécution peu systématisé et probablement une psychose de type passionnel (jalousie morbide). Cette pathologie a été à l’origine de l’état d’hétéro agressivité qu’il a présenté dans la journée du 16 octobre. Les montées de violence hétéro agressive ne peuvent nullement être contrôlées par ce patient. Il présente un état dangereux. La mesure d’hospitalisation d’office en urgence qui a été prononcée hier est justifiée".
Lorsque cette hospitalisation d’office prit fin, il fut placé en détention le 1er novembre 2000 des chefs de violation de domicile à l’aide de manoeuvres, menace, voies de fait ou contrainte, dégradation volontaire, vol avec violence n’ayant pas entraîné d’incapacité, violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours.
Lors de son incarcération, le juge d’instruction remplit ainsi la notice prévue par l’article D 32-1 du code de procédure pénale :
Un examen psychiatrique urgent paraît-il nécessaire ? oui,
Y a-t-il lieu de prescrire l’observation de la personne au SMPR ? non,
Existe-t-il dans le comportement de la personne des éléments laissant craindre qu’elle porte atteinte à son intégrité physique ? à voir,
Présente-t-elle des troubles psychiatriques ? oui.
Il fut examiné dans la cadre de cette procédure par un expert qui conclut le 9 janvier 2001 : « Après avoir examiné le 28 novembre et le 11 décembre 2000 au centre de détention de Gradignan M. Y., on peut dire :
1 - qu’il a présenté des réactions pathologiques à une situation de rupture sentimentale. Il ne s’agissait pas d’érotomanie, mais plutôt d’une réaction d’ordre narcissique qui permet de voir à quel point ce jeune d’une part maîtrise mal ses pulsions agressives et d’autre part supporte mal les positions d’abandon. Sa pathologie est liée à son enfance, sa culture et ses relations à ses parents.
2 - L’infraction qui lui est reprochée est en relation avec sa pathologie.
3 - Il ne me paraît pas présenter d’état dangereux à ce jour.
4 - Il est accessible à une sanction pénale.
5 - Il me paraît curable et réadaptable, s’il accepte de se faire soigner.
6 - Il n’était pas atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant soit aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, soit altéré son discernement ou le contrôle de ses actes au sens de l’article 122- 1 du code pénal.
7 - Il n’a pas agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle il n’a pu résister au sens de l’article 122-2 du code pénal. On peut juste parler de légère altération. »
Au cours de la nuit du 23 au 24 février 2001, M. Y. agressa son compagnon de cellule, qui dormait, en le rouant de coups de poing et de pied. Le 26 février, la commission de discipline de l’établissement le sanctionna de trente jours de mise en cellule disciplinaire, dont dix avec sursis. Aucune poursuite judiciaire ne fut mise en oeuvre.

O AVIS
Il paraît vraisemblable que M.Y. a agressé M.L. dans la première partie de la nuit et qu’il l’a laissé couché sur le sol, où il fut retrouvé mort, couvert de sang, seulement le samedi 16 mars, peu après sept heures. La question reste posée de savoir si une découverte plus rapide aurait permis de lui sauver la vie, la mort, selon les experts, n’ayant pas été instantanée.
L’inspection générale des services judiciaires a relevé que la consultation du tableau manuel, au lieu du système GIDE, avait entraîné le retour en détention de M. Y. un jour trop tôt. Elle a encore souligné de graves dysfonctionnements dans l’organisation du service de nuit : rapidité des contrôles, insuffisances des vérifications par l’oeilleton, fonctionnaires non relevés et restant trop longtemps dans les miradors pour être efficaces, faux comptes rendus de service.
Ces dysfonctionnements ayant pu contribuer au drame, il appartiendra à l’autorité disciplinaire d’en tirer les conséquences.
Il incombe à la Commission nationale de déontologie de la sécurité d’examiner deux questions.

1°) Les services de surveillance de nuit
L’article D. 272 prescrit seulement que « des rondes sont faites après le coucher et au cours de la nuit, suivant un horaire fixé et quotidiennement modifié par le chef de détention, sous l’autorité du chef d’établissement ». Selon le rapport de l’inspection générale, l’exécution relève de la « culture pénitentiaire ». D’après le directeur de la maison d’arrêt de Gradignan, à la date des faits, l’organisation des rondes dans l’établissement était « permissive ».
Un tel drame exceptionnel ne saurait conduire à généraliser des mesures comme l’éclairage systématique de toutes les cellules, au cours des rondes, pour une meilleure vision de ce qui s’y passe ; il en résulterait une atteinte difficilement supportable au droit de chacun à une certaine intimité.
Mais il est nécessaire d’adapter les vérifications effectuées la nuit en tenant compte de la personnalité des détenus. Cela renvoie à la deuxième question.

2°) La personnalisation des régimes
Dans cette affaire, la Commission nationale de la déontologie de la sécurité ne peut que déplorer un cloisonnement entre les différents intervenants, gravement nuisible au traitement des détenus par l’administration pénitentiaire, dans l’intérêt du service comme de ceux-ci.
Les éléments suivants en sont l’illustration :
- insuffisance des renseignements antérieurs à l’incarcération ou recueillis ensuite en dehors de l’administration (incidents lors de l’arrestation ou de la garde à vue, hospitalisation en service psychiatrique, rapports d’expertises médicales ou mentales ...),
- cellules du service médico-psychologique régional (S.M.P.R.) qui ne sont jamais complètement occupées en raison d’hospitalisations d’office à l’extérieur auxquelles il est généralement mis fin rapidement ; selon le directeur adjoint de la maison d’arrêt, le rapport annuel du SMPR n’est pas remis à la commission de surveillance, en dépit des prescriptions de l’article D. 376 du code de procédure pénale ;
- certificats médicaux succincts d’incompatibilité avec la détention ou avec le maintien en quartier disciplinaire sans que, en raison du secret médical, les motifs soient indiqués ;
- initiative laissée aux seuls infirmiers dans le choix des détenus soumis à examen psychiatrique ;
- insuffisance des relations entre le service social et les psychiatres ;
- à l’intérieur même de l’administration pénitentiaire, circulation de l’information sur la dangerosité des détenus incomplète, faute de constitution d’un dossier véritablement utile.
Tout indiquait dans le dossier de M. Y. qu’une procédure d’alerte de l’administration pénitentiaire aurait dû être mise en oeuvre. Il n’en a rien été.
L’article 68 de la loi du 15 juin 2000, modifiant l’article 716 du code de procédure pénale, dispose que, dans les trois ans après la publication de la loi, les personnes soumises à la détention provisoire seront toutes placées sous le régime de l’emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne pourra être « dérogé à ce principe qu’à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d’organisation du travail ».
Même après le 16 juin 2003, la connaissance de la personnalité de ceux qui demandent à bénéficier de la dérogation sera nécessaire.
D’ici là, les textes applicables du code de procédure pénale formulent les prescriptions suivantes :
Il est dérogé à l’emprisonnement individuel qui devrait être la règle, sauf contre-indication médicale dans les maisons d’arrêt (D. 83) dans les conditions de l’article D. 58 mais les prévenus doivent être séparés des autres détenus (D. 59 - D. 85 - D. 90) et il faut que toutes les précautions soient prises pour éviter que la promiscuité entraîne des « conséquences fâcheuses » (D. 88). Des détenus doivent être isolés par « mesure de précaution ou de sécurité » (D. 89). Et ce sous la responsabilité du chef d’établissement (D. 91). La circulaire du 19 février 1982 sur la répartition des détenus à l’intérieur des maisons d’arrêts rappelle la responsabilité du chef d’établissement et précise les cas de délégation. Elle insiste sur la nécessité d’informer quant aux difficultés rencontrées, aux incidents et aux incompatibilités entre détenus.
Il est constitué au greffe de l’établissement un dossier individuel pour tout détenu (D. 155). En cas d’incident, un rapport est établi (D. 250-1). La décision est rendue par le conseil de discipline (D. 250-4) ; elle est écrite.
Quant à l’article D. 382, il énonce que « les médecins délivrent aux autorités pénitentiaires des attestations écrites contenant les enseignements strictement nécessaires à l’orientation du détenu ainsi qu’aux modifications et aux aménagements de régime pénitentiaire que pourrait justifier son état de santé. En tout état de cause, si ces médecins estiment que l’état de santé d’un détenu n’est pas compatible avec un maintien en détention ou avec le régime pénitentiaire qui lui est appliqué, ils en avisent par écrit le chef de l’établissement pénitentiaire. Ce dernier en informe aussitôt, s’il y a lieu, l’autorité judiciaire compétente » (D. 382).

ORECOMMANDATIONS ENTRAINANT DES MODIFICATIONS DU CODE DE PROCEDURE PENALE
1) Dès lors que, très souvent, le secret médical s’oppose à la constitution d’un dossier utile, il pourrait être attribué au chef d’établissement, lorsque son attention est attirée par le comportement antérieur ou en détention, le pouvoir de commettre un médecin inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel, qui fournirait des éléments précieux pour l’administration et dans l’intérêt du détenu.

2) Le contenu du dossier individuel de l’administration pénitentiaire
devrait être étoffé :
§ par des renseignements supplémentaires en provenance du juge d’instruction ou du procureur de la République : incidents survenus lors de l’arrestation et de la garde à vue, certificats médicaux, conclusions de rapports d’expertise, notamment psychiatrique ;
§ par le compte rendu de l’entretien avec les agents pénitentiaires au moment de l’incarcération, diverses rubriques étant prévues sur le formulaire à utiliser ;
§ par la copie des rapports d’incidents en cours de détention et des décisions disciplinaires ;
§ par les renseignements médicaux éventuellement obtenus selon la procédure précisée au point 1 ci-dessus.
Par ailleurs, toute pièce de nature à entraîner un changement d’affectation devrait être visée par le chef de détention et toute consultation du dossier devrait être mentionnée sur celui-ci, avec indication de la date de cette consultation.
La constitution d’un tel dossier serait de nature à permettre une meilleure affectation des détenus et, par voie de conséquence, une amélioration des contrôles spécifiques à exercer de nuit.
Se pose alors la question de la consultation de l’ensemble des informations recueillies. Le système de gestion informatisé évoqué cidessus, sur le fonctionnement duquel deux membres de la commission se sont renseignés lors d’une visite à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, est en cours de déploiement dans les établissements pénitentiaires. Là où il est installé, le tableau manuel subsiste. Seul ce tableau a été consulté avant l’affectation de M. Y. dans la cellule 210, déjà occupé par M. L.. La consultation du système GIDE aurait-elle pu permettre d’alerter sur les risques liés à la cohabitation des deux détenus ? On peut en douter, en l’état du fonctionnement actuel du logiciel, qui est en phase de développement et de perfectionnement.
Le 26 octobre 2001, la Commission, conformément à l’article 5 de la loi du 6 Juin 2000, a demandé la saisine du corps de contrôle du ministère de l’emploi et de la solidarité. Elle ne manquera pas de faire part des observations complémentaires que la réponse de ce corps pourrait appeler.
Adopté le 30 novembre 2001

Réponse :