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Longues peines

Que la vie est belle

Mise en ligne : 5 août 2010

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Texte de l'article :

C’est ce que je me suis dis ce week-end en trempant mes pieds dans la rivière ...

Oui c’est en traversant une nature luxuriante et sublime que je me suis fait cette réflexion, même si le revers de la médaille était aussi de me dire que j’avais perdu un temps précieux durant ces années de feux et que je ne pourrai plus jamais les rattraper.

25 étés passés derrière les barreaux, prisonnier au fond de cellules chauffées à blanc, lieux infectes et inhumain où je demeurais portant jusqu’à l’asphyxie.

Cet été encore la canicule semble s’installer et j’ai une pensée pour les « amigos » qui souffrent dans les prisons surpeuplées où dans les promenades silencieuses et brûlantes des centrales sécuritaires. Ambiance de plomb et atmosphère pesante qui viennent parfois hanter mes nuits d’homme libre et qui me réveille en sursaut.

Ce week-end donc, alors que je traversais de splendides gorges faites de roches imposantes magnifiées par une nature verdoyante et généreuse, un vent frais est venu me caresser l’esprit et le corps, sensation de bien être nouveau que je découvrais parmi toute les autres choses qui me sont offertes si royalement depuis que je suis sorti de prison.

J’ai été subjugué par la beauté et la sérénité de ces instants magiques qui rayonnent en moi comme un privilège, un répit, une parenthèse de paix, notes joyeuses composant une harmonieuse mélodie dont mon âme s’alimente avidement pour se désalterer à la fontaine de la vie et effacer ainsi tout les manques, toutes les épreuves vécues trop longuement dans un monde carcéral déshumanisé.

J’ai pensé à vous mes frères, vous qui êtes toujours prisonniers de ces déserts arides de toute beauté, de toute vie, de toute bonté et je vous dit de tenir bon et d’être fort face à cette horreur absolu qu’est l’enfermement à long terme, cette « non existence » encadrer par de hauts murs dressés par une société inégalitaire, sécuritaire, policière et surtout garante des privilèges de tout ces infâmes nantis millionnaires et milliardaires.

Ils ont réussi, les ordures, à dresser le peuple contre lui-même comme seul exutoire aux durs labeurs, aux maux sociaux et à l’installation des peurs quotidiennes. Quand le peuple à peur, les citoyens s’automutilent eux même en condamnant leurs propres voisins. C’est ainsi que l’ordre règne...

Au-dessus, la nomenclature abjecte, quant à elle, gouverne sans scrupule et spécule à la bourse, bien protégé par des fonctionnaires lobotomisés et dressés par des implants d’idées réactionnaires, populistes et primaires et tout ça pour un salaire de merde.

Pourtant, mes frères de l’intérieur, malgré la brutalité de toutes les répressions, je vous l’assure, vous aussi vous pourrez mettre les pieds dans une rivière et goûter à nouveau aux plaisirs de la vie, entendre le rires de vos femmes et de vos enfants, comme je le fais aujourd’hui de façon si insolente.

Je prends enfin ma revanche et j’ai un malin plaisir à montrer cette image de cet homme désormais libre que je suis et qui est parvenu à survivre au monde sans pitié des pierres sans faire aucune concession.

Et pour ceux à qui cela déplairaient et qui auraient voulu me voir périr au fond d’une cage, sachez que je vous emmerde !

Je reste fort et éveillé et bien plus aujourd’hui qu’hier, lorsque je rôdais au cœur de la répression sur les champs de bataille des bannissement sociaux.

Je veux dire pour finir, à ceux qui sont loin des leurs, ainsi qu’à leurs proches qui attendent dans la peine, que tout est possible ! J’en suis la preuve vivante, car après avoir passé 25 années dans une cellule de 9m², je peux encore crier, comme une note d’espoir à ceux qui n’en ont plus, « QUE LA VIE EST BELLE... »

A bientôt sur le BLOG pour la suite...

Laurent JACQUA

Pour tout contact laurentjacqua@yahoo.fr