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Recommandation R(97)12 sur le personnel chargé de l’application des sanctions et mesures - motifs

Mise en ligne : 31 mai 2003

Dernière modification : 10 août 2010

Texte de l'article :

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CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

EXPOSE DES MOTIFS
Recommandation Rec(1997)12 sur le personnel chargé de l’application des sanctions et mesures

(adoptée par le Comité des Ministres le 10 septembre 1997, lors de la 600e réunion des Délégués des Ministres)

Introduction

Le Conseil de l’Europe déploie depuis longtemps d’importants efforts en vue d’établir des principes en matière de politique pénale pour le contrôle du crime et des moyens efficaces de traiter les délinquants suspects ou condamnés, lesquels doivent également respecter les droits de l’homme. Dans ce contexte, le besoin de s’assurer d’un niveau de compétence élevé parmi le personnel pénitentiaire, grâce à un recrutement, une sélection et une formation de qualité, a été reconnu il y a déjà plus de trente ans ; ce qui a abouti à l’adoption de la Résolution (66) 26 relative au statut, au recrutement et à la formation du personnel pénitentiaire, et de la Résolution (68) 24 sur le statut, la sélection et la formation des personnels de direction des établissements pénitentiaires.

Depuis lors, d’importants développements sont intervenus dans l’approche des questions pénales, que ce soit en matière de sanctions et de mesures, et de leur application, ou dans la pratique professionnelle et administrative. Cette évolution s’est traduite, entre autres, par l’adoption de la Recommandation no R (87) 3 sur les Règles pénitentiaires européennes et de la Recommandation no R (92) 16 relative aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Parmi ces développements, les aspects suivants revêtent une importance particulière :

– le caractère souhaitable de réduire le plus possible le recours à l’emprisonnement ;

– le caractère souhaitable de réduire au minimum l’isolement traditionnel de la prison par rapport au monde extérieur ;

– la prise de conscience croissante des droits de l’homme conservés par les délinquants condamnés ;

– la nécessité d’utiliser avec un maximum d’efficacité et d’efficience les ressources humaines et financières des services chargés de l’application des sanctions et mesures.

La condition nécessaire pour que l’exécution des sanctions et des mesures carcérales, et des sanctions et mesures appliquées dans la communauté soit conforme aux Règles pénitentiaires européennes et aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, et prenne en compte les développements spécifiques mentionnés dans le paragraphe précédent, est que les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures soient capables de faire face à des demandes nouvelles et exigeantes. C’est cette constatation qui a conduit le Comité européen pour les problèmes criminels à créer un Comité d’experts sur le personnel chargé de l’application des peines (PC-PP), et à le charger de préparer un projet de recommandation sur cette question.

Le mandat définitif du comité d’experts (PC-PP) lui demande d’examiner, à la lumière des textes existants, le statut, le recrutement, la formation initiale et en cours d’emploi des personnels chargés de l’application des sanctions et mesures, de même que les possibilités de mobilité entre catégories de personnels chargés des sanctions et mesures carcérales et des sanctions et mesures appliquées dans la communauté, et enfin, de préparer un ensemble de principes directeurs éthiques européens pour ces personnels, à usage national.

Le comité était composé d’experts des pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suède et Suisse. Des experts de la Fédération de Russie ont également pris part à ses travaux. Des représentants de la Conférence permanente européenne de la probation (CEP) ont participé aux réunions en qualité d’observateurs. M. Jörgen Balder (Danemark) a été élu président du comité. La composition du comité était équilibrée puisqu’il comprenait des représentants d’administrations centrales, des spécialistes du terrain, et des responsables dans le domaine de la formation. Deux experts scientifiques (M. Jean-Pierre Robert (France) et M. Norman Bishop (Suède)) ont été chargés d’assister le comité. Conformément au mandat qui lui avait été confié, le comité d’experts a, au cours de ses travaux, entendu deux associations représentant le personnel – l’Association européenne pour le travail social dans la justice, et le Comité européen des services publics – dont il a également reçu les observations écrites.

Le comité a tenu sept réunions entre novembre 1993 et décembre 1996. Il a d’abord préparé un projet de recommandation préliminaire sur la base des réponses à un questionnaire détaillé qui a été envoyé aux chefs des délégations auprès du Comité européen pour les problèmes criminels, et d’un certain nombre d’autres documents fournis par ceux-ci, de même que par la Conférence permanente européenne de la probation (CEP) et par les Services correctionnels du Canada. Au cours de ses travaux, le comité a examiné la situation actuelle dans les pays membres quant aux politiques et pratiques en matière de recrutement, de sélection, de formation et de statut des personnels chargés de l’application des sanctions et mesures, et il a étudié la documentation et les informations disponibles sur les normes éthiques existantes. Les instruments mis en place dans ce domaine par les Nations Unies, et notamment le Code de conduite à l’intention des fonctionnaires chargés de l’application de la loi, ont également été utilisés comme documentation de référence.

La version définitive du projet de recommandation et celle de l’exposé des motifs ont été mises au point lors de la septième réunion du comité, en décembre 1996, et présentées pour approbation et transmission
au Comité des Ministres lors de la 46e session plénière du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), en juin 1997. Lors de la 600e réunion des Délégués des Ministres (le 10 septembre 1997), le Comité des Ministres a adopté le projet de recommandation et autorisé la publication de l’exposé des motifs y relatif.

Commentaire du préambule de la recommandation

L’importance des Résolutions (66) 26 et (68) 24, relatives au statut, au recrutement, à la sélection et à la formation du personnel pénitentiaire, est reconnue très tôt dans le préambule, dans la mesure où un certain nombre de recommandations spécifiques faites dans ces deux résolutions conservent leur validité. On devrait mentionner particulièrement ici les propositions faites dans la Résolution (66) 26 d’élargir la fonction des agents du grade de base du personnel pénitentiaire, de façon à les associer aux méthodes modernes de traitement. Mais la présente recommandation reconnaît également que, depuis l’adoption de ces résolutions, des changements sont intervenus en matière de pratique pénale, administrative et professionnelle – des exemples en ont été fournis dans l’introduction au projet d’exposé des motifs – et que ces changements nécessitent une mise à jour des textes des deux résolutions. Une version actualisée de la recommandation sur le statut, le recrutement, la formation et la formation des personnels chargés de l’exécution des sanctions et mesures viendrait en outre compléter les principes fixés par la Recommandation no R (87) 3 sur les Règles pénitentiaires européennes, et par la Recommandation no R (92) 16 relative aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.

Le préambule affirme que l’exécution satisfaisante des sanctions et mesures carcérales et des sanctions et mesures appliquées dans la communauté ne saurait être confiée qu’à un personnel hautement compétent, qualifié et motivé pour les tâches difficiles qui lui sont confiées. Il s’agit là d’un travail complexe car, comme le fait observer le préambule, les sanctions et mesures visent à atteindre plusieurs buts. Cette remarque est particulièrement importante dans la mesure où il est ainsi reconnu que l’application des sanctions et mesures ne vise pas un seul et unique objectif. Les sanctions ont pour objet, par exemple, d’exercer un effet dissuasif, d’exprimer la réprobation d’un délit par la communauté, d’assurer à la communauté un certain niveau de sécurité contre les actes criminels, et dans le même temps, d’offrir aux délinquants une aide leur permettant de vivre désormais une vie normale sans commettre de nouveaux délits. Ces différents buts nécessitent, à leur tour, un choix et un dosage soigneux du type d’aide offert et du contrôle exercé sur chaque délinquant. En outre, un usage efficace de l’aide et du contrôle exige de plus en plus une collaboration, sur la base de connaissances partagées, entre les personnels chargés de l’exécution des sanctions et mesures carcérales et ceux chargés de l’exécution des sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Cela est particulièrement vrai des sanctions qui combinent des éléments de nature carcérale et de nature communautaire, comme la supervision des détenus libérés sous condition.

Le préambule suggère que, pour améliorer la qualité de cette collaboration, il serait utile d’envisager la mobilité du personnel entre le secteur carcéral et le secteur communautaire.

La nécessité de disposer à tous les niveaux d’un personnel hautement compétent implique, en premier lieu, le recrutement et la sélection de personnes possédant les qualifications et les qualités de personnalité et de caractère nécessaires. Cette première exigence doit cependant être complétée par l’adoption de mesures permettant d’offrir aux personnels la possibilité de développer constamment leurs connaissances et leurs savoir-faire, afin qu’ils soient en mesure à la fois d’accomplir leurs tâches du moment et de faire face avec créativité aux nouveaux défis qui émergent inévitablement dans un monde en pleine évolution. Une telle formation est également nécessaire dans la mesure où les personnels sont de plus en plus appelés à s’occuper de délinquants qui révèlent des caractéristiques difficiles, présentent de graves problèmes d’inadaptation sociale, et dont la délinquance constitue souvent une réelle menace pour la société. Compte tenu de la nécessité d’une compréhension et d’une collaboration mutuelles entre les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures carcérales et ceux chargés de l’application des sanctions et mesures dans la communauté, il est de la plus haute importance que le recrutement, la sélection et la formation de ces personnels soient effectués en conformité avec des principes qui favorisent une approche unifiée, basée sur une connaissance partagée des buts et des méthodes de travail.

Les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures remplissent au nom de la communauté des fonctions essentielles liées à la lutte contre la délinquance. Le préambule souligne à quel point il est important que ces personnels se voient accorder un statut et des conditions d’emploi qui correspondent au caractère particulièrement exigeant de leur travail.

Enfin, s’agissant de l’importance accrue accordée au respect des droits des délinquants, le préambule affirme qu’il est indispensable de préciser les bases éthiques qui devraient imprégner le travail accompli par le personnel chargé de l’application des sanctions et mesures.

Compte tenu de ce qui précède, la recommandation conclut en demandant instamment aux gouvernements des Etats membres de s’inspirer des principes énoncés dans les cinq chapitres de l’annexe I. Il les invite également à prendre les dispositions qui conviennent pour élaborer des principes directeurs éthiques nationaux conformément aux principes directeurs éthiques européens qui figurent à l’annexe II. Lorsque de tels principes éthiques nationaux existent déjà, ils devraient être adaptés, le cas échéant, afin de les rendre conformes aux principes directeurs éthiques européens.

Commentaire sur l’annexe I

Principes relatifs au recrutement, à la sélection, à la formation, aux conditions de travail et à la mobilité des personnels chargés de l’application des sanctions et mesures

Terminologie

La terminologie utilisée dans les annexes à la recommandation est décrite et définie dans une section qui fait suite à ces annexes.

Il convient de relever que le terme « sanctions et mesures » recouvre à la fois les sanctions et mesures carcérales et les sanctions et mesures appliquées dans la communauté. La définition des sanctions et mesures appliquées dans la communauté est basée sur celle qu’en donnent les Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté.

L’expression « personnel chargé de l’application des sanctions et mesures » est définie de manière à limiter le champ d’application de la recommandation au personnel auquel est dévolue la responsabilité, au niveau opérationnel ou au niveau gestionnaire, de l’application des sanctions et mesures. Cette expression s’applique au personnel chargé aussi bien d’appliquer les sanctions et mesures carcérales qu’à celui chargé d’appliquer les sanctions et mesures dans la communauté.

Dans de nombreux pays, ces sanctions et mesures s’appliquent à la fois aux personnes suspectées d’avoir commis un délit et à celles condamnées pour avoir effectivement commis un délit. Etant donné que les premières doivent être considérées comme innocentes jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’elles sont coupables, il n’est pas approprié de les désigner sous le terme de « délinquants ». Le texte utilise donc l’expression « délinquants suspects ou condamnés », qui établit une distinction entre ces deux catégories de personnes. Des exemples de mesures prises à l’égard des délinquants suspects sont fournis dans le chapitre relatif à la terminologie.

Les préceptes édictés dans les principes directeurs ont force éthique obligatoire, ce qui a été souligné par l’emploi du verbe « devoir ».

I. Principes généraux

Principe 1 – Définition d’une politique du personnel dans un ou plusieurs documents formels

Les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures représentent un important investissement en termes de ressources humaines pour l’exécution d’un éventail de tâches difficiles. Si l’on considère le coût d’une carrière professionnelle complète, il s’agit aussi d’un investissement financier appréciable. Pour pouvoir mener à bien l’application des sanctions et mesures, le personnel, que l’on peut considérer comme le principal instrument de cette application, doit savoir ce que l’on attend de lui en termes de tâches à exécuter, de responsabilités et d’approche de son travail. Il doit également comprendre ce que cela implique en matière de recrutement et de sélection pour les différents postes dans le ou les services concernés, notamment quant aux responsabilités de gestion et aux conditions de travail.

Le principe exige, par conséquent, que la politique concernant ces questions soit explicitement définie dans un ou plusieurs documents formels. Les informations fournies à cet égard doivent être complètes et comprendre un exposé des différents buts de l’application des sanctions et mesures. Il faut aussi y décrire ce qu’impliquent ces buts quant aux responsabilités qui doivent être assumées par le personnel et à ses conditions générales de travail. Il faut préciser quelles sont les valeurs fondamentales qui devraient servir de principes directeurs à l’application des sanctions et mesures, en se référant plus particulièrement aux obligations qu’impose l’adhésion nationale aux instruments internationaux de protection des droits de l’homme, et notamment à la Convention européenne des Droits de l’Homme, aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté et aux Règles pénitentiaires européennes.

L’adhésion à la politique définie sera d’autant plus renforcée que le ou les documents décrivant les tâches du personnel, ses responsabilités, l’approche qu’il doit adopter dans sa mission d’application, ses conditions de travail, etc., sont élaborés en concertation avec le personnel. La forme que peut prendre cette collaboration peut varier en fonction du contexte. Elle peut, par exemple, consister, en plus des consultations formelles avec les représentants professionnels du personnel, à renforcer la participation des membres du personnel par la mise en place de groupes de travail chargés d’examiner tel ou tel sujet particulier et de présenter des suggestions.

Le document de politique du personnel devrait permettre d’améliorer de façon continue la qualité des pratiques professionnelles. Une politique du personnel qui n’existe que sur le papier court le risque de provoquer un certain cynisme et une certaine apathie parmi le personnel, au lieu de susciter l’intérêt et l’engagement nécessaires. C’est pourquoi le principe exige qu’on affecte aux services concernés les ressources financières suffisantes pour traduire cette politique dans les faits.

Principe 2 – Réexamen de la politique du personnel

Le système des sanctions dépend toujours de facteurs qui contribuent au changement : l’entrée en vigueur de nouvelles sanctions et mesures, la diffusion d’informations sur des procédures plus efficaces, les nouvelles possibilités qu’offre l’évolution de la technologie, la prise de conscience des responsabilités éthiques du personnel, l’évolution du contexte général économique et social. Il faut s’attendre à ce que de telles fluctuations nécessitent des modifications de la politique du personnel. Le ou les documents politiques devraient donc être révisés à la fois lorsque les circonstances l’exigent et de façon plus régulière, de temps en temps, afin de s’assurer qu’ils ne sont pas dépassés. Si nécessaire, il convient d’apporter des modifications à ce ou ces documents. La procédure de réexamen et de modification éventuelle du ou des document(s) concernant la politique du personnel devrait prévoir la consultation du personnel, sous la forme qui paraît la plus appropriée.

Principe 3 – Quantité et qualité du personnel

On ne saurait trop insister sur le fait que le personnel constitue l’instrument essentiel de l’application des sanctions et mesures. Une application efficace exige que le personnel qui en est chargé soit en nombre suffisant pour assumer effectivement les diverses tâches inhérentes à cette exécution, car le travail avec les délinquants nécessite un personnel important.

Il est également indispensable que le personnel possède les qualités de personnalité et la force de caractère qui lui permettront d’exercer efficacement ses fonctions. Ces dernières comprennent non seulement le travail de base, de contact direct avec les délinquants, mais aussi un large éventail de tâches d’animation, d’administration, de gestion, de planification et de formation, venant à l’appui de ce travail de base. Le personnel qui exerce ces différentes fonctions devrait posséder les qualifications professionnelles nécessaires. En résumé, le principe souligne combien il est important de faire en sorte que le personnel soit suffisamment nombreux et qualifié pour assumer l’ensemble des tâches à accomplir en vue d’une application efficace des sanctions et mesures.

II. Recrutement et sélection

Principe 4 – Principes de recrutement et de sélection globalement applicables à tous les niveaux de l’organisation

Le recrutement et la sélection sont souvent essentiellement considérés comme liés à l’entrée en fonction initiale dans le ou les services chargés de l’application des sanctions. Or il est important de considérer le recrutement et la sélection comme un processus continu. Les procédures d’entrée initiale devraient permettre de s’assurer du concours d’un certain nombre de personnes qui soient capables d’exercer correctement des tâches données, mais aussi qui offrent un certain potentiel de développement futur. Les procédures de recrutement et de sélection interviennent lorsque des vacances d’autres postes doivent être comblées.

Les principes applicables au recrutement et à la sélection ne sauraient donc être limités aux procédures d’entrée initiale ; on doit aussi les appliquer au recrutement et à la sélection pour n’importe quel poste à pourvoir dans le service concerné.

Principe 5 – Recours à des descriptions de fonctions

L’objectif général de procédures de sélection efficaces est de permettre d’attirer, de sélectionner et de retenir des candidats idoines. Inversement, on peut dire aussi que le but de ces procédures est de permettre d’éviter autant que possible que des personnes qui ne conviennent pas se portent candidates à un poste donné, ou si elles font acte de candidature, de faire en sorte qu’elles ne soient pas sélectionnées. Il s’agit en outre d’éviter le gaspillage d’effectifs, les nouvelles personnes recrutées étant si déçues ou insatisfaites de leur emploi qu’elles décident de le quitter. Un tel gaspillage signifie souvent que d’importantes ressources humaines et financières appartenant à l’organisme employeur ont été perdues. Non seulement on a dépensé de l’argent pour rien – en recrutement, sélection et formation – mais il faut ensuite remplacer les personnes parties prématurément, et donc répéter les procédures.

Le recours à de nouvelles méthodes et la mise au point de nouvelles formes d’organisation, souvent dans un contexte de restrictions budgétaires, rendent absolument nécessaires le recrutement, la sélection et le maintien dans les services d’un personnel compétent. La recherche de la compétence peut être considérée comme le but premier de toutes les procédures de recrutement et de sélection. Par « compétence », il faut entendre la possession ou l’acquisition des capacités requises pour accomplir des types de travail donnés.

Le principe aborde ces questions en affirmant que les procédures de recrutement et de sélection devraient être fondées sur des descriptions de fonctions précises. Ces descriptions devraient remplir certains critères. Elles ne devraient pas être vagues, mais au contraire être claires et concrètes. Elles devraient décrire avec soin les buts, devoirs et responsabilités spécifiques inhérents au poste à pourvoir. Les conditions d’emploi devraient, elles aussi, être clairement définies. Elles devraient comporter des indications quant aux possibilités de promotion offertes.

Principe 6 – Nécessité d’une large publicité en matière de besoins de recrutement

Le recrutement du personnel chargé de l’application des sanctions et mesures devrait toujours être limité aux personnes qui possèdent les qualifications et les qualités de personnalité nécessaires. Cependant, dans le cadre de ces paramètres, des personnes diverses, possédant une expérience variée, peuvent être appropriées. D’où la nécessité de donner la plus large publicité possible aux besoins de recrutement et aux critères de sélection. Outre la publicité écrite, on peut utiliser les nouveaux moyens de diffusion de l’information apparus ces dernières années grâce à l’évolution de la technologie. Les possibilités offertes à cet égard par la télévision et Internet, par exemple, ne devraient pas être négligées.

Principe 7 – Qualités requises des candidats

Il est évident que les personnes embauchées dans les services concernés devraient être physiquement aptes aux tâches à accomplir et posséder une bonne santé mentale. Un bon niveau d’éducation devrait faire partie des autres qualités essentielles à rechercher chez les candidats, et ce quel que soit le niveau organisationnel auquel se situe le poste à pourvoir. Le principe ne prévoit pas cependant l’exigence d’un niveau de connaissances spécifique, dans la mesure où celui-ci dépend de la nature du travail à accomplir. D’une manière générale, on peut dire que dans certains Etats membres, un agent de l’administration pénitentiaire devrait avoir terminé au moins ses études secondaires (lycée), alors que pour les postes d’un niveau plus élevé, un titre universitaire est habituellement nécessaire. Les agents de probation professionnels devraient avoir suivi des études supérieures. La formation supérieure comprend celle dispensée par les écoles de formation en travail social.

Un autre critère important est que les personnes en contact professionnel, à quelque titre que ce soit, avec les délinquants faisant l’objet de sanctions et mesures doivent avoir un comportement exempt de reproche. A la limite, ce critère est censé constituer une garantie contre la corruption. Plus généralement, cependant, le fait d’avoir un comportement exempt de reproche permet aux membres du personnel d’être perçus et respectés comme des citoyens respectueux des lois, honnêtes et fiables.

C’est en tout cas ainsi que les représentants du ou des services chargés de l’application des sanctions et mesures doivent être perçus par les délinquants, la communauté judiciaire, les personnes travaillant dans les autres administrations et organisations qui collaborent avec les services, les hommes politiques et le public en général. Si tel n’est pas le cas, le service concerné court le danger de perdre toute crédibilité et de voir remettre en cause le fondement même de son action. Il convient toutefois de remarquer que la nécessité d’avoir un comportement exempt de reproche ne signifie pas nécessairement que le membre du personnel doive avoir un passé absolument sans tâche. A cet égard, on doit noter que de nombreux pays ont adopté une législation qui prévoit la purge du contenu du casier judiciaire et l’interdiction d’y faire référence, à condition qu’un certain nombre d’années se soient écoulées sans que l’intéressé n’ait commis de nouveau délit.

S’agissant du niveau requis de connaissances, la nature de l’expérience nécessaire dépendra bien entendu pour une part non négligeable de celle du travail à accomplir. Pour les personnes recrutées en vue de travailler en contact direct avec les délinquants, une expérience antérieure du contact professionnel avec d’autres personnes, notamment celles qui présentent à certains égards des problèmes particuliers ou qui éprouvent des besoins particuliers, peut constituer une indication précieuse quant aux capacités du candidat. En ce qui concerne les personnes recrutées pour des tâches administratives de plus haut niveau, il semble important qu’elles aient déjà exercé auparavant d’importantes responsabilités de gestion. Il convient cependant de se rappeler que l’expérience n’a pas seulement trait au travail que l’intéressé a effectué au cours de sa carrière professionnelle, mais aussi, et même bien plus encore, à ce qu’il a appris en accomplissant ce travail. Quelqu’un peut donc fort bien ne pas avoir une expérience directe du travail pour lequel il est recruté, mais avoir déjà donné la preuve, dans un autre emploi ou dans une autre situation, de sa capacité à apprendre et à déployer toutes ses qualités face à des enjeux importants ou à une situation de crise. On sait qu’on peut recruter d’anciens drogués ou alcooliques qui pourront utiliser leur expérience négative antérieure pour apporter une dimension particulière au travail avec les délinquants toxicomanes. Il faut bien entendu faire preuve de beaucoup de prudence dans ce type de désignations. Mais on ne saurait l’écarter a priori.

Outre les qualifications formelles que constituent un niveau d’éducation approprié et une bonne expérience antérieure, il est de la plus haute importance que les personnes chargées de l’application des sanctions et mesures possèdent des qualités de personnalité particulières. Les candidats devraient avoir une personnalité stable, qui leur permette de surmonter les difficultés et les déceptions, et d’affronter les crises avec calme et efficacité. La stabilité de la personnalité devrait toutefois aller de pair avec une certaine souplesse d’esprit. Cette caractéristique peut être définie comme la capacité de faire appel à ce qu’on a appris dans d’autres domaines d’activité ou d’expériences, et de prendre l’initiative de s’en servir. C’est là une condition indispensable pour faire preuve de créativité dans le travail.

Le caractère exigeant du travail au contact des délinquants ainsi que le soutien et la gestion de ce travail requièrent un fort degré de motivation, quelle que soit la tâche à accomplir. La motivation est souvent liée à la capacité de développer de bonnes relations humaines, c’est-à-dire, notamment, de savoir se mettre à la place des autres, de les comprendre, de bien communiquer avec eux, mais aussi d’avoir le désir sincère de les aider, de faire preuve d’intégrité personnelle et de courage moral. Quelles que soient les tâches à accomplir ou les fonctions à exercer, on n’accordera jamais trop d’importance à la capacité de développer et de maintenir de bonnes relations humaines.

Le principe met également l’accent sur la volonté d’apprendre et de s’adapter au changement, car les activités touchant de près ou de loin à l’application des sanctions et mesures sont toutes extrêmement complexes. Elles se situent au point de rencontre des normes législatives, de la prise des décisions judiciaires, des connaissances professionnelles spécialisées en matière d’aide et de contrôle des délinquants, et de la gestion de ce travail. Des changements interviennent sans cesse dans tous ces domaines. Un apprentissage continu est nécessaire pour accomplir efficacement cette multiplicité de tâches et de défis changeants.

Principe 8 – Procédures de recrutement et de sélection

Pour que les candidats, à quelque poste que ce soit, soient assurés de faire l’objet d’un recrutement et d’une évaluation justes et équitables, il faut qu’ils sachent comment et par qui ils vont être jugés. Les procédures à suivre devraient par conséquent être définies de manière explicite, et une condition sine qua non est qu’elles devraient être équitables, impartiales et non discriminatoires. La personne ou l’organisme qui décident de l’acceptation ou du rejet devraient être intègres et avoir une expérience en relation avec les décisions qu’ils sont amenés à prendre. La partialité, le favoritisme et le manque de compétence de la part de la ou des personnes qui décident de l’acceptation ou du rejet n’ont pas de place dans des procédures correctes de recrutement et de sélection.

Principe 9 – Instruments de mesure

Il n’est pas rare que les caractéristiques personnelles des candidats soient évaluées au moyen de tests psychologiques, ou de procédures ou instruments de ce type. L’une des difficultés auxquelles on se heurte habituellement lors de la mise au point de ces outils consiste à s’assurer qu’ils sont bien impartiaux, c’est-à-dire qu’ils ne favorisent ou ne défavorisent pas telle ou telle personne ou tel ou tel groupe en particulier. Si tel est le cas, cela doit être connu, et il doit en être tenu compte. C’est ainsi, par exemple, qu’un test qui peut être considéré comme satisfaisant pour recruter du personnel parmi la population indigène peut s’avérer partial pour recruter du personnel parmi une minorité ethnique. Avant qu’un instrument ne soit validé, il faut qu’il soit lui-même soumis à des tests rigoureux afin de déterminer son niveau de précision. Il existe pour ce faire un large éventail de procédures statistiques. L’exigence d’équité dans les procédures de recrutement et de sélection implique que tous les instruments utilisés aient auparavant fait l’objet des tests critiques indispensables, et que ceux qui les appliquent possèdent la capacité d’en interpréter correctement les résultats.

Principe 10 – Représentation des deux sexes, et représentation ethnique

Le principe de l’égalité des chances et la nécessité de prendre en compte les besoins d’une grande diversité de délinquants obligent à s’assurer qu’hommes et femmes sont représentés de manière adéquate à tous les niveaux de l’organisation du personnel.

De plus, la mobilité accrue des populations a pour conséquence que les groupes de délinquants suspects ou condamnés sont fréquemment composés de plusieurs nationalités ou groupes ethniques. Il n’est pas rare que la taille de ces groupes soit très importante. Il faut donc veiller à recruter du personnel capable de satisfaire aux besoins de tels groupes. Cela permet ensuite de surmonter bien des difficultés, comme celles inhérentes aux disparités linguistiques et culturelles. D’une manière générale, la composition du personnel devrait se rapprocher de celle des groupes de délinquants concernés, et donc tenir compte des groupes ethniques minoritaires.

Principe 11 – Recrutement et sélection aux grades supérieurs

En règle générale, le recrutement et la sélection aux grades supérieurs d’un service devraient être basés sur l’expérience professionnelle pratique. Cela permet non seulement d’offrir les possibilités de développement de carrière indispensables au bon fonctionnement du service, mais aussi de s’assurer que la gestion du service est fondée sur une base et une compréhension solides de l’aspect opérationnel de l’application des sanctions et mesures. Il n’en demeure pas moins que la capacité à compléter cette base en apprenant à connaître et à utiliser les techniques et les instruments de gestion est essentielle. Les changements qui interviennent sans cesse dans le système des sanctions, dans les méthodes de travail, et dans le système de gestion qui les sous-tendent obligent également à prendre en considération la nécessité de relever de nouveaux défis, et ainsi à adopter de nouvelles approches et à développer des savoir-faire spécifiques. Lorsqu’on recourt au recrutement à l’extérieur du service, il est spécialement important d’examiner avec soin l’expérience et les aptitudes de ces candidats, afin que les personnes retenues lors de la sélection définitive présentent bien toutes les caractéristiques recherchées.

Principe 12 – Personnel engagé sur une base contractuelle

Dans bon nombre de pays membres, on a assisté, ces dernières années, à un développement considérable de la privatisation. Le personnel est engagé sur une base contractuelle, ou encore il fait partie d’un service privatisé responsable devant le gouvernement de l’application des sanctions et mesures. Lorsque les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures ne font pas partie d’un service gouvernemental, il est spécialement important de s’assurer qu’ils possèdent bien toutes les compétences nécessaires pour assumer les fonctions et responsabilités qui leur ont été confiées. Il faut donc porter une grande attention aux procédures de recrutement et de sélection, de manière à ce que ces personnels possèdent les qualités personnelles et les qualifications formelles adéquates pour l’exercice de leurs fonctions et responsabilités spécifiques.

Principe 13 – Orientation dans le service pour les nouvelles personnes recrutées

Il a été constaté dans un grand nombre de pays membres que des personnes nouvellement recrutées sont parfois insatisfaites de leur travail à un point tel qu’elles démissionnent peu de temps après avoir pris leurs fonctions. Comme déjà relevé dans les observations relatives au principe 5, cela entraîne un important gaspillage de ressources pour le service concerné. Le temps et l’argent investis dans le recrutement, la sélection et la formation initiale sont perdus, et il faut répéter l’opération pour de nouvelles recrues. Il est donc essentiel de s’assurer que les nouveaux entrants sont soigneusement orientés dès leur entrée dans le service. Cela signifie qu’ils doivent être clairement informés de la nature de leur travail, et qu’on leur donne une idée réaliste de ce que ce travail implique. L’un des moyens d’y parvenir est de leur offrir la possibilité d’observation in situ et de discussion avec le personnel expérimenté. Certains des aspects les plus difficiles du travail à accomplir pourraient aussi être présentés par le biais de simulations par jeux de rôles.

III. Formation

Principe 14 – Adéquation de la formation du personnel aux tâches du ou des services d’application de sanctions et mesures

L’efficacité de la mise en Ïuvre des sanctions et mesures pénales, et donc la correcte exécution par le personnel de ses fonctions pour ce faire, commandent que celui-ci soit adéquatement formé. Aussi la formation, quelles qu’en soient les formes, devrait-elle, entre autres, être intimement liée aux tâches dévolues au(x) service(s) d’application des sanctions et mesures. Ce qui signifie, en conséquence, que les changements qui peuvent intervenir dans les missions devraient rétroagir au niveau de la formation du personnel, pour que soient adaptés, le cas échéant, ses contenus, ses méthodes, voire les objectifs de formation. Ainsi, par exemple, lorsqu’il est décidé de confier au Service de probation des tâches d’enquête pour les tribunaux, les personnels devraient se voir fournir les éléments de connaissances utiles leur permettant de faire face aux nouvelles exigences qui en découlent, ce qui consiste, en l’occurrence, à leur inculquer des méthodologies en matière de travail social sur le court terme, comme tous éléments pertinents quant à la manière de bien communiquer, tant oralement que par l’écrit, avec les autorités judiciaires.

Dès lors que la qualification du personnel est une garantie de la qualité du fonctionnement d’un service d’application des sanctions et mesures, il appartient naturellement à celui-ci de veiller à ce que son personnel possède le niveau de qualification professionnelle idoine lui permettant d’exercer correctement ses fonctions, et ainsi qu’il a une formation de base adéquate, et qu’il reçoit toute formation en cours d’emploi qui s’avérerait nécessaire. En effet, la formation professionnelle répond à une nécessité, et elle devrait constituer une obligation pour le personnel. C’est également une obligation pour le service de la procurer. Aussi devrait-elle être systématique dès l’entrée dans le ou les services d’application des sanctions et mesures, en ce sens que tout personnel, à quelque niveau que ce soit, ne devrait être autorisé à exercer effectivement ses fonctions que s’il a reçu la formation professionnelle nécessaire.

Etant donné que les Etats membres du Conseil de l’Europe sont soumis à un ensemble de normes supranationales communes, la formation professionnelle du personnel devrait inclure la connaissance des instruments internationaux pertinents en la matière, en particulier les recommandations du Conseil de l’Europe dans le domaine pénologique, telles que les Règles pénitentiaires européennes, les Règles sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, la présente recommandation sur le personnel, ou encore la Convention européenne des Droits de l’Homme et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Principe 15 – Responsabilité du service d’application des sanctions et mesures dans la formation du personnel

Afin d’être considérés comme professionnellement qualifiés pour l’exercice effectif de telle ou telle fonction, les nouveaux entrants dans le ou les services d’application des sanctions et mesures devraient posséder la formation professionnelle spécifique nécessaire. Dans certains cas, cette formation peut avoir été dispensée avant l’entrée dans le service ; ou encore une forme générique de formation professionnelle peut avoir été précédemment fournie à l’extérieur, mais nécessiter d’être complétée par le service concerné, de façon à la rendre compatible avec les besoins du service. Tel est le cas, par exemple, des travailleurs sociaux amenés à exercer dans les services de probation, pour lesquels cette formation professionnelle spécifique est souvent dispensée avant le recrutement dans le service et l’entrée en fonction, moyennant une formation d’adaptation supplémentaire si cela s’avère nécessaire. Dans d’autres cas, le futur membre du service d’application des sanctions et mesures n’a pas reçu de formation professionnelle spécifique avant son recrutement ; ainsi en est-il, la plupart du temps, des surveillants de prison.

Aussi parce qu’il s’agit d’une formation de nature professionnelle, il appartient au premier chef au(x) service(s) d’application des sanctions et mesures de la dispenser eux-mêmes ; et ce, s’agissant de la formation initiale, généralement dans un organe spécialisé du service, type école de formation des services pénitentiaires, et pour la formation en cours d’emploi, par des actions internes, souvent décentralisées.

Mais les services d’application des sanctions et mesures ne sont pas les seuls à pouvoir la fournir. Certaines formes de formation professionnelle spécifique peuvent relever d’organismes distincts, extérieurs à ces services : universités, écoles de formation spécialisées, etc. Dans ce dernier cas, il reste de la responsabilité du ou des services d’application des sanctions et mesures de contrôler le caractère adéquat de la formation procurée aux personnels par ces organismes externes.

Principe 16 – Objectifs de la formation initiale

L’objectif essentiel de la formation initiale est de s’assurer de la qualité professionnelle du personnel, c’est-à-dire de sa réelle qualification et de sa parfaite compétence. Par formation initiale, on entend ce qui permet au sujet, nouvel entrant dans le service d’application des sanctions et mesures, à quelque niveau hiérarchique que ce soit, et bien entendu le plus souvent au premier niveau hiérarchique, d’acquérir les connaissances de base pour lui permettre un démarrage satisfaisant dans l’exercice de ses fonctions. Il s’agit d’une étape déterminante et critique, parce qu’elle permet de découvrir un domaine nouveau pour l’intéressé, sur lequel il n’a nécessairement que des connaissances sommaires.

Aussi cette formation devrait poursuivre un triple objectif. Elle devrait avoir d’abord une fonction spécifique de préparation ou d’adaptation du sujet à l’exercice des fonctions. Elle devrait lui fournir les éléments de connaissance élémentaires en termes de contenu des fonctions et de la manière de les exercer : acquisition de savoirs, d’habiletés et d’expériences de bonnes pratiques, et, en général, de tout ce qui contribue au savoir-faire professionnel. Elle devrait être conçue comme directement utilisable dans l’exercice de la profession. Mais, elle devrait également permettre de dépasser le seul apprentissage de tâches professionnelles particulières.

Elle a ensuite une fonction, plus globale, d’appréhension du contexte dans lequel s’exercent les fonctions, c’est-à-dire du milieu dans lequel l’intéressé va évoluer. Ce qui passe par la connaissance élémentaire des objectifs du service, mais aussi des questions de délinquance et d’exclusion, et du contexte social de celles-ci. A cet égard, la formation initiale devrait fournir une connaissance objective sur la nature de la criminalité et les caractéristiques des délinquants. De cette manière devient-il possible de développer l’objectivité de la pensée, et de neutraliser des attitudes sur la criminalité et les délinquants empreintes de préjugés.

Enfin, la formation initiale devrait permettre au sujet de se préparer à l’exercice d’un métier, qui se situe dans un ensemble complexe, celui de la justice pénale, aux confins du judiciaire, et ainsi d’acquérir une vision globale de ce qui est sa profession et des valeurs qui la sous-tendent. Cet aspect participe plus du savoir-être et des attitudes. D’ou l’intérêt qui s’attache à ce que le nouvel entrant puisse appréhender, dès ce stade, le service d’application des sanctions et mesures dans ses diverses composantes, afin d’être à même de s’y orienter.

Principe 17 – Contenus de la formation initiale, et leur nécessaire actualisation

Les contenus de la formation initiale devraient répondre aux objectifs qui lui sont assignés, et les programmes être conçus en conséquence. Parce qu’elle est directement orientée vers l’exercice du métier, cette formation devrait comprendre à la fois théorie et pratique, en combinant l’apprentissage de données d’ordre théorique sur, entre autres, le contenu de la fonction, le travail sur l’environnement, les modalités de fonctionnement du ou des services d’application des sanctions et mesures, avec des stages pratiques effectués dans le service ou en dehors de celui-ci. Le temps de la formation initiale devrait être l’occasion d’une information concernant la pratique, qui soit dirigée sur son apprentissage à travers des activités constructives ; ce qui permettra de développer les aptitudes personnelles du sujet. Il faut faire en sorte qu’il y ait interaction entre les deux aspects, théorique – et ce sans dévalorisation du terme – et pratique, en émaillant les cours magistraux d’exemples tirés de cas réels, et en organisant le feedback des informations reçues durant les stages, pour en tirer des éléments de synthèse. Il convient d’éviter de privilégier une formation qui serait trop détachée des réalités de la pratique, et de veiller à ne pas mésestimer le substrat théorique. C’est en forgeant ensemble théorie et pratique qu’on peut réellement développer l’action. Un bon praticien l’est parce qu’il possède une solide base théorique.

Une des conséquences de cette nécessaire liaison est que la durée de la formation devrait être telle qu’elle permette d’appréhender les deux aspects de manière satisfaisante ; il ne s’agit pas de fixer une quelconque durée, mais de recommander que la durée choisie de la formation soit conséquente avec la prise en compte de cette exigence d’interaction entre théorie et pratique.

Le principe ne dresse pas une liste exhaustive des matières à enseigner, parce qu’il s’agit d’une prérogative des Etats membres, qui au demeurant se rejoignent sur un certain nombre de matières juridiques et professionnelles, et que lesdites matières peuvent être différentes selon que la formation concerne les personnels de surveillance ou les personnels de probation. Il met l’accent sur deux domaines qui paraissent essentiels pour l’exercice des fonctions : d’abord, l’observation et l’interprétation des comportements humains, puisque aussi bien l’individu est au centre du champ d’investigation du personnel, avec ses diverses facettes et ses complexités, qu’il y a lieu d’observer et de décrypter ; et ensuite, la communication et la capacité de traiter les rapports humains. Le développement des techniques de communication et de relation à autrui tend en effet à bouleverser les méthodes pour l’exécution des tâches. A cet égard, l’écoute, la gestion des conflits ou des crises, la médiation, les techniques d’entretien, la conduite des groupes sont autant d’outils indispensables au personnel pour la prise en charge des personnes objet d’une mesure ou d’une sanction, et la collaboration avec les divers intervenants extérieurs.

Enfin, les programmes devraient être actualisés, non seulement parce que les connaissances ont toujours un caractère provisoire, mais pour prendre en compte les changements intervenant dans le domaine de l’application des sanctions et mesures, ou les nouvelles donnes auxquelles est soumis le service d’application des sanctions et mesures, que ce soit dans les objectifs qui lui sont assignés, ou dans ses méthodes de travail ; ce qui est vrai, en particulier, des changements ayant des répercussions sur la nature même des fonctions. A cet égard, la formation devrait préparer au changement et faciliter l’adaptation du personnel aux modifications de structure, ou aux changements dans la population pénale, ou encore aux évolutions sociales en général, pour faire face à de nouveaux défis. Il devrait en être de même en cas d’émergence de développements nouveaux d’ordre externe, dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence directe sur les buts et méthodes poursuivis par le ou les services d’application des sanctions et mesures ; comme la modification dans la politique de l’emploi, ou de la prise en charge de populations présentant des difficultés particulières, tels que les toxicomanes ou les alcooliques.

Principe 18 – Méthodes de la formation initiale

Il est indispensable, dans un but d’efficacité, de faire bénéficier la formation initiale des méthodes d’enseignement les plus récentes et des techniques les plus avancées en matière de dissémination des connaissances, notamment celles relevant des modes et techniques modernes de communication. Les nouvelles possibilités techniques ouvertes dans ce domaine viennent enrichir singulièrement les méthodes traditionnelles d’apprentissage. Elles présentent l’avantage de favoriser la participation active des individus formés ; ce qui n’exclut pas que cet objectif puisse également être atteint au moyen d’approches plus traditionnelles, comme la discussion sur des cas pratiques, par exemple en ateliers restreints où l’élément humain dans les échanges est mis en valeur. De même, les stages ne devraient-ils pas être seulement des temps de simple découverte, mais constituer de réelles occasions de travail approfondi, et d’initiation à l’exercice des fonctions, en situation, quoique sans prise de responsabilités réelles, ou si tel est le cas, sous la tutelle et la responsabilité d’un membre du personnel déjà titulaire. Dans tous les cas, les méthodes utilisées doivent permettre de baser la formation sur les aspects pratiques du travail, c’est-à-dire de favoriser l’indépendance d’esprit, la flexibilité et la volonté d’appréhender et d’évaluer des données factuelles.

Certains sujets de nature technique, comme certaines méthodes ou techniques de travail, nécessitent le recours à des enseignants choisis à l’extérieur du service. Ce sera le cas lorsque, par exemple, une telle expertise n’existe pas dans le service ou lorsqu’il y a une raison de penser que l’enseignement peut être dispensé de manière plus compétente en recourant à des intervenants extérieurs. Une formation initiale, qui serait trop tournée vers l’intérieur, court le risque d’autosuffisance. Il faut ainsi, pour procurer un bon niveau de formation initiale, chercher une balance satisfaisante entre formation en interne et recours à des intervenants extérieurs.

Principe 19 – Vérification des connaissances acquises durant la formation initiale et évaluation des personnes formées

Le processus de formation initiale doit constituer un apport positif à l’exercice du métier. C’est pourquoi le principe exige la vérification des connaissances acquises par les individus formés. Le terme de « connaissances » devrait être compris au sens large, afin d’inclure ce qui ressort non seulement de l’information acquise, mais aussi du niveau du développement de la personnalité, par exemple la connaissance de soi, la maturité de jugement et une meilleure capacité à appréhender les relations humaines. La formation initiale devrait également permettre d’évaluer les personnes formées pour s’assurer de leur qualification professionnelle et, le cas échéant, exclure celles d’entre elles qui sont inaptes à l’exercice des fonctions.

Le principe exige en conséquence que le processus de formation initiale comporte les moyens de s’assurer de l’appréciation équitable des personnes formées, tant en cours qu’en fin de formation, par exemple par des examens, des travaux pratiques contrôlés, etc. Cette nécessaire vérification ne devrait pas constituer une simple formalité. La rigueur du processus d’appréciation est garante de la qualité professionnelle des personnes formées. Afin de s’assurer de l’équité, et de la plus grande pertinence possible, les critères d’appréciation devraient être explicites et connus. Les appréciations devraient, toutes les fois où cela est possible, être effectuées par plus d’une personne ; et les individus formés devraient se voir offrir la possibilité de contester les appréciations qui sont portées à leur égard, spécialement lorsqu’elles revêtent un caractère subjectif.

Principe 20 – Objectifs de la formation en cours d’emploi

La formation en cours d’emploi devrait avoir pour but d’améliorer la qualité professionnelle du personnel, par le développement des connaissances en relation directe avec le métier, ou dans des domaines pertinents, donc d’assurer le perfectionnement du sujet quant aux savoir-faire professionnels ou à l’appréhension de nouvelles techniques. Car elle s’ajoute à ce qui existe déjà ; elle permet d’engranger de nouveaux acquis et de maintenir les précédents acquis, afin de développer toujours plus le professionnalisme du personnel.

Le fait que la formation en cours d’emploi promeut un plus grand professionnalisme devrait conduire à la faire sanctionner par la délivrance d’un titre dans une ou des spécialités, attestant d’une qualification qui soit reconnue au plan national. L’intérêt de ce type de formation est ainsi de contribuer à construire la ou les professions du secteur de l’application des sanctions et mesures pénales, et ainsi de conférer à ceux qui en bénéficient un statut qui leur permette de postuler à des emplois de catégorie équivalente à l’extérieur du ou des services d’application des sanctions et mesures, dans le système de justice pénale, voire au-delà de celui-ci ; ce qui est un facteur de décloisonnement et d’ouverture. Et le mouvement peut être conçu dans l’autre sens : des personnes de l’extérieur possédant une qualification équivalente devraient pouvoir se porter candidates à des postes du ou des services d’application des sanctions et mesures. De manière générale, une telle reconnaissance de la qualification permettrait d’accréditer les professions des services d’application des sanctions et mesures à l’extérieur, et ainsi, de faciliter la mobilité interprofessionnelle des personnels, car la délivrance d’un titre officiel spécifique est une garantie de la reconnaissance qualitative des fonctions.

Il appartient à chaque Etat membre de définir les spécialités concernées (par exemple la profession de direction d’établissement pénitentiaire ou celle de travailleur social d’application des sanctions et mesures), de même que les titres susceptibles d’être conférés et les modalités et procédures particulières permettant de les obtenir, les exigences en matière de niveau de qualification, les mécanismes d’équivalence, etc.

Le principe énonce qu’en règle générale la formation en cours d’emploi devrait être organisée en concertation avec les personnels concernés ; ce qui signifie que les personnels devraient être consultés sur les domaines dans lesquels ils souhaitent approfondir leurs connaissances et sur les cours ou sessions de formation continue auxquels ils souhaitent s’inscrire. En particulier, on peut penser que la concertation en matière de formation en cours d’emploi, effectuée en conjonction avec l’appréciation régulière des prestations du personnel, est de nature à augmenter la motivation du personnel pour cette formation. Mais la concertation quant à ce type de formation ne devrait pas être menée uniquement à l’instigation du service. Les personnels devraient eux-même être libres d’exprimer une demande de formation en cours d’emploi. La décision de la direction du service concerné, d’acceptation ou de rejet d’une telle demande, devrait seulement être prise après concertation avec le membre du personnel concerné.

Il est des circonstances qui requièrent que la formation en cours d’emploi revête un caractère obligatoire. D’abord lorsque, par l’effet de nouveaux développements, le service d’application des sanctions et mesures se voit confronté à des exigences nouvelles et déterminantes, en termes de contenus des fonctions, rendant nécessaire une adaptation des connaissances théoriques et pratiques ; c’est le cas de l’introduction de nouvelles tâches ou de nouvelles méthodes de travail impliquant que le personnel reçoive un complément de formation. Et, dans ce cas, la formation devrait nécessairement être fournie avant que le changement ne prenne effet. La formation en cours d’emploi devrait être obligatoire également, lorsque des aspects particuliers de l’exercice des responsabilités professionnelles le requièrent. C’est le cas, par exemple, lorsque les personnels doivent être formés pour traiter des situations potentiellement dangereuses, comme celles de violence, de suicide, d’accidents, d’incendie, etc.

L’importance accrue des échanges internationaux, en particulier au niveau européen, avec la libre circulation des personnes, donc des individus suspects ou délinquants, montre combien il est utile pour le personnel, de quelque catégorie ou de quelque grade qu’il soit, et bien sûr au premier chef s’il appartient au personnel d’encadrement, de posséder quelque expérience au niveau international. Une telle expérience constitue en soi un aspect important de la formation puisqu’elle fournit des opportunités de développement de l’horizon intellectuel et de l’expérience pratique. La formation en cours d’emploi devrait être l’occasion de procurer au personnel les rudiments d’une telle expérience, lorsqu’elle correspond à un besoin légitime de développement personnel du sujet, ou qu’elle répond à une nécessité de service, par exemple pour se renseigner sur de nouvelles méthodes d’organisation ou de travail. Le fait de pourvoir à une expérience internationale peut comporter l’apprentissage d’une deuxième langue.

Principe 21 – Contenus de la formation en cours d’emploi

La formation en cours d’emploi ayant pour but de permettre à l’agent de parfaire ses connaissances théoriques et pratiques sur sa profession, il est essentiel que les thèmes traités soient en rapport avec les besoins exprimés par le personnel concerné, en relation avec l’exercice des fonctions. C’est pourquoi il conviendrait de mettre en place des procédures, en étroite liaison avec les personnels eux-mêmes, permettant l’émergence de ces besoins.

Les matières qui peuvent être traitées dans le cadre de la formation en cours d’emploi, et les formes qu’elle peut revêtir, sont extrêmement diverses. Aussi, afin d’éviter le risque de dispersion, il est nécessaire que ces formes ou ces matières soient le plus possible précises. C’est pourquoi les contenus de la formation en cours d’emploi, outre qu’ils devraient être en relation avec l’exercice de la profession, devraient avoir quelque utilité pour le développement des connaissances et l’approfondissement des savoir-faire de l’intéressé. A cet égard, les personnels devraient se voir offrir la possibilité d’étudier ce qui a trait aux méthodes et aux résultats de la recherche, dans le dessein d’en faire usage dans leur pratique professionnelle.

Principe 22 – Formation en vue de la promotion

La promotion sanctionne normalement des compétences avérées, qui s’acquièrent, entre autres, grâce à une formation adaptée. La formation en cours d’emploi devrait ainsi compter pour une part essentielle dans le processus de promotion. Le principe de l’égalité des chances devrait conduire à tout mettre en Ïuvre pour que le système permette un développement des carrières, en offrant un potentiel de perfectionnement à tous les agents. Car l’agent devrait pouvoir progresser dans la carrière par un système de concours ou d’examens, rendus plus accessibles grâce aux formations qui lui sont offertes en cours d’emploi ; ce qui par voie de conséquence constitue un facteur positif d’engagement au sein du service, et est de nature à renforcer le statut professionnel des personnels. Ainsi, le service d’application des sanctions et mesures devient-il une organisation d’apprentissage pour l’exercice des fonctions de niveau supérieur.

Principe 23 – Importance des ressources extérieures pour la formation en cours d’emploi

Sans nier l’intérêt et l’utilité d’organiser la formation continue en interne, par exemple sous la direction d’autres professionnels d’expérience, il est certain que l’appel à des intervenants extérieurs procure un élément de richesse supplémentaire, ne serait-ce que par l’enrichissement qu’apporte l’intervention de personnes spécialisées, appartenant à d’autres administrations ou à des organismes de formation.

Le fait qu’elle soit organisée à l’extérieur du ou des services d’application des sanctions et mesures permet le décloisonnement des personnels qui, confrontés à un cadre différent et amenés à côtoyer des personnes venant d’horizons différents du leur, en acquièrent une plus grande ouverture d’esprit. C’est le cas, par exemple, lorsqu’elle permet d’étudier les problèmes de gestion dans d’autres services publics, dans des entreprises industrielles, etc.

Principe 24 – Aménagement du temps de travail pour la formation en cours d’emploi

Le principe selon lequel le personnel devrait normalement pouvoir suivre des cours au titre de la formation continue pendant ses heures de travail se heurte parfois à des impératifs de service, qui, en raison, par exemple, de la faiblesse des effectifs, conduisent à s’opposer à toute absence, et donc à ce qu’un membre du personnel puisse disposer du temps nécessaire pour effectuer une formation. De ces deux impératifs contradictoires résulte le fait que le personnel peut éprouver de grandes difficultés à trouver, pendant le service, le temps nécessaire pour se former. Ainsi, par exemple, pour pouvoir suivre des programmes de formation à l’extérieur, ou d’une certaine durée, l’intéressé peut être contraint de prendre sur ses temps de congés ou de négocier des réductions provisoires d’horaires. C’est pourquoi, dans le souci à la fois de respecter le droit à la formation continue et les nécessités de fonctionnement du ou des services d’application des sanctions et mesures, il faudrait prévoir à l’avance toutes modalités pertinentes en matière d’aménagement du temps de travail pour la formation continue des personnels, par exemple sous forme de crédit de temps ou de congés formation. S’il ne paraît pas opportun de prévoir le remplacement systématique des membres du personnel absents, du moins les absences pour raisons de formation, notamment de longue durée, devraient-elles être prises en compte pour l’évaluation globale des besoins en personnel, afin que la charge ne pèse pas anormalement sur les autres personnels du service d’appartenance.

Le besoin de formation continue durant les heures de travail ne saurait dispenser la personne de consacrer une partie de son temps en dehors des heures de service, au travail personnel, afin de compléter le travail effectué durant les sessions de formation.

Principe 25 – Programmes communs à diverses catégories de personnels

Un certain nombre d’études montrent qu’un travail efficace peut être ruiné simplement par le fait que certaines catégories de personnels ont une connaissance insuffisante de la nature du travail accompli par d’autres. Cela peut empêcher la coopération et, à l’extrême, conduire au conflit entre diverses catégories de personnels. C’est particulièrement vrai dans la prison.

La formation en cours d’emploi devrait être un moyen privilégié de développer les occasions de contacts entre les diverses catégories de personnels, par le moyen de programmes qui leur sont communs, c’est-à-dire qui soient suffisamment flexibles, tant au niveau des contenus que des modalités d’organisation, pour concerner des personnes exerçant des fonctions différentes (par exemple surveillants et travailleurs sociaux) ou occupant des grades différents (par exemple agents de niveau de base et personnel de direction). Un autre avantage, indirect, est une meilleure connaissance de ce que fait l’autre, et ainsi une perception plus exacte des fonctions de chacun au sein du ou des services d’application des sanctions et mesures, ce qui est de nature à faciliter la communication entre professionnels, et, partant, à permettre une meilleure collaboration.

Cette approche est d’autant plus utile que les personnels, qu’ils appartiennent à la prison ou au service de probation, sont souvent appelés, au sein d’équipes pluridisciplinaires, à traiter de questions en commun, comme la préparation à la sortie d’un détenu en libération conditionnelle. Et ce fonctionnement en équipes sera d’autant plus facilité que les diverses catégories de personnels se connaissent mieux et ont appris à travailler ensemble.

Principe 26 – Formation en gestion

La gestion des services chargés de l’application des sanctions et mesures est devenue plus difficile, spécialement dans le domaine des ressources humaines, parce qu’elle est souvent confrontée aux contraintes budgétaires et à la nécessité de prendre en charge des groupes de délinquants difficiles. Cela signifie qu’on doit porter à cette question de la gestion, et donc à la formation en gestion, une plus grande attention. La question est rendue complexe du fait que la gestion doit se mesurer ici à divers critères. Un bon gestionnaire d’un service d’application des sanctions et mesures doit, à la fois :

a. savoir administrer efficacement une organisation, et ainsi avoir une bonne connaissance de cette organisation (une prison ou un service de probation) ;

b. être apte à bien faire fonctionner une équipe, et notamment à résoudre les conflits ; et enfin,

c. posséder suffisamment de savoir-faire pour s’assurer que l’action du service s’effectue en partenariat, en mobilisant les ressources extérieures.

Pour être efficace, la formation spécifique aux fonctions de gestion devrait permettre de couvrir ces divers paramètres, en cohérence avec le contenu et les orientations théoriques du modèle de gestion retenu. Elle devrait proposer une grande variété de programmes, notamment en termes de méthodes, à partir d’une analyse des besoins de l’organisation et de la personne à former. A cet égard, un effort particulier devrait être porté sur la question de la délégation des responsabilités, cruciale dans le rôle de gestion. Car un gestionnaire seul ne peut que difficilement faire face à la situation ; il doit travailler avec et déléguer à une équipe, laquelle est mieux à même de gérer les multiples problèmes et de résoudre les difficultés et conflits éventuels, grâce à ses diverses connaissances des domaines à gérer.

Cette formation en gestion appropriée à la nature des responsabilités à exercer, c’est-à-dire adaptée selon les grades et les besoins en matière de gestion, devrait revêtir un caractère obligatoire ; et ce y compris pour les personnels qui, bien que n’appartenant pas aux plus hauts grades de direction, gèrent directement une unité de travail et font partie des grades dits intermédiaires. Ceux-ci, en effet, occupent au sein des services chargés de l’exécution des sanctions et mesures carcérales ou des sanctions et mesures appliquées dans la communauté une situation stratégique privilégiée au milieu de l’échelle hiérarchique.

Principe 27 – Evaluation de la formation

Au-delà des évaluations qui peuvent être faites ponctuellement dans le cadre même des sessions de formation, il est nécessaire de mesurer, de manière systématique et de préférence scientifique, les dispositifs de formation pour s’assurer de leur efficacité et plus généralement de la validité des approches décidées, et ce quelles que soient les formes de la formation considérée : initiale, en cours d’emploi, ou de gestion.

Cette évaluation devrait ainsi porter sur l’analyse des contenus et des méthodes de formation, et sur la mesure de l’impact de la formation sur le travail du personnel. Elle devrait également prendre en compte les conditions dans lesquelles les connaissances acquises sont appliquées.

La finalité ultime de l’évaluation devrait être naturellement de permettre aux personnels d’accomplir leurs tâches plus efficacement, en ayant confiance en soi et une volonté de continuer à apprendre. Cela implique de déterminer les modifications nécessaires des conditions de la formation, comme de ses contenus ou de ses méthodes ; mais aussi en cherchant à mieux s’assurer de la façon dont les résultats de la formation sont effectivement mis en Ïuvre dans la pratique.

Principe 28 – Choix des formateurs

A la variété des types de formation dispensée devrait nécessairement correspondre la diversité des formateurs. Les compétences requises ne sont, en effet, sans doute pas les mêmes, s’agissant, par exemple, de la formation initiale du personnel de surveillance ou de la formation en gestion des personnels d’encadrement. De même, le formateur peut être amené à exercer des tâches de nature différente : ce peut être un enseignant, un moniteur de stage ou encore un tuteur de groupe, etc. Le formateur peut appartenir au service même d’application des sanctions et mesures ou venir de l’extérieur de celui-ci. Aussi le choix des formateurs devrait être le plus ouvert possible.

La nécessité de faire appel à un large éventail de formateurs, de par leur origine professionnelle, permet de constituer des équipes multidisciplinaires et ainsi d’enrichir les contenus mêmes de formation ; elle répond aussi au souci d’éviter tout risque de cloisonnement.

Les qualités requises d’un formateur devraient être à la fois d’ordre strictement professionnel et d’ordre humain. La nécessité de posséder une large expérience professionnelle, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, devrait concerner non seulement la situation nationale, mais également la situation à l’étranger, en particulier au plan européen.

Le formateur devrait posséder non seulement des savoir-faire incontestables, gages de professionnalisme, mais aussi des qualités humaines, de psychologie des personnes et des groupes, savoir faire preuve d’ouverture d’esprit et savoir écouter.

Principe 29 – Recrutement et formation des formateurs

Il est essentiel de s’assurer que les personnes qui sont appelées à intervenir dans le processus de formation possèdent réellement les qualités professionnelles et humaines indispensables à l’exercice de leurs fonctions. C’est pourquoi il conviendrait de définir soigneusement les procédures de choix des formateurs. Si celles-ci peuvent varier en fonction des législations nationales en vigueur, du moins doit-on s’assurer qu’elles sont elles-mêmes suffisamment élaborées et reposent sur des procédures objectives pour permettre, d’une part, de vérifier la qualification professionnelle effective, c’est-à-dire de tester les aptitudes requises, et, d’autre part, de s’assurer des qualités humaines des intéressés, qui en feront des pédagogues efficaces.

Les formateurs devraient eux-mêmes recevoir la formation appropriée à l’exercice de leurs fonctions lorsque cela s’avère nécessaire, en particulier se voir offrir l’opportunité d’actualiser leurs connaissances et leur expérience pratique. De même, devraient-ils pouvoir bénéficier de toutes formes pertinentes de recyclages en matière de techniques pédagogiques. Car l’exercice de telles fonctions suppose le plus grand professionnalisme des connaissances et de leur transmission. Cette formation devrait donc leur être fournie à leur prise de fonction ou pendant l’exercice des fonctions. Et, à tout changement ayant une répercussion sur la formation des personnels, devraient correspondre les adaptations nécessaires quant à la propre formation des formateurs.

Principe 30 – Situation des formateurs appartenant au service d’application des sanctions et mesures

Le principe requiert que, lorsque les formateurs sont choisis parmi le personnel d’un service chargé de l’application des sanctions et mesures, il convient de définir clairement leur position et leurs fonctions. Cela est nécessaire parce que, lorsque les formateurs proviennent du personnel habituel du service, il peut exister des ambiguïtés quant à l’exécution de leurs fonctions, concernant des matières telles que l’étendue de leurs fonctions, le temps consacré à l’exercice de celles-ci, la ou les personnes à l’égard desquelles les formateurs sont responsables et la perception que les autres membres du personnel ont des formateurs. De telles difficultés peuvent particulièrement survenir lorsque les fonctions des formateurs sont exercées à titre temporaire, ou le sont en même temps que les activités professionnelles habituelles. C’est pourquoi il est important, conformément au principe, de définir clairement la position et les fonctions du personnel formateur provenant du personnel normal. Il est d’évidence nécessaire de faire en sorte que la position et les fonctions telles que définies soient bien connues des autres membres du personnel susceptibles d’être concernés.

Une autre question concerne le maintien d’un contact étroit avec le terrain, car un bon formateur est celui qui a un échange constant d’informations avec les praticiens. Il est essentiel, pour éviter toute coupure avec le monde de la pratique, que les formateurs puissent se ressourcer périodiquement aux pratiques professionnelles. C’est pourquoi les formateurs devraient être mis à même de reprendre des activités de terrain, pour maintenir actualisées leurs connaissances et leur expérience pratique. Il y va de l’intérêt d’assurer à la fois une bonne formation et le développement professionnel de l’individu lui-même.

Enfin, on devrait faire en sorte que le temps, dès lors qu’il est significatif, consacré par un membre du personnel du service d’application des sanctions et mesures à l’exercice des fonctions de formateur, et parce qu’il s’agit d’un temps professionnel, soit bien pris en considération dans le cadre du déroulement de la carrière, par exemple en constituant un appoint supplémentaire pour l’avancement.

Principe 31 – Adéquation des ressources budgétaires aux besoins de formation

L’efficacité de l’action des personnels dépend dans une large mesure de la manière dont ils ont été formés et dont ils continuent à se former en cours de carrière. Et le bénéfice de la formation, à la fois sur le court et le long terme, dépasse sans doute largement son coût financier. Aussi est-il nécessaire d’y affecter les moyens budgétaires en conséquence. L’enquête menée dans le cadre des travaux du comité PC-PP a montré que la proportion de leur budget consacrée par les Etats membres aux dépenses de formation de leurs personnels pénitentiaire et de probation est relativement faible. Le principe ne fournit pas d’indications quantitatives, mais fixe plutôt un critère d’ordre qualitatif : connaître la réelle adéquation entre les moyens financiers et les besoins de formation de toutes les catégories de personnels, afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs fixés, et notamment des besoins de nouveaux savoirs.

Une illustration de cette adéquation besoins/moyens est fournie par la seconde partie du principe : la nécessaire corrélation qui devrait exister entre les changements importants en matière de politique d’application des sanctions et mesures, susceptible d’entraîner des conséquences en termes de formation, et les moyens budgétaires correspondants. Ce peut être le cas, par exemple, de la mise en Ïuvre d’une nouvelle politique à l’égard d’une catégorie particulière de personnes suspectes ou condamnées, tels les toxicomanes, laquelle entraîne la nécessité de nouvelles méthodologies de prise en charge et, partant, de nouveaux savoirs appropriés en la matière.

Pour ces raisons, la proportion du budget consacrée à la formation devrait faire l’objet d’un réexamen constant, spécialement lorsque sont préparées les demandes d’attribution budgétaires.

Principe 32 – Budget des actions de formation décentralisées

Une raison importante de la décentralisation est que l’efficacité est augmentée si les décisions sont prises aussi près que possible du niveau auquel elles sont exécutées. De même, on cherche à rapprocher géographiquement autant que possible la formation du lieu de travail, afin d’éviter tout gaspillage de temps, mais aussi de favoriser une plus grande osmose avec le terrain. Mais la décentralisation ne peut réellement fonctionner que si elle s’accompagne de moyens budgétaires
qui soient spécialement affectés à cet effet. Aussi est-il indispensable que les actions de formation décentralisées, que ce soit au niveau régional ou à l’échelon local, se voient attribuer dans tous les cas leur propre budget. Toutefois, la décentralisation des activités de formation avec des ressources budgétaires décentralisées peut conduire à un large éventail d’opérations, dont certaines seront de meilleure qualité que d’autres. La nécessité d’aboutir à une plus grande efficacité requiert, par conséquent, un système de gestion qui peut les contrôler en vue de développer et d’étendre celles qui ont été considérées comme les plus utiles.

Principe 33 – Formation des personnels exerçant une fonction spécialisée

Le travail dans le ou les services d’application des sanctions et mesures fait intervenir, aux côtés des personnels appartenant statutairement au(x) service(s), d’autres catégories de professionnels spécialisés. C’est le cas des médecins, ministres du culte, moniteurs sportifs, enseignants, instructeurs techniques, des psychologues, des psychiatres, des conseillers juridiques, etc. La mission de ces spécialistes participe d’une réelle spécificité : celle d’exercer leur propre métier au sein du système de justice pénale. C’est pourquoi, en fonction des connaissances générales ou plus fines qu’elles peuvent posséder sur le service d’application des sanctions et mesures, ces personnes devraient se voir offrir à leur entrée dans le service – c’est-à-dire au minimum dans la période initiale de leur prise de fonction, et selon un échéancier prévu à l’avance – une période de formation plus ou moins longue selon les cas, dont le but essentiel est l’adaptation à leur nouveau milieu de travail : c’est-à-dire pour leur permettre de découvrir et d’appréhender les grandes lignes de l’organisation du service et de son fonctionnement, et les sensibiliser aux principaux problèmes traités ; et ainsi, les mettre à même de bien situer la place de leur intervention.

Les modalités de cette formation d’adaptation sont multiples : conférences d’introduction à usage des nouveaux arrivants, stages auprès d’un collègue déjà en fonction, etc. Ces exigences, qui visent à s’assurer que les personnels spécialisés possèdent effectivement la qualification nécessaire à l’exercice de leur mission dans le milieu de l’application des sanctions et mesures, sont applicables même pour le cas où ces personnels exercent leurs fonctions seulement à temps partiel.

Toute formation complémentaire qui s’avérerait utile pour l’exercice de leur mission devrait également pouvoir leur être offerte. On peut citer comme exemple des groupes de discussion avec le personnel du ou des services d’application des sanctions et mesures, autour des problèmes afférents à telle ou telle catégorie de délinquants suspects ou condamnés, ou concernant des types de mesures ou de sanctions, comme la préparation à la libération conditionnelle, ou la mise en Ïuvre de mesures de probation intensive, etc.

IV. Conditions de travail et responsabilités de gestion

Principe 34 – Document de politique générale sur les principes fondamentaux

Le principe souligne combien il est important que les personnels aient connaissance des principes fondamentaux qui forment le cadre de leur travail. Ces principes devraient toujours être définis par écrit et mis à jour si nécessaire. Il faut donc élaborer un document de politique générale et faire le maximum pour s’assurer que les personnels soient pleinement informés de son contenu. Les buts généraux de l’application des sanctions et mesures devraient être décrits dans ce document, de même que les principes fondamentaux qui président à leur exécution. Il conviendrait, à cet égard, de souligner que les personnels sont tenus de respecter les obligations nationales découlant de l’adhésion de leur pays aux instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Les valeurs éthiques sur lesquelles devrait être basée toute action (voir annexe II) devraient elles aussi être portées à l’attention des personnels concernés. Enfin, le document de politique générale devrait contenir un exposé général des méthodes de travail à adopter pour l’application des sanctions et mesures.

Principe 35 – Concertation avec le personnel pour la préparation du document de politique générale

L’expérience de nombreuses administrations nationales ayant préparé des documents de politique générale sur les principes fondamentaux qui forment le cadre du travail d’application des sanctions et mesures a montré que la préparation et la mise à jour ultérieure du document de politique générale mentionné dans le principe précédent devraient dès le départ se faire en étroite concertation avec le personnel. Cela permet de diffuser de manière constructive l’information sur le document, et de s’assurer de l’intérêt et de l’implication du personnel.

Principe 36 – Nécessité pour le document de politique générale de couvrir l’application des sanctions et mesures carcérales dans la communauté

Le travail des personnels chargés de l’application des sanctions et mesures nécessite de plus en plus une étroite collaboration entre les services chargés de l’application des sanctions et mesures carcérales et ceux chargés de l’application des sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Dans certains pays, les autorités responsables de l’application sont les mêmes pour ces deux types de sanctions et mesures. Dans d’autres, il s’agit d’administrations distinctes. Quelle que soit la structure nationale en place, il est de la plus haute importance que les personnels chargés de l’application des deux catégories de sanctions et mesures travaillent ensemble dans un esprit de compréhension, afin qu’existe entre eux une collaboration pleine et entière. La politique à suivre devrait par conséquent être définie dans un document qui couvre les activités des deux catégories de personnels. S’il s’avère nécessaire de publier plusieurs documents de politique générale parce que plusieurs entités administratives sont chargées de l’application des sanctions et mesures, il faut impérativement s’assurer que ces documents sont harmonisés les uns avec les autres, et qu’ils constituent la base commune d’un travail conjoint.

Principe 37 – Objectifs de l’application

Le document de politique générale dont il est question ci-dessus est essentiellement un exposé de principes, de valeurs et d’approches de portée générale. Toutefois, les contraintes budgétaires obligent de plus en plus les services à prouver qu’ils utilisent efficacement les ressources qui leur sont confiées. Il faut donc que le document de politique générale soit complété par un plan prévoyant des objectifs spécifiques à atteindre dans des délais relativement brefs, par exemple un à trois ans. En principe, ces objectifs devraient être combinés avec des indicateurs de performance, de telle sorte qu’on puisse mesurer le niveau des résultats obtenus. La préparation d’un plan comportant des stratégies, des objectifs et des critères de performance prédéterminés permet le suivi et l’évaluation des réalisations. L’établissement d’un plan d’objectifs implique par conséquent la mise au point de procédures de suivi permettant non seulement de savoir dans quelle mesure les objectifs ont été atteints, mais aussi d’identifier les obstacles rencontrés. Ces méthodes présentent l’avantage de relever le niveau de connaissances des personnels concernés et, partant, d’améliorer leurs capacités professionnelles. Il est cependant essentiel que les objectifs fixés soient réalistes et potentiellement réalisables. Si les objectifs proposés sont trop ambitieux, la possibilité de les atteindre est fortement réduite. Personne n’a intérêt à ce que le suivi et l’évaluation ultérieure montrent qu’on n’a pas réussi à réaliser ce qui de toute façon était impossible ; et au lieu de motiver les personnels pour d’autres efforts en les faisant bénéficier d’informations valables, il y a de fortes chances qu’on provoque chez eux un sentiment d’aliénation. Il ne faudrait pas non plus oublier que les objectifs peuvent être aussi bien qualitatifs que quantitatifs.

Il est également important de s’assurer que les indicateurs de performance utilisés ne sont pas du type de ceux qui permettent seulement d’établir des statistiques. Ils devraient également avoir un lien théorique et des affinités réalistes avec les objectifs fixés. Ainsi, par exemple, devrait-on faire preuve de la plus extrême prudence lorsqu’on utilise des statistiques sur la récidive comme instrument de mesure des résultats obtenus ; car la récidive est fortement affectée par des facteurs qui n’ont rien à voir avec la sanction ou mesure exécutée, comme, entre autres, le niveau de la criminalité cachée pour ce qui concerne certains délits, et la mesure dans laquelle l’activité de la police se concentre sur certains crimes ou sur certains criminels.

Comme pour la préparation du document de politique générale, on devrait demander au personnel son point de vue et le prendre en compte, lorsqu’on détermine les objectifs, afin que les objectifs et les indicateurs de performance choisis soient judicieux et raisonnables, et de nature à motiver le personnel dans ses efforts pour améliorer son efficacité.

Principe 38 – Méthodes utilisées pour l’application

La réalisation des objectifs ne saurait être dissociée des méthodes à employer. La recherche de méthodes d’application plus efficaces est donc particulièrement importante. Parmi les facteurs à prendre en compte dans le choix des méthodes figurent les ressources financières nécessaires, les effectifs indispensables, les compétences particulières à utiliser, et la nature de la formation préparatoire. Le meilleur choix possible de méthode, qui tienne compte des divers facteurs qui peuvent influencer ce choix, implique que les personnels concernés fassent montre d’un fort degré de créativité et de responsabilité professionnelles. Cela est vrai aussi bien pour les personnels en contact direct avec les délinquants que pour ceux qui occupent des postes davantage orientés vers la gestion. L’affirmation, le maintien et le développement de l’identité professionnelle, qui se manifestent par exemple sous forme de responsabilité, de curiosité, de créativité et de perspicacité professionnelles, sont absolument essentiels pour l’utilisation et l’amélioration des méthodes d’application. C’est là une des responsabilités essentielles de l’autorité d’exécution en matière de gestion à tous les niveaux d’organisation.

Principe 39 – Possibilités d’apprentissage professionnel

Le principe affirme que l’identité professionnelle est basée sur la compréhension et l’application éthique d’un corps de connaissances spécialisées et évolutives, et de savoir-faire professionnels. Les personnels de tous grades et de toutes catégories devraient donc pouvoir se tenir au courant des nouveaux développements intervenant dans leur propre domaine d’activité et dans les domaines connexes. Cet apprentissage devrait être encouragé en offrant constamment à ces personnels un large éventail de possibilités d’apprentissage, par exemple en leur facilitant l’accès aux publications spécialisées, à celles publiées en interne, aux cours de formation, à des détachements, et à des visites d’étude dans le pays même ou à l’étranger. Compte tenu de la nécessité de parvenir à une collaboration fructueuse entre les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures carcérales et ceux chargés de l’application des sanctions et mesures dans la communauté, il est particulièrement important que chacun de ces deux secteurs ait la possibilité d’étudier les problèmes et les méthodes de travail de l’autre.

Principe 40 – Conditions de travail et salaires

De bonnes conditions de travail et de rémunération constituent un argument fondamental pour recruter et retenir un personnel de qualité. Au niveau national, ces conditions sont habituellement la résultante d’un certain nombre de facteurs interactifs, parmi lesquels les négociations entre l’employeur et les syndicats qui représentent le personnel ; les comparaisons avec ce qu’on considère comme des professions similaires ; la politique du gouvernement en matière de niveaux d’effectifs et d’affectations budgétaires ; la disponibilité de candidats idoines ; le niveau de l’emploi et celui du chômage dans des secteurs particuliers du marché du travail, etc. Toutefois, dans une économie de marché, il est un facteur plus décisif encore que les autres : connaître le niveau de rémunération et les conditions de travail, qui doivent être suffisamment attractifs pour intéresser des recrues valables et permettre le maintien d’un personnel efficace. Les conditions de travail et de rémunération devraient, en outre, être telles qu’elles permettent au personnel d’exercer correctement ses diverses fonctions et de développer son sens des responsabilités professionnelles.

Principe 41 – Reconnaissance sociale du travail accompli

L’application des sanctions et des mesures est un travail indispensable au bon fonctionnement d’un Etat de droit, comme en témoigne l’extrême sensibilité du monde politique quant à la façon dont sont traités les délinquants suspects ou condamnés. Or, outre le fait qu’il est d’une considérable importance pour l’ensemble de la collectivité, ce travail est en soi particulièrement exigeant. Il semblerait donc évident, pour ces raisons, que les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures bénéficient d’un statut élevé et fassent l’objet d’une nette reconnaissance sociale. Ce n’est pourtant pas toujours le cas, et le statut dont bénéficient ces personnels, ou du moins certaines catégories d’entre eux, est parfois très insuffisant. Dans une certaine mesure, l’intérêt des médias pour la présentation des événements dramatiques et négatifs plutôt que pour les efforts patiemment déployés pour atteindre des résultats difficiles, ne fait que renforcer cette tendance. Les perceptions négatives du corps social risquent d’engendrer chez les personnels un manque de fierté de leur activité professionnelle et une certaine apathie. Il est important, par conséquent, que les responsables à tous les niveaux, les syndicats et tous ceux qui sont concernés par la diffusion de l’information s’efforcent de faire en sorte que les hommes politiques, les représentants des médias et le public en général prennent conscience de ce en quoi consiste le travail d’application des sanctions et mesures, afin que les personnels reçoivent le soutien politique stable dont ils ont besoin et la reconnaissance sociale qu’ils méritent. Des personnels tenus en haute estime par le public au service duquel ils exercent seront bien plus motivés que les autres pour atteindre et maintenir des normes professionnelles élevées.

Principe 42 – Traitement des situations de stress

Le stress apparaît lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’individu et les exigences créées par son environnement. Il est présent dans de nombreuses situations. Mais ses effets sont souvent compensés de diverses façons, par exemple par un soutien du groupe. C’est lorsque le stress n’est plus contrôlé qu’il y a problème. Sa maîtrise peut avoir des effets positifs pour l’individu, notamment pour ses capacités d’apprentissage, ses résultats et son épanouissement personnel. Mais une exposition constante au stress alliée à une impuissance à faire face aux situations de stress peuvent provoquer des dysfonctionnements physiologiques, physiques, psychologiques et de comportement.

L’exécution des tâches liées à l’application des sanctions et mesures expose le personnel à de nombreuses situations susceptibles de générer un stress grave, par exemple lorsque des membres du personnel font l’objet d’agressions physiques ou psychologiques, et lorsque le sentiment qu’ils ont de ne pas être capables d’atteindre leurs objectifs vis-à-vis de délinquants difficiles est de nature à conduire à la dépression. Certaines tâches peu motivantes, comme le fait d’avoir à regarder de façon continue des écrans de télévision en circuit fermé pour détecter les évasions, peuvent également provoquer le stress. Les dispositions administratives et organisationnelles en vigueur qui n’apportent pas au personnel le soutien dont il a besoin ne font qu’aggraver les effets négatifs du stress. Les travaux de recherche scientifiques sur la fréquence du stress parmi le personnel sont relativement rares et ont jusqu’à présent surtout été limités au personnel pénitentiaire. Ces études ont montré – et cela n’est guère surprenant – qu’en l’absence de mesures de prévention, de soutien ou d’autres mesures de réduction du stress, les niveaux de stress sont extrêmement élevés parmi le personnel qui travaille au contact de délinquants difficiles. L’exposition au stress a de graves conséquences à long terme : maladies physiques ou mentales, dysfonctionnements sociaux. Les résultats de ces études sont semblables à ce que prouve l’expérience pratique. Le stress est source de souffrance personnelle et d’inefficacité organisationnelle, car le service risque alors de gaspiller ses ressources humaines et financières du fait du nombre excessif des congés de maladie et des départs en retraite précoces.

C’est pourquoi il existe de nombreuses raisons d’adopter des mesures visant à contrer les effets de l’exposition à des situations de stress. Les précautions nécessaires devraient notamment être prises pour supprimer ou réduire les risques d’agression physique et garantir la sécurité physique du personnel. Les horaires de travail devraient être raisonnables et laisser suffisamment de temps aux loisirs et à la relaxation mentale. Il faudrait encourager la latitude décisionnelle, c’est-à-dire la capacité de prendre des décisions personnelles concernant le travail ou, à tout le moins, d’exercer une influence sur la prise des décisions. Il faudrait établir et maintenir un climat de travail permettant le soutien psychologique ; ce qui implique une communication constructive, honnête et ouverte entre les membres du personnel, et la possibilité de discuter de ses sentiments quant aux problèmes de travail. Ces échanges ont souvent lieu en groupe de discussions, sous la direction compétente d’un expert. La question de savoir s’il y a lieu de choisir de tels experts dans le service ou à l’extérieur de celui-ci dépend de manière non négligeable de facteurs tels que la disponibilité et les coûts. Cette question devrait être tranchée à la lumière des circonstances et de l’expérience nationales.

Principe 43 – Sessions de debriefing

Ce principe exige que, lorsqu’un membre du personnel a été exposé à un incident traumatique au cours de son travail – l’exemple le plus évident de ce type d’incident étant une attaque contre sa personne – il se voit offrir une assistance immédiate sous formes de sessions de debriefing. Ces sessions consistent essentiellement à demander à l’intéressé d’expliquer et d’analyser les sentiments et impressions qu’il a de l’incident (habituellement la crainte et l’angoisse, mais aussi, parfois, la culpabilité et l’agressivité). Les sessions de debriefing exigent des qualités d’écoute plutôt que de conseil. L’aide apportée par l’expert n’empêche en rien, bien entendu, que l’intéressé reçoive également le soutien de ses collègues. Il arrive que les effets d’un incident traumatique persistent encore pendant de longues périodes. Il devrait alors être possible de dispenser des conseils personnels aussi longtemps que cela s’avère nécessaire. On peut même envisager d’autres mesures d’amélioration à long terme, comme l’affectation à un autre type de travail.

Principe 44 – Aide en cas de difficultés personnelles

Les membres du personnel sont susceptibles de rencontrer diverses difficultés personnelles et privées de nature à réduire leur capacité à travailler efficacement. Il peut s’agir, par exemple, d’un retour au travail après un long congé de maladie, d’une mise à la retraite pour motifs médicaux, de problèmes financiers, de toxicomanie, de problèmes liés à la façon d’élever les enfants ou au décès du conjoint. Des services d’aide sociale permettant aux intéressés de surmonter ces difficultés privées devraient être fournis soit directement par le service concerné, soit par d’autres voies. Cette aide sociale devrait être considérée comme un investissement visant au maintien de la qualité des ressources humaines dans le service. Elle devrait être fournie de manière confidentielle, à moins que les problèmes en jeu ne mettent gravement en péril l’efficacité, l’intégrité ou la crédibilité du service. Elle devrait prendre la forme de conseils personnalisés, mais aussi d’une assistance pratique, comme un ensemble de mesures de soutien aux membres du personnel affectés à un autre emploi : aide au logement, appui financier, aide pour l’éducation des enfants. Les membres du personnel devraient tous être informés des types d’aide disponibles et de leurs conditions d’octroi.

Pour préserver la dignité de la personne dont les difficultés dans la vie privée pèsent sur ses responsabilités professionnelles, il est impératif que toutes mesures prises aient comme point de départ commun le respect dû à chaque individu, en termes d’exercice des droits de l’homme fondamentaux.

Principe 45 – Possibilités de promotion

La promotion est habituellement perçue par les membres du personnel comme l’une des façons les plus importantes de reconnaître leur travail et leurs capacités personnelles. Une information réaliste sur les possibilités de promotion devrait, par conséquent, être mise à la disposition du personnel afin d’éviter toute désillusion due à des attentes irréalistes. Compte tenu, notamment, des contraintes budgétaires croissantes, les décisions en matière de promotion devraient de plus en plus mettre l’accent sur la compétence, c’est-à-dire sur la possession des capacités nécessaires à l’exercice de fonctions spécialisées, et beaucoup moins sur la simple ancienneté. L’évaluation de la compétence implique l’examen de l’expérience professionnelle afin de vérifier si elle correspond au poste à pourvoir. L’investissement dans le travail devrait aussi être pris en compte, et plus particulièrement la qualité professionnelle du travail accompli. La capacité de collaborer avec les autres et de s’assurer de la coopération des autres devrait faire l’objet d’une grande attention. Cette qualité est indispensable à tous les niveaux d’un service. On devrait obliger les responsables à entreprendre des évaluations de travail régulières et raisonnablement fréquentes avec les personnels dont ils ont la responsabilité. Ces évaluations devraient avoir pour but d’aider le personnel à développer tout son potentiel de capacités et de savoir-faire professionnels. Cela lui permettrait d’améliorer la qualité de son travail et de bonnes qualités personnelles, et dans le même temps d’identifier ses points faibles et les moyens d’y remédier. L’évaluation du travail est facilitée dès lors qu’on peut déterminer pour les membres du personnel des objectifs de travail réalistes, et subséquemment suivre leur niveau de réalisation. L’évaluation des résultats peut constituer aussi bien pour les membres du personnel, que pour la direction, un moyen de préparer et d’évaluer le bien-fondé de la promotion.

Principe 46 – Modalités de reconnaissance de la compétence autres que la promotion

Il existe beaucoup de situations dans lesquelles les possibilités de promotion sont limitées, même pour ceux qui méritent de se les voir offrir. Dès lors, de nombreux membres du personnel, même lorsqu’ils possèdent un niveau de compétence élevé, ne pourront pas obtenir de promotion. Il ne faut pas que l’absence de possibilités de promotion diminue chez le personnel l’intérêt pour la possession d’un niveau de compétences professionnelles, comme la volonté d’acquérir un tel niveau. Il est donc important de rechercher et d’utiliser d’autres modalités permettant de reconnaître la compétence. Les augmentations de salaire, autres que celles accordées régulièrement, constituent l’une des méthodes possibles. On peut aussi confier à quelqu’un la responsabilité d’un projet spécial. Une autre forme de reconnaissance consiste à offrir des opportunités de spécialisation et d’acquisition d’une qualification convenable. La possibilité de participer à des séminaires, conférences et commissions, notamment lorsque ceux-ci ont un caractère international, est habituellement perçue comme un signe d’appréciation. Ces différentes modalités de reconnaissance, de même que d’autres encore, devraient être mises au point avec beaucoup de soin et appliquées dans les cas appropriés.

Principe 47 – Recherche sur le fonctionnement du personnel

Alors qu’il existe un grand nombre de travaux de recherche sur les délinquants, sur les méthodes utilisées à leur égard, et sur les résultats de ces méthodes, il n’y en a encore que très peu sur le fonctionnement du personnel qui travaille dans ce secteur d’activité. Dans les observations sur le principe 42, on a déjà souligné le très faible nombre de travaux de recherche sur la question pourtant importante du stress du personnel. Des recherches, même relativement simples, sur la perception du travail accompli, sur les relations avec les collègues et les supérieurs, sur l’incidence de la formation suivie, et sur les principaux points de satisfaction et de mécontentement peuvent fournir une multitude de données empiriques extrêmement précieuses pour l’élaboration de la politique du personnel et la détermination des pratiques à suivre.

Ces recherches pourraient soit couvrir l’ensemble d’un système, soit se limiter à une ou plusieurs unités de travail. Dans la mesure où elles seraient combinées avec des discussions avec le personnel sur les plans à établir pour développer les points forts et remédier aux points faibles, ces recherches peuvent avoir une valeur pragmatique considérable et immédiate. Au fil du temps, de telles recherches permettraient de trouver de nouvelles solutions pour améliorer le recrutement, la sélection, la formation, l’organisation du travail, les formes d’incitation et le soutien professionnel, permettant ainsi de rendre le travail plus efficace et de relever le niveau de satisfaction au travail parmi les membres du personnel.

V. Mobilité

Le mandat confié au PC-PP exigeait que soient examinées les possibilités de mobilité du personnel. C’est pourquoi la recommandation se réfère à la nécessité de considérer ces possibilités. Par conséquent, l’objet de la présente partie est de recenser les diverses formes que peut prendre la mobilité des personnels, et de déterminer les conditions et garanties qui s’appliquent en la matière.

Principe 48 – Détachement aux fins de formation

Un premier type de mobilité est le détachement organisé exclusivement à des fins de formation. Il s’agit par exemple, dans le cadre de la formation en cours d’emploi, de la possibilité pour un agent de probation de suivre, dans un établissement pénitentiaire, une formation au métier de surveillant, afin d’étudier le fonctionnement de la prison de l’intérieur ; ou encore pour un sous-directeur de prison, dans le cadre d’un module de la formation en gestion, d’appréhender les fonctions similaires dans un service de probation. On a déjà constaté, dans la partie consacrée à la formation, que la formation en cours d’emploi peut comprendre des programmes communs à diverses catégories de personnels (principe 25). De même, des actions de formation en gestion peuvent être dispensées de manière commune aux personnels d’encadrement des deux secteurs d’activités.

Une telle forme de détachement devrait être facilitée, car son objectif est de chercher à améliorer l’efficience du travail dans le ou les services d’application des sanctions et mesures, par exemple par la connaissance, et donc l’échange, d’autres méthodes de travail. Son intérêt est ainsi tout aussi important pour la personne concernée que pour le fonctionnement du service. Et, par voie de conséquence, elle est de nature à faciliter la nécessaire collaboration entre les diverses catégories de personnels dans un même service d’application des sanctions et mesures, ou entre les services d’application des sanctions et mesures.

Le détachement aux fins de formation, quelles qu’en soient les modalités, et en particulier toutes formes de stages dans l’autre secteur, ne devrait intervenir que si la personne concernée en fait la demande, et donc avec son accord ; il ne saurait lui être imposé. Il ne peut, par nature, s’agissant d’une modalité de formation, qu’être limitée dans le temps. Il ne devrait pas avoir de conséquence sur le statut d’origine de la personne, que ce soit en termes de conditions de rémunération (sauf la possibilité de défraiement pour les dépenses exposées spécialement) ou de déroulement de carrière. Et puisqu’il ne s’agit que d’un détachement limité à l’objet de la formation, la personne concernée devrait se voir appliquer les règles prévues en matière de formation des personnels, en particulier au regard de la responsabilité civile. Enfin, il ne devrait pas y avoir de prise directe et indépendante de responsabilités professionnelles ; et si néanmoins il y a lieu à accomplissement de tâches professionnelles, celles-ci devraient être exercées sous la supervision d’un membre titulaire du personnel du service formateur.

Principe 49 – Détachement temporaire aux fins d’exercice d’autres fonctions : objectifs

Le détachement peut être d’ordre statutaire et consister pour un membre du service d’application des sanctions et mesures à pouvoir effectivement exercer temporairement des fonctions dans l’autre branche du système. Ce peut être l’exercice dans l’autre milieu de fonctions requérant des qualifications similaires, comme le travailleur social de probation qui irait exercer des fonctions socio-éducatives dans la prison ; ce peut aussi être l’exercice, dans l’autre branche, de fonctions de nature différente, tel le cas du surveillant de prison appelé à travailler dans le service de probation.

En effet, les deux branches de l’application des sanctions et mesures, le secteur de la prison, et celui de la probation, ne sauraient être opposées l’une à l’autre. L’évolution des missions dévolues aux divers services d’application des sanctions et mesures démontre le caractère inéluctable d’un mouvement de convergence. C’est pourquoi les personnels devraient pouvoir se voir offrir la possibilité de passer d’une sphère d’activité à l’autre pour y exercer d’autres fonctions à titre temporaire. Ce qui est de nature à aider ces personnels à mieux prendre connaissance des objectifs communs qu’ils poursuivent, à mieux comprendre les similitudes et les différences de leurs méthodes de travail respectives, et ainsi, à être encouragés à développer les moyens de conduire cette application plus efficacement.

Là aussi l’intérêt de la personne concernée et celui du service se confondent : il y a enrichissement pour la personne qui est amenée à travailler dans un autre milieu. Et les bénéfices qu’en retirent les services dans leur fonctionnement sont aussi certains. Car la rencontre entre personnes d’origine et de catégorie professionnelle différentes, à l’occasion et durant la période de détachement, sera facteur de meilleure coopération et de réduction des clivages et des occasions de conflits qui peuvent exister entre elles ; ce qui est donc indéniablement de nature à renforcer l’efficacité et le rendement de chacun au quotidien.

Cette forme de détachement limitée dans le temps ne devrait pas aboutir à un changement d’emploi à titre définitif. Des gardes-fous sont nécessaires pour éviter toute déviation du système, le principal étant que la durée du détachement devrait dépendre des finalités mêmes assignées à une telle forme de mobilité : ce peut être l’amélioration de la collaboration entre différentes catégories de personnels ; mais aussi le besoin de mobilité des personnels dans le cadre de l’évolution de leur carrière, qui par exemple ferait passer un agent du service de probation dans le milieu institutionnel, pour prendre un grade plus élevé, et revenir par la suite dans le service de probation.

Principe 50 – Conditions du détachement à titre temporaire

Le détachement à titre temporaire, parce qu’il implique l’exercice plein et entier d’une autre fonction, devrait nécessairement être entouré de garanties, dans l’intérêt à la fois des personnels et du ou des services d’application des sanctions et mesures. En effet, si l’on estime souhaitable, pour des raisons d’amélioration du fonctionnement du ou des services d’application des sanctions et mesures, de prévoir l’existence de passerelles entre les deux branches d’activités, et entre des types de fonctions différentes, telles que celles de surveillant et celles d’agent de probation, il faut définir les procédures permettant d’assurer la viabilité de cette forme de détachement, et ainsi prévoir les exigences minimales auxquelles elle devrait répondre.

La première exigence est que la personne possède les qualifications requises pour l’exercice des nouvelles fonctions. A cet égard, les règles applicables se doivent d’être claires et ne sauraient pouvoir être détournées : le passage d’une branche d’activité à l’autre, même pour une durée limitée, ne doit pas être conçu en termes et pour des considérations d’ordre purement budgétaires ; ce qui serait le cas, par exemple, d’une politique consistant à encourager le détachement dans le service de probation de membres non qualifiés du personnel de surveillance, pour pallier à bon compte les difficultés de recrutement des agents de probation, personnel qui requiert une qualification plus poussée, et, partant, une rémunération sans doute plus élevée.

La seconde garantie concerne la sélection de ces personnes. Il est indispensable de prévoir des modalités permettant un choix éclairé parmi les candidats. Toute automaticité du détachement devrait être exclue. Un système d’appréciation des aptitudes et des compétences est nécessaire ; c’est-à-dire d’évaluation objective du sujet, mettant en rapport la manière dont ont été remplies les fonctions jusqu’alors assumées, et les qualités requises pour l’accomplissement des futures tâches.

Une autre condition concerne la formation. Parce qu’il doit y avoir exercice de fonctions de nature différente, la personne retenue devrait se voir offrir la formation nécessaire à l’exercice de ses nouvelles fonctions. Ce qui suppose que la période de formation soit antérieure à la prise de fonctions au titre du nouvel emploi, sous peine d’être une simple formalité dénuée de toute signification. Si la durée et le contenu de cette formation dépendent du niveau de qualification déjà possédée par la personne intéressée, comparé à celle exigée pour exercer les nouvelles fonctions, (cas, par exemple, du travailleur social de probation, dont il est envisagé le détachement dans un établissement pénitentiaire), du moins devrait-on définir des procédures permettant de recenser les besoins de formation du candidat.

On devrait enfin mettre à l’étude la possibilité de désigner un membre du personnel du service d’accueil ayant une expérience, qui puisse agir comme guide/référant pour la personne détachée, durant la période de détachement.

Principe 51 – Changement permanent d’emploi

La forme la plus extrême de la mobilité est le changement permanent d’emploi au sein même du ou des services d’application des sanctions et mesures. Il y a alors modification à titre permanent des conditions d’emploi, et non plus seulement détachement temporaire dans l’autre secteur. Aussi il y a lieu d’appliquer les règles concernant l’emploi à un poste donné. Ce qui suppose naturellement, d’abord, que la demande en soit faite par la personne concernée ; et ensuite que les modalités d’application pour un emploi nouveau soient définies au niveau national, ce qui présuppose que des procédures formelles soient prévues spécialement en matière de vérification de la qualification de la personne intéressée. Les conditions de sélection pour l’exercice des futures fonctions (par exemple par voie de concours interne) et de formation nécessaire devraient permettre d’offrir autant de garanties que celles requises pour l’entrée dans le ou les services d’application des sanctions et mesures par la voie externe. Mais il convient d’éviter toute rigidité concernant la formation, c’est-à-dire ne pas exclure que la personne ne puisse recevoir qu’une formation en cours d’emploi, après l’entrée en fonction, s’il s’avère qu’elle possède déjà les qualifications minimales pour l’exercice des nouvelles fonctions.

Commentaire sur l’annexe II

Principes directeurs européens pour des principes directeurs éthiques nationaux concernant les personnels chargés de l’application
des sanctions et mesures

Considérations d’ordre général

Des principes déontologiques applicables aux catégories professionnelles concernées par l’application des sanctions et mesures ont été rédigés dans certains Etats membres ou par certains organismes professionnels. A l’annexe II, on présente un ensemble de principes directeurs au niveau européen. L’une des finalités les plus importantes de ces principes directeurs consiste à expliciter les grands principes éthiques qui doivent former la base du travail professionnel en matière d’application des sanctions et mesures. Des principes éthiques clairs sont de nature à fournir des bases communes à ce travail, tout en renforçant le soin et la conscience avec lesquels il est effectué. En particulier, ces principes ont pour but de guider le personnel et de l’aider à résoudre des problèmes qu’il a toutes chances de rencontrer dans sa vie de travail quotidienne.

De toute évidence, les principes éthiques nationaux déjà applicables au personnel chargé de l’application des sanctions et mesures ne sauraient être contraires aux principes instaurés par les présents principes directeurs. Il incombe donc à chaque Etat de mettre ces principes en conformité lorsque cela apparaît nécessaire, et de veiller à ce que le personnel soit dûment informé des éventuels changements.

Si les obligations professionnelles doivent être exécutées conformément à un ensemble de préceptes éthiques, encore faut-il que le personnel en soit informé et qu’il sache comment les traduire dans la pratique. Ainsi, il conviendrait d’intégrer la quasi-totalité des exigences éthiques dans les programmes de formation du personnel. Cette formation devrait viser à développer la connaissance et la compréhension des fondements éthiques de l’activité professionnelle, des rapports réciproques entre l’éthique et le droit national et international, des sources des normes concernant les droits de l’homme, et de leurs conséquences pratiques pour l’application des sanctions et mesures. Les présents principes directeurs ont aussi pour objet de jeter les bases de cette nécessaire formation.

Nature et exigences des valeurs éthiques1

Il est loisible d’opérer une distinction entre l’éthique et la morale. Cette dernière fait référence aux impératifs dictés par la conscience d’un individu, et aux attitudes et actions qui en découlent. L’éthique, en revanche, se préoccupe des valeurs qui devraient inspirer le comportement de l’individu vis-à-vis de l’extérieur et d’autrui. C’est souvent sur les valeurs éthiques que reposent les règles légales, et il arrive que ces valeurs influencent l’interprétation desdites règles. Ainsi, les valeurs éthiques peuvent déboucher sur des pratiques et coutumes qui, du point de vue éthique, sont meilleures que celles qui existaient auparavant.

Un certain nombre d’instruments juridiques ont été adoptés en vue de conforter certaines valeurs éthiques et d’influer sur la manière dont celles-ci sont exprimées en pratique. En particulier la Convention européenne des Droits de l’Homme, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et les Recommandations no R (87) 3 sur les Règles pénitentiaires européennes et no R (92) 16 relatives aux Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté revêtent une importance particulière pour l’acceptation et la préservation des valeurs éthiques dans le but d’obtenir une application juste, équitable et humaine des sanctions et mesures au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe.

Les instruments internationaux auxquels il a été fait référence ci-dessus s’adressent prioritairement aux gouvernements et aux diverses autorités responsables dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ils influencent les pratiques du personnel des différents Etats membres lorsque leurs préceptes sont incorporés dans des politiques nationales. En revanche, un corpus de principes directeurs éthiques nationaux est un instrument national spécifique conçu pour les membres du personnel, qui exige l’acceptation d’une responsabilité éthique personnelle
dans l’accomplissement de leurs tâches. Depuis quelques années, les administrations et les organismes nationaux se sont montrés de plus en

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plus enclins à définir leurs valeurs éthiques et leurs principes fondamentaux dans des documents politiques. Ce développement mérite d’être salué.

Distinction entre principes directeurs éthiques et code de conduite professionnelle

Il est crucial, pour les présents principes directeurs, d’opérer une distinction entre des principes directeurs éthiques et un code de conduite professionnelle. La distinction est fondée sur le fait que, si certaines formes de conduite professionnelle doivent avoir un fondement éthique, il n’en va pas ainsi pour toutes les formes de conduite professionnelle. Inversement, si certaines déficiences observées en matière de conduite professionnelle constituent un manquement à l’éthique, cela n’est pas vrai de toutes les déficiences affectant la conduite professionnelle. En effet, la conduite professionnelle s’intéresse, dans une large mesure, au fait que les tâches professionnelles sont bien ou mal exécutées plutôt qu’à celui de leur caractère bon ou répréhensible du point de vue éthique.

Des normes existent dans toutes les professions permettant d’apprécier si le travail professionnel est bien exécuté ou non. Ces normes s’intéressent ordinairement à des questions telles que l’efficacité des méthodes, les incertitudes liées à l’évaluation et à la formulation de pronostics, et les critères d’évaluation des résultats. Tous ces paramètres ont leur importance pour un travail efficace et un apprentissage et un développement systématiques. Néanmoins, ils n’ont pas grand-chose à voir avec les normes éthiques. Ainsi, le fait de ne pas aborder une tâche selon les procédures acceptées par la profession peut, certes, être la cause d’un manque d’efficacité ou empêcher un apprentissage et un développement systématiques, mais ne pas nécessairement aller à l’encontre de l’éthique.

Distinction entre principes directeurs éthiques et code de discipline

Les principes présentés à l’annexe II constituent des principes directeurs éthiques pour le travail professionnel, et non un modèle pour un code de discipline. Ce dernier a pour objet de définir quelle conduite constitue une infraction aux règles de conduite professionnelle et quelles peuvent être les conséquences d’une telle transgression. Les principes directeurs éthiques se bornent à énoncer les grands principes éthiques sur lesquels peut se fonder la conduite professionnelle. Ils ne s’occupent pas de la question posée par les infractions aux règles de conduite professionnelle et la manière dont il convient d’y répondre. Cependant, les principes directeurs doivent être pris en compte lorsqu’on entend élaborer un code de discipline.

Application des règles éthiques

L’application des sanctions et mesures en situation réelle est un sujet souvent complexe qui impose de mettre soigneusement en balance des considérations diverses à la fois importantes et délicates. L’application pratique précise des exigences éthiques n’est pas toujours claire et certaine. A l’occasion, ces exigences peuvent être contradictoires et placer un membre du personnel devant un conflit de loyauté. Que doit-il faire dans ces circonstances ? Quelle est la bonne ligne de conduite à tenir ? Comment doit-il traiter, ou se faire assister pour traiter, les incertitudes éthiques et les conflits de loyauté ? Trouver une réponse à ces questions est aussi un impératif éthique tant pour l’individu que pour le service concerné.

L’intégration des valeurs éthiques dans la pratique professionnelle suppose, d’une part, que ces valeurs soient clairement énoncées. Cependant, il est tout aussi important, d’autre part, d’adopter des procédures pour les promouvoir et les protéger. Ces deux caractéristiques sont indispensables pour que les valeurs éthiques puissent constituer le fondement du travail pratique. Il est donc essentiel que toutes les personnes intervenant pour l’application des sanctions et mesures adhèrent résolument aux normes éthiques fondamentales et soutiennent les procédures destinées à assurer leur application aussi largement que possible. C’est pour cette raison que les principes directeurs concernent tous ceux qui sont formellement investis d’une responsabilité en matière d’exécution des sanctions et mesures, peu importe que cette responsabilité soit exercée au sein d’une organisation gouvernementale ou non gouvernementale, le niveau auquel ces personnes se situent dans la hiérarchie, ou encore le fait qu’elles aient ou non le statut de fonctionnaire.

Il est cependant évident que la nature des responsabilités exercées par les individus dans différents services d’organisations pour promouvoir la conscience et l’application des règles éthiques est variable. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, il se peut qu’un service donné ait pour fonction de formuler une déclaration politique décrivant les principales exigences éthiques, qu’un autre service ait pour mission de former le personnel et qu’un troisième exécute le travail de prise en charge des délinquants suspects ou condamnés en fonction des principes éthiques qui ont été édictés par le premier et enseignés par le second.

Les principes directeurs éthiques ne prétendent nullement à l’exhaustivité, car ils se bornent aux aspects les plus importants des obligations du personnel dans l’exécution des sanctions et mesures. En outre, les exigences éthiques sont en perpétuelle évolution, en particulier parce que de nouvelles situations se présentent, qui appellent une position éthique. C’est pourquoi l’éthique exige aussi que tous les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures soient conscients de la nécessité d’affiner et d’améliorer leur conduite professionnelle à la lumière des normes éthiques qui viennent à émerger.

Les principes éthiques relatifs à l’exercice de l’activité professionnelle ont trait aux relations avec :

– le ou les services chargé(s) de l’application des sanctions et mesures et leur personnel ;

– les personnes Ïuvrant dans d’autres secteurs du système de justice pénale ;

– les personnes employées dans les services et organismes avec lesquels collabore le ou les services d’application des sanctions et mesures, par exemple les services du logement et de l’emploi ;

– la communauté en général ;

– les délinquants suspects ou condamnés faisant l’objet des sanctions et mesures à appliquer.

Cela signifie qu’ils concernent tout aspect de l’environnement organisationnel et qu’ils méritent par conséquent d’être exposés dans des principes directeurs nationaux et appliqués dans la pratique professionnelle nationale.

Section I – Exigences éthiques d’ordre général

Principe 1 – Obligation de loyauté dans l’exécution des tâches

C’est une obligation éthique essentielle pour le personnel que l’obligation de loyauté quant à l’exécution des missions confiées au(x) service(s) chargé(s) de l’application des sanctions et mesures par les instruments juridiques pertinents appliqués dans le pays, qu’il s’agisse des instruments nationaux (c’est-à-dire aussi bien la loi votée par le parlement que les décrets ou ordonnances pris et publiés par le gouvernement pour l’application de la loi), ou des instruments internationaux pertinents dans le domaine. L’obligation de loyauté s’exerce aussi à l’égard des politiques, pratiques et instructions formulées par ce ou ces services pour l’exécution de ces missions, et ce dans la mesure où ces politiques, pratiques ou instructions ne sont à l’évidence pas elles-mêmes contraires aux instruments nationaux ou internationaux appliqués par l’Etat.

Principe 2 – Obligation pour le service de préciser au personnel la base éthique de son travail

C’est un devoir essentiel du ou des services chargés de l’application des sanctions et mesures de faire en sorte que les principes d’ordre éthique sur lesquels est basée la mise à exécution des sanctions et mesures soient parfaitement définis et portés à la connaissance du personnel ; c’est la condition d’un travail efficace, car fondé sur des présupposés éthiques défendables. Aussi, afin de prévenir les doutes d’ordre éthique auxquels peut être confronté le personnel sur la légitimité de ses politiques, pratiques ou instructions, le ou les services doivent encourager la possibilité de discussions préalables sur ces questions et de consultations permanentes, et s’efforcer de parvenir à un consensus d’opinion, c’est-à-dire ménager autant de garanties pour le personnel.

L’exécution des missions confiées au personnel devrait toujours se dérouler dans une atmosphère ouverte, qui n’exclut pas la critique des politiques, pratiques ou instructions formulées par le service d’appartenance. Car il peut y avoir des circonstances où il est justifié pour le personnel de ne pas obtempérer à une instruction donnée. C’est le cas, par exemple, d’un ordre contenant un aspect de violence, de torture, et, en général, de toute situation d’un caractère de gravité tel qu’elle menace la vie, la santé ou la sécurité du délinquant suspect ou condamné ou d’autres personnes. Et il y a plusieurs niveaux dans l’expression de la critique : simple critique d’une directive discrétionnaire, incertitude d’ordre éthique, conflit de loyauté ou d’intérêts entre deux règles éthiques distinctes. En dernière analyse, c’est un devoir éthique pour le personnel de dire qu’il estime une situation illégale, ou non éthique.

Lorsque des incertitudes d’ordre éthique ou des conflits de loyauté surviennent, le service concerné a l’obligation éthique de prévoir la mise en Ïuvre de procédures appropriées pour les résoudre, et de revoir périodiquement ces procédures à la lumière de l’expérience. Ces procédures devraient porter sur la nature de la critique exprimée (selon qu’il s’agit de la critique d’une disposition de portée générale ou d’une instruction concernant un cas particulier), sur la manière de manifester la critique (par écrit ou oralement), sur la personne ou l’autorité auprès de qui la contestation peut être portée et la forme de cette contestation (appel devant un juge, recours devant un organisme administratif ou un organe spécialement habilité à recevoir les plaintes, ou encore auprès d’un ombudsman, etc.), sur le moment de la possible formulation de la contestation et sur la solution à apporter au désaccord manifesté par le membre du personnel.

En tout état de cause, lorsqu’il a connaissance de ce qu’un membre du personnel est confronté à un conflit de loyauté ou à des incertitudes d’ordre éthique, le service concerné doit chercher s’il y a un manque dans les instructions données, dans l’organisation ou dans les procédures internes, qui a créé une telle situation de dilemme pour le personnel ; ou si cette situation est due à une mauvaise appréhension de la part du personnel. En tout état de cause, le service ne doit pas répondre à ce type de situation par la mise en Ïuvre d’une procédure disciplinaire avant d’avoir pratiqué ces vérifications.

Par ailleurs, tout membre du personnel confronté à une situation de conflit entre des exigences contradictoires devrait pouvoir demander une aide et des conseils à toute personne du service de prison/de probation, qui soit extérieure au problème. Le fait de pouvoir s’entretenir de la question avec quelqu’un d’autre, et pas seulement avec le supérieur hiérarchique, ce qui laisse plus de souplesse à l’échange, permet de dédramatiser la situation et de trouver plus facilement une solution quant à la conduite à adopter.

Principe 3 – Conduite du personnel

Parce que leur action s’inscrit dans le cadre du paramètre essentiel pour la communauté qu’est l’exécution d’une sanction ou d’une mesure de justice, les personnels chargés de l’application des sanctions et mesures doivent observer une conduite exempte de critique. Le caractère irréprochable de leur comportement personnel doit se manifester dans et à l’occasion du service, mais aussi lorsqu’ils ne sont pas en service. Le principe n’a pas pour objet de codifier des règles de bonne conduite ; il vise plutôt à poser des critères d’ordre éthique, à savoir le fait que la conduite doit toujours être conforme aux politiques, principes et instructions du service concerné ; et le fait que la conduite ne doit pas entraîner de conséquences préjudiciables pour le service, en portant le discrédit sur celui-ci, ou être de nature à avoir un effet néfaste quant à la qualité de l’exécution des missions confiées, voire à jeter un doute sur cette exécution. L’éthique observée par les personnels dans leurs comportements personnels est un facteur de crédibilité de leur expérience professionnelle ; ce qui, par effet de retour, favorise la confiance du public à l’égard du travail des personnels, et, partant, du rôle du service de prison et de probation.

En corollaire, le principe pose l’exigence d’information par l’agent lui-même du supérieur hiérarchique de toute forme de conduite ou d’action qui présenterait des conséquences préjudiciables pour le service d’appartenance, et ce quelle que soit la nature de la conduite dont il s’agit : commission d’une infraction ou simple violation d’une règle de fonctionnement présentant un caractère mineur de gravité.

Principe 4 – Abstention de l’utilisation impropre des ressources du service

Le principe met l’accent sur un aspect particulier de la conduite du personnel, à savoir l’importance pour lui de s’abstenir de toute action qui peut conduire à la suspicion que les fonds ou d’autres ressources fournis pour les activités d’un service sont utilisés de manière impropre. Des exemples topiques sont l’usage de véhicules de service ou d’autres équipements, voire de personnels, à des fins privées non autorisées. Dans la mesure où une totale probité en cette matière est essentielle, les membres du personnel devraient rechercher des conseils dans toutes
les situations de doute. Le service concerné a la responsabilité éthique, dans de tels cas, de fournir une aide aux individus et, de manière plus générale, par des instructions administratives.

Principe 5 – Information sur le délinquant suspect ou condamné

C’est une exigence éthique pour le personnel de dire la vérité à ceux à qui il doit professionnellement transmettre des informations sur le délinquant suspect ou condamné, de ne pas leur cacher quoi que ce soit et de faire preuve d’objectivité dans la relation des informations. Le principe de la communication des informations fait référence à un contenu, qu’il soit lui-même d’ordre essentiellement factuel (par exemple fournir les renseignements constituant l’enquête de personnalité, établir un rapport sur l’exécution d’une mesure de probation, rédiger un rapport d’incident en détention) ou qu’il comporte une part plus importante d’appréciation (par exemple fournir toute suggestion utile quant à la sanction susceptible d’être prononcée).

Une des manifestations essentielles de ce principe réside dans l’obligation de franchise quant à la conduite nouvellement délinquante du sujet qui exécute une peine carcérale (infraction commise durant une période de permission de sortie, par exemple) ou une sanction ou mesure appliquée dans la communauté.

Principe 6 – Soutien aux collègues de travail

Le propre du personnel de prison/ de probation est d’appartenir à une équipe, soit au sein du même service, soit entre service de prison et service de probation. De même, des catégories différentes de personnels sont amenées à travailler ensemble, comme les surveillants et les travailleurs sociaux dans un établissement pénitentiaire. De la qualité des relations, empreintes de respect pour l’autre et pour le travail qu’il effectue, et de civilité, dépend la qualité du climat au sein du service et de l’environnement de travail. Et un moyen efficace de rendre cet environnement sain et sûr consiste à ménager une bonne entente parmi le personnel. Cela est particulièrement vrai au sein d’un établissement pénitentiaire, structure très sensible au moindre événement interne ; mais ce peut être également valable pour un service de probation où diverses catégories de personnels sont amenées à travailler ensemble.

Cette collaboration et ce soutien ne doivent pas être une disposition purement théorique ; ils doivent pouvoir prendre la forme d’une manifestation concrète, laquelle peut revêtir diverses formes : aide à ceux qui sont en formation, actes facilitant la communication entre collègues et, de manière plus générale, aide au collègue qui en éprouve le besoin dans son travail. Ainsi en est-il du membre du personnel en situation de difficultés, parce qu’il a été confronté à un incident violent commis sur sa personne ou à une situation délicate qui, bien que ne le mettant pas directement en cause, est tout autant traumatisante pour lui (par exemple l’appréhension par un agent de probation de la situation tirée de la récidive grave du délinquant qu’il a en charge, qui peut être vécue comme un échec de son action).

Principe 7 – Non-discrimination dans les relations entre membres du personnel

Il s’agit de la transposition dans le domaine du comportement entre membres du personnel du principe de non-discrimination déjà mentionné dans les Règles pénitentiaires européennes et dans les Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté. L’action menée contre la discrimination doit s’étendre aux actes de harcèlement, et même à l’attitude consistant à vouloir trouver des excuses aux comportements de nature discriminatoire.

Principe 8 – Respect des différences d’opinion

Ce principe de portée générale quant au traitement des différences d’opinion de toutes autres personnes avec lesquelles le personnel est en rapport dans l’exercice de ses fonctions participe du respect de la liberté d’expression d’autrui. Il en va ainsi notamment pour ce qui est des opinions des collègues de travail, à l’égard desquels il conviendrait toujours de faire preuve de compréhension quant aux vues exprimées, de ne jamais chercher à les humilier, de faire en sorte que les rapports professionnels soient empreints d’un esprit de respect mutuel et de civilité.

Ce qui ne signifie pas qu’un membre du personnel ne puisse pas se montrer critique vis-à-vis d’un collègue. Le principe pose seulement l’exigence éthique de ne pas énoncer de critique – le terme étant utilisé ici dans son sens de critique négative – en présence du délinquant suspect ou condamné ou de tiers, ce qui risquerait de déstabiliser le membre du personnel objet de la critique et d’affaiblir sa crédibilité.

Par ailleurs, le principe ne concerne pas les appréciations portées sur le personnel, où la critique doit être faite dans un sens constructif.

Principe 9 – Obligation d’honnêteté et de franchise à l’égard des personnes et organismes extérieurs

L’action du service de prison/de probation s’inscrit dans une perspective partenariale. Il est amené à entretenir des relations de travail avec des personnes ou des organismes extérieurs au système de justice pénale, tels que d’autres administrations ou des organismes publics ou privés spécialisés dans les domaines les plus divers, comme le logement, la santé, la sécurité sociale, etc., ou encore des organisations ou personnes individuelles qui, dans la communauté, participent à l’exécution des sanctions et mesures appliquées dans la communauté. Il est nécessaire que le personnel s’astreigne à une exigence d’honnêteté dans ses rapports professionnels avec eux, c’est-à-dire à l’obligation de ne pas dissimuler les éléments nécessaires à son travail avec eux. Il doit ainsi faire preuve de franchise, à la fois dans les cas d’espèce, et sur un plan général, vis-à-vis de ces organismes et du public en général. Ainsi, par exemple, il doit s’efforcer de fournir l’information la plus complète possible sur le contexte, le contenu et les conditions d’exercice de son travail.

Plus généralement, l’action des personnels chargés de l’application des sanctions et mesures s’inscrit dans le contexte social général et participe d’une vision d’ensemble : celle qu’a le public de l’intégrité du personnel et de la qualité de ce qu’il fait ; et celle que le personnel offre au public, par la crédibilité de ses comportements professionnels.

Principe 10 – Contacts avec les médias

La question de la liaison des services d’application des sanctions et mesures avec les médias revêt une importance particulière, car l’action des médias est, en fait, souvent le seul moyen pour le public de connaître un événement, ou d’être renseigné sur le fonctionnement d’un service de l’application des sanctions et mesures. Il s’agit aussi d’un domaine très délicat, car, d’une part, il y a la liberté d’expression que tout membre du personnel, en tant que citoyen d’un Etat démocratique, possède de par la loi nationale et de par les instruments internationaux pertinents, comme la Convention européenne des Droits de l’Homme ; et, d’autre part, il existe certaines limites à la liberté d’expression, tirées de la nécessité, dans certains cas, de ne pas révéler un fait au public, par exemple pour des raisons de confidentialité de certains types d’information (par exemple l’identité d’un délinquant suspect ou condamné) ou de politiques restreignant l’expression par le personnel de points de vue critiques sur une décision politique ou sur les instructions prises à la suite d’une décision politique.

Aussi, les services d’application des sanctions et mesures doivent-ils veiller à ce que leur personnel reçoive une information exhaustive quant à la nature des contacts qu’il peut avoir avec les médias. Cette information devrait clarifier des questions, comme la mesure dans laquelle le personnel peut avoir accès et parler librement aux médias, celle de savoir quand il a le droit ou le devoir de garder le silence, les limites éventuelles à la divulgation d’informations, le droit ou le devoir de solliciter de la hiérarchie (ou de l’administration centrale) un avis sur ce qui peut ou doit être dit, enfin le droit d’exprimer une critique, et la manière de le faire. Sur ce dernier point, il devrait être explicité dans quelles circonstances les opinions doivent être exprimées à titre officiel ou à titre personnel.

L’exigence pour le ou les services d’application des sanctions et mesures de fournir des principes quant aux contacts avec les médias a une dimension éthique, car les membres du personnel ont le droit d’être parfaitement informés de la manière d’équilibrer leurs propres responsabilités éthiques à l’égard de l’organisation, des délinquants suspects ou condamnés avec lesquels ils travaillent, et leurs droits et devoirs en tant que citoyens. L’information doit être basée aussi bien sur la législation applicable à l’échelle nationale en matière de liberté d’expression en tant que telle (et de toute politique ou instructions prises pour son application), que sur toute autre législation qui aurait des implications en termes de liberté d’expression, comme une loi sur la protection des mineurs,proscrivant de citer en clair le nom du délinquant.

La question des contacts avec les médias est de toute première importance pour le service concerné, dans la mesure où, si celui-ci développe de bonnes relations avec les médias, il peut en attendre en retour une meilleure connaissance et une meilleure appréciation de ses activités par le public. Elle a également une conséquence directe sur le statut du personnel, par le fait qu’une politique claire de relations publiques, reposant sur des bases éthiques, procure au personnel des garanties dans ses rapports avec les médias, en lui permettant, par exemple, de résister aux pressions exercées par les médias pour obtenir une information qui ne devrait pas devenir publique.

En toutes occasions, lorsqu’ils s’adressent aux médias, les membres du personnel doivent loyalement agir en accord avec toute législation pertinente, politiques et instructions en matière de liberté d’expression. Ils doivent savoir que, lorsqu’ils s’expriment dans la presse, à la radio ou à la télévision, leurs propos peuvent largement influencer la connaissance et les attitudes du public, et que ceux-ci peuvent, indépendamment de leur volonté, être interprétés comme émanant du service, parce qu’ils sont exprimés par un de ses représentants. Il est nécessaire qu’ils s’expriment de manière franche et honnête, c’est-à-dire en fournissant l’information la plus complète possible sur tel cas d’espèce ou sur tel élément de la politique du service d’application des sanctions et mesures, et en ne dissimulant pas des éléments factuels. Ils doivent également faire montre d’objectivité et ainsi transmettre une information fidèle et non travestie.

Section II – Exigences éthiques en relation avec les déliquants suspects ou condamnés

Principe 11 – Respect de la valeur de chaque être humain

Le personnel doit être informé et conscient de la nécessité de maintenir et de préserver les droits auxquels il a été fait référence et il doit s’y employer activement. Au niveau européen, les droits des délinquants sont protégés, entre autres, par la Convention européenne des Droits de l’Homme, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, la Recommandation no R (87) 3 (Règles pénitentiaires européennes) et la Recommandation no R (92) 16 (Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté).

Le personnel doit être conscient que l’adhésion du pays aux instruments juridiques internationaux qui confèrent des droits aux délinquants suspects ou condamnés entraîne nécessairement pour lui l’obligation absolue de défendre ces droits. Ce point doit être souligné lors de la formation. A cet égard, le personnel devrait être aussi informé de la nature du contrôle international exercé par des organes tels que la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le personnel concerné par l’exécution des sanctions et mesures entretient des rapports fréquents avec la famille et les proches du délinquant suspect ou condamné. Il ne serait guère logique d’exiger du personnel qu’il témoigne du respect pour la personne du délinquant sans faire montre de respect pour les membres de sa famille ou de son entourage.

Principe 12 – Obligation de promouvoir les buts des sanctions et mesures

L’application d’une sanction ou d’une mesure est la tâche primordiale du personnel. Pour l’accomplissement de cette tâche primordiale, les principes 34 et 35 de l’annexe I exigent que les objectifs, les principes, les valeurs et les méthodes de travail des autorités d’exécution soient présentés dans un ou plusieurs documents directifs, établis en concertation avec le personnel concerné. Il s’ensuit que tout membre du personnel a l’obligation éthique de soutenir les finalités de la sanction ou mesure conformément aux préceptes de la politique établie.

Principe 13 – Abstention et prévention de tous mauvais traitements physiques ou mentaux

L’éthique impose au personnel de s’abstenir de, et d’essayer d’empêcher tout comportement constitutif de mauvais traitements physiques ou mentaux, sous quelque forme que ce soit, et notamment toute forme de violence. Toute forme de comportement inhumain, dégradant, violent ou menaçant, qu’elle soit de nature physique ou mentale et qu’elle soit spontanée, sporadique ou prolongée, constitue un mauvais traitement, quelle qu’en soit l’origine. Cette obligation éthique ne consiste pas seulement à s’abstenir de tels abus ; elle s’étend aussi à la protection des délinquants suspects ou condamnés contre ces abus, si le membre du personnel concerné est en mesure d’assurer une telle protection. Ces droits sont consacrés par les instruments internationaux énumérés dans le commentaire au principe 11 de l’annexe II. C’est pourquoi le personnel a le devoir essentiel à la fois de s’abstenir de tout comportement lésant les droits fondamentaux auxquels il a été fait référence et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer aux délinquants suspects ou condamnés une protection contre toute menace pesant sur ces droits. Plus particulièrement, le personnel devrait s’efforcer activement d’empêcher que ne surviennent des circonstances pouvant conduire les délinquants suspects ou condamnés dont il a la charge à subir de mauvais traitements physiques ou mentaux. Il est particulièrement important en prison d’empêcher les mauvais traitements physiques ou mentaux de détenus par d’autres détenus. Il faudrait, pendant sa formation, inculquer au personnel le sens des responsabilités qui lui incombent relativement aux présentes obligations éthiques.

Toutefois, les instruments internationaux cités n’interdisent pas l’emploi licite, autorisé et exceptionnel de la force minimale nécessaire pour l’accomplissement des missions du personnel. Celui-ci devrait recevoir une formation sur la manière d’empêcher l’apparition de situations potentiellement violentes et de maîtriser les techniques du recours à la force minimale nécessaire.

Principe 14 – Non-discrimination dans l’application des sanctions et mesures

La discrimination motivée par des considérations telles que, entre autres, la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’origine nationale ou sociale, le patrimoine, la naissance ou tout autre statut est prohibée par de nombreux instruments juridiques internationaux. En particulier, la Convention européenne des Droits de l’Homme, les Règles pénitentiaires européennes et les Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté interdisent spécifiquement les pratiques fondées sur une quelconque forme d’exception, bigoterie, préjugé ou fanatisme. Le personnel a donc la responsabilité éthique non seulement de s’abstenir de toute discrimination, mais aussi de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher d’autres personnes ou organes de commettre des discriminations. Toutefois, l’absence de discrimination n’interdit pas d’opérer des distinctions entre les délinquants suspects ou condamnés en fonction des exigences du contrôle ou des besoins personnels.

Principe 15 – Abstention de comportement provocateur

C’est peut-être dans les situations où le personnel est confronté aux délinquants suspects ou condamnés en face à face qu’il risque le plus d’avoir un comportement provoquant, encore que ce ne soit pas toujours le cas. Toute pratique injuste ou insensible peut être ressentie comme une provocation. En s’abstenant de tout comportement provocateur, on rend moins probable l’apparition d’un comportement agressif ou injurieux, ou on évite de l’aggraver lorsqu’il est déjà manifeste. Lorsqu’un délinquant suspect ou condamné se rend coupable d’un tel comportement, il convient d’y répondre fermement mais sans provocation, afin de prévenir une escalade. Dans tous ses rapports avec les délinquants suspects ou condamnés, le personnel devrait s’efforcer de leur fournir un modèle en leur offrant un exemple positif.

Principe 16 – Obligation d’informer les délinquants suspects ou condamnés de leurs obligations et droits

Le personnel est habilité non seulement à demander aux délinquants suspects ou condamnés de se conformer à certaines règles ou de satisfaire à certaines conditions, mais aussi à invoquer le recours à diverses pénalités dans le cas où ils refuseraient d’obéir aux ordres, enfreindraient les règles ou ne se conformeraient pas aux exigences requises. Ainsi, le personnel est investi d’un pouvoir considérable sur ceux dont il a la charge. L’usage de ce pouvoir doit être guidé par des considérations éthiques. La première donne au personnel la responsabilité de veiller à ce que les délinquants suspects ou condamnés soient informés de ce que l’on attend d’eux et des conséquences probables de leur désobéissance. Imposer des sanctions pour inconduite est manifestement contraire à l’éthique, en l’absence d’explication sur ce qui constitue la mauvaise conduite et ses conséquences. Ensuite, comme divers recours sont, ou devraient être, prévus dans tous les services concourant à l’exécution des sanctions et mesures pour déposer une réclamation ou demander le réexamen d’une décision, le personnel a l’obligation éthique d’informer les délinquants suspects ou condamnés de leurs droits à ce sujet. Il serait de toute évidence contraire à l’éthique de les laisser dans l’ignorance des recours mis à leur disposition pour déposer une réclamation ou demander qu’une décision soit reconsidérée. En bref, l’éthique commande au personnel de s’assurer que les pouvoirs dont il dispose dans ses relations avec les délinquants suspects ou condamnés sont employés de manière juste et soumis aux examens ou contrôles qui sont prévus par la législation ou la réglementation.

Principe 17 – Secret professionnel

Le respect dû à l’individualité des délinquants suspects ou condamnés s’étend pour une grande part aux divers renseignements les concernant, soit sur eux, soit sur leur famille, dont le personnel pourrait avoir connaissance. Lorsque ces informations revêtent la forme écrite, tout document requis du personnel doit être exact, correct et clair, et son caractère confidentiel préservé. La nature des informations sur les délinquants suspects ou condamnés qui doivent être consignées, la mesure dans laquelle elles doivent être tenues pour confidentielles et l’identité des personnes ou organismes habilités à en avoir connaissance devraient faire l’objet d’une réglementation précise. Il est particulièrement nécessaire de définir la nature des informations qui peuvent être communiquées aux médias à propos de délinquants suspects ou condamnés identifiés ou identifiables, sans le consentement de ces derniers, et les circonstances dans lesquelles cela peut être permis.

Principe 18 – Prohibition de toute activité de corruption

Il doit aller de soi qu’aucun membre du personnel ne doit être impliqué dans des activités de corruption avec un délinquant suspect ou condamné. L’acceptation de la corruption nie un but de la sanction, à savoir la manifestation du rejet et de la condamnation du crime par la société. Au surplus, la corruption constitue une trahison vis-à-vis des autres membres du personnel qui cherchent à illustrer les qualités d’honnêteté et d’intégrité dans leurs rapports avec les délinquants suspects ou condamnés et elle risque de saper le fondement moral du travail lié à l’application des sanctions et mesures. Il en va de même si un membre du personnel sait, ou a de bonnes raisons de croire, qu’un collègue est corrompu mais ne fait rien pour mettre un terme à de telles pratiques. Dans de telles circonstances, c’est un impératif éthique que de dénoncer tout acte de corruption connu ou de demander une enquête sur la corruption qu’on soupçonne. La loi ou les instructions administratives devraient définir le délit de corruption et les pénalités y afférentes. Ces dispositions devraient être portées à la connaissance du personnel et soulignées, entre autres, dans la formation.

Principe 19 – Obligation d’entretenir des relations professionnelles correctes avec le délinquant suspect ou condamné et sa famille

Toute considération de corruption mise à part, une relation qui exploite, ou paraît exploiter, le délinquant suspect ou condamné de quelque manière que ce soit est totalement inappropriée. Mais l’exécution des sanctions et mesures, qui implique en tant que telle une double tâche de contrôle et d’aide, peut fréquemment être source d’incertitude quant au caractère approprié ou non des relations avec ceux qui font l’objet d’une sanction ou mesure.

Le souci d’entretenir de bonnes relations ne devrait pas entraîner une perte d’objectivité et une incapacité à fixer des limites au comportement négatif. A l’inverse, l’exercice de la fonction de contrôle ne doit pas entraîner une incapacité à mettre en place une relation constructive. L’acceptation de gestes d’amitié émanant du délinquant suspect ou condamné ou de sa famille soulève une difficulté particulière. Il faut établir le juste équilibre entre l’acceptation d’un geste simple, qui peut très bien n’être que l’expression normale d’une bonne relation, et une relation impropre qui compromet le travail à effectuer.

Dans la mesure où le maintien d’un juste équilibre dans les relations avec les délinquants suspects ou condamnés est au cÏur de la réussite du travail mené auprès d’eux, il est de la plus haute importance que les questions complexes concernées soient traitées dans les cours de formation. De plus, des dispositions devraient toujours être prises pour que les membres du personnel aient la possibilité de consulter leurs supérieurs chaque fois qu’ils éprouvent un doute ou des incertitudes quant à la nature de leurs rapports avec les délinquants suspects ou condamnés. De même, le supérieur a le devoir d’agir lorsqu’il se rend compte que les rapports professionnels d’un de ses personnels sont ou deviennent inappropriés. La nature des mesures à prendre dépendra de la nature de l’imprudence, mais devra toujours être dans le cadre des politiques du service concerné, et faire appel à la compréhension et à la compétence. Une question particulièrement sensible se pose lorsqu’une relation professionnelle se transforme en une relation personnelle d’affection. Une telle situation implique pour le membre du personnel concerné de signaler le problème à son supérieur, et pour ce dernier de le traiter avec discernement. La nécessité de faire montre de sûreté de jugement exige impartialité et total respect des dispositions de toute législation pertinente, et en particulier de toute législation en matière de droits de l’homme.

La question de la création et du maintien de relations professionnelles correctes avec les délinquants suspects ou condamnés ne devraient pas, toutefois, être considérée comme de la seule responsabilité du membre du personnel, en liaison avec, le cas échéant, son superviseur ou directeur. L’importance capitale que revêtent de bonnes relations professionnelles appelle aussi une action de la part du service concerné. Des principes directeurs peuvent être définis sur la manière de conduire la relation, une mention spéciale étant accordée aux situations qui compromettent la conduite professionnelle du personnel. Et, comme on l’a déjà mentionné, la connaissance par le personnel du contenu des relations professionnelles devrait être développée dans les cours de formation.

Note 1 Cette partie s’inspire largement d’un rapport de l’Association danoise des avocats et économistes dont la traduction anglaise est intitulée « Professional Ethical Values in Public Administration », Copenhague, septembre 1993.