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Prison.

Mise en ligne : 29 mai 2006

Texte de l'article :

Prison.

Prison, il y a peu, je vivais dans tes murs, mon ombre ne suivait plus mes pas, trop peur sans doute de se salir sur ces murs sans teint, sur ces sols sans âge.

 Pour un pas de travers il a fallu que je paye, en journées, heures, minutes, secondes. Du temps, rien que du temps, la nouvelle monnaie du cirque judiciaire ; et du temps on en fabrique, on en utilise, pour tout pour rien !

 Des êtres transformés en bêtes, sans foi ni loi, la cour des miracles. Société, tu crois redresser ce petit monde, au contraire tu l’enfonces, tu le formes à tes noirs désirs ; de la brebis égarée émane un loup aux dents longues et acérées.

 Tu fabriques aujourd’hui, sans doute celui qui mettra fin à ta vie. Des hommes sortent de ce monde cassés, jurant une haine profonde, même si parfois silencieuse. Ils sortent avec au fond de leur cœur ce désir de n’aimer que ce qui te fait peur. Ils sortent avec un reste de cœur qui ne leur sert souvent qu’à conserver un semblant de vie, qu’à pouvoir attendre ce moment exaltant, même si c’est le dernier, ou ce monde paiera de son infamie.

 Je vivrais à présent assis au bord de la rivière, tout simplement en attendant de voir passer ton corps, sage vengeance.

 J’ai vu des hommes pleurer, des hommes battus, tailladés, des tâches de coquelicots maculer là un mur, ici un sol ; j’ai vu des hommes jouir de pouvoir taper, j’ai vu des hommes traîner une vie qu’ils n’ont jamais choisie. J’ai vu des hommes prendre plaisir à torturer, (même psychologiquement).

 J’ai entendu hurler dans le noir profond de la nuit, la souffrance, la peur, la mort. J’ai croisé des hommes sans vie, sans destin, sans espoir. J’ai entendu les silences, j’ai lu les mots sur des lèvres scellées à jamais. J’ai croisé ces regards vides, qui ne se remplissent plus de joie ni de peine. J’ai vu couler des larmes, porteuses des mots qui ne peuvent plus être dits.

 Il y a peu encore, mon corps déambulait dans tes sombres corridors, couloir de la mort. Mais ton ventre putride m’a un jour vomi, aujourd’hui je tente de vivre dans une autre prison. Mais ton odeur fétide me colle à la peau. J’honnis ton existence, même si je sais qu’a présent il y a en moi une part de cette chair immonde .

 J’ai envie de hurler, ma peur, ma souffrance, ma mort ; mais les mots ne sortent pas, les sons restent au fond de ma gorge, les larmes sèches ne transportent plus de mots, qui ne pourront plus jamais être dits.

Jean-François Dudoué
Mai 2006