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« Retour à la case prison » sur des chemins rebattus

Mise en ligne : 13 décembre 2005

Dernière modification : 13 décembre 2005

Texte de l'article :

« Retour à la case prison » sur des chemins rebattus

« Avez-vous un proche incarcéré ? »

La question, posée haut et fort dès la porte franchie, cueille à froid les participants à la rencontre « retour à la case prison » organisée par l’OIP samedi 10 décembre en gare de Metz. Plutôt qu’un manque de tact, l’incongruité constitue une entrée en matière pour une conférence où les invités multiplieront fadaises et énormités.

Député PS de la Moselle et maire de Fameck, Michel Liebgott s’est prêté au jeu des visites « surprises » initiée par l’Observatoire international des prisons et s’est rendu à la maison d’arrêt de Metz Queuleu. Il subodore bien un aspect « parcours fléché » dans cette petite promenade où lui fut présenté un échantillon représentatif de la population pénale : des émeutiers d’octobre chez les jeunes détenus, une toxico, une chauffarde, une clandestine côté femmes. L’humaniste a été choqué par la promiscuité, outré, même, d’avoir surpris contre son gré une femme en train de pisser dans la tinette sans cloison. La prison lui paraît donc bien triste. Interpellé à la sortie de sa prestation, il concède à contre-coeur n’avoir ni vu, ni compris grand chose, mais se trouve bien bon d’y avoir mis les pieds alors même que le thème ne vaut pas tripette sur le plan électoral.

La prison, Marie-Jo Zimmermann, députée UMP de Moselle, connaît aussi. De passage à Queuleu, elle a consacré l’essentiel de sa visite aux gardiens, qui devraient, comme chacun sait, être formés plus longuement, surtout à la psychologie. Mais à Metz, l’administration pénitentiaire à su résoudre le problème de la prison. Femme d’intérieur revendiquée, Marie Jo l’a senti tout de suite : à son arrivée, la prison sentait bon. Elle ne sentait pas seulement le propre, elle sentait le produit d’entretien. Le carrelage était d’ailleurs tout neuf. Etrange coïncidence, elle a également rencontré la toxico, la chauffarde, la clandestine. Elle a été très émue. La toxico était rongée par la drogue. C’était l’anniversaire de la chauffarde. Marie Jo lui a fait la bise, mais son coeur s’est serré à l’idée que le petit garçon de la détenue, lui, ne pourrait pas embrasser sa maman. « On ne pense jamais à s’arrêter et à rentrer dans une prison même quand on passe devant, mais nous, d’ordinaire, lorsque nous sommes enfermés, nous avons les clés alors que les gens dans les prisons ne peuvent pas sortir », analyse la députée dans un silence courtois.

Avocate et membre de l’OIP à Metz, Dominique Boh-Petit se réjouit de l’impact de l’action « retour à la case prison », qui a obligé l’administration pénitentiaire à augmenter le chauffage durant toute une semaine. Même les surveillants, las d’avoir froid aux pieds, ont félicité l’avocate.

Sa consoeur nancéienne Liliane Glock affirme que la prison ne se résume pas aux conditions de détention, mais se caractérise par des atteintes à la dignité humaine préjudiciables à la réinsertion. Ce postulat posé, elle énumère les constats d’un expert mandaté pour passer au crible une seule cellule de la prison de Nancy. S’en serait-on douté ? Ladite cellule s’avère ignominieusement vétuste. « Les conditions de détention, c’est horrible, atroce. Et quand on veut voir un psychologue, il faut attendre des mois et il ne donne que des pilules », bafouille un ex-détenu de service - coupé dans son témoignage par un homme ayant conservé de la même expérience un souvenir moins larmoyant, mais plus percutant.

Autre couac. Une femme invite Marie-Jo Zimmermann, qui a promis de retourner à Queuleu, à y saluer Pascal Paillet, en grève de la faim pour dénoncer son isolement sans fin et le énième transfert qui le place à 1 000 kilomètres de sa famille marseillaise. Le quartier d’isolement de Metz compte, faut-il le rappeler ? parmi les plus redouté de France. Estomaquée, Marie Jo Zimmermann s’entend également suggérer de demander aux Eris, ces gardiens cagoulés spécialistes du maintien de l’ordre, d’enfiler leur plus belle tenue. La diatribe s’achève par une contestation non pas des conditions de détention, mais de l’enfermement lui-même. Cette évidence-là semble du goût du public, qui applaudit - mais pas de celui de la députée qui se renfrogne.

Rideau sur la rencontre, qui n’aura guère servi qu’à enfoncer la porte grande ouverte de tous les lieux communs.

Pascale Braun