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N°04 ACP du 10 juillet 2006

Mise en ligne : 14 juillet 2006

Dernière modification : 27 novembre 2006

Texte de l'article :

Arpenter le CHAMP PÉNAL
Les comptes du Lundi 10 juillet 2006

N°4. Population sous écrou
Détention provisoire
1er septembre 2004
Union européenne

Les données mobilisées infra ont été présentées, par nos soins, à Bruxelles, le 9 juin 2006 lors d’une réunion d’experts sur les normes minimales en matière de détention avant jugement (plan d’action mettant en œuvre le programme de la Haye) organisée par la Commission européenne, Direction générale Justice, Liberté et Sécurité.

Pierre V. Tournier

 Les indices présentés dans le tableau ci-joint ont été calculés sur la base des données collectées dans le cadre du système SPACE (Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe) que j’ai créé en 1983 et dont j’ai eu la responsabilité pendant 20ans.

 Dans cette base de données, le population carcérale, à une date t (statistiques de stocks), fait l’objet d’une dichotomie entre détenus « prévenus » et détenus « condamnés ». Est considéré comme prévenu, tout détenu qui n’a pas encore fait l’objet d’une condamnation définitive. Il bénéficie alors de la présomption d’innocence. Les prévenus sont « en détention provisoire » et les condamnés sont en « exécution de peine ». Compte tenu de cette définition du prévenu par la négative - non condamné définitif - la catégorie ainsi déterminée est nécessairement composite. On peut la décomposer de la manière suivante :

Prévenus (détention provisoire)

P1. Détenus non encore jugés. Ils n’ont pas encore fait l’objet d’une décision d’un tribunal dans l’affaire qui motive leur détention.
 
P2. Détenus déclarés coupables, mais non encore condamnés. Cette distinction entre le moment de la déclaration de culpabilité et celui du choix de la sanction existe par exemple en Angleterre Pays de Galles.

P3. Détenus condamnés, en première instance, ayant utilisé une voie de recours ou dans les délais légaux pour le faire.

Sur la base de ce découpage, on peut évidemment définir de trois façons différentes la population en détention provisoire

Définition au sens stricte : P1 

Définition au sens large : P1 + P2 + P3

Et entre les deux : P1 + P2 (définition non utilisée dans cette note)

A partir de ces définitions, on peut calculer les indices suivants (au 1er septembre 2004)

Définition au sens strict de la détention provisoire

* La proportion de détenus non encore jugés (indice C du tableau). Rapport du nombre de prévenus au sens strict - non encore jugés - au nombre total de détenus à un instant donné, cette proportion est, en moyenne, de 28 % pour les pays étudiés. Elle varie de 4 % en Lettonie à 43 % au Luxembourg.

* Le taux de détenus non encore jugé (indice D du tableau), ou encore taux de détention provisoire. Rapport du nombre de prévenus au sens strict - non encore jugés - au nombre total d’habitants à un instant donné, ce taux est, en moyenne, de 22 prévenus pour 100 000 habitants pour les pays étudiés. Contrairement à l’indice précédant, il ne dépend pas du nombre de détenus exécutant une peine. Ce taux varie de 8 pour 100 000 en Finlande à 81 pour 100 000 en Estonie (rapport de 1 à 10).

Taux inférieur à 15 p. 100 000 : Angleterre Pays de Galles, Chypre, Finlande et Slovénie,

Taux supérieur ou égal à 15 p. 100 000 et inférieur à 25 p. 100 000 : Catalogne Danemark, Ecosse, Italie, Lettonie. 

Taux supérieur ou égal à 25 p. 100 000 : Espagne (sans la Catalogne), Estonie, France, Hongrie, Irlande du Nord, Lituanie, Luxembourg, Pays Bas, Pologne et Slovaquie.

Définition au sens large de la détention provisoire

* La proportion de détenus sans condamnation définitive en % (indice E du tableau). Rapport du nombre de prévenus au sens large au nombre total de détenus à un instant donné, cette proportion est, en moyenne, de 29 % pour les pays étudiés. Elle varie de 12 % en Finlande à 58 % au Luxembourg.

* L’indicateur de la durée moyenne de détention provisoire, au sens large (indice F du tableau), exprimé en mois. La durée moyenne de détention est de 3,5 mois (3 mois et 15 jours). Elle varie de 0,6 mois en Lituanie à 8 mois en Slovaquie.

On pourra se reporter à SPACE, sur le site internet du Conseil de l’Europe, pour avoir plus de précisions sur ces données.
 
 Données au 1er septembre 2004

A : Nombre total de personnes détenues
B : Taux de détention pour 100 000 habitants
C : proportion de détenus non jugés (pas encore de décision d’un tribunal dans l’affaire concernée), en %
D : Taux de détenus non jugés (au sens de C) pour 100 000 habitants
E : Proportion de détenus sans condamnation définitive en %
F : Indicateur de la durée moyenne de détention provisoire (au sens de E), exprimé en mois 

Références bibliographiques

Conseil de l’Europe, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, recommandation N°R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres le 30 septembre 1999 et rapport élaboré avec l’assistance de A. Kuhn, P. Tournier et R. Walmsley, coll. Références juriques, 2000, 212 pages .
- Council of Europe, Prison overcrowding and prison population inflation, recommendation N°R (99) 22, adopted by the Comity of Ministers on 30 september 1999 and report prepared with the assistance of A. Kuhn, P. Tournier and R. Walmsley, coll. Legal Issues, 2000, 206 pages .

Conseil de l’Europe, Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe (SPACE I), enquête 2004, Conseil de coopération pénitentiaire, PC-CP (2005) 25, 2005.

Kensey (A), Tournier, Surpeuplement carcéral et aménagement des courtes peines, au 1er janvier 2006. Méthodologie, Direction de l’administration pénitentiaire, Concepts et Méthodes, n°24, mars 2006, 60 pages.

Tournier (P-V), La détention provisoire et sa mesure, Les presses de l’Université de Montréal, Criminologie, XXVIII, 1995, 27-41.

---, La prison à la lumière du nombre : démographie carcérale en trois dimensions, Université Paris I Panthéon Sorbonne, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, publié par le CESDIP, 1996, 200 pages.

---, Detention stocks, flows and durations, modes of turnover of prison populations, in Prison Population in Europe and in North America, Problems and Solutions, HEUNI, Helsinki, 1997, 67-91.

---, La collecte des données relatives à la criminalité et à la justice pénale dans le contexte du Conseil de l’Europe, in Actes de la XIIe conférence des directeurs d’administration pénitentiaire (CDAP), Conseil de l’Europe, 1999, 35-44.
- The collection of crime and criminal justice statistics in the context of the Council of Europe, in Proceedings 12th Conference of Directors of Prison Administration (CDAP), 1999, 33-42.

---, Alternatives à la détention en Europe, Questions Pénales, 2002, XV, 4, 4 pages.
- Alternatives to detention in Europe, Penal Issues, 2003, 14, 15-17.

---, Lutter contre le crime en Europe : l’arme des droits fondamentaux, Conférence inaugurale du congrès pénitentiaire international sur « La fonction sociale de la politique pénitentiaire », organisé à Barcelone, les 30 et 31 mars et 1er avril 2006 par le ministère de l’Intérieur et le département de la Justice de Catalogne, 2006, 11 pages.

---, Détention, alternatives à la détention : comment décrire l’état des lieux ? Approche conceptuelle, Champ pénal, Penal Field, Nouvelle revue française de criminologie, New French Journal of Criminologie, « champpenal.revues.org », à paraître.

*** LE KIOSQUE ***

- 2. - La Sous-direction de la Statistique, des Études et de la Documentation (DAGE) nous informe de la mise en ligne récente de l’édition 2006 de l’Annuaire Statistique de la Justice ainsi que le numéro 88 d’Infostat Justice, donnant la proportion des condamnés de 2004 en état de récidive [1].

- Irvin Waller, “Less Law, More Order. The Truth about Reducing Crime”, 2006, Greenwood, 184 pages,

Description : Each year 24 million Americans are victims of crime. US taxpayers spend more and more each year on police, prisons and judges - a record $200 billion at last count. They incarcerate more and more persons each year - two million plus. Yet prestigious commissions show not only that this standard way of responding to crime is ineffective but that there is scientific proof that many projects that tackle risk factors that cause crime are effective. Rather than sending more people to jail or hiring more and more police, the author, and the research, shows that addressing problems in the community does more to prevent crime. This timely book illustrates in convincing detail what needs to be done to prevent crime and keep people out of prison.

Here, Waller shows that hiring public health nurses and investing in helping youth at risk to complete school and get job training is better than hiring more police ; preventing family violence, banning hand guns and dealing with drugs through public health saves more lives than incarceration ; getting close neighbors to watch out for us and better industrial design are more effective than criminal courts ; smarter policing is better than more police ; paying for services to support victims and guaranteeing them rights is better than more rhetoric. Addressing the social issues that lead to crime, rather than addressing crime after it happens, or putting stiffer penalties in place, will contribute to creating a safer society and to keeping kids and adults from taking the wrong path toward a life of crime.

List Price : $39.95 0-275-99077-X Pages : 184 Publication : 8/30/2006
To order, visit www.greenwood.com,

- 3. - Des Maintenant en Europe, « Réformes pénales. Deux ou trois choses que j’attends d’elles, 2006, 16 pages [ce document peut vous être adressé, gracieusement, sur simple demande, par courriel]

« Ces 77 propositions faites aux forces progressistes, politiques, syndicales et associatives, dans la perspective des échéances politiques de 2007, ne cherchent pas à aborder tous les aspects de la question pénale, loin s’en faut. Elles se limitent aux domaines où nous avons pu participer, ces dernières années, à une réflexion collective entre chercheurs, universitaires, acteurs de la Justice pénale, militants politiques, syndicaux ou associatifs et personnes placées ou ayant été placées sous main de Justice »

Sommaire

1 - Connaître pour agir
2 - Une nouvelle échelle des peines pour la France, pour l’Europe ?
3 - Procédure (pour mémoire)
4 - Une politique d’exécution des mesures et sanctions pénales déflationniste
 quant au recours à la détention
5 - Numerus clausus du placement sous main de Justice
6 - Citoyennes et citoyens détenus
7 - Pour une réforme globale de l’aménagement des peines privatives de liberté
8 - Connaître pour Lutter contre la récidive des infractions pénales

* Contact : pierre-victor.tournier@wanadoo.fr

*** PARIS, RIVE GAUCHE, RIVE DROITE ***

 - 4. - Université Paris 1. Panthéon-Sorbonne, Centre d’histoire sociale du XXe s.

Séminaire d’été francophone, sous la direction scientifique de Pierre V. Tournier

Mardi 25 juillet 2006 (18h30 - 20h.) 

L’Estran, 10 rue Ambroise Thomas, Paris IXe (Métro Bonne Nouvelle)

 Sécurité, justice, prisons, le rôle des intellectuels dans le débat public

5ème séance - Conférence débat de Jeffrey IAN ROSS, Associate Professor, Division of Criminology, Criminal Justice and Social Policy, and Fellow, Center for Comparative and International Law, University of Baltimore (USA) à propos de son livre “Convict Criminology”, publié, en 2003, sous sa direction et celle de Stephen C. RICHARDS, associate professor of Sociology and Criminology at University of Wisconsin (USA).

Jeffrey IAN ROSS interviendra en français.

Entrée libre et gratuite, sans inscription.

Attention : la réunion se tient cette fois-ci à L’Estran, dans le IXe et non à la Cité Saint-Martin comme indiqué par erreur dans Le Monde Diplomatique de juillet.

*** ESPACE MILITANT ***

 - 5. - Dossier dans Le Monde Diplomatique, « La psychiatrie emportée par la tourmente sécuritaire », juillet 2006, 18-19.

Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1. Panthéon Sorbonne)
pierre-victor.tournier@wanadoo.fr

Notes:

[1A ne pas fondre avec les donnée des enquêtes de socio-démographie pénale reposant, sur l’observation suivie de la récidive et réalisées par la direction de l’Administration pénitentaire en cooperation avec l’Université Paris 1.