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Plus de 6 mois de retard pour une consultation malgré la douleur

Mise en ligne : 25 juin 2007

Texte de l'article :

La section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :

Incarcéré depuis le 22 novembre, N.A., âgé de 17 ans, a dû attendre le 14 juin 2007 pour bénéficier d’une consultation médicale avec un spécialiste, initialement prévue le 19 décembre 2006, alors même qu’il se plaint depuis plusieurs mois d’intenses douleurs.

Suite à un grave accident de la circulation, N.A. subit le 18 août 2006 au service d’orthopédie de l’hôpital Édouard Herriot de Lyon (Rhône) une opération chirurgicale de la jambe gauche, au cours de laquelle lui sont posées des broches. Une consultation de contrôle, habituelle et nécessaire en pareil cas selon l’équipe médicale de l’hôpital, est immédiatement prévue avec le chirurgien qui l’a opéré pour le 19 décembre 2006.

Cette consultation est cependant rendue impossible par l’incarcération de N.A. le 22 novembre. En effet, contacté par l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de la prison Saint-Joseph pour organiser l’extraction médicale, le médecin qui a opéré N.A. fait savoir qu’aucune personne détenue ne peut être admise dans son service et que N.A. doit être reçu en consultation à l’hôpital Lyon Sud, au sein duquel se situe une unité hospitalière de soins interrégionale (UHSI) pénitentiaire. De son côté, le service d’orthopédie de l’hôpital Lyon Sud, contacté par l’OIP, explique que c’est normalement aux médecins qui ont pratiqué les interventions chirurgicales de recevoir leurs patients en consultation. Dans ces conditions, ce n’est qu’après un transfert à la maison d’arrêt de Varces (Isère) intervenu le 30 mai, que N.A. obtient enfin, le 14 juin, une consultation avec un spécialiste au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble.

Pourtant, dès le mois de février 2007, N.A. se plaint de vives douleurs à la jambe gauche. Le 13 février, son avocat adresse un courrier au directeur de la maison d’arrêt de Lyon, qui lui répond le 23 que son client « bénéficie d’un suivi médical adapté ». Le 20 mars, devant la persistance des douleurs de N.A., une radiographie de sa jambe est pratiquée à l’UCSA, qui ne révèle rien d’inquiétant selon les médecins. Le 2 avril 2007, l’UCSA adresse un courrier à l’hôpital Édouard Herriot pour s’enquérir de la conduite à tenir concernant N.A. Ce courrier est resté sans réponse. Une nouvelle radiographie est pratiquée le 14 juin à Grenoble et le médecin conclut que les broches ne présentent pas de signes inquiétants et que, en l’absence de consolidation suffisante de la jambe, ces dernières ne peuvent être retirées pour l’instant. Pour autant, N.A. continue de se plaindre de douleurs, et aucune réponse ou explication ne semble lui avoir été apportée.

Les soins en kinésithérapie rendus nécessaires par l’opération de N.A. sont en outre gravement compromis par son incarcération. S’il pouvait bénéficier de séances quasi quotidiennes avant son entrée en détention, celles-ci se trouvent limitées « dans le meilleur des cas » à un rythme hebdomadaire à la maison d’arrêt de Lyon, selon l’UCSA, et sont purement et simplement inexistantes depuis son transfert à la maison d’arrêt de Varces. En effet, selon le médecin-chef de l’établissement, le kinésithérapeute qui intervenait au sein de la prison grenobloise est absent depuis février, et n’a pas été remplacé.

L’OIP rappelle :

- l’article L.1110-1 du Code de la santé publique : « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne » ;

- la circulaire du 8 décembre 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus, qui prévoit que les détenus ont droit à « une qualité et une continuité de soins équivalentes à ceux offerts à l’ensemble de la population » ;

- l’étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme relative à l’accès aux soins des personnes détenues, adoptée le 19 janvier 2006, qui estime que « l’accès des détenus aux soins spécialisés doit être mis en œuvre dans des conditions équivalentes à ce qui prévaut en milieu libre » ;

- l’article 3 du protocole entre les prisons de Lyon et les Hospices civils de Lyon : « les consultations spécialisées qui ne peuvent être organisées en milieu pénitentiaire sont assurées dans l’établissement de santé. En cas d’impossibilité, celui-ci prend toutes dispositions pour que ces consultations soient réalisées dans un autre établissement de santé ».