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> Edito

Prison de Clairvaux, zone de non-droits

Mise en ligne : 21 octobre 2009

Dernière modification : 22 octobre 2009

Texte de l'article :

Un article de presse  [1] daté du 21 juillet 2009 décrit le centre pénitentiaire de Clairvaux - constitué d’un quartier centre de détention et d’un quartier maison centrale - en ces mots :
 « […] Dans les prisons comme celle de Clairvaux, pas de problème de surpopulation, il reste même des dizaines de places libres, et les détenus vivent dans des cellules individuelles […]. Mais l’architecture, totalement déshumanisée, s’accorde avec le caractère extrêmement sécuritaire de ce lieu dont plus de 20 % des détenus sont condamnés à perpétuité. Le système des portes fermées réduit considérablement leur liberté de mouvement et les contacts avec les surveillants. Bref, une autre contribution à une désocialisation déjà bien entamée par le manque de travail et de formation professionnelle. Pour un peu plus de 150 prisonniers, seules 12 places dans une formation professionnelle sont proposées. Tous ces facteurs concourent à poser la question de la possible réinsertion dans la société des détenus longues peines. »

En 2004, Ban Public s’était déjà fait l’écho de la révolte de personnes incarcérées dans cet établissement qui ne supportaient plus les conditions intolérable dans lesquelles elles étaient enfermées.

Malgré la multiplication des incidents qui concernent cet établissement pénitentiaire, rien ne change. Les prisonniers voient leur humanité niée et les leurs droits les plus élémentaires bafoués.

A la suite d’un communiqué diffusé il y a une semaine pour dénoncer les conditions inhumaines dans lesquelles est incarcéré Loïc Delière, Ban Public a été averti d’un autre cas, similaire, s’en est trop ! Les droits de l’Homme doivent pénétrer dans toutes les prisons de France, y compris à Clairvaux ! Il n’est nul besoin d’une loi pénitentiaire pour mettre fin à ces situations intolérables mais une véritable volonté politique et administrative.

Ban Public dénonce les traitements subis par les prisonniers au centre pénitentiaire de Clairvaux :

Souvent utilisé par l’administration pénitentiaire, l’isolement prolongé des détenus dits « dangereux » est une pratique hautement condamnable. Dans son avis du 17 novembre 2008, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a constaté, certificats médicaux à l’appui, que l’isolement complet d’une personne incarcérée provoque d’importants dégâts psychologiques. Cette situation est d’ailleurs qualifiée de traitement inhumain et dégradant par la CNDS, reprenant les termes de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en la matière.

Dans ce même avis, la CNDS rappelle que l’absence d’activités en commun entre les personnes isolées est illégale puisque contraire à l’article D.283-1-2 cpp  : « […] le chef d’établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, des activités communes aux détenus placés à l’isolement. »

Ce même article dispose expressément que la mise à l’isolement ne peut être considérée comme une sanction disciplinaire. Il est donc inacceptable qu’au nom de la soi-disant sécurité d’un prisonnier, « parce qu’il n’y aurait plus de place en quartier d’isolement » on mette une personne au quartier disciplinaire.

D’ailleurs, l’absence totale d’activité proposée au prisonnier - le conduisant à passer 23h sur 24 de son temps dans sa cellule - contribue à le tenir sous un statut proche de celui qu’il subirait s’il était sous le coup d’une sanction disciplinaire de mise au quartier disciplinaire. Seulement cette sanction a une limite dans le temps et est conditionnée par la reconnaissance de la commission préalable d’une faute disciplinaire.

Loïc Delière : « L’isolement, c’est une machine à détruire. En France, on enferme des gens et on en fait des bêtes fauves. Pensez-vous que l’on puisse réinsérer des gens quand on subit ce genre de choses ? ».

Nous dénonçons l’absence de soins psychologiques et psychiatriques, conséquence d’une absence de prise en compte de l’état psychologique des prisonniers

Il est totalement incohérent et contraire au principe de dignité humaine de priver un homme incarcéré nécessitant des soins médicaux d’avoir accès au personnel soignant compétent mais de le faire hospitaliser plusieurs jours dans les conditions déplorables qui sont celles d’une hospitalisation d’office d’une personne incarcérée en hôpital psychiatrique.

Nous dénonçons le mépris manifeste envers les proches des prisonniers

Est-il nécessaire de le rappeler ? les proches qui viennent rendre visite à une personne incarcérée sont, jusqu’à preuve du contraire, présumés innocents. S’il n’est pas acceptable qu’une personne incarcérée soit méprisée par le personnel pénitentiaire, il est encore plus révoltant qu’un proche de cette personne le soit. Le mépris à l’égard des proches s’exprime aussi bien verbalement que dans l’état d’insalubrité dans lequel sont les parloirs du centre pénitentiaire de Clairvaux.

Ban Public tient à exprimer toute sa colère à l’égard du traitement réservé aux familles et proches qui, ayant parcouru des centaines de kilomètres pour aller voir leur proche incarcéré, sont humiliés au parloir voire interdits de voir leur proche.
Il est par exemple inadmissible que l’épouse d’un prisonnier ne soit pas avertie de son hospitalisation alors qu’elle a réservé un parloir pour le voir et que ces longs et pénibles déplacements ont engendré un important coût financier et humain.

Ban Public en appelle à la responsabilité de la société civile française et exige que cesse les exactions qui se commettent chaque jour à Clairvaux et à Lille-Sequedin dans l’indifférence générale et la passivité du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Reprenant les mots employés par la CNDS dans son avis précité, Ban Public « regrette que l’administration pénitentiaire ne trouve pas de moyens plus respectueux de la dignité de ceux incarcérés à Clairvaux, qui certes s’ils ont été incarcérés pour des faits graves, n’en restent pas moins des hommes qui doivent être traités avec dignité. »

Ban Public

Notes:

[1Article de M.S intitulé « des peines sans fin  » paru dans « l’Humanité » rubrique « Société » le 21 juillet 2009