15410 articles - 12266 brèves
> Edito

Quand pour parler de la prison... Il faut acheter une marque

Mise en ligne : 5 novembre 2007

Dernière modification : 5 novembre 2007

Texte de l'article :

 

Sans dire que la question de la prison est au cœur des préoccupations sociétales, elle occupe néanmoins, depuis plusieurs mois, une place non négligeable dans l’espace médiatique. Cette occupation de l’espace médiatique est, entre autre, le résultat d’une activité soutenue de la part de certaines associations. Par exemple, les états généraux de la condition pénitentiaire, ont eu un retentissement médiatique certain, mais, pour un résultat malheureusement décevant. A-t-on avancé depuis ? Les conditions de détention se sont-elles améliorées ? Le regard des citoyens a-t-il changé ? Et pourtant, en l’occurrence, ce n’est pas faute de moyens, en particulier financiers. Cette question des moyens financiers ne peut être passée sous silence.

 Plusieurs associations, travaillant en milieu carcéral ou sur le milieu carcéral, ont des subventions publiques considérables, par exemple, 160 000 euros pour une association d’un millier d’adhérents. Dès lors que de l’argent public est géré, il y a une obligation de transparence. Or, cette transparence semble parfois faire défaut : que doit-on comprendre par "autres frais de fonctionnement", lorsque la somme affectée à ce poste est de plus de 50 000 euros ? (Source : bilan financier d’une des rares associations qui met ce document en ligne). S’agit-il de frais d’organisation de colloques, et autres conférences, pour lesquels les frais d’inscription sont tellement élevés qu’ils en deviennent dissuasifs, à moins d’être soit même subventionné ?
La LOLF (loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001) a introduit un système plus rigoureux d’attribution des fonds publics, avec des objectifs et des indicateurs de performance. Les associations, bénéficiant de subventions sur des fonds publics, pourraient également avoir à justifier de l’efficacité de leur action au regard d’objectifs préalablement fixés et à l’aide d’indicateurs précis.

 Cela peut paraître "dérisoire", compte tenu de la somme engagée, mais, récemment, le GNCP (groupe national de concertation prison : ANVP, Aumôneries des prisons catholique et protestante, Croix rouge française, FARAPEJ, FNARS, GENEPI, Secours catholique, UFRAMA) a déboursé, par l’intermédiaire de la FARAPEJ, la somme nécessaire à l’achat de la marque "journées nationales prison" auprès de l’INPI (institut national de la propriété industrielle).
Cela n’est pas anodin. La volonté poursuivie est que, seul le GNCP, pourrait utiliser cette appellation. Sidaction ne pourra plus utiliser cette dénomination, le syndicat des avocats de France (SAF) ne pourra plus l’utiliser non plus (pour ne citer que les organisations qui ont récemment préparé des "journées nationales prison"). Pour une soi-disant meilleure visibilité médiatique des événements organisés par le GNCP, il faudrait priver tous les autres de la possibilité d’organiser des "journées nationales prison" ?
En matière de visibilité, et donc de communication, on peut s’étonner que le GNCP n’ait pas même pris la peine d’informer de sa démarche les organisations potentiellement concernées. Une réponse, sous forme de lettre ouverte, a été adressée aux organisations membres du GNCP ; elle est au lien suivant
http://prison.eu.org/article.php3?id_article=10080

 Parler des prisons n’est ni une industrie qui rapporte, ni un monopole. La parole doit être libre et les échanges, ouverts.
Le "cœur de métier" des associations travaillant en milieu carcéral ou sur le milieu carcéral est l’aide aux personnes incarcérées et à leurs proches, sans discrimination fondée sur la nature de l’infraction qui est l’origine de l’incarcération.
Les personnes incarcérées et leurs proches ne doivent pas être un alibi pour maintenir des structures consommatrices de subventions publiques. Elles ne doivent pas être un alibi pour propulser tel ou tel sur le devant de la scène médiatique. Elles ne doivent pas être un alibi pour entretenir des querelles intestines entre organisations.

 

La rédaction
Ban Public
Novembre 2007