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Quand les chiffres servent d’arguments...

Mise en ligne : 5 mai 2007

Dernière modification : 5 mai 2007

Texte de l'article :

 Le débat télévisé entre les 2 candidats présents au second tour de l’élection présidentielle de 2007 aura au moins eu le mérite de montrer à quel point l’utilisation des chiffres est hasardeuse.
Avant tout, il faut arriver à se mettre d’accord sur les chiffres ; or, les différents thèmes abordés lors de ce débat ont montré que cela n’était pas si simple.

 On entend qu’"en matière de viol les récidives sont considérables". Cette fois-ci, point de chiffres, mais un simple qualificatif : "considérable". On imagine facilement que "considérable" doit vouloir dire environ 90 %, peut-être davantage, en tout cas plus de 50 %.
Le taux de récidive pour les viols se situe à 1,8 % (source : Infostat Justice n°68 : les condamnés de 2001 en état de récidive).
Que signifie exactement ce taux de récidive ? Un condamné est considéré comme récidiviste si l’infraction sanctionnée a été commise après une précédente condamnation ; en matière criminelle, le premier terme de la récidive doit être un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, et le deuxième terme doit être un crime. Donc, 1,8 % de récidive en matière de viols signifient que 1,8 % des personnes condamnées pour viol avaient été condamnées auparavant pour un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement. Ceci dit, "près de 80 % des récidivistes condamnés pour viols avaient déjà été condamnés pour viol lors d’une précédente condamnation" (Infostat Justice n°68) ; ce qui ne veut absolument pas dire que 80 % des personnes qui ont commis un viol commentent à nouveau un viol.
Le taux de récidive pour cette infraction est donc de 1,8 % (chiffre de 2001), donc pas exactement "considérable"...

 Ce qualificatif est pourtant brandi tel un argument pour justifier une justice sans complaisance à l’égard de ceux qui commettent une infraction. Le politique ne peut influencer la justice, sinon à remettre en cause le principe de son indépendance. Le politique ne peut se contenter d’analyses sommaires et partiales des problèmes. Le politique ne peut ignorer que les aménagements de peine sont le moyen le plus efficace pour lutter contre la récidive.

 

La rédaction
Ban Public
5 Mai 2007