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Reconstruire pour moderniser l’institution pénitentiaire

Introduction

Mise en ligne : 17 janvier 2003

Dernière modification : 20 janvier 2003

Plaquette de présentation de l’architecture carcérale du Ministère de la Justice, 2001

Texte de l'article :

Depuis mon arrivée au Ministère de la Justice, j’ai pu constater, à travers les visites régulières des prisons, qu’en dépit des efforts de modernisation déjà entrepris, qui sont considérables, une partie encore importante du patrimoine immobilier pénitentiaire de demeure vétuste et insalubre. Les conditions de détention qu’il offre sont, pour une large part, indignes de notre pays.

Sur les 186 établissements pénitentiaires, 109 ont été construits avant 1920 et certains bâtiments n’avaient pas été conçus à cet usage. J’ai donc décidé dès 1997 de lancer un vaste programme de construction et de restructuration du parc pénitentiaire afin d’assurer au personnel des conditions de travail correctes, et aux détenus des conditions de détention conformes au respect des droits de l’homme. Le Parlement – et je m’en réjouis – a engagé par ses commissions d’enquête une réflexion sur la réforme pénitentiaire, dont le constat, comme les préconisations, rejoignent assez nettement les orientations arrêtées par le Gouvernement.

Il est urgent de construire des établissements adaptés aux nouvelles missions de l’administration pénitentiaire permettant en premier lieu de fermer les établissements les plus vétustes, aujourd’hui impropres à l’accueil des détenus. La réalisation en conception-construction de six maisons d’arrêt ou centres pénitentiaires nouveaux, est en cours : Avignon, Lille, et Toulouse en constituent la première tranche, Toulon, Meaux et Liancourt la seconde. L’ensemble du programme sera achevé et mis en service 2003. Quatre autres constructions d’établissements sont financées pour Saint-Denis de la Réunion, Nice, Lyon et Basse-Terre. En outre, un plan de rénovation de cinq grandes maisons d’arrêt est mis en œuvre et, par la suite, une remise à niveau du parc ancien, composé en majorité de petites maisons d’arrêt situées en centre-ville, d’une capacité unitaire inférieure à cent places, sera entreprise.
Cette action est l’une de mes priorités.

Pour les reconstructions comme les opérations de rénovation et de mise à niveau du parc ancien, j’ai décidé d’accroître fortement les exigences de contenu des programmes et de niveau de services par rapport aux réalisations de la décennie 90 :
- La règle de l’encellulement individuel, qui n’est aujourd’hui respectée que dans les établissements ^pour peine, sera généralisée, hormis les cas où elle construirait une contre-indication pour le détenu. Les établissements seront ainsi en conformité avec les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, prévoyant que dans un délai de trois ans, chaque cellule devra être occupée par un seul détenu.
- L’aménagement d’un sanitaire encloisonné et d’une douche dans chaque cellule sera réalisé sur l’ensemble du parc dans les trois ans qui viennent.
- Les équipements socio-éducatifs et de réinsertion sont renforcés, et ceux qui peuvent l’être seront localisés dans les quartiers d’hébergement, à proximité immédiate des détenus. Tout doit être entrepris pour que la vie intra-muros offre les possibilités concrètes de suivre une formation, de travailler, de bénéficier d’activités physiques et sportives et de recevoir des soins de qualité. Une attention particulière est également apportée à l’accueil des familles et au maintien des relations familiales.
- Par ailleurs, l’amélioration des conditions de travail et la féminisation des personnels de surveillance sont prises en compte dans les nouveaux projets.
Ces prescriptions nouvelles ont été intégrées dans le cahier des charges du concours de conception-réalisation mettant en jeu les six établissements pénitentiaires constituant le programme spécial de construction de nouvelles prisons. Elles constituent les termes du défi lancé aux dix équipes, constituées d’architectes et d’entreprises, admises à concourir sur ce programme.
Dans le jugement de ce concours, deux critères revêtaient une importance particulière :
- d’une part le respect du programme fonctionnel notamment de ses spécificités pénitentiaires,
- d’autre part, la qualité architecturale des projets, leur aptitude à créer un cadre de vie de quartier urbain en détention, et enfin à assurer une bonne intégration des établissements dans leur environnement.
Ce choix de procédure de concours s’est révélé particulièrement pertinent :
- la mobilisation de la profession des architectes sur la question pénitentiaire, problème de société et problème d’actualité, a été très grande,
- les dix équipes qui ont été sélectionnées, indépendamment des entreprises, constituent une bonne représentation de l’architecture française contemporaine,
- la majorité des projets rendus, particulièrement dans le deuxième concours portant sur les prisons du Var, de l’Oise et de Seine et Marne , constitue des approches innovantes et d’une qualité architecturale exceptionnelle.

Les deux projets lauréats des groupements Autran/SAE et Architecture Studio/Quille-Dalla Vera, présentés dans la présente plaquette, marquent un progrès certain sur l’architecture pénitentiaire des années 90, c’est-à-dire du programme des 13000 places.

Il constituent une réponse nouvelle à un problème ancien : choisir un parti architectural qui atténue les rigueurs de la privation de liberté et facilite la mise en œuvre de la politique de réinsertion, en créant en détention les conditions d’une vie sociale de quartier urbain, et d’accessibilité aux activités communes.

Ils contribuent par ailleurs à améliorer le cadre de travail des personnels pénitentiaires, dont il faut prendre en compte qu’ils passent plus de temps dans la prison que la plupart des détenus qu’ils surveillent.

Certes, l’immobilier b’est qu’un élément d’une politique pénitentiaire mais les nouveaux projets contribuent dans une mesure certaine à la transformation du monde pénitentiaire et à l’amélioration des prisons de la République.

Par Elisabeth Guigou
Garde des Sceaux,
Ministre de la justice