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Date : 27-05-2005

Recommandation R(84)12 Détenus étrangers

Mise en ligne : 29 mai 2005

Dernière modification : 20 novembre 2006

Texte de l'article :

English

CONSEIL DE L’EUROPE
COMITÉ DES MINISTRES
RECOMMANDATION N° R (84) 12
DU COMITÉ DES MINISTRES AUX ÉTATS MEMBRES
CONCERNANT LES DÉTENUS ÉTRANGERS
(adoptée par le Comité des Ministres le 21 juin 1984,
lors de la 374e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant le grand nombre de détenus étrangers incarcérés dans les établissements pénitentiaires des Etats membres ;
Reconnaissant les difficultés auxquelles peuvent être confrontés ces détenus en raison de facteurs tels que la différence de langue, de culture, de coutumes et de religion ;
Désireux d’atténuer l’isolement qu’ils risquent d’éprouver et de faciliter leur traitement en vue de leur reclassement social ;

Considérant que ce traitement doit tenir compte de leurs besoins spécifiques et leur garantir des chances égales à celles des autres détenus ;

Considérant qu’il est souhaitable d’établir certaines règles au niveau européen ;
Eu égard à la Résolution (73) 5 sur l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus et à la Résolution (75) 3 relative aux aspects légaux et administratifs de la criminalité parmi les travailleurs migrants,

Recommande aux gouvernements des Etats membres de s’inspirer, dans leur droit et leur pratique, des principes énoncés dans l’annexe à la présente recommandation.

ANNEXE

Les principes énoncés ci-après sont destinés à s’appliquer aux détenus étrangers, c’est-à-dire aux détenus de nationalité étrangère qui, en raison de facteurs tels que la langue, les coutumes, l’origine culturelle ou la religion, peuvent être confrontés à des problèmes particuliers. En ce qui concerne les détenus en instance de jugement ou en voie d’extradition, ces principes ne devraient cependant s’appliquer que dans la mesure où leur mise en oeuvre ne compromet pas les objectifs de la détention.
Pour la mise en oeuvre de ces principes, il faut tenir compte des impératifs de l’administration pénitentiaire, notamment la sécurité dans la prison, et des moyens disponibles.
Ces principes devraient être appliqués de façon à garantir que le traitement des détenus étrangers aboutisse à leur reclassement social. Cela peut nécessiter l’adoption de mesures particulières pour certaines catégories de détenus étrangers, compte tenu de facteurs tels que la nationalité, la langue, les préceptes et les usages religieux, l’origine culturelle, la durée de la peine et la possibilité d’expulsion. Il faut veiller à ce que le traitement des détenus étrangers n’ait pas pour résultat qu’ils soient désavantagés.

I. Affectation dans les établissements pénitentiaires

1. L’affectation d’un détenu étranger dans un établissement pénitentiaire ne devrait pas être motivée par sa seule nationalité. S’il est susceptible d’adoucir la situation d’isolement d’un détenu étranger et de faciliter son traitement, son placement pourrait être effectué en fonction de ses besoins particuliers, compte tenu notamment de ses communications avec des personnes de même nationalité, langue, religion ou culture.
Cette possibilité devrait être envisagée en particulier lorsque le système pénitentiaire national tient compte des souhaits des détenus lors de leur affectation dans un établissement pénitentiaire.

II. Traitement dans l’établissement pénitentiaire

a. Mesures visant à réduire l’isolement et à promouvoir le reclassement social

2. Pour atténuer le sentiment d’isolement d’un détenu étranger, il faudrait lui ménager plus de possibilités de communiquer avec d’autres personnes de même nationalité, langue, religion ou culture, par exemple en l’autorisant à travailler, à passer ses loisirs ou à prendre de l’exercice avec ces personnes.

3. Le nécessaire devrait être fait pour que les détenus étrangers aient accès à des publications dans leur langue. A cette fin, les établissements pénitentiaires pourraient demander l’assistance des services consulaires et des organisations privées appropriées.

4. S’il apparaît vraisemblable qu’un détenu étranger pourra rester dans le pays où il est détenu et s’il souhaite s’y assimiler, l’autorité pénitentiaire devrait l’aider à réaliser ce souhait.

5. Les détenus étrangers devraient avoir les mêmes possibilités d’accès à l’éducation et à la formation professionnelle que les détenus nationaux.
Pour que les détenus étrangers puissent avoir accès à l’enseignement destiné à améliorer leurs qualifications générales et professionnelles, il faudrait envisager la mise à leur disposition des facilités spéciales
nécessaires.

6. Les visites et les autres contacts avec le monde extérieur devraient être organisés de manière à répondre aux besoins spéciaux des détenus étrangers.

7. Les détenus étrangers devraient normalement pouvoir bénéficier selon les mêmes principes que les nationaux de congés pénitentiaires et d’autres permissions de sortie.
L’évaluation du risque qu’un détenu étranger puisse quitter le pays et se soustraire à sa peine devrait toujours se faire sur la base de chaque cas individuel.

b. Mesures visant à réduire des obstacles linguistiques

8. Les détenus étrangers devraient être informés à bref délai après leur admission dans un établissement pénitentiaire, dans une langue qu’ils comprennent, des principaux aspects du régime de l’établissement, des facilités qui leur sont offertes en matière de formation et d’études et de la possibilité, si elle existe, de demander l’assistance d’un interprète. Ces informations devraient leur être fournies par écrit ou, en cas d’impossibilité, oralement.

9. Un détenu étranger qui ne maîtrise pas la langue du pays où il est incarcéré devrait être informé, par traduction ou interprétation, de sa condamnation, des voies de recours qui lui sont éventuellement ouvertes et de toute décision judiciaire prise au cours de sa détention.

10. Il conviendrait de donner aux détenus étrangers le moyen d’apprendre la langue parlée dans l’établissement pénitentiaire.

c. Mesures tendant à répondre à des besoins spéciaux

11. Les pratiques et préceptes religieux des détenus étrangers devraient être respectés. Dans les limites praticables, il faudrait permettre aux détenus étrangers de s’y conformer.

12. Il faudrait également être attentif aux problèmes qui pourraient résulter des différences de culture.

d. Mesures visant à alléger les conditions de détention

13. Les détenus étrangers qui ne bénéficient pas en pratique de toutes les facilités accordées aux nationaux et dont les conditions de détention sont généralement plus difficiles devraient être traités de telle manière que ces inconvénients soient contrebalancés dans toute la mesure du possible.

III. Aide des autorités consulaires

14. Les détenus étrangers devraient être informés sans délai de leur droit à entrer en contact avec leurs autorités consulaires, des possibilités d’assistance qui pourraient être accordées par ces autorités et de toutes les mesures qui devront être prises à leur égard par les autorités compétentes, compte tenu des traités consulaires en vigueur. Si un détenu étranger demande l’assistance d’une autorité diplomatique ou consulaire, y compris une action tendant à son reclassement social en cas d’expulsion, cette dernière doit en être informée le plus tôt possible.

15. Les autorités consulaires devraient, au stade le plus précoce possible, venir en aide à leurs nationaux détenus, en particulier en leur rendant visite régulièrement.

16. Dans le cadre de leurs fonctions, les autorités consulaires devraient fournir toute l’assistance possible pour faciliter le reclassement social des détenus étrangers, conformément à la réglementation et aux dispositions prises dans le pays de détention. Elles devraient en particulier aider les détenus dans le domaine des relations familiales, en facilitant les visites des membres de leur famille et les contacts avec ces derniers.

17. Les autorités consulaires devraient s’efforcer de fournir, conformément aux règlements pénitentiaires en vigueur, des livres et autres lectures afin d’aider les détenus étrangers à maintenir des contacts avec leur pays d’origine.

18. Les autorités consulaires devraient examiner la possibilité d’éditer des notices d’information à l’intention de leurs nationaux détenus. Ces notices devraient mentionner l’adresse et le numéro de téléphone du consulat le plus proche et informer le détenu de l’aide qu’il peut trouver auprès de son consulat, telle que visites, information quant à sa défense, fourniture de livres et autres publications et renseignements quant aux possibilités de rapatriement, notamment d’un transfèrement en application des accords internationaux en vigueur. Ces notices devraient être mises à la disposition du détenu au stade le plus précoce possible de sa détention.

IV. Aide des organismes sociaux

19. Les autorités pénitentiaires et les organismes sociaux qui s’occupent de l’aide aux détenus et de leur reclassement devraient, en collaboration, accorder une attention particulière aux détenus étrangers et à leurs problèmes particuliers. Les organismes sociaux implantés dans le pays d’origine du détenu devraient agir en coopération avec les autorités consulaires de ce pays.

20. Les organismes sociaux devraient être encouragés à promouvoir l’information à l’intention des détenus étrangers sur l’assistance qui peut leur être offerte. Les autorités pénitentiaires devraient veiller à ce que cette information soit aisément accessible aux détenus étrangers.

21. Les contacts des détenus étrangers avec les organismes sociaux devraient être facilités.

22. Afin d’assurer une assistance adéquate aux détenus étrangers, les autorités pénitentiaires devraient accorder aux organismes sociaux toutes les facilités nécessaires en matière de visites et de correspondance, à condition que le détenu y consente. Dans les cas où seul un nombre restreint de visites est possible, il faudrait envisager, pour les cas qui s’y prêtent, une prolongation des heures de visites et un assouplissement des restrictions qui pèsent sur l’envoi et la réception des lettres.

23. Afin de faciliter les contacts entre les organismes sociaux et les détenus étrangers, les autorités compétentes de chaque pays devraient désigner un bureau national de liaison pour les organismes sociaux qui ont la responsabilité du reclassement social des détenus et qui opèrent sur son territoire. Les autorités pénitentiaires devraient communiquer l’adresse du bureau national de liaison et celle des autorités diplomatiques ou consulaires à tout détenu étranger au moment de sa réception à la prison.

24. L’organisation d’une assistance dispensée par des bénévoles susceptibles de pouvoir aider les détenus étrangers devrait être promue et développée. Ces bénévoles devraient agir sous la responsabilité des autorités pénitentiaires, des autorités consulaires, ou des organismes sociaux. Dans la mesure du possible, on devrait leur accorder les mêmes facilités que celles mentionnées au paragraphe 22.

V. Formation et emploi du personnel pénitentiaire

25. La formation des agents de l’administration pénitentiaire et des autres catégories de personnel visant à les aider dans leur travail avec les détenus étrangers devrait être encouragée et incorporée dans les programmes normaux de formation. D’une manière générale, cette formation devrait avoir pour objectif d’accroître la compréhension des difficultés et du milieu culturel des détenus étrangers afin de prévenir la naissance de partis pris.

26. Il faudrait envisager de mettre à disposition certaines catégories de personnel en vue d’un travail plus intensif avec les détenus étrangers, et de renforcer leur aptitude dans ce domaine en leur dispensant une formation plus spécialisée axée, par exemple, sur l’apprentissage d’une langue ou sur des difficultés particulières rencontrées en relation avec certaines catégories de détenus étrangers :

VI. Collecte de statistiques

27. Il faudrait envisager une forme de collecte statistique systématique qui permette de classer les détenus étrangers en fonction de facteurs présentant une importance pratique pour l’administration. A cet égard, on devrait tenir compte du fait qu’il est souhaitable de pouvoir classer les détenus étrangers en fonction de la nationalité, de la durée de la peine, de l’infraction principale, de la résidence ou non dans le pays et de la possibilité d’expulsion. Les statistiques devraient, autant que possible, porter sur les effectifs de toute une année ainsi que sur une moyenne journalière.

28. Il faudrait également envisager de procéder occasionnellement à des sondages dans des domaines qui ne se prêtent pas aisément à l’analyse par recensement systématique.

VII. Expulsion et rapatriement

29. Afin de permettre le traitement pénitentiaire le plus adéquat, les décisions relatives à l’expulsion devraient être prises le plus tôt possible, sans pour autant porter atteinte aux droits du détenu de recourir contre cette décision, en tenant compte des liens personnels du détenu étranger ainsi que des effets d’une expulsion sur son reclassement social.

30. En vue de favoriser le reclassement social du détenu, les autorités compétentes du pays de détention devraient, nonobstant toute décision d’expulsion, examiner l’opportunité du rapatriement du détenu, conformément aux accords internationaux en vigueur.