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Les conditions de détention contraires à la dignité humaine

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caa-douai-09da00782-09-11-2012

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Date : 21-07-2016

TA-Rouen-06-05-2009-0900578

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Date : 30-08-2016

CAA Douai, 12 novembre 2009, n°09DA00782 (Appel de TA Rouen, 06/05/2009, n°0900578)

Responsabilité de l’Etat français pour des conditions d’incarcération indignes à la MA de Rouen - Commentaire de Michel Huyette

Publication originale : 12 novembre 2009

Dernière modification : 30 août 2016

La Cour Administrative d’Appel de Douai confirme le jugement du tribunal administratif de Rouen du 27 mars 2008 ayant reconnu la responsabilité de l’État français pour des conditions d’incarcération à la MA de Rouen contraires à la dignité humaine.

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Texte de l'article :

Confirmation de la condamnation de l’Etat pour des conditions de détention inacceptables

Le tribunal administratif de Rouen a, en mars 2008, condamné l’Etat français à indemniser trois détenus à cause des conditions inacceptables de leur détention.

Le Ministère de la justice ayant interjeté appel de cette décision, l’affaire a de nouveau été examinée devant la cour administrative d’appel de Douai qui, dans une décision du 12 novembre 2009 (n° 09DA00872), a de nouveau déclaré l’Etat responsable du préjudice subi.

Dans la décision, la CAA rappelle d’abord le cadre juridique applicable et vise plusieurs articles du code de procédure pénale :

  • article D 83 : "Le régime appliqué dans les maisons d’arrêt est celui de l’emprisonnement individuel de jour et de nuit
  • article D 189 : "A l’égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale."
  • article D 350 : "Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération."
  • article D 351 : "Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. dans toute la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale.""

    Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d’une façon convenable et leur nombre proportionné à l’effectif des détenus."

    Dans un second temps, la CAA décrit les conditions de vie des trois détenus requérants. Elle souligne qu’ils ont été contraints de vivre à deux ou trois dans des cellules d’une superficie allant de 10,80 à 12,36 m2, sans dispositif d’aération, équipées de toilettes non isolées, non pourvues d’aération spécifique, et situées à côté du lieu de prise des repas,. Et elle en conclut, inéluctablement, que les trois détenus ont en conséquence raison de soutenir qu’ils n’ont pas été détenus dans des conditions respectant leur dignité humaine.

    Au final la CAA confirme le montant des dommages-intérêts alloués à chaque détenu (3.000 euros).

    Comme je l’avais déjà indiqué dans le précédent article, le montant du dédommagement me semble bien peu élevé pour des conditions de détentions humiliantes ayant duré de nombreux mois.

    En tous cas, dorénavant les avocats semblent s’être réellement emparés de cette problématique. Ceux qui ont intenté les premières procédures et obtenu des décisions favorables ont décidé de transmettre à leurs confrères intéressés des conseils méthodologiques afin de les aider à suivre leur voie.

    Il faut s’en féliciter... tout en regrettant qu’il en soit ainsi.

    En effet, on aurait préféré, la situation étant connue depuis plusieurs dizaines d’années, que les responsables gouvernementaux successifs prennent le problème à bras le corps et mettent fin à ces emprisonnement d’un autre âge.
    Diligenter des recours contre des décisions qui ne font que rappeler des évidences est moins brillant, et moins noble... surtout quand le représentant de l’Etat soutient, tout en connaissant la situation sur le terrain, que de telles conditions de détention ne causent aucun préjudice aux individus...(décision page 3, 1er paragraphe)

    Après les conditions de vie délibérément humiliantes, l’indifférence sinon le mépris....

    Par Michel Huyette, magistrat - Dimanche 15 novembre 2009