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Collectif de Défense des Familles et Proches de Personnes Incarcérées

N°4 - Colloque du 30 mai 2002 : L’enfant et son parent incarcéré soutenir le lien, protéger l’enfant

Mise en ligne : 23 septembre 2002

Dernière modification : 12 juin 2005

Texte de l'article :

COLLOQUE DU 30 MAI 2002 organisée par la Fondation pour l’enfance à Paris :
L’enfant et son parent incarcéré soutenir le lien, protéger l’enfant

Début du colloque à 9h30 par le discours de la Présidente de la Fondation : Madame Giscard D’Estaing...
Nous sommes réunis dans une des salles du palais du Luxembourg, l’assistance est composée d’environ 300 personnes (membre de l’AP, médecins, associations etc...).
La matinée est consacrée à la place de l’enfant qui naît en prison.

Les intervenants : Monsieur Vogelweith conseiller auprès de la Défenseur des Enfants, Claire Brisset (et ancien juge pour enfant) qui explique son rôle dans cet organisme.

Madame Pinto Da Rocha, psychologue et Monsieur May pédiatre, nous expliquent les dysfonctionnements au sein de la Nursery de Fleury Méraugis. Madame Pinto Da Rocha nous fait part de ses inquiétudes face à la situation au sein de la nursery (repas non étudiés pour les bébés, démission du personnel de puéricultrice etc...).. Le Docteur May nous apprend que les juges d’instruction ne savent même pas lorsque les femmes qu’ils ont incarcérées sont enceintes et les convoquent parfois au lendemain d’un accouchement ou la veille (!!). Enfin, pour résumer dans le monde carcéral personne n’est épargné par l’injustice et les mauvais traitements même pas les enfants, mais le principal n’est il pas d’incarcérer à tout va pour que le brave citoyen se sente en sécurité...

Monsieur Bouregba psychologue et Directeur du Relais enfant parent, (organisme très largement représenté ce jour et partenaire privilégié de l’administration Pénitentiaire), fait un brillant exposé sur le lien mère enfant depuis la conception et jusqu’au trois premières années de sa vie. Il nous apprend qu’un enfant laissé à sa mère incarcérée jusqu’à trois ans, comme c’est le cas au Pays Bas, sera moins perturbée et souffrira moins que l’enfant que l’on retire à sa mère à partir de 18 mois comme c’est le cas en France. Madame Rotah, Directrice de la prison de femmes des Baumettes conclura la matinée qui se terminera vers 12h30.

Le colloque reprend à 14h00 par l’exposé de Monsieur Delattre représentant de l’administration Pénitentiaire. Il est bien clair que l’AP et les associations comme la notre qui lutte pour une plus grande prise en compte des liens familiaux ne peuvent, malheureusement, qu’engager un dialogue de sourds quelques soient les bonnes volontés de part et d’autre pour avancer sereinement dans une discussion constructive. Nous parlons de droit de l’homme, de la fragilité de l’enfant, de l’importance du maintien des liens familiaux pour la réinsertion du détenu, on nous répond sécurité (maître mot), discipline et que la prison n’a pas un rôle social. Quel rôle a la prison, on est en droit de se poser la question lorsque l’on voit les dégâts qu’elle fait, en aucun cas la prison répare, elle déstabilise, infantilise et désociabilise. J’interviens en me présentant et en précisant que je suis sans doute ici la seule personne faisant partie des usagers de l’administration pénitentiaire puisque je suis femme de détenue et que la prison je la subis mois aussi.

Leslie Wisse Laroche
"Je suis ici en tant que présidente du Collectif.... mais aussi en tant que mère. Lorsque ma fille a commencé les parloirs elle avait 2 ans et encore les couches. J’ai découvert que la prison ne tenait aucun compte de la place de l’enfant et qu’à partir du moment où il devenait enfant de détenu on oubliait jusqu’à son existence. Désormais il lui sera interdit de partager avec son parent incarcéré une fête, un repas, une promenade, il sera lui aussi condamné. L’année dernière à l’occasion de la fête des pères, j’ai vu deux petits garçons (des jumeaux) revenir de l’école avec leurs jolis paquets enrubannés et colorés. Ils se sont assis sur le canapé, leurs paquets posés sagement sur leurs genoux et ils ont attendu. Ils savaient que contrairement à la plupart de leur camarade ils n’auraient pas la joie d’offrir le cadeau qu’ils avaient confectionné à l’école pour leur papa. Je me suis alors demandé quelle société, quelle loi pouvait être aussi absurde et inhumaine pour priver les enfants de ce partage. Pour Noël j’ai interpellé les directeurs régionaux de l’administration Pénitentiaire ainsi que l’administration Pénitentiaire à Paris afin que les parents puissent remettre à leurs enfants (au moins les plus jeunes) un cadeau qu’ils auraient acheté sur catalogue. Rien n’a été fait. L’enfant ne peut pas comprendre tous ces interdits et en tant que mère je ne peux expliquer à mon enfant ce qui n’a pas de rationalité. Comment l’enfant interprète t-il autant de barrières mises entre lui et son parent incarcéré ? Comment va t-il gérer plus tard dans sa vie d’adulte toutes ces frustrations, tous ces manques ? »

Je n’ai, bien sur pas eu de vraies réponses, me heurtant chaque fois à la sacro-sainte sécurité, Mme Blanco (présidente et fondatrice des Relais enfants Parents) et une personne dans la salle réagissent en disant que dans certains établissements les enfants confectionnent sur place des cadeaux à l’occasion de la fête des pères ou mères, si c’est possible là, pourquoi pas là bas. Je suis persuadée que tout ceci est simplement une question de bonne volonté masquée par le prétexte du tout sécuritaire.

Le colloque continu avec l’intervention de Madame Brahmy, médecin chef du SMPR de Fleury et Madame Blanco. La journée est conclue par Monsieur Lassus, psychologue. Pour lui qui se place uniquement du côté de l’enfant, à partir du moment où le père est un bon père et où l’enfant ressent une telle souffrance qu’elle ne peut que lui être préjudiciable, on ne doit en aucun cas les séparer (ne pas incarcérer le père). Par contre un père incestueux où étant nuisible pour l’enfant qui ne serait alors plus un père mais un simple géniteur ne devrait plus être mis en contact avec son enfant qu’il ne pourrait que détruire. Mais pour l’AP et la belle justice de notre joli pays des droits de l’homme le bien être de l’enfant est bien moins important que la punition du parent.

La réunion se termine vers 17h30.

Source : Le CDFPPI diffuse un bulletin trimestriel « Le Journal du Collectif ».