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Présentation du 1er projet de décret relatif à l’isolement des personnes détenues

Mise en ligne : 6 janvier 2005

Dernière modification : 6 septembre 2016

Texte de l'article :

 Introduction

La réforme de la procédure d’isolement est aujourd’hui nécessaire compte tenu des conséquences du revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat du 30 juillet 2003 [CE n°252712 Garde des sceaux c/REMLI : le placement à I’isolement ne peut plus être qualifié de mesure d’ordre intérieur dans la mesure où il aggrave les conditions de détention des personnes détenues, et qu’il s’agit dès lors d’une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir] et pour mettre en conformité les textes avec les évolutions des normes européennes et internationales.
Le premier objectif de la réforme vise à mettre en conformité les textes réglementaires actuels avec les dispositions législatives en vigueur (loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public et loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations). Il convient en effet, dans toute la mesure du possible, d’éviter les annulations contentieuses, en forte augmentation depuis l’arrêt REMLI.

Le deuxième objectif vise à ne pas remette en cause l’usage de la mesure d’isolement comme instrument de gestion de la détention afin de garantir la sécurité des établissements pénitentiaires.

Enfin, le troisième objectif est de simplifier et clarifier les règles de compétence et de durée de l’isolement qui font actuellement l’objet d’interprétations divergentes dans les établissements pénitentiaires et sont génératrices de contentieux.

Afin d’atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’une part de modifier par décret simple les dispositions des actuels articles D283-1 et D283-2 du code de procédure pénale, dont certaines sont obsolètes, et d’intégrer dans le texte réglementaire des éléments contenus jusqu’alors dans la circulaire.

D’autre part, pour garantir la sécurité des établissements, des aménagements à la procédure prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 sont nécessaires, afin notamment de n’autoriser que les mandataires préalablement agréés à assister un détenu dans la procédure d’isolement.

Ces aménagements nécessitent la parution d’un décret en Conseil d’Etat.

Le projet de décret simple sera soumis au Conseil d’Etat pour avis en même temps, que le décret mandataire compte tenu des enjeux de la réforme.

Au moment de la publication des deux décrets, une circulaire d’accompagnement, abrogeant et remplaçant celle du 14 décembre 1998, sera diffusée aux établissements. En outre, des imprimés intégrant les nouvelles dispositions réglementaires seront joints à la circulaire.

Présentation du décret simple

 I/ Dispositions générales

Le paragraphe intitulé « dispositions générales » comprend trois articles.

Le premier est relatif aux motifs et à la durée de l’isolement, le second, au rôle du juge de I’application des peines et de la commission de l’application des peines, et le troisième prévoit la délégation des compétences du chef d’établissement et du directeur régional des services pénitentiaires.

1° Motifs et durée du placement à l’isolement (art D283-1) :

L’alinéa 1 de I’article D283-1 du code de procédure pénale n’est pas modifié.

L’isolement d’un détenu peut être ordonné lorsqu’il en fait la demande ou par mesure de précaution ou de sécurité- En effet, les motifs de placement à I’isolement n’ont pas été remis et cause par les évolutions récentes de la jurisprudence, et il n’y a pas lieu de les modifier.

L’interdiction de placer les mineurs à isolement a été introduit à I’alinéa 2 du projet de décret.

Actuellement, la circulaire du 14 décembre 1998 incite les établissements à ne recourir à cette procédure « qu’en dernière extrémité, et sous la seule responsabilité du chef d’établissement qui devra avoir préalablement recueilli l’avis du médecin de I’établissement  ».

Cependant, dans les établissements pénitentiaires, les mineurs sont détenus en cellule individuelle et séparés des majeurs. Dès lors, la nécessité de placer un mineur à I’isolement n’apparaître pas justifiés en opportunité, compte tenu des conditions de détention dont il bénéficie déjà. Des aménagements des activités auxquelles il peut avoir accès sont possibles tout en le laissant en détention ordinaire.
En outre, les conditions de détention à l’isolement ne répondent pas aux exigences de suivi spécifique et de prise en charge éducative des mineurs. Dans le programme fonctionnel des établissements pénitentiaires pour mineurs, il n’existe pas de cellule d’isolement.

Pour toutes ces raisons, l’alinéa 2 du présent projet de décret exclut les mineurs des dispositions relatives à I’isolement.

Aux termes de l’alinéa 3 du présent projet de décret, l’isolement ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la personnalité du détenu, de son état de santé des motifs qui ont justifié la mesure.

En effet, il a été souligné à plusieurs reprises par les médecins intervenant dans les établissements pénitentiaires que l’isolement prolongé d’un détenu pouvait avoir des répercussion sur son état de santé notamment psychique. De plus, une instance est pendante devant la Cour européenne des droits de I’homme relative à la durée de l’isolement.

Pour des raisons de sécurité et notamment compte tenu du profil particulier de certains détenus qu’il est difficile, voire impossible de maintenir en détention ordinaire, la durée de l’isolement n’a pas été limitée strictement.

Pour qu’un contrôle puisse être exercé sur la notion de durée raisonnable, il est précisé à l’alinéa 4 qu’au-delà de deux ans, la mesure ne peut être prolongée qu’exceptionnellement et par une décision spécialement motivée.

Ces dispositions nouvelles permettent de mettre en conformité les textes nationaux avec les recommandations européennes et la jurisprudence de la Cour, tout en laissant une marge de manœuvre à l’administration pénitentiaire pour prolonger à titre exceptionnel, l’isolement d’un détenu qui, en raison de sa personnalité ou de sa dangerosité, ne peut être placé en détention ordinaire. Un imprimé spécial pour les prolongations au-delà de deux ans sera mis à disposition de l’administration centrale.

Le dernier alinéa de l’article D283-1 rappelle la possibilité pour l’autorité qui a pris la décision de mettre fin à la mesure à tout moment. Elle n’est cependant pas tenue de rendre une décision pour lever l’isolement. Le détenu peut également demander la levée de la mesure à tout moment. L’administration n’est évidemment pas tenue de faire droit à sa demande.

2° Le rôle du juge de l’application des peines (art D283-1-1)

Le nouvel article D283-1-1 du code de procédure pénale concerne le rôle du juge de l’application des peines dans le déroulement de la procédure d’isolement d’un détenu.

Actuellement, selon l’autorité compétente pour rendre la décision, les règles relatives au recueil de l’avis de l’autorité judiciaire varient.

Lorsqu’il s’agit d’un placement initial à l’isolement ou d’un refus opposé à la demande du détenu, le chef de l’établissement « rend compte à bref délai au juge de l’application des peines » et fait un rapport à la commission de l’application des peines suivante. Lorsque la décision relève de la compétence du directeur régional des services pénitentiaires, un nouveau rapport doit être fait devant la commission de l’application des peines. Enfin, le ministre de la justice ne peut décider de prolonger l’isolement que lorsque le directeur régional a recueilli l’avis de la commission de l’application des peines.

En pratique, l’avis de la commission d’application des peines est souvent limité à celui du juge de l’application des peines.

C’est la raison pour laquelle, afin d’unifier les pratiques, toute décision de placement ou de prolongation de l’isolement devra préalablement être soumise pour avis au juge de l’application des peines.

Afin de ne pas bloquer la procédure en cas de non réponse du juge de l’application des peines, la rédaction du texte prévoit qu’il appartient au chef d’établissement ou au directeur régional de solliciter l’avis du juge de l’application des peines. La preuve de la saisine du juge de l’application des peines est suffisante pour être conforme au texte.

A la circulaire d’application de ces nouvelles dispositions, sera joint un imprimé type pour recueillir l’avis du juge de l’application des peines et fixer un délai pour y répondre.

L’information de la commission d’application des peines n’a pas été supprimée.

L’alinéa 2 de l’article D283-1-1 prévoit en effet qu’à chaque fois qu’il l’estime utile et au moins une fois par trimestre, le chef de l’établissement fait un rapport à la commission de l’application des peines sur l’isolement et les mesures en cours d’exécution.

En effet, il est utile pour ses membres d’être informé périodiquement des procédures d’isolement et de la politique du chef d’établissement en la matière. En cas d’incidents ou de difficultés dans le déroulement des procédures d’isolement, le chef d’établissement a la possibilité d’informer quand il le souhaite les membres de la commission, et notamment les autorités judiciaires qui y siègent.

Les dispositions permettant au détenu de saisir le juge de l’application des peines de toutes observations sur la procédure d’isolement dont il fait l’objet n’ont pas été modifiées, et figurent à l’alinéa 2 de l’article 283-1-1

3° La délégation de signature (art D283-1-2)

l’article D283-1-2 permet au chef d’établissement et au directeur régional de déléguer leur signature. Cette disposition vise à remédier à des difficultés de gestion auxquelles sont confrontés les établissements pénitentiaires et, en cas de recours contentieux, à éviter des annulations de décision par les juridictions administratives du fait de l’incompétence de l’auteur de l’acte.

 II/ Régime de l’isolement

1° Les conditions de détention de l’isolement (art D283-1-3)

Dans son arrêt du 30 juillet 2003, le Conseil d’Etat a considéré que la mesure de placement à l’isolement aggrave les conditions matérielles de détention des personnes détenues, notamment en les privant des activités collectives organisées dans l’établissement, de l’enseignement et de la formation professionnelle.

C’est la raison pour laquelle l’alinéa 2 de l’actuel article D283-2 qui prévoit que les détenus placés à l’isolement sont soumis au régime de détention ordinaire devait être modifié.

Le nouvel article 283-1-3 définit le régime de l’isolement, en reprenant pour l’essentiel, les dispositions contenues dans la circulaire du 14 décembre 1998.

Il est ainsi rappelé que les détenus placés à l’isolement sont privés des activités collectives organisées dans l’établissement. En revanche, le dernier alinéa invite le chef d’établissement à favoriser les activités en commun au quartier d’isolement, dans la limite des règles d’ordre et de sécurité de son établissement. Il peut s’agir, comme cela existe déjà dans plusieurs quartiers d’isolement, de promenade ou d’activité à deux ou plusieurs détenus.

Dans les quartiers d’isolement, des espaces réservés à ces activités pourront être aménagés.

Le texte rappelle également qu’à l’isolement, les détenus ne peuvent être privés d’un certain nombre de droits qui étaient jusqu’alors énumérés dans la circulaire, en l’espèce, le droit à l’information, aux visites, à la correspondance, à l’exercice du culte.

2° L’intervention des autorités médicales (art D283-1-4)

Les dispositions relatives à l’intervention du médecin sont inchangées.

3° Le registre de l’isolement (art D283-1-5)

Les dispositions relatives à la tenue d’un registre des mesures d’isolement sont inchangées.

 III/ Détermination de l’autorité compétente

Les règles relatives à la détermination de l’autorité compétente, prévues actuellement par deux alinéas de l’article D283-1 et la circulaire du 14 décembre 1998 ont été modifiées dans un soucis de simplification.

En effet, ces règles font l’objet de difficultés d’application au niveau des services déconcentrés.

1° Règles générales sur la compétence du ministre de la Justice

Les règles relatives à la compétence du ministre de la justice ont également été modifiées. Actuellement, le ministre de la Justice peut décider, pour des raisons liées à la personnalité ou la dangerosité d’un détenu, son placement à l’isolement même lorsque la décision relève de l’autorité du chef d’établissement ou du directeur régional. La motivation des décisions par l’autorité compétente indique qu’elles ont été prises sur ordre ou instruction de l’autorité hiérarchique. Cependant, ce type de motivation ne répond pas aux exigences fixées par la loi du 11 juillet 1979 et encourt l’annulation.

C’est la raison pour laquelle, des dispositions nouvelles, relatives à la compétence générale du ministre de la justice ont été ajoutées. Désormais, il peut décider de toutes les mesures de placement ou de prolongation d’isolement lorsqu’il l’estime nécessaire.

L’introduction de ces dispositions vise d’une part à éviter des annulations de décision lorsque la motivation indique que l’isolement a été décidé sur ordre de l’autorité hiérarchique, et d’autre part à permettre une gestion plus aisée de certains détenus particulièrement sensibles directement au niveau de l’administration centrale.

Sur la forme, toutes les dispositions relatives aux délais d’isolement ont été rassemblées dans une partie unique dans un souci de visibilité.

Des imprimés nouveaux seront joints à la circulaire d’application du projet de décret.

2° Le placement initial (art D283-1-6)

Le chef d’établissement est compétent pour placer à l’isolement un détenu pour une durée qui ne peut excéder trois mois. Il en rend compte au directeur régional. Ces dispositions sont inchangées.

En revanche, l’autorité compétente pour décider de la première prolongation est désormais le chef d’établissement.

Ces dispositions nouvelles permettent de simplifier la procédure pour les six premiers mois d’isolement et de conforter la place du chef d’établissement, responsable de la sécurité de l’établissement.

3° La prolongation de l’isolement au-delà de six mois (art D283-1-7)

Le directeur régional des services pénitentiaires est compétent pour prolonger la mesure à compter du sixième mois pour une durée qui ne peut excéder trois mois.

Il peut renouveler une fois sa décision.

4° La prolongation de l’isolement au-delà d’un an (art D283-1-8)

Le ministre de la justice reste compétent pour prolonger la mesure d’isolement au-delà d’un an.

Cependant, désormais le ministre peut prolonger la mesure pour une durée qui ne peut excéder six mois et non plsu trois mois.

En effet, d’une part des dispositions relatives à la levée de la mesure ont été introduites dans le projet de décret, permettant ainsi de revoir à tout moment la situation du détenu soit à sa demande, soit d’office.

D’autre part, pour réviser la situation du détenu tous les trois mois, le dossier de la procédure devait être transmis à l’administration centrale au moins un mois avant l’échéance conformément aux dispositions de la circulaire du 14 décembre 1998.

Le chef d’établissement devait donc commencer la procédure de prolongation (recueil des avis du médecin, de la CAP, observations du détenu...) alors que la décision précédente avait été notifiée au détenu au plus, un mois et demi avant. Il était donc difficile de recueillir des éléments nouveaux sur la situation du détenu.

C’est pourquoi, désormais la mesure est prolongée par le ministre de la justice pour une durée de six mois, permettant ainsi au moment de la prolongation suivante de pouvoir apprécier l’évolution du comportement du détenu à l’isolement.

Le texte reprend les dispositions actuelles de l’article D283-1 qui prévoient que le directeur régional doit transmettre à l’administration centrale un rapport motivé auquel est joint l’avis du médecin.

Le ministre de la justice peut prolonger l’isolement sans limitation de durée sous réserve de respecter les dispositions de l’article D283-1 al 4 relatives à la motivation spéciale au-delà de deux ans d’isolement.

5° Le calcul de la durée de l’isolement (art D283-1-9 et D283-1-10)

Actuellement le calcul de la durée de l’isolement pour déterminée l’autorité compétente est source de difficultés dans les établissements, et fait l’objet d’interprétations divergentes. Plusieurs juridictions administratives ont considéré que certains des dispositions de la circulaire du 14 décembre 1998 relatives au calcul des délais de prolongation étaient contraires à l’article D283-1 du code de procédure pénale.

C’est pourquoi il convenait d’une part de revoir le calcul de la durée de l’isolement et d’autre part de fixer les règles dans le texte réglementaire.

L’article D283-1-9 pose le principe que le chef d’établissement est compétent pour placer à l’isolement un détenu qui n’a pas fait l’objet d’une telle mesure dans l’année précédente.

Ainsi, toutes les périodes d’isolement sont désormais prises en compte pour déterminer l’autorité compétente quelle que soit la durée de l’interruption à partir du moment où celle-ci n’est pas supérieure à un an.

L’article D283-1-10 du projet de décret tire les conséquences des récentes annulations prononcées par les juridictions administratives en posant le principe que le transfert du détenu ne met pas fin à la mesure d’isolement dont il fait l’objet.

Les motifs de la décision d’isolement doivent cependant être réexaminés au regard de la nouvelle affectation du détenu, et s’ils ne sont pas justifiés, l’isolement doit être levé. En effet, certains détenus sont placés à l’isolement compte tenu de la nature et le niveau de sécurité de leur établissement d’affectation. Ainsi, lorsqu’ils sont transférés vers un établissement plus sécurisé, la mesure d’isolement peut ne plus être justifiée.

La circulaire d’application de ces dispositions précisera que la révision des motifs est faite par l’autorité compétente, en l’espèce, le chef d’établissement accueillant le détenu, le directeur régional ou le ministre de la justice suivant la durée de l’isolement de l’intéressé.

 IV/ Procédure d’isolement d’un détenu par mesure de précaution et de sécurité

Les nouveaux articles D283-2 et suivants sont consacrés exclusivement à la procédure d’isolement d’un détenu par mesure de précaution et de sécurité décidée par l’administration pénitentiaire.

Certaines dispositions des lois du 11 juillet 1979 et 12 avril 2000 qui s’appliquent n’ont cependant pas à être reprises dans le texte réglementaire.

La circulaire d’application exposera cependant de manière détaillée le déroulement de la procédure, en faisant référence aux textes législatifs ou réglementaires.

1° Le déroulement de la procédure (art D283-2 et D283-2-1)

Au termes de l’article 1 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. Les décisions qui constituent une mesure de police doivent être motivées.

L’obligation de motivation, relevant du domaine de la loi, n’a pas été reprise dans le décret.

Aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

L’article D283-2 du projet de décret précise les conditions d’application de ces dispositions législatives.

L’alinéa 1 expose la forme et les modalités d’information du détenu. Lorsqu’une décision d’isolement par mesure de précaution ou de sécurité est envisagée, le détenu est informé, par écrit, des motifs invoqués par l’administration, du déroulement de la procédure et du délai dont il dispose pour préparer ses observations.

Ces dispositions sont identiques à celles prévues actuellement par la circulaire du 14 décembre 1998 aux termes desquelles le détenu doit être informé de la mesure envisagée et doit disposer d’un délai pour préparer ses observations.

Cependant, le projet de décret allonge le délai dont pourra disposer le détenu pour préparer ses observations, compte tenu de la possibilité de se faire assister par un conseil (avocat ou mandataire agréé). Ce délai est ainsi porté à trois heures, à partir du moment où le détenu est mis en mesure de consulter les éléments de la procédure.

Un imprimé relatif à l’information du détenu sera joint à la circulaire.

La procédure contradictoire implique que les éléments en possession de l’autorité administrative compétente pour décider de l’isolement doivent être communiqués au détenu.

Cependant, les mesures d’isolement sont très souvent décidées en fonction d’éléments recueillis oralement ou de rapports des services de police ou du renseignement pénitentiaire. Ces rapports, pour des raisons évidentes de sécurité, ne peuvent très souvent pas être communiqués aux détenus compte tenu notamment des personnes qu’ils citent (co-détenus, complices extérieurs) ou des modes opératoires qu’ils décrivent (projets d’évasion).

C’est la raison pour laquelle le décret prévoit expressément que l’autorité compétente pour prendre la décision d’isolement peut décider de ne pas communiquer au détenu, à son avocat ou au mandataire agréé, les informations ou documents en sa possession lorsqu’ils contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires ou des personnes.

Cette disposition n’est que la reprise de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 mais mérite d’être rappelée dans le décret compte tenu de la spécificité de la mesure d’isolement en terme de sécurité.

Les derniers alinéas de l’article D283-2 exposent les conditions dans lesquelles le détenu peut présenter ses observations.

Si le détenu ne comprend pas la langue française ou s’il n’est pas en mesure de s’exprimer dans cette langue, ses explications sont présentées par l’intermédiaire d’un interprète désigné par le chef d’établissement.

Les observations du détenu et, le cas échéant, celles de son avocat ou du mandataire agréé sont jointes au dossier de la procédure. Si le détenu présente des observations orales, elles font l’objet d’un compte-rendu écrit.

Lorsque la décision relève de la compétence du directeur régional des services pénitentiaires ou du ministre de la justice, le chef de l’établissement leur transmet dans les meilleurs délais le dossier de procédure.

Enfin, il est rappelé à l’article D283-2-1 que la décision d’isolement doit être notifiée sans délai au détenu et en tout état de cause avant l’expiration de la mesure précédente lorsqu’il s’agit d’une prolongation.

2° Le placement provisoire à l’isolement (art D283-2-2)

L’article 24 de la loi du 1 avril 2000 prévoit en cas d’urgence, les dispositions relatives à la procédure contradictoire ne sont pas applicables.

Cependant, compte tenu du fait que la majorité des décisions de placements initial à l’isolement est décidée en urgence (suspicion de projet d’évasion, risques pour la sécurité du détenu...), il ne pouvait pas être envisagé d’écarter systématiquement la mise en place de la procédure contradictoire.

C’est la raison pour laquelle le projet de décret prévoit que pendant le temps de mise en place de la procédure contradictoire, le détenu peut être placé provisoirement à l’isolement.

Cette décision est prise par le chef d’établissement ou la personne qu’il désigne à cet effet.

Le placement provisoire ne peut excéder trois jours ouvrables, le temps nécessaire à mettre en place la procédure visée à l’article D283-2 du code de procédure pénale.

Le placement provisoire à l’isolement ne peut être prononcé que si la mesure est l’unique moyen de préserver la sécurité de l’établissement ou des personnes. Dès lors, il ne concernera que des situations d’urgence. A titre d’exemple, un détenu médiatique, qui ne présente pas de dangerosité particulière, pourra rester au quartier arrivant le temps nécessaire à la mise en place de la procédure.

3° Le recours contre la décision d’isolement (art D283-2-3)

L’article D283-2-3 du décret instaure une procédure de recours hiérarchique obligatoire avant tout recours contentieux lorsque la décision relève de la compétence du chef d’établissement ou du directeur régional des services pénitentiaires.

Ce recours est obligatoire pour tous les isolements décidés par l’administration pénitentiaire, décisions de placement à l’isolement, refus de faire droit à une demande d’isolement du détenu, refus de lever la mesure d’isolement à la demande du détenu.

Cette procédure obligatoire permet éventuellement au détenu d’obtenir une réformation de la décision prise ou un exposé plus précis des motifs pour lesquels il est à l’isolement, évitant ainsi une saisine de la juridiction administrative.

Le recours hiérarchique n’est pas suspensif. Le détenu reste donc à l’isolement le temps de l’examen de sa requête.

Dans un souci de simplification, les délais dont dispose le détenu pour exercer son recours et ceux donnés à l’autorité hiérarchique pour y répondre sont les mêmes que ceux existants actuellement dans le cadre de la procédure disciplinaire.

Le détenu qui entend contester la décision d’isolement dont il fait l’objet doit la déférer à l’autorité hiérarchique dans le délaii de quinze jours à compter de la notification de la décision ou du refus de faire droit à sa demande présentée dans les conditions de l’alinéa 4 de l’article D283-1.

L’autorité compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L’absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet.

4° Le régime de l’isolement à la demande de l’autorité judiciaire (art D55)

En application des articles 715 et D55 du code de procédure pénale, l’autorité judiciaire est compétente pour donner tous les ordres nécessaires soit pour l’instruction, soit pour le jugement, qui devront être exécutés dans les maisons d’arrêt.

Ainsi, le juge d’instruction, le président de la chambre d’accusation et le président de la cour d’assises, ainsi que le procureur de la République et le procureur général peuvent-ils ordonner à l’égard du détenu, soit des mesures de séparations d’autres détenus, soit une interdiction temporaire de communiquer qui ne peut excéder 10 jours renouvelable une fois, soit un placement à l’isolement.

L’isolement à la demande de l’autorité judiciaire doit être très clairement distingué de l’isolement décidé par l’administration pénitentiaire.

L’autorité judiciaire n’est compétente pour donner à l’administration pénitentiaire que les ordres nécessaires à l’instruction et au jugement. Elle ne peut interférer dans les pouvoirs de l’administration pénitentiaire, responsable du maintien de l’ordre dans l’établissement.

L’isolement est demandé par le magistrat saisi du dossier de l’information qui peut en préciser les modalités : durée pendant laquelle cette mesure doit être appliquée, isolement limité (ne séparer le détenu que de certains autres, le détenu pouvant alors participer à certaines activités : promenades, travail...) ou isolement strict.

Dans tous les cas, l’autorité administrative n’a pas à rendre de décision de placement à l’isolement, celui-ci étant prévu par la notice individuelle remplie par le magistrat.

Dans l’hypothèse d’un isolement à la demande de l’autorité judiciaire, les dispositions de l’article D283-1 du code de procédure pénale ne s’appliquent pas (communication au détenu des motifs, avis leur permettant de saisir le juge de l’application des peines, procédure, durée...). Cependant, certaines des dispositions des articles D283-1 et suivants doivent être respectées (ex : contrôle par les autorités médicales).

C’est pourquoi, afin de clarifier le régime de l’isolement demandé par l’autorité judiciaire, un nouvel alinéa vient compléter l’article D55, précisant que le détenu est soumis au régime de détention prévu par les articles D283-1-3 à D283-1-5.
 
DECRET N°XXX DU XX/XX/XX

Décret relatif à l’isolement des détenus

NOR : JUS

Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code de procédure pénale, notamment l’article 728 ;
Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 24 ;
Vu la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
Vu le décret n°96-287 du 2 avril 1996 relatif au régime disciplinaire des détenus et modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) ;
Vu le décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) et relatif à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires ;

Après avis du Conseil d’Etat (section de l’intérieur),

Décrète :

Art. 1 : Le paragraphe 4 de la section V du chapitre V du titre II du livre cinquième du code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) est ainsi modifié :

« A Dispositions générales :

« Art. D283-1 Les détenus peuvent, soit sur leur demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placés à l’isolement par décision motivée,
« Toutefois, les mineurs ne peuvent pas être placés à l’isolement,
« L’isolement ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la personnalité du détenu, de son état de santé et des motifs qui ont justifié l’isolement,
« Au-delà de deux ans, la prolongation de l’isolement doit être exceptionnelle et doit faire l’objet d’une décision spécialement motivée expliquant en quoi le placement en détention ordinaire causerait pour la sécurité du détenu ou de l’établissement un risque d’une particulière gravité,
« L’autorité compétente pour prendre la décision d’isolement peut y mettre fin à tout moment, d’office ou à la demande du détenu,

« Art. D283-1-1 Préalablement à toute décision d’isolement, le chef de l’établissement ou le directeur régional des services pénitentiaires sollicitent l’avis du juge de l’application des peines.
« A chaque fois qu’il l’estime utile et au moins une fois par trimestre, le chef de l’établissement fait un rapport à la commission de l’application des peines sur l’isolement et les mesures en cours d’exécution,
« le détenu peut faire parvenir au juge de l’application des peines toutes observations utiles concernant la décision prise à son égard,

« Art. D283-1-2 Pour l’application des dispositions des articles D283-1-6 à D283-2-2, le chef d’établissement peut déléguer sa signature à un de ses adjoints ou à un membre du personnel d’encadrement. En leur absence ou en cas d’empêchement, le directeur régional des services pénitentiaires désigne un membre du personnel de l’établissement.
« Le directeur régional des services pénitentiaires peut déléguer sa signature à un personnel de catégorie A de la direction régionale des services pénitentiaires,
« La délégation prévue aux alinéas précédents doit être écrite et signée de l’autorité compétente.

« B Régime de détention à l’isolement

« Art. D283-1-3 la mise à l’isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire.
« La mise à l’isolement consiste dans le placement du détenu dans une cellule qu’il doit occuper seul,
« Les détenus placés à l’isolement conservent leurs droits à l’information, aux visites, à la correspondance, à l’exercice de leur culte,
« Toutefois, les détenus isolés ne peuvent participer aux activités collectives auxquelles peuvent prétendre les détenus soumis au régime de détention ordinaire,
« Le chef de l’établissement doit, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, favoriser les activités en commun dans des espaces aménagés à cet effet au sein du quartier d’isolement.

« Art. D283-1-4 La liste des détenus présents au quartier d’isolement est communiquée quotidiennement à l’équipe médicale. Ces détenus font l’objet d’un examen médical dans les conditions prévues à l’article D381. Il apparient au médecin, chaque fois qu’il l’estime utile au regard de l’état de santé du détenu, d’émettre un avis sur l’opportunité de mettre fin à l’isolement,

« Art.D283-1-5 Un registre des mesures à l’isolement est tenu sous la responsabilité du chef de l’établissement. Ce registre est visé par les autorités administratives et judiciaires lors de leurs visites de contrôle et d’inspection.

« C Détermination de l’autorité compétente pour décider de l’isolement

« Art.D283-1-6 Sauf décision contraire du ministre de la justice, l’autorité compétente pour décider le placement et la première prolongation de l’isolement est le chef d’établissement. Ce dernier rend compte de sa décision à bref délai au directeur régional.
« Le placement à l’isolement ne peut excéder trois mois. Il peut être prolongé une fois pour une durée de trois mois.

« Art.D283-1-7 A l’issue de ce délai, le directeur régional des services pénitentiaires ou le cas échéant le ministre de la justice lorsqu’il le décide, peut prolonger l’isolement pour une durée qui ne peut excéder trois mois,
« Cette décision peut être renouvelée une fois,

« Art.D283-1-8 Lorsque le détenu est à l’isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut décider de prolonger la mesure pour une durée de six mois renouvelable,
« La décision est prise sur rapport motivé du directeur régional qui recueille préalablement l’avis du médecin intervenant dans l’établissement,
« Au-delà de deux ans, cette décision peut être renouvelée, dans les conditions prévues à l’alinéa 4 de l’article D283-1,

« Art.D283-1-9 Si l’isolement est levé pendant une période ininterrompue d’au moins un an, l’autorité compétente pour placer à nouveau le détenu à l’isolement est le chef de l’établissement sauf décision contraire du ministre de la justice,

« Art. D283-1-10 Le transfert du détenu ne met pas fin à la mesure d’isolement dont il fait l’objet. Les motifs de la décision d’isolement doivent cependant être réexaminés au regard de ma nouvelle affectation du détenu, et s’ils ne sont plus justifiés, l’isolement doit être levé,

« D Procédure d’isolement d’un détenu par mesure de précaution ou de sécurité

« Art. D283-2 lorsqu’une décision d’isolement par mesure de précaution ou de sécurité est envisagée, le détenu est informé, par écrit, des motifs invoqués par l’administration, du déroulement de la procédure et du délai dont il dispose pour préparer ses observations. A partir du moment où le détenu est mis en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé s’il en a fait la demande, ce délai ne peut être inférieur à trois heures.
« L’autorité compétente pour prendre la décision d’isolement peut décider de ne pas communiquer en sa possession lorsqu’ils contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires ou des personnes,
« Si le détenu ne comprend pas la langue, ses explications sont présentées par l’intermédiaire d’un interprète désigné par le chef d’établissement,
« Les observations du détenu et le cas échéant, celles de son avocat ou du mandataire agréé sont jointes au dossier de la procédure. Si le détenu présente des observations orales, elles font l’objet d’un compte-rendu écrit,
« Lorsque la décision relève de la compétence du directeur régional des services pénitentiaires ou du ministre de la justice, le chef de l’établissement leur transmet dans les meilleurs délais le dossier de la procédure.

« Art.D283-2-1 La décision d’isolement est notifiée au détenu sans délais par le chef de l’établissement,

« Art.D283-2-2 le chef de l’établissement peut, décider le placement provisoire à l’isolement du détenu si la mesure est l’unique moyen de préserver la sécurité de l’établissement ou des personnes,
« Le placement provisoire à l’isolement ne peut excéder trois jours. Le calcul de ce délai s’effectue conformément aux dispositions de l’article 801 du présent code,
« A l’issue de ce délai, si aucun décision de placement à l’isolement, prise dans les conditions des articles D283-2 et D283-2-1 n’a été rendue, il doit être mis fin à l’isolement,
« La durée du placement provisoire à l’isolement s’impute sur le calcul de la durée totale de l’isolement,

« Art.D283-2-3 le détenu qui entend contester la décision d’isolement dont il fait l’objet doit, préalablement à tout autre recours, la déférer au directeur régional des services pénitentiaires lorsque la décision a été prise par le chef de l’établissement, et au ministre de la justice lorsque la décision ou du refus de faire droit à sa demande présentée dans les conditions de l’alinéa 4 de l’article D283-1,
« L’autorité compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L’absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet.

« Art.2 L’article D55 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le juge d’instruction ordonne le placement à l’isolement, le détenu est soumis au régime de détention prévu par les articles D283-1-3 à D283-1-5,

« Art.3 Le garde des sceaux, ministre de la justice, est chargé de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel d la République française.

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