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Réponse ouverte à une réaction sur mon texte intitulé « Le Label RPE : La belle raison pour endormir »

Mise en ligne : 31 août 2010

Dernière modification : 31 août 2010

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Texte de l'article :




Mon texte intitulé « Le Label RPE : La belle raison pour endormir  » a suscité une réaction, pas tant sur l’élément général que sont les vicissitudes d’une application générale des RPE en prison, mais sur le fait d’avoir exprimé quelques exemples, non moins concrets, relatant le comportement de l’USCA (Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires) et, aussi, du SPIP.

 

Mon discours semblant, au goût de certains, être trop « caricatural, généraliste et donc bourré de tâches aveugles » (sic !) et que j’y aurais exprimé « une expérience désastreuse pour la figer sous de tels faits » (resic !), je me dois donc de répondre en toute sincérité.

 

Tout d’abord, il est important que les lecteurs, qui ne me connaissent pas, sachent que j’ai l’esprit plutôt cartésien, pragmatique et qu’ainsi tous mes textes ont des bases réelles, sentent le vécu et n’ont aucunes teneurs égocentriques. Je me contente de relater des faits tels que je les ai vus, tels que mes co-détenus ou moi-même les avons subis. De plus, je n’ai aucune complaisance du fait de mon autonomie caractérielle.

 

Me reprochant le caractère trop général de mon texte, je me dois donc de rentrer plus profondément dans le débat et l’argumentation du « lourd » dossier qu’est l’intervention de l’UCSA en prison.

 

Ce débat est productif dès lors que les intervenants ont soit des compétences, soit des connaissances du milieu médical, humanitaire et carcéral. Et c’est le cas, en ce qui me concerne ! Je me dois donc de déroger à ma règle qui est de ne jamais parler de moi, ni de mon passé en dehors de mon cercle d’amis.

 

Avant de basculer dans la voyoucratie qui m’a amené entre 4 murs, j’ai eu une vie. Dés l’âge de 16 ans, après mon Bac, j’ai osé le bénévolat auprès de la Croix-Rouge Française où le Président régional était un intime de la famille. Ceci m’a permis de voyager comme humanitaire et m’a donc transporté, pendant un mois, en Roumanie, juste après le déclin de Ceausescu, où nous avons œuvré auprès d’une population malmenée. Plus tard, alors que j’étais étudiant et pour préparer mon doctorat en sciences informatiques, j’ai obtenu une bourse militaire qui m’a projeté dans des missions extérieures. C’est ainsi que j’ai vécu, durant 6 mois, les désastres de la guerre en Ex-Yougoslavie et le désoeuvrement d’une population décimée. Après cette aventure enrichissante, je me suis mis en couple, un enfant en route, toujours plongé dans mes études, j’ai dû prendre mes responsabilités pour subvenir aux besoins de ma famille naissante. Déjà titulaire de tous les certificats et attestations de secourisme et de réanimation, étant pompier volontaire, j’ai suivi la formation afin d’obtenir le CCA (Certificat de Capacité d’Ambulancier) et j’ai crée ma première société d’ambulances avec du personnel, en m’impliquant plus particulièrement dans le secours d’urgence privé (ATSU) sur appels du Centre 15, de jour comme de nuit.

En tant que pompier, j’étais qualifié comme auxiliaire sanitaire qui m’autorise à assister le médecin dans les soins d’urgence lors d’accidents ou de malaises. Ensuite les aléas de la vie ont été ce qu’ils furent et j’ai fini, ces dernières années, par diriger des sociétés internationales en lien avec des organisations criminelles. J’ai donc été confronté de très près à la misère humaine.

 

Ceci étant dit, avec toute l’objectivité indue, je crois avoir le droit, sans prétention, de paroles et la compétence nécessaire pour critiquer très ouvertement les agissements du personnel de l’UCSA, lorsqu’ils sont inhumains ou dégradants, souvent les deux à la fois.

Bien entendu, tous ne sont pas comme cela, mais le peu, c’est déjà trop, comme un ver dans une pomme, et n’ont pas leur place en prison où la souffrance du détenu est, elle, générale, et encore moins leur place dans une corporation des plus méritantes et honorables qu’est le système de santé français.

 

Ce n’est pas parce que vous portez une blouse blanche que vous êtes supérieurs à tel ou tel être humain. Un détenu n’est pas un paria, ni un pestiféré. Il ne sent pas plus mauvais que vous, il n’est pas pathogène. Eux, et donc moi, et vous, faites tous caca assis ! La conscience professionnelle et celle qui vous donne la faculté de porter des jugements de valeurs sur vos propres actes ne s’apprennent pas, c’est ancré dans chacun d’entre nous. Et pourtant les faits sont là, je ne les invente pas, c’est une réalité !

Et qui pourrait reprocher à des gens je m’en foutistes, laxistes et inaptes de ne pas faire leur travail dans un milieu encore plus hermétique qu’un monastère ? Moi, personnellement et en toute conscience, sans devoir de réserve et malgré ma condition de détenu, je ne m’abaisserai jamais à la complaisance ou à l’ignorance d’un acte qui va à l’encontre des droits fondamentaux. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1948 n’est pas un torchon et personne n’a le droit de l’ignorer ou de s’asseoir dessus. Elle nous rappelle à tous et quelque soit notre condition, que l’Homme a droit à la vie et à la sûreté sans discrimination.

 

Mais malheureusement, il en existe certains qui, soit ne savent pas lire, soit se contre balancent des règles, des fondements universels qui font qu’une société est, avant tout, construite dans un esprit de solidarité, de fraternité. Ce n’est pas là pour le décor !

 

Il s’appelait Alexandre, 30 ans et père d’une petite fille. Il est décédé en prison parce qu’une infirmière de l’UCSA ne lui avait pas donné les bons médicaments. Les autorités ont conclu à un suicide.

Il s’appelait Freddy. Il a fait un infarctus dans la coursive. Malgré les 200 m qui le séparait de l’USCA, ils sont intervenus en…… 45 minutes ! Il s’en est sorti avec un pontage coronarien.

Ce ne sont que 2 exemples parmi d’autres, 2 de trop, auxquels j’ai été confronté comme témoin. Je suis intervenu personnellement auprès d’un détenu séropositif qui s’était tailladé la jugulaire à coups de lame de rasoir. Je suis le seul à l’avoir touché pour lui appliquer un pansement compressif car les 2 infirmières présentes avaient peur du… SIDA ! Si ça te fait peur, changes de boulot !!!

 

L’UCSA est une usine à médicaments, un distributeur de psychotropes. Il est plus facile de contenir une détention quand les détenus sont sous camisole chimique. L’UCSA mithridatise l’humain !

Les dentistes préfèrent arracher que soigner et ne connaissent pas les règles d’hygiène et de stérilisation.

Les psy sont choqués lorsque vous leur expliquez que vous avez pris une balle dans le bras ou disent que c’est oedipien !

Hé poto….. t’es en prison, pas en colo !!

Les praticiens auscultent à la chaîne, en deux minutes, plus vite que leurs ombres pour pouvoir se payer des vacances aux Antilles sur le dos de la sécu.

 

J’ai aussi côtoyé nombreux établissements pénitentiaires dans ma vie de détenu et partout où je suis allé, le constat est le même.

Il ne faut pas se voiler la face et arrêter de se cacher derrière des excuses politiques. Si vous travaillez en prison, c’est soit par vocation humanitaire ou altruiste, soit pour le salaire ou soit, parce qu’ailleurs, ils ne prennent que les meilleurs.

Ce n’est pas non plus au travers d’un stage que vous pouvez vous conforter sur le non-mépris du détenu mais en vivant 24h/24 cette situation.

 

Et enfin, pour conclure, entre vous et moi, il y a, c’est vrai, une réelle différence. Moi, si je me promène en ville et que je vois que vous êtes en danger, agression ou malaise, je ne vais pas regarder mes pieds ou vous ignorer, et même si je dois courir un danger, je vous porterai secours et non vous dire : Faites un courrier !

 

 

 

Le 21 Août 2010 à St Mihiel

Michel SERCEAU-FILIPPEDDU

Michel-ZonzonBD@hotmail.fr