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> Edito

Prison : les peines minimales obligatoires.

Mise en ligne : 10 juin 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 "Je poursuivrai la politique de sécurité que j’ai engagée depuis 2002. Des peines planchers seront instaurées pour les multirécidivistes et le droit pénal des mineurs sera réformé." Peut-on lire au point 9 du programme qu’avait défendu le nouveau président de la République. Les peines planchers sont des peines minimales obligatoires, dans certains cas d’infractions ou selon le critère de récidive. Dans une étude de législation comparée, remise par le service des études juridiques du sénat en septembre 2006, sur les peines minimales obligatoires, on lit : "Le principe d’individualisation des peines [est] incompatible avec les peines minimales obligatoires". Cette conclusion est sans ambiguïté.

 Dans l’ancien code pénal, les peines encourues étaient présentées sous forme d’intervalles ; dans le code pénal entré en vigueur en 1994, seules les peines maximales encourues sont indiquées. La présence de circonstances aggravantes se traduit par un allongement de la peine maximale encourue et ne remet donc pas en cause le principe d’individualisation. Le juge garde donc toute sa liberté d’apprécier les circonstances, la situation personnelle de l’auteur de l’infraction, pour prononcer la peine la plus juste. Une peine juste est une peine qui met en balance l’acte commis et l’infraction à la loi qu’il constitue, avec la personnalité de l’auteur de l’infraction, son parcours personnel, les circonstances de l’acte.
Ce n’est pas parce que les peines minimales obligatoires existent dans plusieurs pays d’Europe qu’il faut suivre cet exemple, au mépris d’une étude menée sur le Territoire du Nord australien, où des peines minimales obligatoires ont existé de 1997 à 2001. Cette étude, rendue en 2003, fait apparaître que "ces mesures avaient (...) augmenté la population carcérale, sans pour autant représenter un moyen efficace de dissuasion".

 Instaurer des peines minimales obligatoires réduirait considérablement la liberté des juges, et les possibilités d’individualisation de la peine. Une peine juste n’est pas une peine qui permettrait "d’équilibrer" la souffrance des victimes. L’actuel président de la République a parfois argué, au cours de sa campagne, pour justifier d’appliquer aux mineurs récidivistes les mêmes peines qu’aux majeurs, que cela ne changeait rien du point de vue des victimes de subir une violence de la part d’un jeune de 17 ans ou d’un jeune de 18 ans. Certes, mais la question n’est pas là ; on ne se lassera jamais de répéter que la Justice n’est pas faite pour les victimes ; non pas que les victimes ne doivent pas être prises en compte et soutenues mais il ne faut pas tout confondre. Il ne faut pas instrumentaliser telle ou telle catégorie de la population à la seule fin de justifier une politique de plus en plus répressive alors que la prévention, l’éducation sont des leviers puissants pour faire reculer la délinquance.

la rédaction
Ban Public
Juin 2007