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Conditions d’incarcération

Procès de l’alimentation forcée à Guantanamo : une méthode « fiable » pour le gouvernement

Mise en ligne : 17 octobre 2014

Texte de l'article :

Le gouvernement américain a présenté mercredi la procédure qu’il juge « fiable » et « confortable » d’alimentation par sondes à Guantanamo, au troisième et dernier jour du procès de cette méthode décriée que les détenus dénoncent comme une torture.
« Equipe d’extraction de force des cellules », « chaise de contention », « sangles » et autre «  bouclier anti-crachats  », le jargon officiel de Guantanamo a été largement usité au procès de l’alimentation forcée, qui se tient à Washington devant une juge fédérale.
Pour ce premier procès examinant les conditions de confinement à Guantanamo, les représentants du gouvernement se sont attachés à décrire toutes les conditions mises en place pour rendre la procédure plus facile aux détenus, dont le poids a chuté à moins de 85% de leur poids idéal des suites de leur «  jeûne non religieux de long terme », comme les autorités qualifient désormais la grève de la faim.
S’appuyant sur un document du colonel John Bogdan, ancien commandant de la prison, le procureur Andrew Warden a expliqué qu’un « arrangement » avait été trouvé pour six détenus « soumis » qui avaient été autorisés à être nourris « sur un fauteuil normal, en regardant la télévision », tant qu’ils resteraient « obéissants ».
Mais le Syrien Abou Dhiab, qui réclame à la juge Gladys Kessler que la procédure soit interdite, « a une longue histoire de désobéissance », a argué le procureur, citant trois agressions contre les gardiens, un vocabulaire ordurier et plusieurs projections d’urine et d’excréments sur les membres de l’« équipe d’extraction de force des cellules » (FCE).
Selon un processus ainsi généralisé aux détenus insoumis, les soldats de la FCE, munis d’une matraque et d’un bouclier anti-crachats, débarquent dans la cellule du détenu désigné pour l’« alimentation par voie interne », le menottent, le sanglent parfois à une planche, le traînent, selon la description des avocats de M. Dhiab, qui ont pu voir des vidéos classifiées.

- ’Chocolat, vanille, fraise’ -
Mais « la FCE utilisera le minimum de force pour éviter toute blessure du détenu pendant le processus d’extraction », a déclaré M. Warden. « Le minimum de force nécessaire dépend des circonstances », a-t-il ajouté.
Le détenu est ensuite attaché à une « chaise de contention », qu’Abou Dhiab a qualifiée de « chaise de torture ». Il est sanglé aux bras, aux chevilles et à la tête et « si besoin, un masque anti-crachats est installé sur le visage du détenu pour l’empêcher de cracher sur les gardiens ou les infirmiers », a poursuivi le procureur, sur la foi des descriptions du personnel médical de Guantanamo.
« C’est la méthode la plus fiable », a déclaré le représentant du gouvernement.
« La chaise de contention n’a jamais été prévue pour punir les détenus ou pour se venger, mais pour assurer la sécurité des gardiens, des personnels médicaux et des détenus », selon le colonel Bogdan. Pour l’ancien commandant, cette chaise est « capitonnée et confortable, comme une chaise normale ».
Une fois sanglé, le détenu peut choisir «  le parfum de la substance nutritive : noix de pécan, chocolat, vanille, fraise », les bonbons qu’il pourra ensuite sucer, ou encore le lubrifiant pour faciliter l’insertion de la sonde du nez jusqu’à l’estomac, a poursuivi M. Warden. L’huile d’olive, que les détenus préféraient pour des raisons culturelles, a été proscrite en juin quand les autorités militaires se sont aperçues qu’elle pouvait provoquer des pneumonies.
« On leur offre des antalgiques comme de l’Ibuprofen, s’ils expriment une gêne », a-t-il ajouté, soulignant que le processus ne durait jamais plus de 20 minutes, avec une dizaine de minutes d’observation. Les sondes naso-gastriques sont retirées à chaque séance pour empêcher que les détenus l’avalent, s’en servent comme une arme ou s’asphyxient.
Devant une juge dubitative, le gouvernement a affirmé que Guantanamo avait recours à des sondes de taille pédiatrique, que certains hôpitaux pour enfants donnent même aux parents pour insérer eux-mêmes chez eux. Mais le médecin Steven Miles a témoigné mardi que ces sondes n’étaient utilisées que pour l’extraction de drogues ou de poison, et non pour l’alimentation.
Le procès s’est achevé, avec la projection à huis clos de trois heures de vidéos classifiées montrant l’alimentation forcée de M. Dhiab. Des vidéos « difficiles à regarder », selon Eric Lewis, l’un des avocats qui a pu les voir. La juge a ordonné qu’elles soient rendues publiques mais le gouvernement peut encore faire appel.

Article publié le 09/10/2014
Source : 20 minutes
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