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Appel à témoignages, à contributions

Propositions de Recherche : Prison et psychiatrie

Mise en ligne : 28 septembre 2007

Dernière modification : 29 septembre 2007

Quelle prise en charge pour les détenus atteints de troubles de la santé mentale ?

Texte de l'article :

Mis en ligne le jeudi 27 septembre 2007 - par Institut National des Hautes Etudes de Sécurité (INHES)

Source : INHES - Appel à propositions de recherche

La psychiatrie partage avec le monde carcéral des prérogatives, socialement rares, en matière d’enfermement. Certes, ces deux disciplines agissent sur deux modes différents : la peine pour l’une, le soin pour l’autre. Néanmoins l’une comme l’autre sont traversées par des évolutions qui peuvent tendre à les éloigner aussi bien qu’à les rapprocher. En France aujourd’hui les relations entre ces deux disciplines sont devenues un enjeu politique notable et le débat public tendrait à instruire le procès de divergences fortes entre deux façons d’envisager et de mettre en oeuvre l’enfermement.

Cependant, qu’en est-il en pratique ? Alors que la France est considérée comme un pays précurseur en matière d’intervention psychiatrique en milieu carcéral, doit-on en déduire qu’on est arrivé aux limites d’un modèle aujourd’hui dépassé ? Il nous paraît ainsi particulièrement intéressant d’interroger les articulations du soin et de la peine, ainsi que leurs éventuelles évolutions, autour de quatre séries d’interrogations.

La première question qui se pose est évidemment celle de la mesure.
Diverses études épidémiologiques relèvent une surreprésentation des malades mentaux en milieu carcéral par rapport à la population française dans son ensemble. De nombreux observateurs en déduisent qu’existerait une confusion amenant à une « surpénalisation » de certains malades mentaux qui aurait pour effet d’incarcérer des personnes dont la place se situerait, en réalité, davantage en structure hospitalière. D’autres soulignent que ce sont les conditions carcérales ellesmêmes qui seraient génératrices de graves troubles psychiques. Dans les deux cas, qui ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusifs, ce qui préoccupe au premier chef c’est la contribution de ce phénomène au développement d’une violence des détenus, sur eux mêmes, leurs codétenus ou encore envers le personnel pénitentiaire.

Mais comment recense-t-on, catégorise-t-on et quantifie-t-on les troubles psychiques en prison ? Plus généralement, quels sont les indicateurs et autres symptômes sur lesquels poser un diagnostic clinique apte à séparer délinquance de droit commun et troubles psychiques ?

La deuxième question est celle des facteurs qui contribuent à cette évolution. La surreprésentation du nombre de pathologies mentales en prison est attribuée, du moins en partie, à des changements dans la pratique des experts psychiatres chargés d’évaluer la responsabilité pénale des auteurs d’actes criminels ou délinquants. Ce travail d’expertise est fondé sur l’article 122-1 du Code pénal de 1994 qui prévoit l’irresponsabilité pénale comme abolition du discernement au moment des faits. Depuis plusieurs années, les experts seraient de moins en moins enclins à considérer que la présence avérée de troubles psychiques chez les auteurs de faits graves ait pour autant entraîné l’abolition de leur discernement, et concluent donc qu’ils sont pénalement responsables de leurs actes. Pourquoi cette évolution de l’expertise ? Quels autres facteurs permettraient d’accréditer une « surpénalisation » des maladies mentales ? Par ailleurs, la recherche biomédicale a pu mettre en valeur l’existence de liens entre certaines pratiques ou actes déviants et certains dérèglements neurologiques.

Quelle est la portée de ces travaux ? Peut-on dresser un bilan de leurs enseignements dans ce domaine ? Plus largement quels sont les enseignements de la recherche médicale envisagée globalement dans ce
domaine ? A quels types d’infractions sont-ils particulièrement susceptibles de s’appliquer ? Sont-ils suffisamment solides pour appuyer la « cause » d’une médicalisation du traitement de certains pans de la déviance, aujourd’hui envisagés sur un mode principalement pénal (on pense en particulier ici à la question de certaines déviances sexuelles, telle la pédophilie) ? Quel est, par ailleurs, l’impact médical de l’incarcération ellemême sur la santé mentale des détenus ?
Existe-t-il des travaux sur cette question et quelles sont, le cas échéant, leur portée et leurs conclusions ?

La troisième interrogation porte sur le contenu de ce que l’on pourrait appeler le « service pénitentiaire » dans sa dimension psychiatrique.
Il serait intéressant de proposer un bilan de l’existant en matière de « psychiatrie dans les murs ». Quelle est l’ampleur du service psychiatrique développé au sein des prisons ? Quelles sont les caractéristiques de la population carcérale véritablement prise en charge dans le cadre de programmes strictement médicaux ? Quels types de populations sont plus particulièrement susceptibles de ne pas l’être ? La mise en oeuvre d’un programme psychiatrique est-elle entravée, outre un problème de moyens budgétaires, par un certain nombre d’obstacles plus structurels concernant le cadre judiciaire de l’enfermement dans lequel elle se déroule ? Médecins et personnel pénitentiaire forment deux catégories de personnel aux pratiques fortement codifiées et dotées chacune de règles déontologiques propres.
Exercent-elles leurs fonctions sur le terrain carcéral de manière conflictuelle, partenariale ou indifférente ? A quelles conditions pratiques une politique intégrée peut-elle être envisagée avec l’ensemble des intervenants concernés par l’action en milieu carcéral ?

Enfin une quatrième question plus globale est celle des nouvelles formes d’articulation voire d’hybridation entre soin et peine, notamment hors les murs de la prison. On pense d’abord aux Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) prévues par la loi Perben I (2002), dont les premières devraient entrer en fonctionnement en 2008.
Ces nouvelles structures, où les soins seront assurés par du personnel médical, seront situées au sein de centres hospitaliers, mais dans des bâtiments séparés à la sécurité renforcée et dont la surveillance sera assurée par l’administration pénitentiaire. Elles permettront l’hospitalisation de détenus atteints de troubles mentaux avec ou sans leur consentement. Ces unités sont destinées ainsi à adapter à des cas lourds le traitement psychiatrique développé pendant la durée de leur peine. Mais qu’en est-il du suivi psychiatrique des détenus atteints de pathologies mentales une fois libérés de leurs obligations carcérales, qu’ils aient été ou non placés en UHSA ? Quelles mesures sont-elles prévues dans ces cas ? Plus globalement, c’est la question de la continuité des soins après le temps carcéral qui se pose.

L’objectif de cet appel à proposition est de mieux cerner la complexité de ces phénomènes en mettant l’accent sur deux types de populations particulières : les jeunes détenus âgés de 20 à 30 ans et les détenus condamnés pour des violences sexuelles sur enfant.

Les équipes pourront proposer aussi bien des bilans de littérature que la réalisation d’enquêtes de terrain approfondies. Elles pourront prendre aussi bien pour objet la situation française que les expériences conduites dans des pays étrangers en particulier européens.

L’adoption d’une démarche comparative serait un plus.

Méthodes :

Quels que soient les schémas d’explication adoptés, les propositions de recherche relèveront de disciplines et d’approches qualitatives et quantitatives dans le champ des sciences humaines (sociologie, ethnologie, économie, science politique, histoire, psychologie, droit...).

Modalités :

Toutes les propositions seront examinées par le département Recherche de l’INHES. Elles devront être envoyées pour le vendredi 19 octobre 2007, au plus tard, à l’attention de

Isabelle LECOCQ
Département Formation, Etudes et Recherches
INHES
Les Borromées
3, avenue du Stade de France - 93218 St-Denis La Plaine cedex
tel : 01.55.84.53.84
e-mail : isabelle.lecocq@interieur.gouv.fr

Les projets doivent comporter les indications suivantes :
-présentation en cinq pages maximum de la recherche envisagée
-noms et références des participants nom et références du responsable scientifique statuts, le cas échéant, de la structure - support
-une bibliographie des travaux réalisés par le chercheur ou son équipe
-la liste des références des travaux déjà réalisés sur lesquels les chercheurs comptent s’appuyer
-la durée des travaux (une durée moyenne de 18 mois - en aucun cas le délai de la recherche ne pourra dépasser deux années).
-une fiche administrative (document joint)
-une fiche financière (document joint).

À l’issue des travaux, l’équipe de recherche remettra à l’INHES un rapport de recherche avec annexes accompagné d’une synthèse courte de trois pages maximum, ainsi que de la disquette ou les fichiers informatiques de ces deux documents (Word de préférence).

Les documents finaux sont propriété de l’INHES. Ils ne peuvent être utilisés par les auteurs sans l’accord écrit du directeur de l’institut. Ce dernier se réserve le droit de procéder à l’exploitation la plus judicieuse du document : publication in-extenso ou partielle.
Il se réserve le droit de ne pas rendre public le contenu de la recherche.

L’annexe administrative ci-jointe devra être dûment complétée. Toutes les rubriques devront être renseignées. Nous vous remercions de compléter les différents tableaux financiers de manière très précise.
La fiche de renseignements administratifs et financiers sera partie intégrante de la convention. Tout dossier incomplet sera refusé.

http://www.psy-desir.com/leg/spip.php?article1791