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Opération PRISONS-REALITE

Mise en ligne : 9 novembre 2005

Texte de l'article :

JUSTICE PENALE, UN TERRITOIRE PERDU DE LA REPUBLIQUE
PRISONS, UNE HUMILIATION DE LA REPUBLIQUE

Madame, Monsieur,

Comme parlementaire, vous savez, mieux que beaucoup, combien les efforts faits par le gouvernement actuel pour « sécuriser » le quotidien des français ont induit de dégâts sociaux qui coûtent très cher aux citoyens, tant éthiquement que financièrement.

Le résultat de ces efforts est une justice pénale aveuglée, qui remplit inconsidérement et pour longtemps les prisons.
 
Cette surpénalisation, qui dans un premier temps semble mieux satisfaire (si peu) les victimes, n’entraîne à terme que frustrations et exacerbation du désir de vengeance, ce qui est l’antithèse de la justice.

Cette surpénalisation, qui dans un premier temps fait chuter (si peu) le nombre des actes criminels, entraîne aussi l’augmentation des comportements déviants, les exclusions, la récidive, quand on sait comment sont traités les condamnés.

Vous-même ou vos prédécesseurs au Parlement aviez, dès 2002, tiré la sonnette d’alarme dans un rapport dont la célébrité n’a eu d’égal que l’inefficacité. Pourtant, la situation dans les prisons n’a fait qu’empirer : surpopulation, indigence, violences, racisme, suicides, viols ne sont que quelques « peines » supplémentaires qui attendent le détenu dans les maisons d’arrêt.

Vous pensez peut-être que ce triste tableau est bien exagéré et que de grands efforts sont faits pour rendre moins indigne la vie carcérale. Pour vous convaincre du contraire et pour que vous agissiez ensuite au Parlement, nous vous proposons une opération d’immersion dans le milieu carcéral dont les trois objectifs sont complémentaires :
 1-rencontrer la réalité, aussi dure et cruelle soit-elle, et démontrer à la population que les élues et les elus nationaux s’impliquent personnellement pour que nos prisons ne soient plus une humiliation de la république.
 2-prendre la mesure du désastre financier et du gâchis bumain dans lesquels se débattent détenus et personnel pénitentiaire.
 3-obtenir un vécu du monde carcéral qui vous donnera une base concrète pour réformer efficacement le système pénal et carcéral.

L’immersion courte que nous vous propossons page suivante nous semble la seule façon de vous former une opinion sur les mesures urgentes à prendre qui pourront améliorer considérablement l’existence de dizaines de milliers de personnes incarcérées, de milliers de personnels et d’intervenants en prison.

Enfin, au-delà de ces mesures d’urgence, des réformes de fond s’imposent :
 -différencier les régimes d’enfermement en redéployant les établissements actuels en centres de placement adaptés
-instaurer un contrôle extérieur indépendant de l’Administration pénitentiaire (elle-même le demande)
-réformer la justice pénale en développant la justice réparatrice dont les sanctions sont bien mieux acceptées par les délinquants et bien plus favorables aux victimes que l’incarcération.

Osez cette opération d’immersion de 2 jours, le peuple vous en sera reconnaissant.

 OPERATION PRISONS-REALITE

APPEL AUX PARLEMENTAIRES :

LA VISITE C’EST BIEN, L’IMMERSION C’EST MIEUX,
OU QUI AURA LE COURAGE DE VIVRE 2 JOURS EN CONDITIONS CARCERALES ?

Vous élus et élues, qui votez les lois de la république, vous avez le droit de visiter tout établissement pénitentiaire quand vous le voulez, mais les conditions de votre visite ne permettent qu’une analyse très partielle du quotidien de la vie carcérale.

Vivre deux jours en immersion dans une prison doit vous aider à prendre conscience qu’une politique du tout-carcéral génère toujours

- plus de misère morale, sociale, familiale, économique et culturelle
- plus de frustration, d’exclusion et de violence
 - plus d’insécurité
 - plus de dépenses publiques pour punir et non pour prévenir.

Vivre deux jours en immersion dans une prison doit vous aider à prendre conscience des difficultés quasi insurmontables éprouvées par les personnels de l’Administration pénitentiaire pour assurer une série de missions contradictoires avec des moyens qui ne suivent pas le train des condamnations imposé par la justice pénale.

AUSSI, NOUS VOUS APPELONS, ELUES ET ELUS DE TOUTES TENDANCES POLITIQUES, A PARTICIPER ACTIVEMENT A L’OPERATION PRISONS-REALITE.
 
 OPERATION PRISONS-REALITE

MODALITES DE L’IMMERSION CARCERALE VOLONTAIRE :

- 376 parlementaires de toutes tendances politiques se répartissent en 188 binômes du même sexe (soit un binôme par établissement)
-chaque binôme choisit un établissement où il occupera la même cellule du matin 7 heures au lendemain 18 heures et sera traité de la même façon que les autres détenus.
-à la suite de votre « immersion », vous aurez à rédiger un témoignage sur votre expérience de la vie carcérale qui servira de base à une synthèse réalisée par un groupe de parlementaires que vous vous serez choisi. Cette synthèse devra proposer des solutions innovantes aux problèmes posés par la justice pénale actuelle :

-surpopulation dans les maisons d’arrêt
-gestion criminogène de la délinquance juvénile
-gestion indigne de la maladie et de la vieillesse dans les prisons
-gestion frustrante de la réparation due aux victimes
-incapacité à réinsérer les personnes libérées dans la société
-taux élevé de récidive de la petite et moyenne délinquance
-coût exorbitant des dommages « collatéraux » pour la collectivité

L’incarcération punitive comme principale réponse de la justice pénale à la délinquance étant humainement insoutenable et socialement inefficace, comment remplacer le code pénal et le code de procédure pénale pour obtenir :

-une justice conforme aux valeurs humanistes de l’Europe
-une réparation des dommages faits aux victimes et à la société
-une diminution significative de la récidive
-une réinsertion sociale et professionnelle des délinquants
-une prévention efficace

Voilà à quoi vous devriez pouvoir répondre, forts de votre « expérience d’incarcération volontaire » de l’opération Prisons-Réalité 
 
JUSTICE PENALE, UN TERRITOIRE PERDU DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE

En 2003 :
18000 années de réclusion criminelle prononcées par la justice d’assises
72000 années de prison prononcées par la justice d’instance
120 suicides dans les prisons de notre république, soit 7 fois plus qu’à l’extérieur
plus d’une personne sur 100 incarcerée
un taux moyen d’occupation des prisons de 120 %, mais dépassant les 200 % dans certaines maisons d’arrêt.

En 2004 :
la surpopulation a atteint des records en juillet, et ce n’est que par le « droit régalien » de grâce du Président de la République que la surpopulation n’a pas augmenté. On ne sait pas encore combien de siècles de prisons ont été distribués... seuls 115 détenus se sont suicidés, ce qui permet à la France d’avoir les prisons les plus suicidogènes en Europe, juste derrière le Luxembourg !

Au pays des droits de l’homme, un pouvoir législatif et judiciaire aveugle organise une industrialisation de la répression et un contrôle social qui génèrent familles broyées, jeunes rebelles à toute citoyenneté, adultes exclus, clochardisés dont plus de la moitié retourneront en prison dans les 5 ans.

Ce pouvoir électoraliste et réactionnaire, qui a basé son action sur la lutte contre l’insécurité, récolte depuis ces dernières années le fruit pitoyable de son mépris du peuple :

Administration pénitentiaire flouée, desorientée devant l’incohérence de sa mission : sécuriser et réinsérer, démotivée par le manque de moyens face à l’augmentation constante du nombre des prisonniers.

Victimes ignorées qui ne retirent des jugements qu’un peu d’argent et un sentiment de vengeance souvent inassouvi à la place d’un sentiment de justice accomplie et d’un espoir que leur douleur serve à un avenir meilleur.

Condamnés méprisés, plongés dans un univers de promiscuité, de violence, de racisme, d’indigence, de sexualité dévoyée, bref l’univers le plus criminogène qui soit.

Les conditions indignes de détention sont une humilation pour notre république.

La justice pénale se nourrit de la misère et de la récidive qu’elle provoque.

Ce gâchis peut et doit être évité.

Avant une refonte de l’ensemble du système,

-exigeons en urgence les 15 mesures de l’appel du 14 juillet qui rendront les conditions de détention moins indignes

-demandons à nos élus de participer à l’opération prisons-réalité, qui leur permettra de prendre conscience des conséquences de leur (in-)action.

OPERATION PRISONS-REALITE

APPEL AUX CITOYENS

La punition par la prison a perdu son sens et son contenu à cause de la prison elle-même, lieu de rupture, de démolition des personnes incarcérées qui perdent leur dignité. Sans dignité nous ne sommes plus que des humanimaux enfermés dans la souffrance, le désir de violence et de vengeance.

Les délinquants comme les victimes sont maltraités par la justice pénale et le tout-carcéral. Il faut redonner du sens et un contenu à l’enfermement.

Pour cela, réfléchissez et innovez...

Ne serait-il pas péférable de

-réparer, soigner, accompagner la victime, le délinquant, dans l’interêt de la société toute entière ?

-mettre en place une justice criminelle non plus basée sur la peine mais sur la médiation et la réparation, afin de mieux satisfaire les victimes, et afin de resocialiser les criminels dans le cadre d’un enfermement spécialisé et adapté à la situation sociale, à l’âge et à l’état de santé physique et mental ?

 -transformer le code pénal et le code procédure pénal basés sur le châtiment et l’expiation en un code criminel basé sur la réparation des dommages subis par les victimes et sur le parcours de réinsertion des délinquants ?

Réflechissez et agissez car les prisons sont un désastre humain, social et financier indigne d’une république du troisième millénaire.

 Proposez à vos élus de participer activement à l’opération PRISONS-REALITE.

Hervé Bompard-Eidelman