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Recommandations du 30 avril 2009 relatives à la Maison d’Arrêt de Nice

Mise en ligne : 17 août 2010

Texte de l'article :

 
 
JORF n°0109 du 12 mai 2009 - Texte n°63
 
 
Recommandations du 30 avril 2009 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives à la maison d’arrêt de Nice NOR : CPLX0910131X
 
 
 La maison d’arrêt de Nice, établissement pénitentiaire, a été visitée par quatre contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté du mercredi 12 au vendredi 14 novembre 2008.
 
Les constats opérés lors de cette visite ont donné lieu à un premier rapport communiqué au directeur de l’établissement le 8 décembre 2008.
 
Le directeur a fait connaître ses observations sur ce rapport par lettre du 26 décembre suivant.
 
Le rapport complet de la visite a été ensuite communiqué pour observations à la garde des sceaux, ministre de la justice, le 19 janvier 2009. Il a été également communiqué, pour observations éventuelles, à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative le même jour.
 
La garde des sceaux a fait connaître ses remarques, qui seront annexées au rapport, par lettre en date du 12 mars 2009. La ministre de la santé et des sports n’a pas produit d’observations.
 
A la suite de cette procédure, conformément à l’article 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les recommandations suivantes :
 
1. En dépit des travaux qui y sont réalisés, la maison d’arrêt de Nice est vétuste et nombre de ses installations, en particulier celles relatives à la circulation de l’électricité, de l’eau ou des eaux usées, ne sont pas adaptées aux nécessités de l’hébergement. Ces défaillances proviennent du fait que, pendant longtemps, a existé un projet de reconstruction de l’établissement dans la plaine du Var, à l’ouest de l’agglomération.L’existence même de ce projet a constitué dans le passé un motif de refuser à l’actuelle maison d’arrêt, implantée dans le centre de Nice, tout investissement significatif. La question de la reconstruction sur site ou de la réimplantation ailleurs n’apparaît d’ailleurs pas entièrement tranchée aujourd’hui.
 
Il appartient naturellement aux pouvoirs publics de veiller au bon emploi des ressources de l’Etat et de faire obstacle à des dépenses inutiles : le contrôle général y est sensible. Mais cet argument n’est pas en cause ici, dès lors que la question est posée depuis des années. Il est d’autant moins recevable que la décision nécessaire met en cause la vie quotidienne, dans ce qu’elle a de plus élémentaire, de centaines de personnes.
 
Conscient de ce que, depuis plusieurs années, l’Etat est engagé dans un effort immobilier important, le Contrôleur général doit toutefois souligner la nécessité d’une programmation rigoureuse, dont les éléments doivent demeurer aussi stables que possible, et qui doit permettre de concilier le contrôle des dépenses et la nécessité d’assurer les besoins minimaux de confort aux personnes placées sous main de justice et à ceux qui en ont la charge.
 
2. Lors de la visite des contrôleurs, la maison d’arrêt comptait 429 détenus effectivement présents pour 315 places (136 % d’occupation). Sur cette population, selon les indications recueillies sur place, quarante-neuf étaient employés en qualité d’auxiliaires dans les services de l’établissement et vingt et un dans les ateliers (quatorze hommes sur 480 détenus et sept femmes sur trente-six détenues). Autrement dit, moins de 15 % de la population incarcérée était pourvue d’un « emploi » rémunéré. On ne saurait évidemment retenir au titre du travail pénitentiaire, comme le fait la ministre de la justice, les emplois des occupants du quartier de semi-liberté qui, par définition, travaillent à l’extérieur de la détention.
 
Il faut naturellement d’emblée indiquer que la question du travail en prison est une des plus difficiles à résoudre ; qu’elle est dépendante d’un état de l’économie (le nombre des emplois offerts en prison diminue fortement avec la crise économique ouverte en 2008) et du marché du travail ; qu’elle est soumise à la volonté des entreprises ; qu’on ne doit pas confondre l’activité « professionnelle » dans les établissements et le travail à l’extérieur (semi-liberté, chantiers extérieurs), dont les conséquences sont plus positives.
 
Il n’en reste pas moins vrai que la situation actuelle est gravement préoccupante. Il est nécessaire, rapidement, de développer un dispositif actif de recherche d’offres de travail, d’encourager de nouveaux modes d’activité (informatique), d’accroître les activités de la régie pénitentiaire, de réfléchir à de nouveaux modes de placements extérieurs (avec un statut correspondant). La faiblesse actuelle du volume de travail, outre les effets qu’elle a pour les revenus distribués (moins de travail se traduit par davantage de pauvreté en détention), sur l’ennui en prison, par conséquent sur les tensions qui y existent, a pour conséquence d’éloigner toute possibilité d’aménagements de peine pour des détenus qui pourraient en bénéficier, dès lors que l’un des critères d’attribution de ces aménagements est de savoir si le détenu travaille ou non. Un plan d’action en la matière apparaît très souhaitable.
 
3. Il convient aussi de mieux organiser les activités offertes en détention de telle sorte qu’elles intéressent le plus grand nombre possible de détenus. Certes, ces activités sont le plus souvent intéressantes et des dévouements exemplaires, motivés, réfléchis en sont la source. Mais elles sont trop fugaces et rassemblent de très faibles nombres. Au surplus, elles apparaissent peu coordonnées et on a quelque difficulté à déceler derrière l’ensemble ce qui les a déterminées, quelle perspective elles offrent et, le cas échéant, comment elles accroissent les chances de réinsertion.
 
En d’autres termes, il convient de mieux définir la finalité des activités et d’en accroître le nombre de bénéficiaires (ce dernier point ayant déjà été évoqué dans la recommandation du 6 janvier 2009), sans accroître de manière inconsidérée les mouvements au sein de l’établissement.
 
4. Un décompte aussi rigoureux que permanent (il existe déjà souvent de fait) devrait être fait des détenus qui refusent d’aller en promenade.L’attention a déjà été appelée (recommandation du 6 janvier 2009) sur la violence existante dans les cours. La peur est le plus fréquemment à l’origine de ces refus. Par conséquent, le nombre de ceux qui ne « descendent » pas est un des indices qui permettent de caractériser la vie de l’établissement. Une attention particulière devrait lui être portée, comme la garde des sceaux l’indique d’ailleurs dans ses observations.
 
Plus généralement, une vigilance particulière doit s’exercer (ainsi que le font spontanément nombre de surveillants) à l’égard de ceux qui sont entièrement passifs ou retranchés dans leur cellule, ne bénéficient de rien ou ne sont désireux de s’inscrire où que ce soit. Le logiciel ATF (Activités, travail, formations) devrait pouvoir la faciliter.
 
5. En raison précisément de la violence dans les cours de promenade, on peut se demander si l’installation systématique des téléphones ? qui sont naturellement bienvenus ? dans les cours est une bonne solution, quel que soit le système d’appel retenu (« liste noire » ou « liste blanche »). Certes, cet emplacement a pour effet de ne pas créer de nouveaux mouvements dans l’établissement, donc de ne pas accroître pour le personnel une charge de travail supplémentaire. Mais c’est là un gain bien éphémère : car l’usage des téléphones dans les cours génère, par l’absence d’intimité, les pressions, les menaces, le « racket » qui pèsent sur les utilisateurs, des tensions qui, tôt ou tard, se feront sentir dans l’existence collective.D’ailleurs, de plus en plus de détenus demandent à l’encadrement de pouvoir téléphoner à partir de cabines surveillées en détention. Il n’est donc pas trop tard pour amender les orientations prises en matière d’implantation des appareils, si l’on souhaite que l’utilisation des téléphones produise tous les effets qu’on doit pouvoir en attendre.
 
6. Acte est volontiers donné à la ministre qu’une réflexion est en cours sur l’harmonisation des comptes rendus d’incidents survenus en détention. Il n’en est pas moins vrai que les directeurs d’établissement doivent pouvoir fournir de manière détaillée les circonstances dans lesquelles des moyens de coercition (dont l’emploi est défini par l’article 726 du code de procédure pénale) ont été employés à l’égard de détenus. Cette possibilité n’est en rien une innovation, puisque l’article D. 283-3 du même code fait obligation aux responsables de l’établissement de rendre compte de l’emploi de tels moyens au directeur régional. Ces comptes rendus doivent être évidemment accessibles au contrôle général, pour lequel ils constituent un instrument précieux de connaissance tant de la situation des détenus que de celle des personnels.
 
 
 
J.-M. Delarue