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Date : 20-03-2003

Rapport et recommandations sur les traitements à l’épreuve de l’interpellation. Le suivi des traitements en garde à vue, en rétention et en détention

Conseil National du Sida - 18 novembre 1998

Mise en ligne : 7 avril 2003

Texte de l'article :

in English

Au terme de son rapport, il apparaît qu’un individu, objet d’une procédure judiciaire et/ou administrative, rencontre alors des difficultés quant au suivi de ses traitements médicaux (notamment antirétroviraux et de substitution). Lors de ces procédures (interpellation, garde à vue, rétention, détention et libération), il est confronté à des situations dans lesquelles il n’est pas toujours en mesure d’observer convenablement la prescription faite par son médecin traitant. Si dans certains cas, ces obstacles relèvent d’un concours de circonstances ou de dysfonctionnements aisément amendables (c’est le cas dans les prisons), il s’avère que, dans d’autres lieux, les difficultés rencontrées par les patients résultent de l’absence de toute directive. Deux situations préoccupent en particulier le Conseil national du sida : la période de garde à vue et celle de la retenue dans les centres de rétention administrative (CRA).

Aussi, le Conseil national du sida souhaite faire une série de recommandations visant à l’amélioration des conditions de suivi des traitements au cours des différentes étapes qui peuvent constituer le parcours d’une personne interpellée.

1) En garde à vue

L’absence de dispositif réglementaire concernant l’achat et la distribution des médicaments fait du passage dans les locaux de police ou de gendarmerie d’une personne vivant avec le VIH, aussi bien que d’un usager de drogues participant à un programme de substitution, une période de vulnérabilité quant au suivi de ses traitements.

Le Conseil recommande d’abord l’amélioration et l’harmonisation au niveau national des conditions générales de la garde à vue (notification des droits, alimentation, conditions de détention, accès au traitement). Il suggère qu’une convention générale assortie de conventions locales, comparable aux conventions qui lient chaque établissement pénitentiaire à un établissement hospitalier, soit signée entre les différentes parties en présence (ministère de l’intérieur, ministère de la défense, ministère de la justice et ministère de la santé). Ces conventions permettront que l’accès aux traitements soit assuré pour les personnes gardées à vue, même en l’absence d’unités d’urgences médico-judiciaires.

Le Conseil national du sida recommande :

que gendarmes et policiers soient sensibilisés dans le cadre de la formation permanente à la prise en charge sociale et médicale des personnes vivant avec le VIH ou en traitement de substitution ;

que l’examen médical prévu par le code de procédure pénale soit réalisé dans un lieu garantissant la confidentialité de l’entretien avec le médecin ;

qu’une convention cadre entre l’Ordre national des médecins et les ministères concernés (justice, intérieur, défense, santé) soit mise en place afin de définir les règles à suivre pour établir la liste des praticiens compétents et les modalités de leur intervention dans le cadre d’une garde à vue.

Enfin, le Conseil national du sida invite les responsables des centres de soins spécialisés pour toxicomanes à se rapprocher localement des officiers de police judiciaire afin, comme c’est le cas dans certaines agglomérations, d’entretenir avec eux une collaboration dans le respect de leurs compétences et de leurs fonctions respectives.

2) Au dépôt

Le Conseil national du sida prend acte de l’amélioration de la prise en charge médicale au sein du dépôt de la préfecture de police de Paris ; il estime qu’il conviendrait, dans une seconde étape, de confier cette prise en charge médicale à des médecins indépendants de la préfecture.

3) Dans les centres de rétention administrative

Le Conseil national du sida se déclare très préoccupé de la situation des personnes retenues dans ces centres ou dans les espaces en faisant office ; l’état des lieux dressé par la CIMADE comme l’ensemble des témoignages recueillis manifestent l’absence de politique de prise en charge médicale des personnes retenues. Ce fait, accompagné de l’insuffisance des moyens humains et matériels, constitue une atteinte grave aux droits de l’homme.

Le Conseil national du sida recommande que des mesures soient prises d’urgence pour améliorer les conditions des personnes placées dans tous les lieux de rétention. Il convient notamment de lever le lourd silence qui pèse sur ces lieux, actuellement très mal identifiés. Le Conseil national du sida préconise que les personnes retenues dans les CRA puissent bénéficier des prestations offertes par les services des établissements hospitaliers et d’une permanence médicale.

Le Conseil national du sida préconise que les conditions de rétention soient mises en conformité avec le respect des droits de la personne (alimentation, hébergement, santé), que les centres ne respectant pas ces conditions soient fermés (par exemple Marseille-Arenc). Il demande enfin qu’en aucun cas les retenues administratives soient pratiquées dans les mêmes locaux que ceux utilisés pour la garde à vue.

4) En détention

Le Conseil national du sida apprécie l’amélioration de la prise en charge médicale des détenus consécutive au dispositif mis en place par la loi de 1994. Cependant, cette prise en charge médicale est différente selon que les personnes sont détenues dans un établissement traditionnel ou dans un établissement relevant du programme 13 000. Les conventions avec des groupements d’intérêts privés arrivant à échéance, le Conseil préconise que, quelle que soit la décision prise par les pouvoirs publics, le niveau de soin institué par le dispositif de la loi de 1994 soit le même pour tous les détenus.

Le Conseil national du sida recommande que les traitements de substitution soient régulièrement poursuivis en détention et que les intéressés ne fassent jamais l’objet d’un sevrage brutal. Il préconise que la prison puisse être, le cas échéant, un lieu d’initiation aux traitements de substitution, conformément à la législation en vigueur.

Le Conseil national du sida attire l’attention sur le problème des transfèrements des détenus qui peuvent dans certains cas constituer des obstacles au bon suivi des traitements. Il engage le ministère de la Justice à attirer l’attention sur les difficultés que peuvent occasionner des transfèrements soudains.

5) La libération

Le Conseil national du sida recommande dans les établissements pénitentiaires le développement des programmes de préparation à la sortie ; il rappelle que l’une des missions des professionnels (médecins, assistantes sociales, psychologues) opérant en détention est de veiller à ce que toutes mesures soient prises pour que le détenu sortant puisse bénéficier d’une même prise en charge sociale et médicale en liberté.

6) Le Conseil national du sida propose de favoriser un fonctionnement en réseau des médecins intervenant aux différents niveaux de la procédure judiciaire ; il invite à un véritable développement d’une "médecine judiciaire" issue des expériences aujourd’hui acquises dans ce domaine.

7) Le Conseil national du sida souligne que ces recommandations concernant les traitements antirétroviraux et la substitution sont valables pour les traitements d’autres pathologies.