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> Edito

Prison : grâces et amnisties

Mise en ligne : 3 juillet 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 A l’approche du 14 juillet, il est de rigueur de s’interroger sur les éventuelles dispositions en matière de grâces collectives. Ces dispositions, au même titre que les amnisties sont courantes ; quel est leur fondement, leur impact sur les flux d’entrée en détention ou de sortie de la détention ? De quelle façon ces dispositions sont-elles perçues et vécues par les personnes concernées ?

 "L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines" indique l’article 133-9 du code pénal (CP). Autrement dit, l’amnistie entraîne l’effacement des condamnations sur le casier judiciaire de la personne concernée, si l’infraction visée par l’amnistie avait donné lieu à une mention au casier judiciaire. Quant au contenu de ces amnisties, l’article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 précise que la loi, votée par le parlement, fixe les règles concernant notamment l’amnistie. Une telle loi est traditionnellement votée au début du mandat d’un nouveau président de la république. Difficile de dire ce qui détermine vraiment le contenu : le contexte politique, les propositions du gouvernement, l’opinion publique à un moment donné ? La loi d’amnistie porte sur la nature de l’infraction, sur le quantum de la peine et, plus exceptionnellement, sur des mesures individuelles. Si la tendance est à un élargissement du champ d’application s’agissant de la nature de l’infraction, elle va au contraire dans le sens d’une diminution s’agissant du quantum des peines. Ces lois n’augmentent pas nécessairement le nombre de personnes sortant de prison, mais tendent plutôt à diminuer le nombre de personnes entrant, déchargeant ainsi le système judiciaire.
De son côté, "la grâce emporte seulement dispense d’exécuter la peine" précise l’article 133-7 du CP. La grâce peut être individuelle, mais également collective. Le décret de grâces collectives prévoit une remise partielle de peine ; celle-ci est calculée en fonction de la durée de la peine restant à subir. Dans le décret de grâce du 11 juillet 2006 (entré en vigueur le 18 juillet 2006), la remise était de 15 jours par mois de détention non encore exécuté, dans la limite de 4 mois maximum. Les exclusions décidées en 2005 étaient maintenues soit, notamment : les violences commises envers des agents de la force publique ou de l’administration pénitentiaire dans l’exercice de leurs fonctions, les personnes condamnées pour évasion, celles condamnées pour des faits de violence à une peine de réclusion criminelle ou d’emprisonnement égale ou supérieure à 5 ans, les personnes récidivistes. En 2006, s’ajoutaient à ces exclusions les personnes condamnées ayant la qualité de conjoint ou de concubin de la victime et les personnes condamnées non encore incarcérées alors qu’elles bénéficiaient d’une remise de 1 mois d’emprisonnement en 2005 et de 2 mois en 2004.

 Les grâces collectives sont naturellement attendues par les personnes incarcérées et leur famille car elles permettent, pour les personnes concernées, de réduire le temps passé en prison. Ce qui est loin d’être anodin quand on connaît l’état de certaines prisons et les effets pathogènes de l’enfermement. Elles sont cependant contraires au principe d’individualisation dans l’application de la peine. Elles induisent également une mise en lumière des différences entre les personnes présentes dans un établissement donné. En effet, il n’est pas rare que des personnes préfèrent cacher le motif de leur incarcération ; à supposer qu’elles y parviennent, le fait de ne pas bénéficier de ces remises de peine, car il en est forcément question lors de discussions entre personnes incarcérées, les stigmatisent. Par ailleurs, pour les personnes que les remises de peine, combinées aux grâces collectives, font sortir immédiatement (en juillet ou août), la sortie est souvent comparable à une "sortie sèche" avec les effets catastrophiques que l’on connaît : pas de travail, pas d’hébergement, qui plus est à une période où nombre d’associations d’accueil de personnes sortant de prison connaissent une baisse de leur activité. Enfin, ces mesures, qui varient au gré de décisions dont les motivations et les fondements ne sont pas toujours évidents ne sont pas des solutions pérennes au problème de surpopulation carcérale.

 Face à ces inconvénients, ne pas voter de décret de grâce collective semblerait presque pertinent. Mais il ne faut pas s’y tromper, ce ne serait pas par souci de l’individualisation de la peine, d’équité ou encore par volonté d’éviter une solution provisoire et insatisfaisante au problème de la surpopulation carcérale, qu’un tel décret ne serait pas voté. Ce serait surtout au titre du renforcement d’une politique avant tout répressive. Les mesures de grâce collective ne sont pas satisfaisantes à bien des égards, mais il ne peut être cependant envisagé de les supprimer sans qu’il y ait une alternative. Réduire le temps passé en prison est nécessaire, et possible, en mettant réellement en œuvre les mesures d’aménagement de peine qui existent et en accordant des réductions supplémentaires de la peine (RPS) selon des critères objectifs et raisonnables. Dans cette perspective, il ne peut en outre être fait l’économie d’une réflexion sur le quantum des peines prononcées.

la rédaction
Ban Public
Juillet 2007