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Recommandation R(87)3 sur les règles pénitentiaires - motifs

Mise en ligne : 4 juillet 2002

Dernière modification : 15 août 2010

Texte de l'article :

II. EXPOSE DES MOTIFS

RELATIF AUX REGLES PENITENTIAIRES EUROPEENNES
Version européenne révisée
de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus

Introduction

La coopération internationale dans les domaines de la politique pénale et des questions pénitentiaires a désormais un passé long et estimable. Au Conseil de l’Europe, les principaux organes investis de responsabilités directes en la matière sont le Comité européen pour les Problèmes Criminels (CDPC) et le Comité de coopération pénitentiaire (PC-R-CP). Dans le cadre du Statut du Conseil et sous l’autorité du Comité des Ministres, ces deux organes offrent le forum nécessaire à la coopération internationale au plan européen et les compétentes professionnelles et techniques qu’implique cette activité. L’autorité formelle et morale nécessaire à la gestion des établissements pénitentiaires résidait essentiellement dans l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus et dans la Convention européenne des Droits de l’Homme. Les nouvelles « règles pénitentiaires européennes » ont été établies pour assurer une formulation moderne et progressiste dont devraient bénéficier, dans un avenir prévisible, l’administration et le traitement pénitentiaires.

Statut et influence des règles

Bien que les règles n’aient pas de pouvoir contraignant en droit international, elles ont largement valeur de code de déontologie pour l’administration et le traitement pénitentiaires. En outre, bien que variant d’un pays à l’autre, leur poids juridique est tel que, sous une forme ou une autre, elles exercent une influence importante sur les normes morales et pratiques qui régissent l’administration pénitentiaire. Au cours de la période de plus d’un demi-siècle pendant laquelle les règles ont été internationalement reconnues, elles ont favorisé, directement ou indirectement, l’adoption de normes plus élevées et contribué à garantir des conditions minimales d’humanité et de dignité dans les établissements pénitentiaires. De ce fait, bien que les règles soient officiellement censées servir de guide aux administrations pénitentiaires, elles imposent de grandes obligations morales et politiques aux Etats membres qui les ont acceptées. L’un des principaux objectifs du nouveau libellé consiste à souligner l’obligation faite aux administrations pénitentiaires de respecter lesdites règles et à assurer à celles-ci une influence et une autorité accrue, renforcées encore par des inspections au niveau national et par la volonté du Conseil de l’Europe à travers ses procédures de consultation.

Approche contemporaine des problèmes pénaux.

La montée des problèmes sociaux et moraux liés aux questions d’ordre public et de valeurs humaines et le conflit fréquent entre les intérêts de la collectivité et les droits de l’individu ont conduit à une remise en cause du rôle de la détention. Il s’agit à la fois de la notion d’emprisonnement en tant qu’instrument de contrainte sociale et des fonctions des établissements pénitentiaires dans l’éventail des services sociaux. La façon d’aborder le traitement s’est profondément modifiée : on est passé de systèmes destinés spécifiquement à influer sur les attitudes et le comportement des détenus à des modèles fondés sur l’encouragement du développement des aptitudes sociales et des ressources personnelles qui amélioreront les chances de réussite de la réinsertion sociale. Dans l’ensemble, mais compte tenu de la nature et de la gravité des infractions, on se détourne aussi nettement des peines d’emprisonnement en faveur de solutions non carcérales et de peines plus courtes. Cette orientation nouvelle a fortement réduit le nombre des détenus. L’encombrement des prisons n’en est pas moins dû à une criminalité de plus en plus grave et manifeste dans la société et à la réponse inévitable des autorités face à l’inquiétude du public. Il en est résulté de sérieux problèmes de fonctionnement dans les grands établissements pénitentiaires et, partant, une plus grande inquiétude devant des questions telles que l’efficacité du traitement, les normes matérielles et morales des établissements pénitentiaires, l’efficacité de la gestion et la prise en compte des aspirations professionnelles et personnelles des agents.
Les dernières décennies ont été marquées à la fois par la libéralisation et la sophistication des conditions et du traitement pénitentiaire et par les difficultés accrues de la gestion opérationnelle. Les deux phénomènes ont été accentués ou exacerbés par la transformation des populations carcérales, un plus grand intérêt de la part du public et l’intensification des enquêtes universitaires concernant les problèmes pénaux. Le Conseil d’Europe n’a ménagé ni sa peine ni ses ressources pour examiner ces problèmes, proposer des orientations sous forme de recommandations. Leur liste est reproduite dans le chapitre III où est soulignée leur importance en vue d’une éventuelle adaptation à la législation nationale.

Les règles pénitentiaires européennes (1987)

Les nouvelles règles pénitentiaires européennes (Recommandation n°R(87)3) traduisent une modification des priorités et des objectifs qui, sans mettre en cause les valeurs traditionnelles qui ont inspiré les règles, reconnaît la grande évolution des esprits et des pratiques que nous relevions dans cette introduction.
Le plus important est la priorité absolue donnée aux six principes fondamentaux qu sous-tendent la philosophie et la déontologie dont s’inspirent les règles. Ces principes fondamentaux consacrent les critères d’humanité, de respect de la dignité humaine, de finalité sociale et de bonne exécution des tâches administratives qui constituent une base cohérente et efficace pour la gestion des établissements des éléments essentiels d’une organisation sociale et éthique qui sont importants pour le bien-être des détenus, le statut du personnel et les aspirations d’une société civilisée dans le monde actuel.
On remarquera que les nouvelles règles insistent tout particulièrement sur la réinsertion sociale, ainsi qu’il est stipulé dans la règle 3 et sur l’individualisation du traitement et, par voie de conséquence, sur la différenciation des régimes pour la faciliter. On a aussi reconnu la valeur d’une gestion rationnelle qui, compte tenu des contraintes budgétaires présentes et à venir, est indispensable pour maintenir et améliorer l’efficacité et la qualité de l’administration ainsi que celle de l’optimisation des avantages offerts par les régimes plus variés et plus astreignants des établissements pénitentiaires modernes. On a reconnu que le travail, les études, l’éducation sociale et l’éducation physique en prison constituaient le cœur des activités de tout système de traitement bien conçu. On a également insisté comme il convenait sur la nécessité, dans l’optique de la réinsertion sociale, d’étendre aussi souvent que possible au monde extérieur la formation et l’expérience inhérentes à ces activités pénitentiaires. Afin d’accentuer l’aspect prioritaire et l’impact de ces composantes importantes dans le schéma de traitement pénitentiaire envisagé par les nouvelles règles, on a donné une définition plus précise et amélioré la présentation de ces dernières. Il en va de même pour le statut et le rôle du personnel pénitentiaire, envisagés comme cruciaux pour la bonne gestion des établissements, et les grandes qualités professionnelles qu’exigent des régimes essentiellement axés sur la réinsertion sociale. Dans l’ensemble, on a cherché à élever les normes existantes et, en renforçant le prestige des règles elles-mêmes, à promouvoir une nouvelle amélioration des conditions matérielles ainsi que de la qualité de la gestion et du traitement.
A niveau technique, les règles ont été aménagées de façon qu’on puisse plus aisément s’y référer, que leur mise en, œuvre en soit facilitée et qu’elles soient mieux prises en compte dans la formation du personnel. On y est parvenu par une disposition logique et méthodique des règles qui devrait clarifier et accentuer leur finalité. C’est ainsi que les règles fondamentales et immuables qui constituent les principes généraux sont suivies d’articles consacrés à la gestion des établissements, au personnel, aux objectifs du traitement et aux régimes pénitentiaires, et de règles complémentaires relatives, et de règles complémentaires relatives au traitement et aux besoins de certaines catégories de détenus.
On doit naturellement s’attendre, comme c’est déjà le cas pour bien des normes consacrées par les règles, à ce que les administrations pénitentiaires soient en avance sur les conditions fixées par ces dernières en ce qui concerne la gestion et les moyens mis en place. On espère aussi, et c’est là un point plus important, qu’en cas de défaillances dans la mise en œuvre, tout sera fait pour y remédier dans le sens voulu par les règles. Dans les domaines où les difficultés persistent, ces administrations pourront faire appel aux conseils et au soutient des instances du Conseil d’Europe. Le présent rapport explicatif se veut un document de travail pratique à lire en liaison avec les règles et devrait permettre une interprétation plus affinée que ce n’est possible ou souhaitable avec leur libellé actuel. Son but est aussi d’aider à la compréhension des règles et de susciter un intérêt pour leur mise en œuvre de façon à provoquer de nouvelles améliorations dans le traitement et la gestion pénitentiaires. Il peut enfin venir en aide aux administrations qui souhaitent définir des normes locales plus précises que ce ne serait possible au niveau international. Chaque chapitre fait donc l’objet de brefs commentaires généraux de nature philosophique et chaque règle fait l’objet, en tant que besoin, de commentaires spécifiques de portée plus pratique.
La remise en cause de la philosophie pénale et de l’administration et du traitement pénitentiaires, dont nous avons parlé au début, a été des plus fécondes lorsqu’elle s’est faite sous le signe des valeurs humaines et des critères sociaux. On s’est également penché sur la réussite et l’échec des services pénitentiaires eux-mêmes et sur le rôle rééducateur de l’emprisonnement. Cette approche a eu quelques conséquences fâcheuses. Il est difficile, en effet, d’évaluer de telles questions d’une façon qui tienne suffisamment compte de la complexité du problème, prenne acte de la répartition des responsabilités sociales et évite des conséquences dommageables pour la politique suivie et le personnel pénitentiaire. Dans ce contexte, les nouvelles règles représentent un rappel par le Conseil d’Europe des valeurs humanitaires traditionnelles et du rôle positif d’assistance des services pénitentiaires visant à la réinsertion sociale toutes les fois que possible. Mieux vaut évaluer toutes ces fonctions par référence à des critères moraux et à la qualité d’exécution plutôt que par référence à des données objectives destinées à mesurer la réussite ou l’échec en termes relativement simplistes. Les règles constituent le cadre et les normes à cet effet. En tant que telles, par l’accent qu’elles mettent sur la dimension humaine, une meilleure gestion, des objectifs plus clairement définis, une surveillance plus crédible et la coopération internationale, elles offrent un moyen d’amélioration et impriment un nouvel élan aux progrès de l’administration et du traitement pénitentiaires en Europe.

Commentaire

PREAMBULE

Il a été question en termes généraux, au chapitre introductif du présent exposé des motifs, des points essentiels du préambule des nouvelles règles pénitentiaires européennes. On les a résumés avec plus de précision dans le préambule de la nouvelle version des règles, de façon à associer étroitement à celles-ci les objectifs et les principes qui ont inspiré la reformulation européenne.
Les règles ont été conçues de manière à répondre aux besoins et aux aspirations des administrations pénitentiaires, des détenus t du personnel dans une approche cohérente, positive, réaliste et moderne de la gestion et du traitement. Si les règles ont été renforcées en ce sens que l’accent est mis à nouveau sur des normes éprouvées et perfectibles, on a également pris soin d’accroître leur autorité et d’encourager le contrôle systématique des conditions de détention et des pratiques en usage, les règles servant à cet égard de critères décisifs. Bien entendu, la définition exacte de ces critères en termes quantifiables variera selon les pays en fonction des conditions locales, climatiques et autres, et des usages établis. Il ne serait pas possible, ni même opportun, d’essayer de préciser les normes en ces termes dans un document international. Quoi qu’il en soit, pour promouvoir une bonne administration pénitentiaire et une politique de progrès tout en facilitant le contrôle, il conviendrait d’élaborer au niveau national, comme l’exigent les règles, des dispositions régissant les conditions matérielles de détention. Dans la pratique, les administrations pénitentiaires européennes adoptent généralement des mesures qui vont bien au-delà des règles minima et, en aucun cas, une nouvelle interprétation ou de nouvelles mesures ne sauraient s’inscrire en deçà. On présume que, chaque fois que les conditions ne répondront plus aux normes fixées, tout sera fait, au niveau politique comme à celui des exécutants, pour remédier à cette situation.
La référence, dans le préambule, à la capacité du Conseil de l’Europe d’aider et de conseiller les administrations pénitentiaires en cas de difficulté à se conformer aux règles, ou à l’occasion de problèmes pratiques, est destinée à encourager la coopération entre les services pénitentiaires européens dans le cadre des activités de l’Organisation. Dans le contexte des programmes du Comité européen pour les problèmes criminels, il est parfaitement possible d’étudier un grand nombre de problèmes généraux et d’envisager la meilleure façon d’affronter l’évolution. En ce qui concerne plus spécialement les administrations pénitentiaires, le Comité de coopération pénitentiaire a des fonctions qui lui permettent d’offrir ses conseils et son concours à toute administration qui le souhaite. L’échange d’informations en matière pénitentiaire, organisé par la Direction des affaires juridiques, est un moyen de traiter rapidement des questions spécifiques grâce auquel les administrations pénitentiaires peuvent, si elles le désirent, profiter de l’expérience d’autres systèmes européens à propos de tel ou tel domaine qui suscite des difficultés ou présente un intérêt d’actualité. En faisant comprendre au personnel pénitentiaire et au grand public les règles pénitentiaires européennes, et en contribuant à les mettre en œuvre, cette coopération peut jouer un rôle précieux.
Lorsqu’on envisage l’application des règles qu’il s’agisse d’orientation politique, de pratique, de formation ou d’inspection, il faut toujours garder à l’esprit les quatre finalités fondamentales exposées au début du préambule.

PREMIERE PARTIE

Principes fondamentaux

Les six règles de la première partie sont les plus importantes car elles déterminent la philosophie et la gestion de toute administration pénitentiaire fondée sur les principes d’humanité, de moralité, de justice et de respect de la dignité humaine indissociables d’une société civilisée moderne. On ne saurait, en aucun cas, admettre la moindre dérogation à ces règles ni le moindre compromis dans leur interprétation. Leur but est d’imposer aux règles ni le moindre compromis dans leur interprétation. Leur but est d’imposer aux autres règles des critères souverains auxquels souscriront sans réserve toutes les administrations pénitentiaires qui adopteront les règles pénitentiaires européennes.

1. [Les numéros des paragraphes correspondent à ceux des règles examinées (N.D.L.T.).]On a renforcé cette disposition en rappelant la nécessité de se conformer aux règles. Ce rappel, outre qu’il souligne leur validité sur le plan de la dignité humaine, consacre leur autorité et leur primauté pour tous les aspects de l’administration pénitentiaire auxquels elles s’appliquent.
2. Il s’agit, en l’occurrence, des libertés fondamentales des individus et de l’éthique des sociétés libres. En pratique, on reconnaît qu’il est parfois difficile de déterminer exactement la croyance religieuse ou les préceptes moraux. Il faut, dans chaque cas, tenir compte des conditions locales et des idées du moment. Il arrive aussi qu’il faille favoriser tel ou tel individu ou groupe. En pareil cas, tout doit être fait pour traiter les intéressés, et ceux qui pourraient l’être, avec sensibilité et bon sens. Une règle d’or, qui est le respect des individus et leurs croyances, doit inspirer les dispositions prises dans ce sens. Mais celles-ci ne doivent jamais porter préjudice à d’autres individus ou à d’autres groupes.
3. La référence au traitement qui figure dans cette règle est une notion générale. Elle désigne, au sens le plus large, toutes les mesures (travail, formation sociale, instruction, formation professionnelle, éducation physique et préparation à la libération, etc.) prises pour conserver aux détenus leur santé physique et mentale ou la leur faire recouvrer, faciliter leur réinsertion sociale et améliorer les conditions générales de leur détention. Il est évident que le traitement variera en fonction des possibilités offertes par les établissements, de la durée des peines et de l’environnement carcéral. Il importe cependant d’insérer, comme font les règles, une brève déclaration générale destinée à guider les administrations pénitentiaires dans leur tâche et à fournir un étalon qui leur permette en quelques sorte de tester les prestations et les moyens mis en place. Les règles qui portent sur les objectifs et systèmes de traitement développent cette déclaration générale de principe.
4. La valeur d’une inspection régulière est soulignée par la priorité qui lui est assignée comme l’un des principes de base. Toutes les administrations pénitentiaires devront veiller à ce que, parmi les critères appliqués, figurent ceux découlant des règles. Les modalités et la nature des inspections varieront d’un pays à un autre. L’efficacité et la crédibilité des services d’inspection seront renforcées par le degré d’indépendance dont ils jouiront vis-à-vis de l’administration pénitentiaire et par la publication régulière des résultats de leurs travaux.
5. L’importance de cette règle est évidente. N a reconnu son caractère prioritaire en en faisant l’un de principes fondamentaux des nouvelles règles.
6. Il s’agit d’une nouvelle disposition fondamentale pour la mise en œuvre effective des règles. Il est, en particulier, important que celles-ci soient disponibles afin que le personnel perçoive mieux son rôle et connaisse mieux les critères de base de l’administration pénitentiaire tels qu’ils sont définis dans l’instrument en question.

DEUXIEME PARTIE

Administration des établissements

Accueil et enregistrement

Dans La gestion des établissements pénitentiaires, les modalités d’accueil sont très importantes pour créer le climat moral et réaliser un juste équilibre entre l’efficacité formelle et un soutien compréhensif à l’égard de gens qui éprouvent inévitablement des sentiments d’angoisse. Il faut, autant que possible, concevoir l’environnement matériel et les indispensables formalités d’accueil en ayant à l’esprit ce précepte fondamental. Des formalités souples, humaines et pas trop désagréables à l’arrivée dans un établissement peuvent faire beaucoup pour le moral et le comportement des intéressés, détenus et personnel. Il faut faire comprendre aux premiers que les formalités ont un intérêt et qu’elles sont individualisées afin d’atténuer les problèmes qu’ils connaîtront en prison et de mieux prendre en compte leurs besoins personnels et leur future réinsertion. Quant au personnel, il doit comprendre qu’elles sont indispensables à une bonne administration de l’établissement et ont pour but de l’aider dans l’encadrement et le traitement des détenus. Il sera question plus loin de la nécessité conceptuelle de ne voir dans les formalités d’accueil que la première phase du programme de préparation à la libération.

7.-8. Il semble que les règles concernant l’accueil et l’enregistrement n’aient pas suscité, dans la pratique, de difficultés particulières. Dans la nouvelle formulation, on a néanmoins modifié le libellé ce la règle 7 pour tenir compte de l’emploi croissant des ordinateurs, promis semble-t-il à un bel avenir. On n’exige donc plus la tenue d’un registre. La portée et la nature exacte des données à consigner et à conserver dépendront en grande partie du système de gestion de chaque administration et de la technique employée pour les traiter. L’éventail des informations enregistrées variera donc, mais il devrait comporter ce qui est stipulé à la règle 8. Du fait de l’emploi de données informatisées, il importe de veiller à ce que le secret et la sécurité des informations personnelles contenues dans le système soient suffisamment protégés.
L’enregistrement correct des détails relatifs à l’admission des détenus est une garantie importante pour les droits de l’individu et une protection contre les incarcérations arbitraires. Ces détails sont également nécessaires à l’instruction des plaintes formulées à ce moment-là ou par la suite.

9. Les tensions que connaissent naturellement les détenus à leur arrivée dans un établissement pénitentiaire sont souvent exacerbées par des problèmes personnels concernant leur famille, leurs ou leur travail, problèmes que les intéressés considèrent, à tort ou à raison, comme urgents. Une attitude positive et compréhensive au moment où ces problèmes paraissent les plus aigus est à la fois légitime et utile. Malheureusement, les conditions dans lesquelles se déroule l’accueil, les tribunaux envoyant souvent en maison d’arrêt quantité de personnes en temps, peuvent susciter d’énormes difficultés pratiques, surtout dans les grands établissements. En tout état de cause, la simple humanité et les impératifs de gestion veulent que tout soit mis en œuvre pour résoudre le problème. Un personnel expérimenté, une surveillance appropriée et la possibilité, le cas échéant, de faire appel à des spécialistes revêtent une importance capitale. Il faut aussi se préoccuper du respect de la vie privée et offrir aux détenus la possibilité de contacter du respect de la vie privée et offrir aux détenus la possibilité de contacter au plus tôt des parents ou des amis, par téléphone si possible, ou du moins par la poste. Des informations écrites sur les moyens mis en place pour régler les questions de nature personnelle peuvent être utiles en encourageant les détenus à affronter leurs problèmes et à faire appel à ce propos au personnel compétent.

10. Les dispositions de la règle 10 visent l’ensemble du processus de préparation des détenus à leur libération et, finalement, à leur réinsertion sociale. Le degré de réussite dépendra évidemment de plusieurs facteurs qui sont la durée de la peine, les moyens dont on dispose pour élaborer des programmes individuels et la capacité du système administratif à enregistrer, à actualiser et à traiter les données essentielles. Le directeur participera personnellement au choix et à l’approbation de ces programmes dans une mesure qui dépendra des circonstances. Néanmoins, il devra toujours être informé et exercer un droit de regard sur cet aspect important de l’administration et du traitement pénitentiaire. Seuls devront normalement avoir connaissance des informations relatives aux programmes habilitées par une autorité compétente telle que l’administration pénitentiaire ou les tribunaux.
On constatera que la nouvelle version de cette règle fait référence au personnel directement responsable des détenus. Le but est d’insister sur l’opportunité d’associer au maximum l’ensemble des agents chargés de l’encadrement et du traitement des détenus. Il n’y est pas question des rapports psychiatriques, la mesure dans laquelle ceux-ci sont nécessaires ne semblant pas justifier une telle mise en relief. En toute hypothèse, c’est normalement au médecin dont le rapport est demandé qu’il appartient d’adresser l’intéressé à un psychiatre.

Répartition et classification des détenus

L’efficacité du traitement en centre de détention dépend essentiellement de la différenciation des établissements, de la mise au point de régimes variés ainsi que d’un processus rationnel de classification et de répartition valables des détenus dans ceux qui répondent le mieux à leurs besoins. Par conséquent, en répartissant les moyens mis à leur disposition, en établissant les régimes de traitement et en formant le personnel pour qu’il y participe le plus efficacement possible, les administrations pénitentiaires doivent absolument soutenir la stratégie globale par des critères cohérents et systématiques ainsi que par les rouages administratifs indispensables pour la mener à bien. Les règles de ce chapitre constituent le cadre simplifié de tels critères et indiquent les principales catégories pour lesquelles les administrations pénitentiaires prévoiront normalement de prendre des dispositions particulières ou distinctes en matière de logement ou de traitement.

11. Le premier des principes dont s’occupe cette règle est celui de son paragraphe 1 qui énonce les grands critères qu’il faut normalement respecter dans le choix du régime des détenus. La référence aux exigences particulières de leur traitement englobe non seulement les besoins de formation, mais aussi les facteurs visés à la règle 12.
On constate depuis quelques années une évolution des idées qui avaient cours précédemment au sujet de la nécessité de séparer certaines catégories de détenus. La philosophie pénale ne réclame plus, aujourd’hui, la stricte séparation des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes ou des condamnés et des prévenus. On a donc assoupli ces règles en admettant qu’il y a avantage mutuel ou, du moins, qu’il ne saurait y avoir de risque, à autoriser certains contacts entres ces catégories de détenus. Ainsi, la stabilité qui peut résulter de la participation à des activités pénitentiaires avec des détenus plus âgés sera utile aux jeunes détenus dans certaines circonstances. Il ne sera éventuellement de même pour la participation d’hommes et de femmes au même programme de traitement. Il peut aussi être dd l’intérêt des prévenus, à qui le travail ou les autres activités pénitentiaires sont interdits ou limités, d’être admis à participer à celles offertes aux détenus condamnés.

12. Dans la plupart des systèmes pénitentiaires, l’objectif fondamental - affecter les détenus dans un établissement qui soit proche de leur domicile et qui convienne à leurs besoins en matière de traitement - est gêné dans certains cas par le risque d’un comportement potentiellement dangereux ou perturbateur. Cette règle a été réformée dans un sens plus positif. Elle introduit aussi la notion de modification de la répartition pour souligner la nécessité de suivre de très près le cas des détenus dont le traitement et l’affectation ont été influencés dans un sens défavorable par ce genre de considérations. Il est souhaitable qu’ils ne soient pas définitivement pénalisés par une première répartition et il faut leur faire comprendre qu’ils peuvent améliorer leur situation. L’idéal serait que classification et affectation dépendent du comportement observé et non d’un jugement a priori. Il y a inévitablement des cas, très difficiles, où les administrations pénitentiaires ont, au regard de l’intérêt public et de la sécurité du personnel, une nette responsabilité qui peut les conduire à pécher par excès de prudence même si c’est manifestement contraire au bien-être des détenus. C’est là l’argument essentiel qui milite en faveur d’une révision systématique des dossiers des détenus et, le cas échéant, d’un renvoi à une autorité supérieure.

13. Il va de soi que le résultat du traitement pénitentiaire dépendra pour beaucoup de locaux de détention et d’un matériel spécialement conçus pour ce traitement. Les réalités privent souvent l’administration pénitentiaire de ce luxe. La règle est importante en ce qu’elle souligne l’approche qui doit inspirer cette philosophie du traitement.

Locaux de détention

Les règles se préoccupent, à juste titre, des normes minimales garantissant aux détenus des conditions de vie humaines et décentes. Deux grandes idées sont à relever. La première est qu’il s’agit d’un domaine qui pose quelques problèmes à l’administration pénitentiaire dans les établissements où il y a trop de locaux anciens et parfois délabrés et / ou une forte augmentation de la population carcérale, avec l’encombrement qui en résulte, et où les locaux et les services de base ne suffisent donc plus à la demande. La seconde concerne l’influence des locaux sur l’ambiance carcérale avec tout ce que cela implique pour les fonctions du personnel, le traitement des détenus, la gestion et le moral. On prend aujourd’hui de plus en plus conscience de ces facteurs. Il n’en est pas moins nécessaire d’encourager les mesures visant à améliorer le cadre de vie dans les établissements les plus anciens en remettant les locaux à neuf et de tenir pleinement compte de ces facteurs lors de la conception de nouveaux bâtiments. Dans un cas comme dans l’autre, la plupart des administrations pénitentiaires européennes ont consacré des efforts et des ressources à cet aspect important de leurs responsabilités. En ce qui concerne ces règles, il faut définir au niveau local des modalités et des pratiques de gestion qui permettent de s’y conformer. Lorsqu’on traite du problème des locaux à ces niveaux, il ne faut jamais perdre de vue les impératifs de la gestion, la dimension humaine de la conception et de l’application des régimes et les grands facteurs sociaux. Les locaux doivent répondre aux normes définies par les règles, être conçu et gérés de manière à créer une ambiance propice à une attitude positive, chez le personnel et les détenus, à l’égard des objectifs de réinsertion sociale du traitement, favoriser au plan opérationnel la gestion et la sécurité des conditions de détention, et être socialement acceptables.
Il s’agit ici, inévitablement, d’approches à long terme, mais les impératifs par les règles ont un caractère plus immédiat et plus quotidien. Il faut voir dans les unes ou les autres deux aspects complémentaires d’une conception humaine et progressiste de la politique de logement des détenus, élément important des principes sur lesquels repose la règle 1.

14. Nous avons reconnu que les raisons historiques et la nécessité du fonctionnement faisaient inévitablement obstacle aux exigences de cette règle. Il a également été question des problèmes posés par la cohabitation. Il est indéniable que chaque détenu devrait, si possible, être logé, s’il le souhaite, dans une cellule individuelle. L’expérience montre aussi que certains détenus préfèrent partager une cellule et que d’autres, souffrant de tension nerveuse ou reconnus comme accusant des tendances suicidaires, pourraient avoir intérêt à cette solution. Il s’agit là d’un problème que toutes les administrations pénitentiaires doivent avoir constamment à l’esprit tant au niveau des principes qu’à celui de l’affectation des ressources. La référence dans la règle 14 à la cohabitation de détenus concerne également les locaux, cellule ou chambre, prévus ou adaptés pour loger deux ou davantage de détenus, pour des raisons de traitement ou de gestion. Lorsque la cohabitation est imposée par la nécessité ou qu’elle résulte de décisions opérationnelles il faut particulièrement veiller à mettre en place une surveillance appropriée et à informer correctement les intéressés. Des systèmes spéciaux de communication nocturnes sont souhaitables dans certaines situations. Il faut tenir dûment registre des cas de cohabitation imposés ou convenus, afin que cet aspect de la gestion pénitentiaire soit régulièrement et convenablement suivi aux niveaux administratif et opérationnel.

15. Comme on l’a dit, il est souhaitable d’édicter au niveau national des prescriptions types de façon à satisfaire à cette règle en tenant compte des conditions et usages locaux.

16. Il s’agit, là encore, d’une règle qui appelle des dispositions locales. Elle a été modifiée pour la rendre plus conforme aux réalités et pour prendre acte du fait que l’installation de système de climatisation dans les nouveaux locaux fait partie du progrès.

17. Il s’agit là d’une règle importante dont l’application a été freinée par l’insuffisance des installations sanitaires dans nombre de locaux anciens et surpeuplés des établissements pénitentiaires. Elle revêt une importance fondamentale pour la règle 1, son respect devant être absolument prioritaire dans les plans de modernisation de toutes les administrations pénitentiaires affectées par ce problème.

18. On peut appliquer à cette règle les considérations émises à propos de la règle 17. On a inséré dans le nouveau texte une référence au libre accès à tout moment jugé raisonnable pour reconnaître une tendance qui se développe à propos d’un aspect de la vie carcérale où il est possible d’encourager la responsabilité et le choix personnel dans l’intérêt du traitement et de la formation.

19. Bien que généralement reconnue comme étant essentiellement du ressort de la gestion pénitentiaire et comme revêtant une priorité élevée, cette règle suscite, dans certains cas, des difficultés. Il s’agit en l’occurrence des moyens affectés à l’entretien, de la responsabilité personnelle des détenus pour ce qui est de leurs cellules et des manifestations de protestation. On a supprimé dans l’ancienne règle ce qui en limitait la portée aux logements des détenus, en reconnaissant que l’intérêt et le moral d’un établissement pénitentiaire dépendent aussi du maintien du reste des bâtiments en bon état d’entretien et de propreté. Le personnel a, autant que les détenus, le droit de l’exiger pour ses lieux de travail et de détente. Dans l’intérêt général, la règle devra strictement s’appliquer à tous les locaux de l’établissement.

Hygiène personnelle

Encourager l’hygiène personnelle des détenus en leur offrant les arrangements et les moyens nécessaires doit constituer une priorité absolue car il s’agit d’une composante essentielle du traitement et de la formation.

20.-21. Les articles de toilette indispensables prévus par la règle devraient être gratuits et d’une variété et d’une qualité conformes aux usages locaux. Il faudrait, chaque fois que c’est possible, prévoir des services de coiffure et permettre aux détenus de compléter les articles de toilette en achetant ceux de leur choix. Pour leur toilette, les détenus devraient disposer, autant que possible, d’eau chaude et froide.

Vêtements et literie

La qualité et la propreté des vêtements et de la literie revêtent une importance capitale pour la dignité et l’amour-propre de tout individu. C’est également vrai en prison. C’est même là un aspect de la vie carcérale qui risque de prendre une dimension exagérée dans l’esprit de ceux qui n’ont fatalement qu’un éventail limité de choix. Le caractère insolite et l’uniformité des vêtements fournis par l’administration pour exacerber leur ressentiment. On a de plus en plus tendance à autoriser certaines catégories de détenus, par exemple les femmes, les prévenus et même parfois les condamnés, à porter leurs vêtements personnels. C’est là un point important au regard des conceptions modernes de la réinsertion sociale, selon lesquelles la normalité et la préservation de la personnalité sont essentielles à la réalisation de cet objectif. Lorsque cela n’est pas possible, pour des raisons de coût, de contrôle ou d’hygiène, les administrations pénitentiaires doivent veiller à la qualité et à la propreté es vêtements fournis et prévoir des systèmes efficaces et réguliers de rechange.

22. Que les vêtements portés par les détenus soient personnels ou qu’ils soient fournis par l’établissement, il faut que les directions reconnaissent une certaine priorité à leur fourniture, entretien et blanchissage. Il importe, en particulier, que les détenus qui travaillent à l’extérieur ou sont en contact avec la population à tout autre titre, par exemple pour suivre des cours donnés dans des établissements d’enseignement ou pour comparaître ne justice, ne soient pas vêtus d’uniformes reconnaissables.
Il faut, autant que possible, autoriser les détenus à porter des vêtements civils convenables pour les visites : le personnel doit, en tout cas, veiller à ce qu’ils portent, à cette occasion, des vêtements propres et en bon état. La bonne présentation des détenus est importante pour eux et pour leurs visiteurs. I lest impératif que, lorsqu’ils se trouvent en dehors de l’établissement, à l’occasion d’un congé pénitentiaire, pour travailler ou pour suivre des cours, ils soient habillés proprement et correctement. Il faut aussi, lorsqu’ils travaillent à l’intérieur, leur fournir des vêtements appropriés, compte tenu de la sécurité et de la nature des tâches effectuées.

23. Cette règle concerne les vêtements que les détenus portent ou apportent de l’extérieur. Au moment de l’admission, ils doivent être examinés, enregistrés et, s’il y a lieu, lavés ou nettoyés avant d’être rendus ou confisqués. Il faut prévoir un système automatique d’entretien en bon état des vêtements personnels confisqués, de façon à pouvoir les rendre ainsi à tout instant et au moment de la levée d’écrou.

24. le type de lit et de literie dont disposent les détenus variera en fonction du climat et des critères locaux habituels. La qualité, la propreté et l’entretien de la literie sont aussi important que ceux des vêtements. Lits et literie doivent présenter toute garantie contre l’incendie et être inspectés régulièrement dans le cadre normal de la gestion.

Alimentation

On ne saurait trop insister sur l’importance de l’alimentation pour une bonne santé générale et le moral des détenus. La nourriture et l’eau sont essentielles à la vie et elles présentent fatalement un grand intérêt pour des gens qui, du fait de leur emprisonnement, ne peuvent échapper à la monotonie des activités réglementées. La qualité de la nourriture, la façon dont elle est servie et présentée peuvent conditionner l’idée que se font les détenus de l’attention et du sérieux de la direction à leur égard. Il s’agit donc d’un élément déterminant pour leur attitude à l’égard de tout le processus de traitement et de formation. A l’inverse, une nourriture mauvaise et mal servie peut provoquer un grave mécontentement. Malheureusement, l’état de nombreux établissements surpeuplés ou dont les locaux et l’équipement culinaire sont vétustes empêche d’organiser correctement le service et la distribution de la nourriture. En tant qu’élément essentiel de la gestion d’un établissement, la restauration exige une attention particulière et doit assurer aux détenus un régime et des conditions aussi proches que possible de la qualité moyenne de la restauration collective extérieure.
Les directeurs des établissements pénitentiaires doivent être particulièrement attentifs à cet aspect de leurs responsabilités et s’assurer que les services de restauration répondent aux normes sanitaires et sont bénéfiques à l’ambiance générale de l’établissement.
Les systèmes de gestion et l’équipement modernes des cuisines permettent de mieux satisfaire les besoins de ceux qui exigent des régimes spéciaux pour des raisons de santé, de culture ou de religion, ou qui peuvent inopinément avoir besoin de repas à des heures inhabituelles. Les administrations pénitentiaires doivent s’enquérir et veiller à ce que, grâce au recrutement, à la formation et à l’inspection, le personnel pénitentiaire chargé de la restauration soit suffisamment compétent pour maintenir le niveau exigé.

25. Il faut, pour satisfaire à cette règle, prévoire des contacts adéquats avec les autorités sanitaires et la direction locale devra consulter régulièrement le personnel médical des établissements.

Services médiaux

Les services médicaux des établissements pénitentiaires doivent être assurés et organisés selon des critères qualitativement comparables à ceux de la collectivité en général. Ils sont particulièrement important en milieu carcéral car ils reflètent, à l’évidence, le degré d’humanité et de sollicitude du système pénitentiaire lui-même. Il faut maintenir à un haut niveau la qualité professionnelle et l’efficacité de ces services grâce à des critères de recrutement adéquats, à des cours de perfectionnement et à un contrôle régulier par les autorités administratives qui, normalement ou à juste titre, ne sont pas directement associées à l’essentiel des activités quotidiennes des services médicaux.
Il importe aussi, pour valoriser ces dernier, de consacrer des crédits de formation suffisants au personnel médical dans l’intérêt des soins thérapeutiques et infirmiers. Le médecin chef devra être directement chargés de promouvoir et de contrôler la formation du personnel médical et ses activités quotidiennes dans les hôpitaux et centres de consultation pénitentiaires. IL faudra aussi tire parti des équipements médicaux de la collectivité pour étendre la gamme des moyens spécialisés offerts aux détenus, ce qui va dans le sens des théories actuelles, favorables à une participation accrue des organismes extérieurs au traitement.
Les médecins pénitentiaires ont une responsabilité double et difficile. Ils sont, de toute évidence, responsables devant le directeur de la bonne exécution de leur mission. Ils ont aussi une obligation directe à l’égard des détenus qui sont leurs patients et en ce qui concerne la santé des détenus en général. Il n’est pas toujours facile de concilier ces rôles. Cela mis à part, les services médicaux pénitentiaires sont par excellence l’objet d’opinions philosophiques controversées touchant la nature des rapports entre le personnel médical, la direction de l’établissement et les détenus en leur qualité de patients dans un milieu réputé coercitif. Le débat englobe la question du traitement obligatoire ou volontaire et le droit de choisir son médecin. Il est impossible d’apporter à ces problèmes compliqués et parfois émotionnels une réponse qui fasse l’unanimité. Chaque société doit, avec son système pénitentiaire, décider de sa méthode. Il existe cependant des principes immuables et incontournables. Ils veulent que les médecins et leur personnel aient la responsabilité première des soins médicaux dispensés aux détenus qui leur sont confiés, que les actes et les décisions d’ordre thérapeutique s’appuient sur les conseils de spécialistes et soient uniquement dictés par le souci de la santé et du bien être des malades. Au niveau de la gestion et de l’administration de l’établissement pénitentiaire, toute décision administrative passant outre à une opinion médicale ou incompatible avec celle-ci devrait être signalée à l’instance supérieure et être susceptible de révision.

26. Il s’agit là d’une règle fondamentale pour la mise en place des services médicaux. La façon dont ils seront organisés variera selon la nature et la structure des services nationaux de santé et selon la taille et les besoins de chaque établissement. La grande idée qui inspire cette règle est celle de l’adéquation entre les services sanitaires de l’établissement et ceux de la collectivité, qu’il s’agisse du matériel et des moyens, du personnel médical ou de la gamme des traitements cliniques possibles. L’administration pénitentiaire devra s’assurer généralement que ce principe général est appliqué et en contrôler, par des inspections périodiques, la valeur et l’efficacité.

27. Dans sa finalité générale, cette règle, qui s’appuie de toute évidence sur des grands principes et, en définitive sur les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ne présente pas de difficultés. L’interdiction d’expériences se trouve d’ailleurs renforcée par les dispositions du droit interne. C’est au niveau de l’application que des problèmes peuvent surgir. De toute évidence, dans l’intérêt de recherches destinées à améliorer l’efficacité du traitement, il est parfois souhaitable de procéder à diverses expériences. On ne saurait cependant passer outre aux protections fondamentales garanties par cette règle. Quoi qu’il en soit, chaque fois qu’on envisage des expériences qui, manifestement, ne contreviennent pas à la règle, il est prudent d’exiger un minimum de garanties supplémentaires. Les expériences devraient être cautionnées par l’autorité compétente. Il faudrait que les détenus qui s’y prêtent le fassent de leur plein gré, qu’ils donnent leur consentement par écrit et qu’ils puissent, à tout moment, s’en retirer. Les détenus ne devraient jamais être utilisés comme sujets d’expérimentation pour la simple raison que leur situation rend la chose commode. Ils ne devraient jamais non plus être mis dans une position où le refus d’accepter des propositions d’expériences serait critiqué ou leur ferait perdre des privilèges ou des avantages. Il faudrait, en outre, que les autorités administratives contrôlent et évaluent régulièrement les expériences afin de s’assurer que la règle en question est bien observée.

28. La première exigence de cette règle, celle qui concerne l’accouchement à l’extérieur, ne paraît pas soulever, dans la pratique, de difficultés particulières et elle est généralement appliquée. Lorsque la population pénitentiaire féminine est réduite en nombre, il est souhaitable du point de vue de la gestion, de prendre des arrangements pour les accouchements et les soins post-natals avec les établissements médicaux extérieurs. La seconde, en revanche, est une règle d’ordre médical dont les modalités d’application varieront selon les pays et selon les situations. Il n’y a pas, et il ne saurait y avoir convergence des points de vue car les opinions, l’expérience et les attitudes locales conditionnent la situation en ce qui concerne la durée de la période pendant laquelle et l’âge jusqu’auquel il est indispensable que la mère et l’enfant vivent ensemble. Dans bien des cas, la situation dépend des moyens disponibles. Dans d’autres cas, l’état de santé de la mère ou de l’enfant constitue le facteur déterminant. Que les moyens et les autres considérations autorisent un choix ou non, la préoccupation majeure doit être le bien-être, dans l’immédiat comme à terme, de l’enfant et de la mère. Quel que soit le point de vue adopté en ce qui concerne l’âge auquel la séparation doit avoir lieu et les conditions dans lesquelles la mère peut, en prison, nourrir son enfant, le soigner et développer ses liens personnels avec lui, il faut définir des priorités pour que tout se passe bien. Il faut prévoir une surveillance adéquate et sélectionner et former le personnel à cet effet. Les prestations médicales devront être conçues, fournies et gérées selon les normes les plus élevées.
La solution la plus rationnelle serait que les règles régissant de telles situations, qu’il s’agisse de la mère ou de l’enfant, soient clairement définies et comprises. En d’autres termes, il faut préciser ce qui doit être interdit mais laisser au médecin une marge de manœuvre qui lui permette de faire face à la situation sur le plan pratique. Tout doit être mis en œuvre pour créer un environnement qui corresponde à la bonne moyenne des conditions qui existent à l’extérieur, en ce qui concerne l’installation de la mère et de l’enfant ; mais le médecin et le personnel doivent être plus vigilants qu’ils ne le seraient à l’extérieur.
Lorsque les circonstances le permettent et que des considérations de traitement semblent l’indiquer, il faudrait avoir recours aux crèches et à d’autres facilités situées à l’extérieur pour permettre à la mère et / ou à l’enfant d’en profiter. Le paragraphe 2 de la règle 28 ne vise que la situation des femmes emprisonnées avec leurs enfants. Il faut bien se dire alors que l’expérience montre que des rapports affectueux entre la mère et l’enfant, surtout pendant les premiers mois, sont importants pour le développement et le bien-être futur de l’intéressé. Jusqu’au moment de la séparation, quel que soit l’âge où elle intervient, la direction de l’établissement se doit de faire son possible pour assurer dans des conditions normales la santé, la croissance et le développement social, affectif et intellectuel de l’enfant, et pour soutenir la mère dans cette expérience traumatisante.

29. Les exigences d’ordre administratif et médical figurant dans cette règle sont à l’évidence légitimes et raisonnables. Elles sont satisfaites dans la plupart des cas, mais il semble que les périodes d’emprisonnement très courtes suscitent quelque difficulté. Une autre question qui se pose dans la pratique est de savoir si l’on peut confier les dépistages ou les enquêtes médicales à d’autres membres du personnel que le médecin dans les établissements où le niveau général des soins et services médicaux est suffisamment élevé pour le justifier. C’est en principe au directeur et au médecin qu’il incombe de veiller au respect de cette règle, qui ne saurait souffrir d’exception.

30. Cette règle précise les responsabilités du médecin dans son activité professionnelle et à l’égard de la direction à qui confiée la responsabilité générale de l’établissement et des détenus qui s’y trouvent. Il faut voir dans la référence aux normes hospitalières l’exigence, dans l’ordre médical, de soins et d’attentions comparables à ce qui se fait ordinairement à l’extérieur.

31. Chacune de ses dispositions semblant avoir suscité dans la pratique des difficultés, cette règle n’était pas universellement appliquée. Un avis médical autorisé n’en apparaît pas moins nécessaire dans chaque cas. On a donc, pour promouvoir les objectifs visés, modifié son libellé en faisant référence à une autorité compétente, la responsabilité exclusive des inspections et des conseils cessant d’incomber au seul médecin. Il n’y est plus question non plus de l’éducation physique et sportive, traitée dans les règles concernant les systèmes.
Le second paragraphe de la règle, élément essentiel pour une bonne gestion des établissements pénitentiaires, insiste comme il convient sur le partage des attributions et des responsabilités en la matière.

32. On a modifié la règle pour parler de soins dispensés dans les hôpitaux, ce qui est une façon de les rappeler et d’encourager les services médicaux des prisons à y recourir davantage pour la réinsertion des détenus en ce qui concerne leurs besoins physiques ou psychiatriques. Sont également concernées tant la contribution d’un traitement médical commencé avant l’emprisonnement que celle d’un traitement médical commencé avant l’emprisonnement que celle d’un traitement débuté en détention et qui devrait être poursuivi après sa libération. Les besoins socio-médicaux des drogués, en particulier, devraient être pris en considération.

Discipline et punition

Le maintien de la discipline et les punitions sont parmi les aspects les plus sensibles, et donc les plus importants, de la gestion pénitentiaire. Il s’agit d’un domaine où il faut, à travers une politique humanitaire et réaliste, des normes professionnelles élevées et une formation spéciale, veiller au bien-fondé et à l’équité des contraintes et des sanctions nécessaires. Des systèmes de sanctions justes et efficaces sont nécessaires au respect des grands principes et répondent à l’intérêt de la société, du personnel pénitentiaire et des détenus eux-mêmes. Une prise en main et une discipline adéquates en ce qui concerne le comportement individuel et les activités collectives sont nécessaires au traitement, l’un des grands objectifs de l’emprisonnement. En outre, la société est en droit d’attendre que l’établissement pénitentiaire soit géré dans la discipline, dont dépend d’ailleurs l’exécution par le personnel de ses fonctions de surveillance et de traitement dans des conditions de sécurité et d’efficacité. Néanmoins, la discipline pour la discipline n’est pas l’un des objectifs de la gestion. Celle-ci implique nécessairement la création d’un environnement pénitentiaire. Parmi ses composantes essentielles, il y a l’obligation d’assurer le statut et la dignité qui conviennent aux détenus et de garantir le respect de la loyauté. Les nouvelles règles envisagent donc les usages et procédures disciplinaires non pas comme des mesures totalement répressives ou coercitives dans un sens négatif, mais comme des dispositions ayant des aspects positifs dans leur finalité et leur application.

33. On a élargi cette règle pour y faire une place aux idées générales et positives énoncées dans le préambule du présent chapitre.

34. Sans doute est-il superflu de souligner l’intérêt de la première partie de cette règle. Elle est cependant d’application universelle, et l’expérience montre qu’elle est indispensable à la crédibilité des codes et procédures disciplinaires.
La seconde partie de la règle ne considère pas les détenus sous l’angle disciplinaire ; Elle vise à souligner que le strict respect de la première partie ne doit pas les empêcher de participer en prison à des activités collectives dûment autorisées. Les détenus peuvent, à l’occasion de certaines d’entre elles, être amenés à jouer un rôle dirigeant et à exercer une certaine autorité dans un sens favorable à l’activité en question, à l’épanouissement personnel ou au traitement. C’est là un domaine des activités pénitentiaires dont on peut tirer un excellent parti en faisant preuve d’imagination. Il importe toutefois d’organiser et de surveiller ces activités en veillant à leur conformité aux objectifs du régime pénitentiaire et à l’impératif fondamental d’une vie collective ordonnée, préoccupation majeure de ce chapitre des règles.

34. Cette règle définit le cadre essentiel des dispositions disciplinaires dans les établissements pénitentiaires. C’est ainsi qu’elle souligne la primauté du fondement juridique et la compétence formelle de l’autorité administrative ainsi que la nécessité d’assigné des limites aux sanctions.
La nouvelle disposition important de cette règle est celle qui prévoit l’autorité à saisir pour faire appel et la procédure à suivre en la matière. L’expérience des dernières décennies montre qu’en raison des problèmes inhérents à la mise en place d’un système disciplinaire équitable et efficace, surtout dans les établissements surpeuplés et où les détenus ne se trouvent parfois que pour de brefs séjours, des garanties supplémentaires sont nécessaires. Lorsqu’il est impossible de se prononcer sur des infractions disciplinaires avec un degré satisfaisant de formalisme juridique, en assurant par exemple l’assistance d’un avocat, il peut être nécessaire ou souhaitable d’offrir certaines possibilités de recours afin de montrer que la justice a bien été rendue pour des infractions dont l’auteur est passible de lourdes sanctions. La question revêt une grande complexité et elle est, à bien des égards, éminemment sujette à controverse. Elle implique certainement un très grand nombre de difficultés pratiques et de conséquences sur le plan des moyens. La règle a donc pour objet d’encourager les administrations pénitentiaires à étudier leur propre système disciplinaire et son fondement juridique de façon à offrir et à définir une procédure d’appel appropriée. Dans certains cas, cette procédure existe déjà dans le cadre du système juridique, dans d’autres elle intéresse les instances administratives. Quelle que soit la manière dont on l’aborde, cette nouvelle disposition doit être considérée comme le complément indispensable de celles qui régissent la compétence dont jouit l’autorité administrative pour définir une infraction et infliger la sanction appropriée.
Il faut aussi, et c’est là un délai important, voir dans la règle 35.b l’interdiction implicite des sanctions de durée indéterminée, même lorsqu’elles sont susceptibles de recours.

35. Cette règle définit des critères complémentaires pour l’administration des systèmes disciplinaires en prison. Ils sont en pratique largement observés et, en dehors des cas où le manque de moyens ou des questions de procédure constituent un obstacle, ne donnent pas lieu à de graves difficultés.

36. Cette règle a un caractère absolu ; toute dérogation constituerait une violation de la règle 1 et porterait atteinte à l’esprit d’humanité et de justice qui doit animer les présentes règles.

37. La règle 38 peut susciter un certain nombre de difficultés d’ordre déontologie et pratique. Toutefois, la discipline et les sanctions disciplinaires sous une forme ou un autre sont, à l’évidence, inhérentes aux établissements pénitentiaires. Des principes sont définis dans les règles ; l’expérience et la compétence professionnelles de l’encadrement doivent assurer l’équilibre pratique et moral qu’exige l’application de cette règle.

Moyens de contrainte

Le recours à un tel matériel pour maîtriser les détenus est moralement contraire à un comportement civilisé. Il faut donc en réglementer strictement l’usage et, si possible, l’éviter. Il est cependant des cas où il est nécessaire de recourir à la contrainte physique à l’aide d’appareils ou d’instruments spécialement conçus pour empêcher les détenus en question ou le personnel de subir des préjudices corporels et pour se prémunir contre les évasions ou les dégâts inadmissibles. Les présentes règles visent à fixer les limites à l’intérieur desquelles ces moyens de contrainte peuvent être raisonnablement employés.

39. Cette règle précise les instruments permis ou interdits et les circonstances dans lesquelles l’emploi en est autorisé. Elle tente de renforcer la surveillance médicale et de reconnaître qu’il y a des cas, lors d’une procédure judiciaire ou administrative, où une certaine contrainte est nécessaire. L’autorisation d’y recourir doit alors émaner du tribunal ou de l’autorité administrative concernée.

40. Cette règle voudrait que l’autorisation découle en définitive de la loi ou des règlements et ne soit pas laissée à la discrétion de l’administration pénitentiaire.

Information et droit de plainte des détenus

On peut améliorer le fonctionnement d’un établissement pénitentiaire par une information suffisante et une procédure qui permette d’instruire rapidement et équitablement les requêtes ou les plaintes des détenus. Les deux fonctions sont à considérer comme complémentaires, une bonne information pouvant contribuer à réduire le nombre de requêtes et de plaintes. Le personnel pénitentiaire doit être formé et encouragé à compléter les informations écrites fournies aux détenus et veiller à ce qu’ils en tirent pleinement parti. Il peut ainsi contribuer à une meilleure ambiance et améliorer ses rapports avec les détenus dans un sens favorable au traitement. La direction de l’établissement doit accorder une certaine priorité à cet aspect de ses responsabilités et réviser périodiquement les documents d’information pour en garantir l’efficacité et faire en sorte que leur conception répondre aux besoins du moment.

41. Il faut que les détenus puissent avoir accès dès leur admission aux informations qui leur sont nécessaires. S’il n’est pas possible de fournir à chacun d’eux un manuel individuel les contenant, des notices doivent être mises à leur disposition aux points d’admission et signalées à leur attention par le personnel chargé de les accueillir dans l’établissement. La deuxième partie de la règle insiste sur la nécessité d’aider les détenus ayant des difficultés à comprendre les informations fournies.

42. Les modalités de la présentation de requêtes ou de plaintes aux autorités compétentes varient en fonction de la situation nationale et locale. Les principes immuables doivent être que le système soit d’un accès facile, compris par tous les détenus et qu’il fonctionne efficacement et avec la célérité qui convient.

Contacts avec le monde extérieur

La philosophie sous-jacente à ce chapitre des règles est traitée plus en détail dans la partie consacrée aux objectifs du traitement, car les contacts jouent à cet égard un rôle déterminant. Certaines catégories de contacts appellent une réglementation de la part de la direction. C’est pour cette raison, mais plus encore pour souligner le devoir des responsables des établissements pénitentiaires de renforcer ces contacts, que certaines des dispositions y afférentes figurent dans cette partie-ci. Toutes les dispositions traitées dans le présent chapitre doivent être considérées par les cadres des établissements pénitentiaires comme un élément de leur fonctionnement et comme un aspect déterminant de tout leur système d’information et de communication. Les contacts avec les familles et les informations sur la vie à l’extérieur sont essentiels pour les objectifs des systèmes pénitentiaires modernes et progressistes soucieux d’atténuer les effets de l’internement et d’optimiser les chances de réinsertion sociale. Toutefois, au sens où ces dispositions sont décrites ici, il s’agit davantage d’une question de style et de mode de gestion efficaces et rationnels que de philosophie.

44. Les visites rendues par les familles aux détenus ou les modalités de congés pénitentiaires et la possibilité d’en obtenir méritent une priorité élevée dans l’affectation des ressources et le programme des activités quotidiennes. Les congés pénitentiaires sont particulièrement importants pour renforcer les liens familiaux et pour la réinsertion sociale des détenus. Ils contribuent aussi à améliorer l’ambiance générale et à humaniser les prisons, et devraient être accordés aussi largement que possible, qu’il s’agisse d’établissements fermés ou ouverts. Il est important que la politique adoptée en la matière soit mise en œuvre en collaboration étroite avec le personnel et les organismes extérieurs, de façon à permettre une meilleure compréhension de ses objectifs et à accroître son efficacité dans le cadre du système de traitement. Dans la mesure du possible, les visites en prison devraient être sans supervision, du moins, faire l’objet d’une surveillance uniquement visuelle. Au cas où il serait jugé nécessaire d’écouter la conversation, il faudrait obtenir l’accord de l’autorité compétente.

45. On a renforcé le libellé de cette règle pour souligner la nécessité d’accorder la priorité voulue aux besoins des détenus d’origine étrangère. Les possibilités accrues de voyager à l’étranger et, grâce aux conventions internationales, d’y travailler, renforcent l’actualité et l’acuité du problème. Plusieurs règles insistent également sur les besoins particuliers des détenus étrangers. IL faudrait mettre ceux-ci à même de consulter une liste des ambassades et des consulats pouvant les aider à communiquer avec leurs représentants diplomatiques et consulaires.

46. Les conditions fixées par cette règle pour souligner la nécessité d’accorder la priorité voulue aux besoins des détenus d’origine étrangère. Les possibilités accrues de voyager à l’étranger et, grâce aux conventions internationales, d’y travailler, renforcent l’actualité et l’acuité du problème. Plusieurs autres règles insistent également sur les besoins particuliers des détenus étrangers. Il faudrait mettre ceux-ci à même de consulter une liste des ambassades et des consulats pouvant les aider à communiquer avec leurs représentants diplomatiques et consulaires.
La valeur du matériel de radio et de télévision, si l’emploi en est dûment réglementé, n’a plus à être démontrée : mais il faut considérer l’intérêt de la collectivité pénitentiaire dans son ensemble lorsqu’on envisage les limites de l’usage individuel. En ce qui concerne les publications, la législation et les usages qui en régissent la diffusion et la possession à l’extérieur doivent inspirer la politique de la direction. Certaines restrictions peuvent cependant s’avérer nécessaires pour des raisons de sécurité ou de surveillance. Dans la mesure du possible, les publications telles que journaux et périodiques devraient être fournies par les autorités pénitentiaires.

Assistance religieuse et morale

Les règles en question sont conformes à l’optique de l’administration pénitentiaire qui reconnaît traditionnellement l’importance de l’enseignement de la pratique de la religion dans la vie carcérale et pour les besoins personnels des détenus. En prison, comme à l’extérieur, le statut et la fonction de la religion ainsi que le rôle joué par les ministres du culte ont évolué en réaction aux contraintes et aux changements de comportement de la société moderne. On y voit encore un élément essentiel des libertés et des formes d’assistance qui font depuis longtemps partie intégrante de la vie carcérale. Aux termes de ces règles, les administrations pénitentiaires sont tenues de veiller à ce que la vie religieuse de la communauté pénitentiaire et de chaque détenu se déroule dans la liberté et la dignité à l’intérieur des limites imposées par les ressources et la dignité à l’intérieur des limites imposées par les ressources et la marche normale des établissements. Ces règles n’ont donc pas subi de grandes modifications, mais la règle 47, paragraphe 3, notamment, a été précisée.

47. Cette règle ne présentait pas de difficultés d’ordre pratique, mais on en a étendu la portée aux ouvrages qui ne revêtent pas toujours la forme de livres.

48. La règle est suffisamment explicite et n’appelle pas de commentaire puisqu’il est dit que le détenu a la liberté de choix en ce qui concerne les visites de ministres de culte. Il n’en est pas moins utile et opportun de souligner que l’assistance religieuse visée par cette règle appartient à la catégorie des contacts avec le monde extérieur que les administrations pénitentiaires se doivent d’intensifier.

Dépôt des objets appartenant aux détenus

Les objets appartenant au détenu sont une marque reconnaissable de son identité, surtout dans les circonstances de l’incarcération où son statut et sa personnalité tendent à s’estomper. C’est là un aspect des sentiments personnels du détenu auquel les agents et l’administration pénitentiaire doivent être attentifs quand ils manipulent des objets qui lui appartiennent, aussi modestes soient-ils.

49. Il résulte des considérations qui précèdent que les mesures visées par cette règle doivent être prises avec discernement et compréhension. C’est particulièrement vrai en cas de confiscation ou de destruction d’objets appartenant à un détenu. Il s’agit d’une question de gestion pénitentiaire où les techniques modernes peuvent à la fois faciliter la procédure et permettre de la personnaliser dans un sens positif, par exemple en fournissant au détenu la liste de ses objets personnels pour qu’il la conserve et puisse s’y référer. Les détenus devraient toujours être informés de la décision de détruire ou de confisquer leurs biens ainsi que des motifs d’une telle mesure. Il faut également les informer des règles ou règlements nationaux concernant les articles tels que les objets de valeur, l’argent, les médicaments et les drogues. Naturellement, ils doivent disposer de procédures de requête et de réclamation à propos de leurs objets personnels, et il faut les informer dès leur admission.

Notification de décès, maladie, transfèrement, etc. 

Toutes ces situations risquant d’être particulièrement pénibles pour les personnes en prison, il faut faire preuve, lorsqu’elles se produisent, d’un maximum de doigté et de compassion. La façon dont on y fait face est considérée à juste titre par les détenus, leurs familles et la collectivité comme la marque du sérieux et des préoccupations de l’administration pénitentiaire. Cet aspect est également important pour l’attitude et le rôle du personnel.

50. Les procédures administratives qu’implique le respect de cette règle risquent d’êtres lourdes, voire coûteuses. Cependant, pour les motifs indiqués ci-dessus et pour des raisons d’efficacité, il faut leur accorder une priorité élevée et dispenser à cet effet une formation spéciale au personnel susceptible d’en être chargé.

Transport des détenus

Les entrées et sorties des détenus des établissements et les transports entre établissements sont plus fréquents qu’on ne les pense généralement. Aussi faut-il prévoir une règle exigeant que ces opérations s’effectuent avec des garanties suffisantes pour le public et le personnel et dans la dignité et un confort raisonnable pour les détenus.

51. Cette règle doit être appliquée, que le transfèrement ou le transport des détenus soit effectué par le personnel pénitentiaire ou par des agents d’une autre administration (par exemple, la police).

TROISIEME PARTIE

Personnel

Les administrations pénitentiaires reconnaissent de plus en plus l’importance des tâches du personnel des différents grades et spécialités pour la gestion et le traitement. En outre, les régimes plus libéraux des systèmes pénitentiaires modernes qui permettent aux détenus d’avoir plus de contacts en dehors des cellules ont eu des répercussions sur le personnel. Il faut un meilleur travail d’équipe et le personnel a besoin de mieux comprendre les objectifs du traitement et son rôle particulier à cet égard. Cela implique un changement d’attitude et de fonction. Aussi ces règles insistent-elles davantage sur les fonctions et le statut des agents pénitentiaires. Il s’agit aussi de les amener à s’inspirer davantage des règles comme d’un cadre pratique et théorique destiné à orienter leurs activités professionnelles.
Le recrutement de gens compétents ainsi que leur formation et leur perfectionnement pour qu’ils acquièrent les qualifications qu’on attend du personnel pénitentiaire doivent constituer un objectif éminemment prioritaire pour les administrations. Cet objectif sera beaucoup plus aisément atteint si l’on considère que les tâches de tous les agents sont utiles, pénibles, mais aussi enrichissantes sur le plan personnel et professionnel. Liée à la nature intrinsèque du travail lui-même, l’image de marque des services pénitentiaires est celle d’une administration sociale présentant de l’intérêt et de la valeur pour la société. Ce sont des critères qui déterminent l’estime dans laquelle l’opinion publique tient les services pénitentiaires et donc leur attrait pour les gens valables qui envisagent une carrière dans le domaine social. Les administrations pénitentiaires doivent donc s’efforcer d’informer le grand public des activités de leurs services en en soulignant l’important rôle social.
La recherche de ces objectifs généraux doit aller de pair avec des relations professionnelles constructives et efficaces. Cette troisième partie entend fixer des normes minimales embrassant tous les aspects de la politique du personnel et compatibles avec la philosophie générale des règles, notamment en ce qui concerne les habitudes de gestion et le traitement. Les occasions d’effectuer un travail utile et la complexité de ses problèmes font de l’univers pénitentiaire un champ d’expérience où la coopération entre la direction et le personnel peut réussir grâce à des aspirations communes. Les règles fournissent le cadre déontologique dans lequel on doit poursuivre ce but en même temps que les objectifs pratiques qui devraient guider la conception tant des tâches de gestion que des travaux quotidiens.

52. Cette règle consacre le rôle capital du personnel dans la bonne gestion des établissements et insiste sur la priorité que l’administration doit donner aux règles qui le concernent.

53. Cette règle entend mettre l’accent sur la nécessité de tirer parti du personnel à travers une gestion efficace, par toutes les méthodes susceptibles d’accroître sa qualité, son efficacité et sa satisfaction professionnelle. Il ne faut pas simplement voir dans la formation un moyen d’améliorer les connaissances et les compétences professionnelles, aussi importantes soient-elles. C’est aussi un moyen d’accroître le dévouement et l’esprit de corps, éléments indispensables d’un service social chargé de servir la collectivité et de s’occuper d’individus dans des circonstances pénibles avec toutes les frustrations et déceptions inséparables de ce devoir.

54. Il ne suffit pas d’offrir un service purement passif qu’on activerait en période de crise. Bien qu’il faille décider avec prudence de l’ampleur et de l’intensité d’une action de relations publiques, celle-ci doit être importante en même temps que cohérente. Elle doit revêtir la forme d’un programme continu à long terme qui permette au public d’être renseigné sur l’essentiel, surtout lorsque l’information présente une valeur et un intérêt. Il faut, parallèlement, apprendre aux différentes catégories de personnel à s’acquitter de leurs tâches de « relations publiques » de façon à amener la population à comprendre et à soutenir l’action des services pénitentiaires. Les exigences et les besoins varient selon l’époque et le lieu. Toutefois, les idées forces d’une politique de relations publiques, si diverses soient-elles, doivent être celles énoncées dans cette règle. Les mots clés d’une politique de relations publiques sont la crédibilité, ma compréhension, la créativité et la continuité. Le personnel y a un rôle important à jouer et beaucoup à gagner à sa réussite.

55. On est en droit d’espérer qu’il sera dûment tenu compte des exigences de cette règle dans les politiques de recrutement et de sélection des administrations pénitentiaires. Il serait bon aussi d’attirer l’attention du personnel responsable de ces politiques et de leurs modalités de mise en œuvre sur les règles concernant le personnel, et notamment sur la règle 54.

56. Cette règle entend surtout souligner l’importance de la valorisation et du maintien des compétences professionnelles pour le personnel en général et pour chaque agent en particulier. Les conditions énoncées aux deux premiers paragraphes sont en général observées dans la plupart des systèmes pénitentiaires ainsi que dans leurs programmes de formation. Ce fait ne devrait pas faire obstacle à des conceptions novatrices et au développement créatif de ces programmes par la prise en compte des observations et des techniques les plus récentes, ni à l’adaptation des programmes de façon à répondre à l’évolution des conditions de travail en milieu carcéral. Les programmes de formation s’étioleront s’ils sont statistiques. Au contraire, une stratégie de formation évolutive et dynamique agira comme un stimulant tant sur le personnel de formation que sur ceux qui suivent son enseignement.
On a ajouté un troisième paragraphe pour inclure dans la formation du personnel une dimension extérieure, appelée à prendre de plus en plus importance pour l’administration pénitentiaire, si celle-ci entend rester à l’écoute des problèmes sociaux. Il ne serait pas mauvais d’y inclure la formation et les études à l’université et dans d’autres établissements extérieurs, les échanges de visites avec du personnel d’autres pays et la possibilité d’apprendre quels sont les rôles et le fonctionnement des autres services sociaux. Le quatrième paragraphe reconnaît la nécessité de familiariser le personnel avec le contenu et la philosophie des règles pénitentiaires européennes ainsi qu’avec la Convention européenne des Droits de l’Homme dont l’influence commence à marquer l’administration pénitentiaire. La place faite à ces deux importants instruments européens dans les programmes de formation devrait non seulement assurer des informations et des conseils pertinents mais aussi élargir leur action au domaine général de la politique pénale et sociale.

57. Il est essentiel, dans toutes les situations où s’exercent autorité et responsabilité, de reconnaître que le bon exemple et le respect constituent des éléments de motivation primordiaux pour améliorer les résultats obtenus par les intéressés, qu’il s’agisse des gestionnaires ou des personnes qui leur sont confiées. C’est une question de style de gestion et un précepte qui s’applique aux objectifs de la formation.

58. Depuis quelques années, l’un des caractères de la gestion et des systèmes pénitentiaires consiste à faire davantage appel à des spécialistes, à plein temps, à temps partiel ou en tant qu’agents extérieurs. La formule s’étant révélée bénéfique, il faut l’encourager dans le sens indiqué par cette règle. Il faut veiller à ce que le développement des services spécialisés ne dévalorise pas le rôle du personnel de base et encourage celui-ci à collaborer avec les spécialistes dans la mesure où c’est possible et efficace.

59. On a modifié le libellé de cette règle pour souligner le statut professionnel des directeurs d’établissement. Elle reconnaît aussi que, dans le monde moderne, avec le progrès des communications et l’évolution du contexte social, il n’est plus nécessaire d’exiger que les directeurs résident dans l’établissement ou à proximité.

60. Il s’agit d’une règle très utile qui, eu égard aux formes modernes de gestion et à la complexité croissante des méthodes et des systèmes de fonctionnement, est devenue encore plus importante. Il existe cependant, au niveau de l’application et des moyens, des difficultés qui exigent un éventail de solutions de façon à pouvoir faire face à des solutions diverses. On y parvient généralement grâce à une situation organisationnelle des procédures de consultation, un certain style de gestion et le recours aux techniques modernes.

61. Cette règle insiste à nouveau sur la satisfaction des besoins particuliers des détenus ayant des difficultés linguistiques.

62. On a modifié cette règle pour souligner la nécessité des soins médicaux compétents offerts à tout moment et pour reconnaître que, dans certains cas, un service de santé extérieur est le mieux à même de les dispenser. On a aussi abandonné l’obligation de résider à proximité de l’établissement (voir aussi règle 58).

62. Le nouveau libellé de cette règle met l’accent sur la volonté d’encourager l’emploi, à tous les niveaux, de personnel des deux sexes comme une caractéristique normale de la gestion moderne qui présente, en outre, des avantages dans le cadre du traitement.

63. On a légèrement renforcé cette règle. Bien qu’il eût été inopportun d’en faire une norme, il est néanmoins souhaitable que les règlements et la formation pénitentiaires rappellent avec insistance qu’on ne doit normalement recourir à la force que sur autorisation expresse et conformément aux règles. Il est cependant, s’agissant des établissements pénitentiaires, des cas d’urgence où le recours à la force est nécessaire sans qu’il soit possible d’obtenir à temps une autorisation expresse pour faire face à la situation. Il faut alors respecter le paragraphe 1 de la règle et il serait bon que l’administration pénitentiaire exige du directeur de l’établissement concerné un rapport écrit sur l’incident.

QUATRIEME PARTIE

Objectifs du traitement et régimes

Les parties précédentes du présent rapport explicatif contenaient des dispositions ayant essentiellement pour but d’aider à accomplir les tâches qu’impliquent les objectifs de traitement et les systèmes de formation. Les règles de cette partie-ci reflèteront une philosophie moderne du traitement, la lumière de l’expérience tirée d’un passé récent et exposeront les principaux éléments de systèmes novateurs et efficaces. On ne cesse de repenser et de remettre en cause la philosophie du traitement, selon les résultats des recherches et l’évolution des problèmes de la formation et de la réinsertion sociale. On a, de ce fait, de plus en plus tendance à considérer que toute l’expérience acquise en matière de traitement et la conception des moyens de formation acquièrent une dimension nouvelle face aux objectifs. L’expérience a montré que le traitement et la formation en tant que tels n’entraînent pas toujours les résultats qui sont attendus, étant donné que les principales conditions préalables pour que le traitement réussisse dépendent de la volonté et de l’énergie des détenus eux-mêmes et du degré de coopération entre la prison et la société extérieure. Encore plus importante est l’idée d’inculquer aux détenus des attitudes et des compétences, si rudimentaires soient-elles, qui leur permettent d’affronter leur liberté retrouvée et de mener une vie normale à l’extérieur. En même temps, et cela est important, le traitement vise aussi à atténuer au maximum l’influence néfaste de l’emprisonnement sur la personnalité et le comportement social des détenus, et à poursuivre concurremment ces deux objectifs prioritaires en augmentant la participation des détenus à la vie de leur famille et de la communauté, en intégrant ou en associant des services extérieurs à la gestion de l’établissement et à la promotion des régimes. Ces formules mettent durement à contribution la direction des établissements et le personnel chargé des détenus. La direction doit fournir les équipements et le cadre structurel et concevoir l’environnement qui convienne par son style et sa finalité. Le personnel doit faire montre de la confiance et de la souplesse voulues pour travailler avec d’autres administrations et pour combiner harmonieusement la discipline et la sécurité de l’établissement, d’une part, et l’optimisation des contacts avec le monde extérieur, d’autre part. Des régimes novateurs et progressifs, enrichis par la participation des familles et de la collectivité, n’impliquent pas le moindre relâchement de la discipline et de la sécurité nécessaires, prioritaires aux yeux de l’administration pénitentiaire. Il faut bien se dire au contraire que ces méthodes et ce style modernes ne peuvent se concevoir que dans des établissements bien gérés et fermement tenus en main. La dualité de ces tâches illustre clairement l’imbrication des problèmes et objectifs pénitentiaires et les difficultés inhérentes à la gestion et aux fonctions du personnel. Il s’agit là d’un défi incontournable. Même ces règles pénitentiaires, qui sont des règles minima, ne sauraient garantir que ces objectifs soient atteints. Elles offrent, cependant, une solide base à cette fin.
Dans ce chapitre, plusieurs règles concernent d’abord le traitement en général (règles 64 à 70). Les règles qui suivent concernent des domaines spécifiques et généraux de la vie en prison, à savoir le travail, l’instruction, l’éducation physique et la préparation à la libération.

64. Le contenu de cette règle lui vaut, à juste titre, une place prioritaire dans la quatrième partie. Son libellé reconnaît les impératifs de gestion qu’impose la bonne marche d’un établissement pénitentiaire. En même temps que les règles 65 et 66, la règle 64 énonce les critères fondamentaux de la méthode exposée dans l’introduction à cette quatrième partie.

65. Cette règle met l’accent sur les objectifs des systèmes de traitement et de formation sous l’angle des obligations qui incombent aux administrations pénitentiaires et des besoins des détenus. Elle indique les grands axes de l’élaboration des stratégies et des systèmes nécessaires pour concilier le rôle des établissements pénitentiaires en tant qu’instruments de contrôle social et les exigences d’une formation axée sur la future libération.

66. La règle 66 décrit les modalités de mise en œuvre des approches décrites ci-dessus. C’est ainsi qu’on envisage, dans la perspective de la vie en liberté, un large éventail de possibilités de formation à travers un traitement individualisé dans la mesure où les ressources de l’établissement et le genre de peine infligée au détenu le permettent. On souligne spécialement la valeur des entretiens avec les détenus au sujet de leurs programmes individuels de formation et celle d’une ambiance générale favorable à de bonnes relations entre les détenus et le personnel. Il s’agit, contacts des détenus avec les codétenus, le personnel et le monde extérieur, de façon à éliminer l’impression d’isolement qu’entraîne inévitablement la détention et à susciter des relations propices à une réinsertion sociale naturelle et en douceur à l’expiration de la peine.

67. Les deux premiers paragraphes de cette règle sont, en général, un fait acquis dans la pratique et la gestion pénitentiaires en Europe, seuls le manque de moyens et la surpopulation pouvant y faire obstacle. On a ajouté le paragraphe 3 pour mettre en exergue - en leur conférant l’autorité de la règle écrite - les réclamations du comité restreint du Conseil de l’Europe qui a étudié les problèmes des détenus dangereux ou étrangers. Les problèmes qui se posent alors peuvent être aggravés par un sentiment d’isolement dans le cas des détenus dangereux. Les premiers ont presque inévitablement peu de rapports, ou des rapports difficiles, avec le personnel et les autres détenus. Les seconds sont souvent handicapés par la langue, la culture ou la pratique d’une religion différence de celle de la majorité. Il importe de prendre toutes les mesures possibles et équitables pour atténuer ces difficultés. Il faut, à cet effet, que les administrations pénitentiaires suivent de près la situation des détenus en question et veillent à ce que le personnel concerné reçoive la formation et les instructions voulues.
La règle reconnaît en outre la confiance continue des administrations pénitentiaires dans les établissements ouverts. Ce qui importe à cet égard pour la gestion des établissements, c’est leur vocation à assurer un traitement individualisé, la mise au point de moyens adéquats et un traitement individualisé, la mise au point de moyens adéquats et un système positif d’affectation et de réaffectation. Tels sont les éléments essentiels exigés d’une structure de gestion et d’organisation tournée vers les objectifs de traitement et de formation envisagés dans les présentes règles.

68. L’élaboration d’un programme individuel de traitement pour un détenu exige la participation de plusieurs membres du personnel. Ceux-ci doivent connaître les besoins et les aptitudes de l’intéressé ainsi que son état d’esprit ou son attitude à l’égard de sa condamnation et des problèmes posés par sa future réinsertion. De toute évidence, l’application intégrale de la règle exige des moyens considérables, surtout dans les grands établissements. En outre, il peut aussi y avoir des difficultés particulières dans le cas des détenus qui purgent de très courtes peines, peut-être de quelques semaines ou moins. Néanmoins, même si l’enquête, l’observation et l’étude exigées ne peuvent se faire que dans une mesure relativement modeste, il faut y procéder. Il est important pour le détenu et pour le rôle rééducateur du personnel qu’une certaine évaluation des besoins individuels soit faite et, autant que possible, qu’elle se traduise par une approche personnalisée du traitement et de la formation.

69. Cette règle, déjà ancienne, reste compatible avec les idées actuelles concernant la participation des détenus. Néanmoins, l’insuffisance des moyens, notamment le manque de personnel qualifié, et les impératifs du fonctionnement tendent à en restreindre les possibilités de mise en œuvre. Les administrations pénitentiaires auraient intérêts à étudier, en concertation avec le personnel chargé du traitement, la façon de se conformer à cette règle sans trop puiser dans les maigres ressources disponibles. Eu égard au problème qui peut se poser aux détenus condamnés à de lourdes peines lorsqu’ils ont achevé le programme de formation qui leur est proposé dans l’établissement où ils purgent leur peine, il serait bon de veiller tout particulièrement à leur donner des occasions de participer de la manière envisagée dans cette règle. Certains d’entre eux pourront faire beaucoup pour le système ainsi que pour leur propre sentiment d’utilité et de dignité à un moment où ils ont besoin du stimulus d’une expérience plus difficile. Il s’agit, en quelque sorte, d’une question de comportement de la direction et des gardiens, les approches dépourvues d’imagination pouvant, en la matière, constituer un obstacle. Dans le contexte des systèmes modernes de traitement, il faut voir, dans les possibilités envisagées par cette règle, un domaine à exploiter.

70. Cette règle est présentée pour l’essentiel dans une formulation nouvelle et plus large destinée à tenir compte des conclusions des récents rapports du Conseil de l’Europe sur les régimes pénitentiaires et les détenus étrangers et des séminaires consacrés à la préparation des détenus à la libération. Elle constitue à ce titre une manifestation importante de la philosophie de la réinsertion sociale en tant que premier objectif du traitement et de la formation. Les congés pénitentiaires, en particulier, sont devenus ces dernières années un élément majeur des programmes individuels de traitement. La règle vise à inciter les autorités à consacrer à cette formule davantage de moyens et d’imagination. On insiste en particulier sur les aspects communautaires du traitement et de la formulation en les associant à la préparation à la libération, objectif de l’élaboration de programmes de traitement individuels dès l’incarcération.

Travail

Le travail pénitentiaire a été et demeure, malgré les difficultés que connaissent nombre d’établissements et le problème social posé par un grave chômage chronique, l’élément le plus marquant des régimes de formation des détenus en général. Aux termes des règles, il englobe les tâches de nature industrielle effectuées en atelier pénitentiaire, les travaux ménagers, l’agriculture, l’acquisition d’une spécialité et les travaux d’utilité publique à l’extérieur. Son importance tient essentiellement à la mesure dans laquelle il est effectué, à son intérêt sur le plan de la réinsertion sociale, à un emploi judicieux de la main d’œuvre pénitentiaire et à l’attente légitime du public, pour qui les détenus condamnés doivent être tenus de travailler. Il y a toujours quelques travaux domestiques à effectuer dans les établissements pénitentiaires, et les gestionnaires doivent y veiller. Il importe que ces travaux soient faits avec le maximum d’efficacité et le minimum de main d’œuvre, de façon qu’on puisse proposer aux intéressés des tâches, lorsqu’il y en a, plus en rapport avec leurs activités professionnelles normales. En général, les détenus doivent travailler dans les conditions de la vie courante, qu’il s’agisse d’ateliers, de jardins ou d’exploitations agricoles. Ce travail et la répartition des gens qui en sont chargés doivent s’inscrire dans les politiques d’organisation de la main d’œuvre et répondre aux normes actuelles en ce qui concerne les procédés de fabrication, les systèmes de gestion, le contrôle de la production, la garantie de qualité et la commercialisation. Il faut que, tout en satisfaisant aux exigences de la politique de l’emploi industriel et, le cas échéant, aux obligations contractuelles, le travail pénitentiaire contribue de façon positive au traitement et à la formation. Les programmes de travail devraient autant que possible être conçus et exécutés, au niveau des idées et de l’organisation, comme une partie intégrante de l’ensemble du régime, à l’instar d’autres activités telles que les études.
Il faut donc qu’il soit vécu et se déroule dans des conditions aussi proches que possible de celles qui existent à l’extérieur et qu’il offre aux détenus un certain choix ainsi que des avantages en fonction de leur rendement. Les barèmes des salaires - de nombreux établissements pénitentiaires s’efforcent actuellement de parvenir à des niveaux de rémunération indexés sur les taux pratiqués à l’extérieur - devraient refléter cette approche et être appliqués comme il convient aux détenus participant à d’autres activités que le travail. Le niveau auquel sont fixés les salaires pénitentiaires tend à déterminer la qualité de l’expérience professionnelle et il exerce une influence sur d’autres aspects du régime. Dans la mesure où l’on permettra aux détenus d’être financièrement responsables de leurs obligations familiales, de leurs dettes et de leur choix concernant les éléments facultatifs de la vie carcérale, on favorisera le processus de réinsertion sociale. Effectué dans ces conditions, le travail est la base d’un système de rémunération qui donne aux détenus la possibilité d’exercer pour leurs affaires plus de responsabilités que ce n’est souvent le cas en prison. I lest donc précieux à cet égard en ce qu’il favorise aussi l’épanouissement personnel et l’acquisition de comportements sociaux plus responsables.

71. Cette règle énonce les grands principes selon lesquels le travail en prison doit être organisé et exécuté. Ils sont, dans la pratique, généralement admis, bien que leur application intégrale soit souvent gênée par un manque de moyen et de possibilités ou par les conditions de fonctionnement. En outre, le travail pénitentiaire, comme le travail à l’extérieur, peut être répétitif, ennuyeux et d’un niveau relativement peu élevé. Il faut tout faire pour atténuer ces problèmes tout en reconnaissant que les détenus peuvent fort bien se retrouver dans les mêmes difficultés dans le cadre du travail qu’ils pourront trouver après leur libération. La nouvelle formulation met résolument l’accent sur la place du travail dans les régimes pénitentiaires, en le considérant comme un élément positif de la gestion des établissements. Cette insistance est dictée par le fait que la nécessité de fournir de la main d’œuvre et du personnel pour des activités industrielles est souvent ressentie comme un obstacle aux autres fonctions des établissements. Le nouveau libellé vise à encourager une attitude plus positive à cet égard de façon à optimiser le rôle du travail individuel en tant qu’instrument des régimes et des modes de gestion modernes.

72. On a sensiblement modifié le libellé de cette règle pour souligner à quel point il est important d’élaborer des programmes de travail où les normes de production et les procédés techniques soient comparables à ceux des secteurs analogues de l’extérieur. On y insiste aussi sur la nécessité de méthodes de gestion modernes et on y parle de bénéfices commerciaux en des termes positifs de façon à mettre en relief les avantages qu’on peut tirer de cette formule sans porter atteinte aux garanties qui entourent les intérêts des détenus.

73. L’organisation de base du travail comporte en gros deux variantes : il peut soit être géré entièrement par l’administration pénitentiaire dans ses locaux, soit reposer sur des contrats conclus avec des chefs d’entreprise qui dirigent les activités des ateliers pénitentiaires ou acceptent des détenus dans leurs usines. Chaque méthode présente des avantages, le choix de l’une ou de l’autre dépendant, en pratique, de la tradition ou des circonstances. La règle vise à garantir que la main d’œuvre pénitentiaire soit en aucune façon exploitée lorsqu’elle est louée, par contrat ou par un accord formel, à des entreprises extérieures.

74. La règle vise à accorder aux détenus les garanties dont bénéficient normalement les travailleurs en matière de santé et d’accidents. Il conviendrait que les administrations pénitentiaires veillent à ce que toutes les dispositions soient prises pour l’inspection de leurs installations, et à ce que la réglementation régissant la situation personnelle des détenus sur le plan de la santé et des accidents soit cautionnée par une autorité possédant en la matière les qualifications et la compétence nécessaires.

75. Cette règle, comme la règle 74, vise à prémunir les détenus contre l’exploitation et à leur permettre de participer à d’autres activités pénitentiaires intéressant leur traitement et leur programme de formation.

76.Cette règle reconnaît l’importance et l’intérêt de taux de rémunération suffisants et équitables dans le cadre du traitement. Aucune disposition destinée à favoriser le rapprochement du système salarial avec les taux applicables pour un travail analogue à l’extérieur n’a été prévue dans la règle elle-même, car cela aurait été prématuré à ce stade. Quoi qu’il en soit, de nombreux progrès ont été réalisés à cet égard dans plusieurs pays, et cette initiative est à encourager. Quels que soient le système de rémunération et les conditions dans lesquelles les détenus perçoivent de l’argent liquide et peuvent le dépenser, il sera utile d’encourager, en matière de responsabilité financière individuelle, les méthodes décrites dans l’introduction de la présente partie.

Instruction

L’instruction et la formation professionnelle jouent depuis longtemps un rôle important dans les régimes pénitentiaires de formation. D’importants changements sont cependant intervenus, au fil des ans, dans la nature et la finalité des programmes d’enseignement. Tout comme dans la conception globale du traitement pénal, on est passé de l’idée de correction et de discipline à des notions privilégiant l’enrichissement de l’expérience personnelle et, en conséquence, le développement de la personnalité et des aptitudes sociales, gage de réinsertion. Dans un passé récent, on a développé et élargi ces nouveaux concepts au niveau de leur application dans le cadre des régimes pénitentiaires en réponse aux stimuli sociaux et à l’impulsion liée, d’une part, aux problèmes de chômage dans la société en général et, d’autre part, à leurs conséquences pour les programmes de travail pénitentiaires=. Il en est également résulté une tendance bénéfique à une coopération plus étroite au sein des systèmes entre les responsables de l’instruction et ceux des autres domaines d’activité. L’instruction joue donc, sur le plan conceptuel, un rôle plus important que jamais dans le traitement pénitentiaire, en raison de sa contribution aux programmes individuels de formation, d’une part, et en tant que moteur d’une meilleure coordination de la gestion des régimes, d’autre part. Comme le nouvel élan que connaît l’instruction est appelé à se poursuivre, il est nécessaire d’exprimer cette évolution dans la nouvelle version des règles.

77. Cette règle consacre le rôle nouveau et renforcé que doit jouer l’instruction dans les régimes pénitentiaires modernes et dans la formation personnelle de chaque détenu. Ses objectifs sont directement liés aux finalités essentielles du traitement pénitentiaire ainsi qu’aux besoins des individus sur le plan personnel et social. Elle est destinée à inspirer la conception des programmes d’enseignement et les moyens pédagogiques dans le cadre des régimes de formation.

78. L’expérience montre que, sauf lorsque les barèmes de rémunération des détenus tiennent suffisamment compte de la relation entre le travail et les études, éléments essentiels des régimes pénitentiaires, il est parfois difficile d’affecter les intéressés aux programmes convenant le mieux à leurs besoins. Bien que des stimulants soient nécessaires pour encourager le travail manuel, il faut aussi veiller à ce que les détenus affectés à des programmes d’études, adaptés à leurs besoins tels qu’ils ont été diagnostiqués, ne soient pas injustement pénalisés par l’absence de rémunération. Il s’agit d’une question laissée à l’appréciation de la direction, mais le principe sur lequel elle repose est la reconnaissance du fait que, aux termes mêmes de la règle, l’affectation à un programme d’études revêt un statut comparable à l’affectation à un programme de travail.

79. Il importe de souligner, avec l’autorité qui s’attache aux règles, la nécessité d’accorder une attention particulière, et éventuellement prioritaire, à ces catégories de détenus. Il s’agit de prendre en compte les difficultés d’ordre linguistique ou autre qu’ils peuvent rencontrer lorsqu’ils veulent bénéficier des programmes normaux et, dans le cas notamment des jeunes détenus, leur besoin d’une instruction pou d’une formation spécialisée de base.

80. Les programmes de chaque établissement doivent accorder une priorité élevée aux cours de rattrapage. Il est indispensable de posséder des rudiments de lecture et de calcul pour faire face aux nécessités quotidiennes de la vie à l’extérieur, comme d’ailleurs en milieu carcéral. On peut, grâce aux méthodes modernes d’enseignement, atténuer les frustrations et les tensions que risquent d’éprouver des individus handicapés à cet égard ou les obstacles qu’elles peuvent mettre à leur aptitude à la formation. Une grande partie des détenus a besoin de cette aide et de cet encouragement. Il s’agit d’un domaine de l’éducation pénitentiaire où la coopération avec les services académiques est particulièrement importante en raison du risque de régression si les progrès réalisés ne sont pas appuyés par le maintien des mêmes possibilités une fois l’intéressé libéré.

81. Cette règle donne une application générale au dernier point des commentaires relatifs à la règle 80. Elle se préoccupe du principe général de compatibilité en tant que ligne d’action et non des besoins individuels. Néanmoins, la deuxième partie de la règle porte sur les programmes personnels, en soulignant les avantages inhérents aux cours dispensés à l’extérieur lorsqu’il en existe et qu’ils conviennent à tel ou tel détenu. On constate, et c’est encourageant, une tendance à tirer parti de ces possibilités, susceptibles d’accroître considérablement les chances de réinsertion sociale. Tout comme pour le travail extérieur, ces formules exigent la coopération la plus étroite entre la direction des établissements et les autorités concernées. Il faut y voir un élément d’une approche globale visant à intégrer les établissements pénitentiaires à la collectivité.

82.L’extension du rôle de l’instruction en milieu carcéral a eu pour effet d’accroître la clientèle et l’importance des bibliothèques des établissements pénitentiaires. Malgré les contraintes opérationnelles, il faut absolument encourager les détenus à les utiliser et à garder les livres empruntés dans les cellules et les dortoirs. L’enseignement en prison exige, pour être pleinement efficace, une entière coopération avec les bibliothèques publiques pour permettre aux détenus d’accéder à la gamme la plus large possible de livres et autres publications dans le domaine littéraire, idéologique, scientifique et artistique. Il faut aussi envisager, dans les établissements qui s’y prêtent, l’introduction des techniques modernes et l’emploi de bibliothécaires professionnels, afin d’exploiter les ressources que constituent les livres et autres ouvrages de référence dont on dispose aujourd’hui pour les programmes d’étude et les loisirs. Les détenus devraient aussi avoir la possibilité de travailler dans les bibliothèques des établissements pénitentiaires.

Education physique, exercice, sports et loisirs

Les nouvelles règles de ce chapitre prennent acte du fait que l’éducation physique et toute gamme des activités sportives et récréatives des régimes pénitentiaires représentent désormais un élément de la plus haute importance pour la santé des détenus. Ces activités se sont d’ailleurs révélées des plus utiles pour l’administration pénitentiaire dans les vastes et surpeuplés en période de tension, pour atténuer celle-ci et offrir un exutoire sain et positif en l’absence d’autres moyens. Cet aspect des régimes pénitentiaires est devenu, parallèlement au travail et aux études, partie intégrante des régimes et de la vie quotidienne des établissements pénitentiaires. Alors qu’ils ne prévoyaient au départ qu’une période minimale d’exercice, les régimes ont évolué au point que des programmes impressionnants d’éducation physique, de sports et loisirs ont rendu pratiquement anachronique, dans la plupart des établissements ; l’obligation initiale de faire chaque jour de l’exercice aux détenus. Dans le même temps, ces programmes sont devenus plus professionnels et plus spécialisés. C’est là un fait à prendre en compte au niveau de la gestion et des priorités de l’établissement. Il s’agit là encore d’un domaine où il y a place pour une coopération avec la collectivité, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de l’établissement, selon les circonstances et les possibilités.

83. La règle exprime la priorité qu’il appartient de donner à cet aspect de la vie carcérale. Il faut y voir une contribution fondamentale aux normes générales qui régissent aujourd’hui la vie et le traitement dans les établissements pénitentiaires. Il faut encourager par tous les moyens les membres du personnel qui participent à l’organisation et à la gestion de ces programmes à améliorer leur compétence et leur qualification professionnelles, lesdits programmes devenant de plus en plus élaborés et complexes.

84. Il importe que la direction t le personnel chargé de l’éducation physique considèrent ces programmes comme partie intégrante des systèmes de traitement. Une bonne part de ce qui est bénéfique pour la vie carcérale et pour la formation individuelle sera perdue si l’on dissocie ces activités des autres activités pénitentiaires importantes dont elles sont le complément. Quoi qu’il en soit, les impératifs opérationnels exigent la plus étroite coopération au sein des structures de gestion, si l’on veut tirer le meilleur parti des ressources.

Cette règle souligne la responsabilité de l’administration en ce qui concerne la santé et la sécurité des détenus. Elle reconnaît aussi les compétences professionnelles que doit posséder le personnel chargé de l’éducation physique, pour aider les services médicaux et en matière de thérapies curatives. C’est là encore un domaine où une étroite coopération s’impose entre les services de l’établissement dans l’intérêt des détenus et pour que, dans l’intérêt de tous, on exploite aux mieux les ressources.
Bien que cette règle soit aujourd’hui largement dépassée, elle représente une condition minimale importante et mérite d’être reprise dans les nouvelles règles, car elle offre une garantie fondamentale aux détenus. De toute évidence, il vaut mieux s’employer à multiplier les occasions d’exercice et de séjour en plein air dans le cadre d’activités pénitentiaires élargies. En toute hypothèse, cette disposition est encore nécessaire, dans quelques établissements, pour les individus temporairement soumis à des restrictions ou pour ceux qui ne participent pas aux autres activités et souhaitent faire de l’exercice.

Régime préparatoire à la libération

Les programmes spéciaux de préparation à la libération sont de plus en plus la marque des régimes novateurs. Il s’agit de ce que l’on conçoit généralement comme une formation spécifique et structurée, essentiellement dispensée pendant la période terminale d’une peine d’emprisonnement. Sa valeur et son importance tiennent au fait qu’elle permet aux détenus d’actualiser leurs connaissances et leurs compétences et d’accroître leur confiance en eux à un moment où un regain d’anxiété risque de leur poser des problèmes. Or, la philosophie de la réinsertion sociale veut que, en théorie comme en pratique, la préparation à la libération, du point de vue des besoins individuels et des programmes de formation, commence dès l’incarcération. Les formalités pénitentiaires, de l’admission à la levée d’écrou, les régimes et les programmes de formation, la gestion des affaires personnelles des détenus et la philosophie générale des établissements doivent tenir compte de l’objectif ultime que constitue la réinsertion dans la société.
Les règles suivantes reconnaissent que la préparation à la libération intéresse deux grands domaines : d’une part, une formation adaptée et utile et, d’autre part, les modalités pratiques du processus proprement dit de réinsertion après la libération.

87. On a déjà insisté sur le besoin de continuité, idée force de la préparation à la libération. Il s’agit, plus précisément, des mesures à prendre pour que les détenus travaillent à l’extérieur, y suivent des cours ou y participent à des activités sportives ou autres, y suivent des cours ou y participent à des activités sportives ou autres. Il a déjà été question de ces possibilités dans d’autres paragraphes de la présente partie du rapport explicatif. Pour les détenus qui purgent de très courtes peines ou qui ne sont en détention provisoire que pour peu de temps, elles risquent d’être limitées. Or, une certaine dose de préparation est indispensable, même s’il ne s’agit guère plus que de fournir des conseils, des instructions ou une assistance élémentaire d’ordre technique, à propos de problèmes personnels (logement, travail, famille, etc.).

88. La préparation des détenus condamnés à de longues peines embrasse de toute évidence un domaine beaucoup plus vaste, et les considérations générales du préambule ci-dessus s’appliquent. Tout détenu purgeant une longue peine devrait recevoir une formation spécialisée en même temps qu’une formation générale. Cette formulation englobe des moyens spéciaux, à l’extérieur ou à l’intérieur du système pénitentiaire, moyens qui, dans un cas comme dans l’autre, peuvent être complétés par un cours dispensé en fin de détention. Cette dernière idée s’est révélée utile en pratique et a beaucoup contribué à amener le personnel à s’occuper des détenus dans un esprit positif qui influe favorablement sur l’ambiance générale de l’établissement.

89. Cette règle vise à encourager la coopération avec les organismes sociaux et les travailleurs bénévoles qui effectuent un travail très utile dans les prisons et auprès des anciens détenus. Elle demande aussi que des dispositions soient prises pour répondre aux besoins des détenus au niveau des détails pratiques de leur retour dans la société. Il est souhaitable d’affecter autant que possible à ces tâches des agents pénitentiaires possédant la formation et l’expérience voulues, qui collaboreront étroitement avec des spécialistes de l’établissement et ceux des organismes ou services sociaux. Dans la mesure où les effectifs et les conditions de fonctionnement le permettent, le maintien des mêmes agents à cette fonction d’encadrement présente un avantage considérable. Toutefois, l’ensemble des membres du personnel devraient être formés pour coopérer à la préparation de la libération. Cette tâche devrait être entreprise en étroite coopération avec des spécialistes de l’établissement ou de l’extérieur.
Les difficultés rencontrées dans ce domaine semblent dues en grande partie à l’insuffisance de moyens ou de la formation. D’autres problèmes découlent de la structure administrative des services sociaux. Il faut s’efforcer de les surmonter par des mesures relevant de la gestion ou par les liaisons plus étroites. Le nouveau libellé de la règle reconnaît que les solutions de ces problèmes ne sont pas entièrement du ressort de l’administration pénitentiaire.

CINQUIEME PARTIE

Règles complémentaires applicables à certaines catégories de détenus

L’idée maîtresse des règles est de fournir un code de normes et de pratiques dans l’intérêt de tous les détenus. La mesure dans laquelle un bon nombre des règles les plus contagieuses sont effectivement applicables dépend évidemment de la situation de chaque détenu et de son statut au regard de la loi. Ainsi, ce qui convient à un détenu condamné, surtout lorsqu’il purge une longue peine, peut être totalement contre-indiqué ou irréalisable dans le cas d’une personne détenue pour infraction au code civil ou placée en détention préventive. Les détenus atteints de troubles mentaux ont eux aussi des besoins particuliers. Il faut néanmoins, chaque fois que c’est possible et souhaitable, appliquer les dispositions des règles à tous les pensionnaires de l’établissement qui ont quelque chance d’en tirer parti. Il faut savoir que les règles de la cinquième partie s’appliquent plus spécialement à certaines catégories.

90. Cette nouvelle règle pose le principe selon lequel il faut appliquer les règles de la façon décrite ci-dessus.

Prévenus

91. Aux fins des présentes règles, on entend par prévenus les personnes détenues en raison d’une accusation en matière pénale dirigée contre elles mais qui n’ont pas encore été jugées ou condamnées. Cette disposition préserve la situation de ces détenus et renforce la possibilité qu’ils ont de bénéficier éventuellement des règles dans leur ensemble.

92. On a modifié le libellé de cette règle pour clarifier ses dispositions et en renforcer la mise en œuvre sans perdre de vue la situation des intéressés. Pour la traduire dans les faits, les administrations pénitentiaires sont parfois confrontées à des décisions difficiles concernant les restrictions et la surveillance nécessaires. La considération majeure sera toujours l’obligation pour elles de maintenir l’ordre et la discipline tout en respectant les exigences de la justice et de l’équité à l’égard de chaque détenu. Les règles reconnaissent ce fait et énoncent les critères essentiels dont doivent s’inspirer de telles décisions, compte tenu du cas d’espèce.

93. Deux points suscitent des difficultés d’ordre pratique ou d’interprétation qui appellent quelques éclaircissements. Premièrement, il ne serait pas déraisonnable que les administrations pénitentiaires décident, compte tenu de leur situation, de fournir gratuitement, soit dans tous les cas, soit uniquement lorsque le défendeur n’est pas en mesure de payer, l’assistance d’un interprète pour la préparation de la défense. Deuxièmes, il faut comprendre la référence aux « rapports essentiels avec l’administration et la défense » comme visant l’administration pénitentiaire, les conseillers juridiques ou les autorités judiciaires. La règle a été modifiée sur le plan rédactionnel, mais nullement quant au fond.

94. Voici encore une règle où les enseignements tirés de l’expérience et les conceptions nouvelles se sont conjugués pour suggérer une modification importante de la version initiale. Il est certain que les risques de suicide et des préoccupations plus générales concernant le bien-être des détenus peuvent parfois rendre souhaitable la cohabitation des détenus.

95. On n’a modifié cette règle que pour améliorer son libellé sur le plan technique.

96. On n’a modifié cette règle pour prendre acte des difficultés pratiques qu’il peut y avoir à fournir du travail aux prévenus qui le souhaitent. On lui a également donné une totalité positive en raison de ce que la formation professionnelle ou les études représentent pour les détenus, soit parce que qu’elles leur apportent un réconfort, soit parce qu’elles favorisent leur épanouissement personnel.

97. Cette règle, qui ne semble pas poser de problèmes pratiques, est universellement appliquée en Europe. Son importance et sa valeur intrinsèque ont permis d’en inclure les garanties raisonnables et équilibrées dans le code des usages de tous les systèmes pénitentiaires modernes. Les administrations pénitentiaires devraient elles-mêmes encourager le personnel, à tous les niveaux, à faire preuve en la matière d’imagination, ce qui contribuer dans une large mesure à améliorer la situation parfois pénible des détenus de cette catégorie.

98. L’application de cette règle laisse parfois à désirer. Elle n’en est pas moins un important symbole de statut juridique et personnel du prévenu et il faut la respecter. On l’a modifiée pour en élargir la portée et mettre en relief le principe fondamental inhérent au traitement des prévenus.

Condamnés par une procédure non pénale

99. D’une manière générale, cette règle est intégralement appliquée et ne suscite guère de difficultés malgré des différences mineures d’interprétation. Elle n’a subi qu’une modification rédactionnelle minime.

Détenus aliénés et anormaux mentaux

100. On a très légèrement modifié le libellé de cette règle pour reconnaître que les conditions qu’elle fixe ne sont pas entièrement du ressort ou de la compétence des administrations pénitentiaires. Elle n’est pas intégralement appliquée, en raison de modalités différentes d’un pays à l’autre, du manque de moyens et du problème de définition juridique. Les administrations pénitentiaires doivent cependant s’efforcer d’en respecter le paragraphe 1 et d’œuvrer dans le sens des deux autres. La gestion et le traitement de cette catégorie de détenus suscitant des considérations d’ordre moral et médical, il n’y a pas unanimité. La règle est donc destinée, non pas à promouvoir telle ou telle approche, mais à énoncer les principes nécessaires pour garantir les conditions d’humanité et de justice qui doivent prévaloir. Toutes les administrations pénitentiaires doivent être prêtes à consacrer des ressources spéciales à ces problèmes et à leur accorder la priorité nécessaire de façon à se conformer aux règles. Tous les membres du personnel susceptibles de participer directement à la gestion ou au traitement de détenus de cette catégorie doivent acquérir une formation et une expérience spéciales. C’est particulièrement vrai dans les établissements où les moyens sont insuffisants pour répondre aux besoins des détenus concernés ou pour permettre à la direction de faire face à ses responsabilités. C’est là un domaine d’une importance et d’une difficulté telles qu’il convient, au niveau de la gestion, de veiller à ce que le problème en général et les cas particuliers soient constamment suivis par le personnel médical et administratif.
Il est particulièrement important de poursuivre des traitements psychiatriques après la libération.